L’Encyclopédie/1re édition/CHAMBRE

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CHAMBRE. s. f. (Architecture.) Ce mot désigne un lieu destiné à plusieurs usages dans l’Architecture : car on dit chambre d’écluse pour signifier l’espace du canal qui se trouve compris entre les deux portes d’une écluse ; chambre de port pour désigner la partie du bassin d’un port de mer la plus retirée & la moins profonde, où l’on tient les vaisseaux desarmés pour les réparer ; chambre civile ou criminelle, pour parler d’un lieu où est placé un tribunal destiné pour rendre la justice, comme au Palais, au Châtelet ; chambre du throne, celle où le prince reçoit avec magnificence les ambassadeurs des cours étrangeres, & dans lequel est pratiquée une estrade couverte d’un dais, comme celle des appartemens du Roi à Versailles ; chambres du dais, celles qui précédent ordinairement les salles d’assemblée se nomment ainsi, parce que dans l’un des côtés est placé un dais fort élevé sous lequel un grand seigneur donne ses audiences par cérémonies & par distinction.

Chambre du conseil, celle où dans une maison royale, comme à Versailles ou Fontainebleau, s’assemblent les conseillers d’état, par ordre de Sa Majesté, pour y conférer ensemble des intérêts publics, du bien de l’état, de la marine, du commerce, &c. On appelle cabinet du conseil le lieu où l’on traite des affaires particulieres.

On appelle aussi chambre du conseil, dans une ville de guerre, le lieu où les principaux officiers s’assemblent pour y conférer ou juger des affaires militaires ; ainsi qu’on appelle à Paris chambre du conseil, aux Invalides, celle où le gouverneur & autres officiers s’assemblent pour mettre ordre & juger les différens qui surviennent dans la maison : & chambre de communauté, pour indiquer une salle où les syndics de chaque profession s’assemblent pour recevoir maîtres des artisans qui font chef-d’œuvre, &c. Mais en général le mot de chambre exprime la piece d’un appartement destiné au sommeil, & alors on l’appelle, selon la dignité des personnes qui l’habitent, & la décoration dont elles sont revêtues, chambre de parade, chambre à coucher, à alcove, en niche, en entresolles, en galetas, &c.

Celles de parade font partie des appartemens d’une maison considérable, & ne servent extraordinairement que pour coucher par distinction des étrangers du premier ordre, ce lieu contenant ordinairement les meubles les plus précieux.

Les chambres à coucher sont aussi dans de grands bâtimens des pieces considérables, destinées pour le maître ou la maîtresse du logis. Pour plus de magnificence, on pratique dans ces chambres des estrades, sur lesquelles s’elevent des colonnes qui séparent le lieu où est placé le lit d’avec le reste de la piece : ces colonnes y sont d’autant mieux placées aujourd’hui qu’elles en divisent la décoration en deux especes, c’est-à-dire que le lieu où est placé la cheminée peut être revêtu tout de menuiserie, pendant que celui où est le lit est garni d’étoffe, ce qui rend cet espace plus du ressort d’une chambre destinée au repos : aussi ne fait-on plus guere d’usage des tapisseries que dans le cas dont il s’agit, & pour les premieres, secondes antichambres, & salles d’assemblée, ou bien dans les cabinets de tableaux, de toillette, &c. toutes les autres pieces d’un appartement se décorant pour la plûpart de menuiserie, de sculpture, peintures & dorure.

L’usage qui a fait substituer les lambris aux tapisseries a fait aussi rejetter l’habitude de laisser cette même menuiserie dans sa couleur naturelle, de maniere qu’on colore presque tous les lambris en blanc, en couleur d’eau, en jonquille lilas, &c. dont on dore les moulures & les ornemens, ou bien l’on peint seulement tous les fonds d’une de ces couleurs, & la sculpture & les cadres d’une teinte plus pâle que le reste, ce qui par économie tient lieu de dorure, & ne laisse pas de faire un bel effet. De toutes ces couleurs le blanc a le plus d’éclat, mais l’expérience a fait connoître que les lumieres gâtoient en fort peu de tems ces lambris ; ce qui lui fait préférer les autres couleurs dont nous venons de parler, sur-tout dans les chambres à coucher, où cette couleur semble être hors de convenance, non seulement à cause de l’usage auquel elle est destinée, mais encore parce qu’elle ressemble trop au plâtre ou à la pierre, qui ne paroît pas être faite pour rendre un lieu sain & salubre. Il est vrai que l’or a plus d’éclat sur le blanc que sur toutes les autres couleurs, mais la vraissemblance doit l’emporter sur les autres considérations ; & d’ailleurs la nécessité où l’on a été presque par rapport à tous nos beaux appartemens en France, soit à Choisy, soit au palais Bourbon à Paris, & aux hôtels de Soubise, de Villars, de Villeroi, & autres, de regratter au bout de quelques années ces lambris, pour les repeindre à neuf, sans avoir joüi de leur éclat que pendant un très-court espace de tems, doit en faire éviter l’usage dans les chambres à coucher, pour les raisons que nous venons de dire, & généralement dans toutes les pieces de grandeur moyenne sujettes à recevoir en hyver nombreuse compagnie, grand feu & grandes lumieres ; telles que sont les salles à manger, salles de société, de jeu, de concert, de bal, &c. Il faut les réserver seulement pour les lieux spacieux qui pourroient être construits de marbre blanc, de stuc, de pierre de liais ou de plâtre, tels que les grands vestibules, comme celui de Clagni, sa grande galerie, le sallon à double étage de Marli & de Montmorenci, & autres lieux, tels que les péristiles, les porches, colonnades, grands escaliers, &c.

Il est quatre choses également intéressantes à observer dans la disposition d’une chambre à coucher : la premiere que sa forme en général soit toûjours plus profonde que large ; elle peut être quarrée depuis le devant des croisées jusqu’à l’estrade, mais toute la profondeur de l’alcove doit excéder le quarré ; ou quand il n’y a point d’estrade, le pié du lit doit terminer à-peu-près un des côtés du quarré : la seconde, c’est que les croisées d’une chambre à coucher soient toûjours en face du lit ; toute autre situation est desagréable sur-tout dans un appartement susceptible de quelque décoration : la troisieme, que les cheminées soient placées de maniere qu’elles marquent le milieu de la piece depuis les croisées jusqu’à l’estrade, & qu’elles soient situées du côté opposé à la principale entrée de la piece : la quatrieme, que les portes, quoiqu’elles soient assujetties à l’enfilade de tout le bâtiment, soient assez distantes du mur de face pour laisser un écoinçon raisonnable entre l’un & l’autre, sans que pour cela elles soient trop près des cheminées, ainsi qu’il s’en voit à l’hôtel de Belleisle où il n’y a à côté de leur jambage qu’une place suffisante pour recevoir le chambranle de la porte.

Ordinairement on affecte sur les murs de refends, pour plus de symmétrie, des portes scintes opposées à celles d’enfilade, qui par cette affectation mettent les cheminées au milieu de la piece ; mais il en résulte un inconvénient, c’est qu’alors il ne reste plus de place raisonnable pour placer des siéges à cause de l’espace qu’occupe le lit ou l’estrade quand on en met une : je dis raisonnable, car il ne paroît pas vraissemblable de placer des siéges devant les ventaux d’une porte qui, quoiqu’elles soient feintes, semblent aux étrangers devoir s’ouvrir ; d’ailleurs leur hauteur en cache la proportion & interrompt l’ordonnance de la piece ; cependant c’est un défaut qu’il est difficile d’éviter. Aussi à l’hôtel de Soubise a-t-on, pour s’en éloigner, affecté seulement le dessus des portes ; mais comme ceux-ci, pour satisfaire à la largeur de ceux qui leur sont opposés, occupent beaucoup d’espace, il en résulte que la partie qui reste depuis le dessus de ce dessous de porte, jusqu’au dessus du lambris d’appui, est trop peu élevée par rapport à sa largeur, & fait un panneau de mauvaise forme ; défaut qui doit porter indispensablement à revêtir cette partie du côté opposé aux portes d’un compartiment qui n’ait rien de commun avec leur ordonnance, ou à souffrir peu de siéges dans ces sortes de pieces. Il est vrai que l’usage d’une chambre à coucher semble en exiger moins que toute autre, & qu’il n’y ait que le cas d’une maladie qui puisse attirer une compagnie un peu nombreuse dans une chambre à coucher ; mais il est de la décence qu’une telle piece en contienne un certain nombre.

La hauteur des chambres à coucher, ainsi que toutes celles d’un appartement un peu considérable, doit être tenue d’une certaine élevation : ordinairement l’on prend la longueur du plus grand côté, puis celle du petit, & la moitié de ces deux quantités la détermine, sur-tout lorsque l’on veut former les plafonds en calotte, à l’imitation des voûtes, d’où le mot de chambre dérive, étant fait du latin carmera, voûte surbaissée, qui vient de carmurus, courbé ou cambré. Ces voûtes avec les corniches peuvent avoir environ le tiers de la hauteur de la piece, & étoient anciennement presque toutes ornées d’architecture, de peinture & sculpture, aujourd’hui la sculpture y préside ; cependant on ne peut disconvenir que la plûpart de ces beaux plafonds qu’on voit au château des Tuileries, à Versailles, à Meudon, à Vincennes & ailleurs, n’ayent des beautés réelles, quoiqu’un peu pesantes pour la plûpart, & ne soient préférables aux ornemens trop legers & sans liaison qu’on affecte sur-tout dans toutes les décorations intérieures. Presque tous les artistes conviennent de ce que j’avance ; nos Architectes même admirent, disent-ils, ces beaux ouvrages du siecle passé, singulierement celui de la galerie du Louvre ; mais tous se laissent entraîner par le torrent, ou se laissent subjuguer par les Sculpteurs. Il n’y a pas jusque dans nos temples où l’on n’ait travesti les décorations, autrefois nobles, simples & majestueuses, tel que le Val-de-grace, les Invalides, la Sorbonne, & autres lieux sacrés, en des compositions remplies d’ornemens bisarres, chimériques & mal entendus, tels qu’il s’en voit à S. Sulpice, & dans presque toutes nos églises modernes.

Les observations que nous venons de faire ne regardent que la décoration ; sans doute cette partie est très-intéressante dans l’Architecture ; mais toute essentielle qu’elle paroisse, elle est dans le cas dont il s’agit ici, insuffisante sans la commodité. Les pieces de maître les mieux décorées sont imparfaites si elles ne sont accompagnées de celles destinées pour leur commodité personelle, & de celles capables de leur procurer le service des domestiques, je veux dire des garderobes, des lieux à soûpape, & enfin des dégagemens assortis à la grandeur du bâtiment, à l’usage des pieces, à l’état & à la différence des deux sexes, qui selon leur âge demandent plus ou moins abondamment de ces garderobes pratiquées, éclairées, & dégagées convenablement ; ce qui prouve l’expérience, l’intelligence, & la ressource du génie de l’Architecte.

Les chambres à alcoves different des précédentes en ce qu’elles exigent moins de décorations, de symmétrie, & de dépense ; mais leur lit doit toûjours se présenter en face des croisées, & l’intérieur de l’alcove être tapissé, à moins que ce ne soit des chambres de peu d’importance, qui ne tiennent point à de grands appartemens. Ces alcoves sont pratiqués par des cloisons de menuiserie, dans l’intention de resserrer l’espace du lit, le rendre moins grand, & par conséquent lui procurer plus de chaleur par le secours des rideaux qui ferment l’ouverture de cet alcove. Les alcoves étoient anciennement fort en usage, & il y a toute apparence qu’ils ont été imaginés pour corriger la profondeur des pieces, qui dans une chambre à coucher doit être moyenne, & pour pratiquer aux deux côtés de son ouverture des garderobes ou cabinets, lorsque les pieces voisines n’en pourroient contenir d’utiles à la chambre à coucher.

Les chambres en niche portent ce nom, parce que leur lit est niché dans un espace qui ne contient que sa grandeur ; alors il est enfermé de trois côtés, & n’a de libre que le devant. Pour la symmétrie, on y affecte deux chevets, & l’on pratique aux deux côtés de cette niche des garderobes, des cabinets, ou des dégagemens. Ces sortes de chambres sont fort d’usage à la campagne ou à la ville dans de petits appartemens d’hyver, leur lit ne tenant pas grande place, & pouvant être placé à côté & non vis-à-vis des croisées indistinctement. Elles sont encore fort commodes en ce qu’elles n’exigent pas de grande hauteur de planchers ; ce qui les fait placer volontiers dessous ou dans les entresolles.

Les chambres en galetas n’exigent aucune décoration, étant souvent destinées pour les domestiques ou pour les officiers de la maison, qui alors y pratiquent des alcoves, des niches, &c. (P)

* Il y a peu de termes dans la langue qui ait autant d’acceptions figurées que le mot chambre. On a transporté ce mot des endroits appellés chambres, où des personnes s’assembloient pour différentes affaires, aux personnes même assemblées ; & de l’espace renfermé par des murs, & percé d’une porte & de fenêtres qui forment la chambre prise au simple, on l’a appliqué à tout autre espace qui a dans les Arts quelque analogie, soit avec les usages de cette partie d’un appartement, soit avec sa figure.

Chambre, en matiere de Justice & de Police, s’entend ordinairement du lieu où se tiennent certaines jurisdictions ou assemblées pour le fait de la justice ou police. Quelquefois le mot chambre se prend pour la compagnie même qui s’assemble dans la chambre. Il y a plusieurs jurisdictions & assemblées auxquelles le titre de chambre est commun, & qui ne sont distinguées les unes des autres que par un second titre qui leur est propre à chacune. On va les indiquer toutes ici, renvoyant néanmoins sous les autres lettres l’explication des jurisdictions dont le nom peut être séparé du mot chambre, ou qui se trouvent liées avec quelque autre matiere.

Chambre des aliénations faites par les gens de main-morte, étoit une commission souveraine établie par lettres patentes du 4 Novembre 1659, registrées en cette chambre le 24 du même mois, pour connoître des aliénations faites par les gens de mainmorte, & pour la recherche, taxe, & liquidation de ce qui devoit être payé par les détenteurs & possesseurs des biens aliénés en conséquence de la déclaration du 20 Décembre 1658.

Chambre d’Anjou, est une des six divisions que l’on fait des auditeurs de la chambre des comptes de Paris, pour distribuer à chacun d’eux les comptes qu’il doit rapporter. Pour entendre ce que c’est que ces divisions, & pourquoi on les appelle chambres ; il faut observer que dans l’ancien bâtiment de la chambre des comptes, qui fut incendié le 28 Octobre 1737, on avoit assigné aux auditeurs sept chambres ou bureaux différens qu’on appella les chambres du thresor de France, de Languedoc, de Champagne, d’Anjou, des Monnoies, & de Normandie. On distribua les comptes dans ces sept chambres, de maniere que l’on assigna à chacune les comptes de certaines généralités. On mit dans celle d’Anjou les comptes de la généralité de Tours, qui comprend l’Anjou & plusieurs autres provinces : les comptes de cette chambre étoient renfermés dans de grandes armoires étiquetées chambre d’Anjou ; & ainsi des autres chambres. On distribua aussi les auditeurs dans ces sept chambres pour les comptes que chacun devoit rapporter ; celle de Normandie fut supprimée, comme on le dira à l’article de cette chambre. Dans le nouveau bâtiment qui a été construit pour la chambre des comptes, on n’a point observé la même disposition que dans l’ancien ; au moyen dequoi les auditeurs au lieu des sept chambres n’en ont que trois ; l’une qu’on appelle la chambre des auditeurs ; les deux autres sont la chambre des fiefs & celle des terriers : mais on a toûjours conservé la division des auditeurs en six chambres, pour la distribution qui leur est faite des comptes ; ensorte que ces chambres ne sont plus des bureaux ou lieux d’assemblée, mais de simples divisions qui changent tous les trois ans. Il n’est pas d’usage de distribuer à chaque auditeur d’autres comptes que ceux qui sont du ressort de la chambre où il est lui-même distribué. Il n’y a point de rang particulier entre ces chambres ou divisions, quoique quelques-uns mettent la chambre du thrésor la premiere, à cause que l’on y comprend les comptes les plus considérables dont M. le premier président fait la distribution. De la chambre d’Anjou dépendent toûjours les comptes de la généralité de Tours. Voyez ci-après Chambre de France, de Languedoc, de Champagne, des monnoies, du thrésor, de Normandie, & l’article Chambre des comptes. (A)

Chambre apostolique ; c’est un tribunal ecclésiastique à Rome, que l’on peut appeller le conseil des finances du pape : le cardinal Camerlingue en est le chef ; les autres officiers sont le gouverneur de Rome qui est vice-Camerlingue, le thrésorier, l’auditeur de la chambre, le président, l’avocat des pauvres, l’avocat-fiscal, le fiscal-général de Rome, le commissaire de la chambre, & douze clercs de la chambre : il y a aussi douze notaires qui prennent le titre de secrétaires de la chambre, & quelques autres officiers.

On traite dans cette chambre les affaires qui concernent le thrésor ou le domaine de l’église & du pape, & ses parties casuelles. On y expédie aussi quelquefois les lettres & bulles apostoliques pour les bénéfices. Cette voie n’est pas la seule pour expédier ces lettres & bulles ; on en expédie aussi, mais rarement, par voie secrete, & plus communément en consistoire & chancellerie. Voyez Consistoire, Chancellerie, & Voie secrete.

La voie de la daterie & de la chambre apostolique sert à faire expédier toutes provisions de bénéfices, autres que ceux qu’on appelle consistoriaux ; on y a recours sur-tout dans les cas fâcheux & difficiles, comme quand il manque à l’impétrant quelques-unes des qualités ou capacités requises, ou qu’il s’agit d’obtenir dispense, ou de faire admettre quelque clause délicate.

On peut faire expédier par la chambre, c’est-à-dire par la voie de la chambre apostolique, tout ce qui s’expédie par consistoire & chancellerie ; mais il en coûte un tiers de plus.

Les minutes des bulles sont dressées par un prélat appellé summiste.

Tous les brefs & bulles expédiés par la chambre, sont inscrits dans un registre, qui est gardé par un autre officier appellé custos registri.

Les livres de la chambre apostolique contiennent une taxe pour le coût des bulles & provisions de certains bénéfices : on attribue cette taxe à Jean XXII. qui envoya des commissaires par toute la chrétienté, pour s’informer du revenu de chaque bénéfice. L’état fait par ces commissaires, est transcrit dans les livres de la chambre : il sert à exprimer la valeur des bénéfices, & à en regler la taxe ou annate. Voyez Annate, Bulles, Provisions, Taxe.

En France, on n’exprime la véritable valeur que des bénéfices taxés dans les livres de la chambre : pour les autres, on expose que la valeur n’excede point vingt-quatre ducats : ceux-ci ne payent point d’annate, Grégoire XIII. les en a déchargés.

La cour de Rome prétend appliquer au profit de la chambre les fruits des bénéfices qui n’ont pas été perçûs légitimement : mais cela n’est point reçû en France. Voyez le commentaire sur les Libertés de l’Eglise Gallicane, art. 51.

Sur les fonctions & droits de la chambre apostolique, voyez le traité de l’usage & pratique de cour de Rome par Castel, avec les notes de Noyer.

Chambre apostolique de l’abbé de sainte Génevieve, est une jurisdiction que l’abbé de sainte Génevieve de Paris a en qualité de conservateur né des priviléges apostoliques, & de député par le saint-siége, pour connoître & juger de toutes sortes de causes entre les gens d’église. Cette chambre avoit autrefois beaucoup de crédit, & un grand ressort : l’appel de ses jugemens étoit porté immédiatement au pape ; mais depuis, le pouvoir de cette chambre a été beaucoup limité. Présentement sa fonction se réduit proprement à décerner des monitoires, lorsque les juges séculiers ordonnent de s’adresser à l’abbé de sainte Génevieve pour cet effet. Cette chambre n’est composée que de l’abbé, du chancelier, & d’un secrétaire. Corrozet, D. fol. 14. A. Sauval, antiq. de Paris, tome III. pag. 239.

Chambre ardente : ce nom fut donné anciennement au lieu dans lequel on jugeoit les criminels d’état qui étoient de grande naissance. Cette chambre fut ainsi appellée, parce qu’elle étoit toute tendue de deuil, & n’étoit éclairée que par des flambeaux : de même qu’on a appellé chapelle ardente, le mausolée garni de flambeaux, que l’on dresse aux personnes de qualité le jour des services solennels qu’on fait pour honorer leur mémoire ; la grande obscurité du deuil faisant paroître les lumieres plus ardentes qu’elles ne seroient sans l’opposition de cette nuit artificielle.

Le nom de chambre ardente fut ensuite donné à une chambre particuliere, établie par François II. dans chaque parlement, pour faire le procès aux Luthériens & aux Calvinistes : elles furent ainsi nommées, parce qu’elles faisoient brûler sans miséricorde tous ceux qui se trouvoient convaincus d’hérésie.

On a appellé par la même raison chambre ardente, une chambre de justice qui fut établie en 1679, pour la poursuite de ceux qui étoient accusés d’avoir fait ou donné du poison. Ce qui donna lieu à l’établissement de cette chambre, fut que deux Italiens, dont l’un se nommoit Exili, avoient travaillé long-tems à Paris à chercher la pierre philosophale avec un apoticaire allemand nommé Glaser, connu par un traité de Chimie qu’il donna en 1665. Ces deux Italiens ayant perdu à cette recherche le peu de bien qu’ils avoient, voulurent réparer leur fortune par le crime, & pour cet effet vendirent secretement des poisons : la marquise de Brinvilliers fut du nombre de ceux qui eurent recours à ce détestable artifice ; & ayant été convaincue d’avoir fait mourir le lieutenant civil d’Aubray son pere, & plusieurs autres personnes de sa famille, ce qui fit donner à ces poisons le nom de poudre de succession, elle fut brûlée à Paris en 1676.

Les suites de cette affaire donnerent lieu en 1679 d’établir une chambre pour la poursuite des empoisonnemens : elle tint d’abord ses séances à Vincennes, & ensuite à l’Arsenal.

Plusieurs personnes de la premiere considération furent impliquées dans cette affaire ; mais il n’y eut de punie que la Voisin, sage-femme à Paris, qui se faisoit passer pour devineresse ; ayant été convaincue de poison, elle fut condamnée au feu & brûlée vive, après avoir eu la main coupée & percée auparavant d’un fer chaud. Elle fut exécutée à Paris le 22 Février 1680.

L’instruction ayant été finie contre ses complices, la chambre ardente mit fin à ses séances.

On donne encore quelquefois le nom de chambre ardente, à certaines commissions ou chambres de justice, établies pour un tems, soit dans l’Arsenal, soit dans quelque province, pour connoître de certaines affaires de contrebandiers, faussaires, & autres accusés de crimes graves, qui ont plusieurs complices. Voyez le diction. de Brillon au mot chambre ardente ; Mezeray, en 1679 & 1680.

Chambre de l’Arsenal ou Chambre royale de l’Arsenal, est une commission qui a été établie à Paris dans l’enclos de l’Arsenal en différentes occasions, pour connoître souverainement de certaines matieres : il y en eut une établie en conséquence de l’édit de 1672, concernant les maladreries ; on l’appelloit aussi la chambre souveraine des maladreries.

Chambres assemblées, se dit lorsque les différentes chambres qui composent une même cour ou compagnie, se rassemblent pour délibérer de quelques affaires communes : telles que réception d’officiers, enregistrement d’ordonnances ou édits, &c. au parlement. L’assemblée se fait en la grand-chambre.

On entend aussi quelquefois au parlement par chambres assemblées, la réunion qui se fait à la tournelle de tous les présidens & conseillers laïques de la grand-chambre, soit qu’ils fussent alors de service à la grand-chambre ou à la tournelle. Les ecclésiastiques, gentilshommes, & officiers royaux, ont le droit de demander d’être ainsi jugés les chambres assemblées : en ce cas, les conseillers des enquêtes qui se trouvent de service à la tournelle, se retirent.

Les chambres des enquêtes & requêtes s’assemblent quelquefois par députés en la premiere des enquêtes, pour délibérer d’affaires qui doivent être ensuite communiquées à toute la compagnie en la grand-chambre : c’est ce que l’on appelle communément l’assemblée du cabinet.

Enfin quelquefois avant de juger une cause, instance ou procès, la chambre où l’affaire est pendante, ordonne qu’il sera demandé avis aux autres chambres ; & alors le rapporteur & le compartiteur, s’il y en a un, ou un autre conseiller, vont recueillir l’avis de chaque chambre ; & l’arrêt qui intervient ensuite, est ce que l’on appelle un arrêt rendu consultis classibus.

Les cas où les chambres peuvent être assemblées sont reglés par diverses ordonnances : entre autres celle de Charles VII. du mois d’Avril 1453, art. 116 & 117 ; celle de Louis XII. du mois de Juin 1510, art. 36, & plusieurs autres.

Chambre basse ou Chambre des communes, est une des deux chambres qui composent le parlement d’Angleterre : l’autre s’appelle la chambre haute. Voyez ci-après Chambre haute.

Celle-ci est appellée chambre basse par opposition à la chambre haute, qui a le premier rang étant composée des seigneurs ou pairs du royaume ; au lieu que la chambre basse n’est composée que des députés des villes, & représente le tiers état.

On l’appelle aussi chambre des communes, parce qu’elle est composée des députés des communes, c’est-à-dire des villes & bourgs qui ont des lettres de commune.

Pour bien entendre de quelle maniere la chambre basse ou des communes a commencé à faire partie du parlement, il faut observer que le parlement d’Angleterre, qui est proprement l’assemblée des états de la nation, ne commença à se former sur ce pié qu’en 1248 : mais il n’étoit encore composé que du haut clergé & de la haute noblesse. Ce n’est qu’en 1264 qu’il soit fait mention pour la premiere fois des communes dans les archives de la nation.

Les députés des communes furent d’abord choisis par le roi : mais après la mort d’Henri III, Edouard I. son fils, étant dans ce moment dans la Palestine où il portoit les armes contre les infideles, il trouva à son retour que les villes & les provinces avoient élu elles-mêmes ceux qui devoient les représenter, & qui dans les regles auroient dû être choisis par le régent du royaume, attendu l’absence du roi : le parlement néanmoins les reçut, & depuis ce tems les communes ont toûjours joüi de ce privilége.

Edouard ayant tenté inutilement de détruire le pouvoir des communes, fut obligé pour appaiser la nation, de convoquer une assemblée, où il assûra lui-même aux communes l’entrée au parlement.

Il ordonna à tous les cherifs d’Angleterre, que chaque comté ou province députât au parlement qui devoit s’assembler, deux chevaliers, chaque cité deux citoyens, & chaque bourg deux bourgeois ; afin de consentir à ce que les pairs du royaume jugeroient à propos d’ordonner, & de l’approuver.

On voit par là que les communes n’avoient point alors voix délibérative, mais seulement représentative. Et en effet, dans les actes authentiques de tous les parlemens convoqués sous ce regne, les députés des communes ne parlent jamais au roi qu’en supplians : ils lui représentent les griefs de la nation, & le prient d’y remédier par l’avis de ses seigneurs spirituels & temporels. Tous les arrêtés sont conçus en ces termes : Accordé par le roi & les seigneurs spirituels & temporels, aux prieres & aux supplications des communes.

Le peu d’autorité qu’avoient alors les députés des communes dans le parlement, fit peut-être penser à Edouard qu’il étoit peu essentiel pour lui de les nommer : mais la suite fit bien-tôt connoître le contraire. Le peuple qui auparavant soûtenoit ordinairement le roi contre les seigneurs, commença lui-même à former des prétentions, & voulut avoir ses droits à part ; & avant même qu’il eût droit de suffrage, il dicta souvent des lois au roi, & régla les résolutions des seigneurs.

Sous Edouard II. le parlement s’arrogea le pouvoir de faire des lois, conjointement avec le roi : mais ce ne fut que sous le regne d’Edouard IV, qui monta sur le throne en 1461, que la chambre basse commença à joüir aussi du pouvoir législatif. On ne sait même pas précisément en quelle année cela fut établi, parce que les titres qui en font mention sont sans date : on conjecture seulement que ce fut à l’avenement d’Edouard IV, qui voulut par là se rendre agréable au peuple. Alors le style des actes du parlement fut changé : au lieu d’y mettre comme auparavant, accordé aux supplications des communes, on mit : accordé par le roi & les seigneurs, avec le consentement des communes.

Le pouvoir des communes augmenta beaucoup sous Henri VII, par la vente que plusieurs seigneurs firent de leurs fiefs, suivant la permission que le roi leur en avoit donnée.

Jacques I. à son avenement, en convoquant le parlement, marqua les qualités que devoient avoir les députés des communes : ce que ses prédécesseurs avoient fait quelquefois, mais seulement par forme d’exhortation.

Sous Charles I. le parlement obtint de ne pouvoir être cassé que du consentement des deux chambres, & dès ce moment son pouvoir ne reconnut plus de bornes.

Cromwel voyant que la chambre haute détestoit ses forfaits, fit déclarer dans celle des communes, qu’à elle seule appartenoit le pouvoir législatif, & qu’on n’y avoit pas besoin du consentement des seigneurs, la souveraine puissance résidant originairement dans le peuple. Bien-tôt après la chambre des pairs fut supprimée, & l’autorité souveraine se trouva toute renfermée dans la chambre des communes. Charles II. rétablit la chambre des pairs.

Le parlement d’Ecosse ayant été uni à celui d’Angleterre en 1707, le nombre des députés des communes fut augmenté de quarante-cinq pour le royaume d’Ecosse.

La chambre des communes est présentement composée d’un orateur, qui est le président de la chambre, de cent quatre chevaliers députés pour les cinquante-deux comtés qui partagent l’Angleterre, y compris vingt-quatre chevaliers pour les douze comtés de la principauté de Galles ; cinquante-quatre citoyens, dont quatre sont députés pour la ville de Londres, & deux pour chacune des vingt-cinq autres cités ; seize barons pour les cinq ports ; deux membres de chacune des deux universités ; environ trois cents trente bourgeois pour les bourgs ou petites villes, qui sont au nombre de cent soixante-huit, & qui envoyent chacune deux députés, & quelquefois un seul ; enfin quarante-cinq membres pour le royaume d’Ecosse ; ce qui fait en total cinq cents cinquante-trois députés, lorsqu’ils sont tous présens ; mais communément il ne s’en trouve guere plus de deux cents.

Il n’y a point de jurisconsultes dans la chambre basse, comme il y en a dans la haute, parce que la chambre basse n’a pas de jurisdiction, si ce n’est sur ses propres membres ; encore ne peut-elle prononcer de peine plus grave que l’amende ou la prison.

Lorsque le roi convoque le parlement, il écrit lui-même à chaque seigneur spirituel ou temporel, de se rendre à l’assemblée pour lui donner conseil ; au lieu qu’il fait écrire par la chancellerie au vicomte de chaque comté, & au maire de chaque ville & bourg, d’envoyer au parlement les députés du peuple, pour y consentir à ce qui aura été ordonné. Dès que ces lettres sont arrivées, on procede à l’élection des députés.

Lorsque le parlement est assemblé à Westminster, les deux chambres déliberent séparément : ce qui a été conclu dans l’une, est communiqué à l’autre par les députés qu’elles s’envoyent. Si elles s’accordent, elles s’expriment en ces termes : Les seigneurs, les communes ont assenti. Si elles sont d’avis différent, les députés de la chambre basse se rendent dans la haute pour conférer avec les seigneurs ; ou bien les deux chambres nomment des députés qui s’assemblent dans une autre chambre, appellée la chambre peinte.

Lorsque les deux chambres s’assemblent ainsi, soit en entier ou par députés, ceux des communes sont toûjours debout & tête nue, au lieu que les seigneurs sont assis & couverts.

Si les deux chambres ne peuvent se concilier, leur délibération est nulle. Il faut aussi le consentement du roi.

Les députés des communes sont considérés dans l’état présent, comme les défenseurs des priviléges de la nation ; c’est pourquoi ils se sont attribué le droit de proposer, d’accorder des subsides au roi, ou de lui en refuser.

Le nombre des députés des communes est fixe ; le roi ou le peuple ne peuvent le diminuer ni l’augmenter : mais il y a beaucoup de députés qui s’absentent ; & en ce cas ils ne peuvent donner leur voix par procureur, comme font les seigneurs. Voyez l’Hist. du parl. d’Angleterre, par M. L. Raynal. (A)

Chambre des Blés, ne fut d’abord qu’une commission donnée à quelques magistrats, par lettres patentes du 9 Juin 1709, registrées au parlement le 13 du même mois, pour l’exécution des déclarations des 27 Avril, 7 & 14 Mai de la même année, concernant les grains, farines & légumes : mais par une déclaration du 11 Juin de la même année, il fut établi une chambre au parlement pour juger en dernier ressort les procès criminels, qui seroient instruits par les commissaires nommés pour l’exécution des déclarations des 27 Avril, 7 & 14 Mai 1709, sur les contraventions à ces déclarations. Il y eut encore une autre déclaration le 25 Juin 1709, pour régler la jurisdiction de cette chambre : elle fut supprimée par une derniere déclaration du 4 Avril 1710. Voyez la compilation des ordonn. par Blanchard, p. 2848 & 2866 ; & le recueil des édits enregistrés au parlement de Dijon.

Chambre de Champagne, est une des six divisions des auditeurs de la chambre des comptes de Paris, pour la distribution que l’on fait à chacun d’eux des comptes de leur département. C’est dans cette division que l’on met tous les comptes de la généralité de Châlons. Voyez ci-devant Chambre d’Anjou.

Chambre civile du Chatelet de Paris, est une chambre du châtelet où le lieutenant civil tient seul l’audience les mercredi & samedi, depuis midi jusqu’à trois ou quatre heures. Un des avocats du roi assiste à cette audience.

On y porte les affaires sommaires, telles que les demandes en congé de maison, payement de loyers (lorsqu’il n’y a point de bail par écrit), ventes de meubles & oppositions, demandes en payement de frais & salaires de procureurs, chirurgiens, medecins, apoticaires, maçons, ouvriers, & autres où il n’y a point de titre, & qui n’excedent point la somme de mille livres. Les assignations s’y donnent à trois jours : on n’y instruit point la procédure ; la cause est portée à l’audience sur un simple exploit & sur un avenir ; les défauts s’obtiennent tous à l’audience, & non aux ordonnances ; les dépens se liquident par sentence à quatre livres en demandant, & trois livres en défendant, non compris le coût de la sentence. Voyez l’arrêt du conseil d’état du 16 Octobre 1685, & l’édit de Janvier 1685, article 13 & 14.

Chambre du Commerce, voyez Commerce.

Chambre des Commissaires du Chatelet, voyez Commissaires du Chatelet.

Chambre de la Commission, étoit anciennement une chambre particuliere dans l’enclos & dépendance de la chambre des comptes de Paris, qui étoit située sous le greffe. C’étoit dans cette chambre que s’exécutoient toutes les commissions où il n’y avoit que des commissaires de la chambre des comptes, si ce n’est qu’ils s’assembloient plus souvent dans la chambre du conseil, comme étant plus commode : ce qui se pratique ainsi aujourd’hui.

Chambre des Communes, voyez ci-devant Chambre basse.

Chambre des Comptes, voyez l’art. Comptes.

Chambre du Conseil-lez-la chambre des comptes, est une chambre particuliere dans l’enceinte de la chambre des comptes de Paris, qui est commune à la chambre des comptes, & aux autres commissaires que le Roi y députe dans des cas particuliers, où il y a toûjours des officiers de la chambre.

Le registre des jugemens rendus en cette chambre commence le 15 Mars 1461 : elle a vraissemblablement été établie en exécution de l’édit de Charles VII. du mois de Décembre 1460, au mémorial L. fol. 203. qui déclare la chambre souveraine, & sans appel de ses arrêts ; mais veut qu’en cas de plainte d’aucun d’iceux, on prenne deux, trois ou quatre du parlement, ou plus si le cas le requiert, pour avec les gens des comptes y pourvoir : ce qui fut confirmé par des lettres de Louis XI. du 23 Novembre 1461, audit mémorial L. fol. 168. v°.

Elle sert à juger les revisions, qui sont une espece de requête civile, & autres affaires que le Roi y renvoye ; comme il appert au mémorial T. fol. 150. en 1497. au journal 5. fol. 19. mém. 2. C. fol. 158. en 1522. au journal X. fol. 291. en 1525. mém. 4. X. fol. 278. en 1604. mém. 2. B. fol. 3. en 1520. mém. 3. F. fol. 1. en 1566. L’exécution s’en trouve au registre du greffe tenu exprès pour la chambre du conseil.

On y tient aussi les chambres de justice, comme appert au cinquieme journal A. R. seconde part. fol. 151. v°. en Juillet 1505. mém. 4. X. 1604. fol. 278. mém. 5. A. 1607. fol. 72. v°. mém. 5. U. 1624. fol. 489. v°. & mém. du 24 Nov. 1661.

On juge aussi les procès criminels par commissaires du parlement & de la chambre, dans les cas de l’ordonnance de 1566. Mém. 3. fol. 1.

Chambre du Conseil, dans les autres tribunaux, est le lieu où on délibere des affaires de la compagnie, & où l’on rapporte les instances & procès par écrit. Elle est ordinairement derriere la chambre de l’audience. Il y a des tribunaux qui n’ont point de chambre particuliere pour le conseil. On y délibere & on y rapporte dans la chambre d’audience, mais à huis clos. Quelquefois par les termes de chambre du conseil, on entend ceux qui composent l’assemblée.

Dans quelques tribunaux une partie des juges est distribuée pour faire le service de la chambre du conseil ; & cette division s’appelle la chambre du conseil.

François I. par un édit du mois de Juin 1544, établit une chambre du conseil au parlement de Paris, pour juger les appellations verbales appointées au conseil. Les conseillers de la grand’chambre devoient être divisés en trois colonnes ; une pour servir à la chambre du plaidoyer, une à la tournelle, & l’autre à la chambre du conseil. Cette distinction de la chambre du conseil ne subsiste plus.

Par édit du mois de Mars 1477, il avoit été aussi établi une chambre du conseil au parlement de Dijon.

Au châtelet de Paris, le service des conseillers est partagé entre quatre chambres différentes ; savoir, le criminel ou la chambre criminelle, le parc civil, le présidial, & la chambre du conseil. C’est dans cette chambre du conseil que l’on rapporte toutes les affaires appointées. Les conseillers qui sont de cette chambre ne font point d’autre service pendant ce tems. Ils sont distribués en quatre colonnes ou divisions, qui changent tous les mois de service ; de maniere que chaque colonne remplit alternativement le service de la chambre du conseil, & y revient tous les trois mois, & ainsi des autres services. Voyez la compilation des ordonnances par Blanchard, & l’art. Chatelet.

Chambre des conseillers généraux sur le fait des aides ; c’étoit la jurisdiction des généraux des aides. Elle est ainsi nommée dans une ordonnance de Charles V. du 6 Décembre 1373, art. 2. Voyez Aides, Cour des Aides, Généraux des Aides.

Chambre des Consultations, est un lieu dans le palais où les avocats au parlement donnent des consultations, soit verbales ou par écrit. Ceux qui viennent au palais pour consulter, peuvent appeller à cet effet un ou plusieurs avocats ; & comme il se fait souvent dans le même tems plusieurs consultations, il y a aussi, pour la facilité de l’expédition, plusieurs chambres des consultations. On choisit communément les avocats que l’on veut consulter, au pilier des consultations, où il se fait aussi quelquefois des consultations verbales.

Le bâtonnier, les anciens bâtonniers, & autres anciens avocats, s’assemblent quelquefois en la principale chambre des consultations, pour délibérer entre eux des affaires de l’ordre. Le 14 Mai 1602, les avocats, au nombre de trois cents sept, partirent deux à deux de la chambre des consultations, & allerent poser leur chaperon au greffe, déclarant qu’ils ne vouloient plus faire la profession.

Les avocats des autres parlemens ont aussi leurs chambres des consultations. Voyez Avocat, Batonnier, Consultation, Pilier des Consultations.

Chambre de la Correction, voyez Correcteur des Comptes.

Chambre de la Couronne de France, étoit anciennement une chambre du thrésor ou du domaine : une ville étoit appellée chambre du roi, pour dire qu’elle étoit de son domaine. La Rochelle est qualifiée de chambre spéciale de la couronne de France, specialem cameram coronæ Franciæ, dans des priviléges accordés à cette ville par Charles V. le 8 Janvier 1372. Il y avoit plusieurs de ces chambres du domaine. Elles sont aussi appellées, tantôt chambre du roi, tantôt chambre royale. Orléans étoit anciennement la chambre spéciale & élue des rois de France, suivant des lettres patentes de Charles V. du mois de Septembre 1375. Saint-Antonin en Languedoc est aussi appellé notable chambre du roi, dans des lettres de 1370. Voyez les ordonnances de la troisieme race, & au mot Domaine.

Chambre criminelle du Parlement, ou de la Tournelle criminelle, voyez ci-après Tournelle criminelle.

Il y a eu aussi au parlement de Rouen une chambre criminelle, créée par François I. le 14 Avril 1545, pour juger des affaires concernant les hérésies de Luther & de Calvin qui commençoient à se répandre. Cette chambre étoit différente de celle de la tournelle du même parlement, qui est destinée à connoître des matieres criminelles en général, comme celles des autres parlemens. Il y a apparence qu’elle fut supprimée en 1599, lorsqu’on établit à Rouen une chambre de l’édit en 1599. Voyez le recueil d’arrêt de réglement par M. Froland, Part. II. c. xv. pag. 369. & ci-après Chambre de l’Edit.

Chambre criminelle du Chatelet de Paris, est celle où se jugent les affaires criminelles. Le lieutenant criminel y préside. Il juge seul avec un des avocats du roi les matieres de petit criminel, où il ne s’agit que d’injures, rixes, & autres matieres legeres qui ne méritent point d’instruction. A l’égard des procès de grand criminel, il les juge assisté des conseillers du châtelet qui sont de la colonne du criminel, c’est-à-dire, qui sont de service au criminel ; ce qu’ils font quatre mois de l’année, un mois dans chaque trimestre ; étant distribués pour le service en quatre colonnes, qui changent tous les mois, comme il a été dit ci-devant au mot Chambre civile. Voyez ci-après Chatelet & Lieutenant criminel. (A)

Chambre des Décimes, voyez Décimes.

Chambre aux Deniers, (Hist. mod.) est la chambre où se reglent & se payent toutes les dépenses de bouche de la maison du Roi. Elle a trois thrésoriers, & chacun d’eux a soin dans son année d’exercice de solliciter les fonds pour la dépense de la maison du Roi, & de payer les officiers chargés de cette dépense. Ils ont sous eux deux contrôleurs pour viser les ordonnances de payement ; & ces thrésoriers sont subordonnés au grand-maître de France. (a)

Chambre diocésaine du Clergé, est la même que la chambre des décimes. On l’appelle aussi bureau diocésain du clergé. Voyez Décimes.

Chambre du Domaine, voyez Domaine.

Chambre dorée du Palais, ou Grand-Chambre du Parlement : on l’appelloit alors la chambre dorée, à cause de son plafond fait du tems de Louis XII. qui est doré d’or de ducat. Guillaume Poyet, chancelier de France, fut condamné par arrêt de la cour du parlement de Paris du 23 Avril 1545, en la chambre dorée du palais. Voyez Grand’Chambre.

Chambre ecclésiastique, voyez Décimes.

Chambre élue du Roi, voyez Chambre de la Couronne.

Chambre des Elus généraux des Etats de Bourgogne, voyez Etats de Bourgogne.

Chambre des Enquêtes, V. Enquêtes. (A)

Chambre de l’Etoile, ou camera stellata, (Hist. mod.) elle tiroit ce nom de ce que le plafond en étoit autrefois parsemé d’étoiles. Elle est fort ancienne ; mais son autorité avoit été sur-tout fort augmentée par les rois Henri VII. & Henri VIII. lesquels ordonnerent par deux statuts différens que le chancelier, assisté des personnes y dénommées, pourroit y recevoir des plaintes ou accusations contre les personnes qu’on auroit gagées pour commettre des crimes, corrompre des juges, maltraiter des sergens, & autres fautes semblables, qui par rapport à l’autorité & au pouvoir de ceux qui les commettent, n’en méritent que plus d’attention, & que des juges inférieurs n’auroient point osé punir, quoique le châtiment en soit très-important pour l’exécution des jugemens.

Cette chambre de l’étoile ne subsiste plus : sa jurisdiction, & tout le pouvoir & l’autorité qui lui appartenoient, ont été abolis le premier d’Août 1641, par le statut xvij. car. 1. chamb.

Chambre de France, est l’une des six divisions que l’on fait des auditeurs de la chambre des comptes de Paris, pour leur distribuer les comptes. De cette chambre dépendent les comptes de cinq généralités ; savoir, Paris, Soissons, Orléans, Moulins, & Bourges. Voyez ci-devant Chambre d’Anjou. Voyez aussi Comptes.

Chambre des Francs-Fiefs, voyez Franc-Fiefs.

Chambre des Fiefs, à la chambre des comptes de Paris, est le lieu où l’on conserve le dépôt des fois & hommages, & aveux & dénombremens rendus au Roi. Ce sont des auditeurs des comptes qui en délivrent des copies collationnées, en vertu d’arrêt de la chambre des comptes.

Grand-Chambre, ou Chambre du Plaidoyer, est la premiere & la principale chambre de chaque parlement : c’est le lieu où toute la compagnie se rassemble, où le Roi tient son lit de justice. On y fait les enregistremens, on y plaide les appellations verbales, les appels comme d’abus, les requêtes civiles, & autres causes majeures, cette chambre étant destinée principalement pour les audiences.

Quelquefois par le terme de grand’chambre, on entend les magistrats qui y tiennent leurs séances.

La grand’chambre du parlement de Paris, qui est la plus ancienne de toutes, & dont les autres ont emprunté leur dénomination, a été ainsi appellée grand’chambre, par contraction de grande chambre, parce qu’en effet c’est une chambre fort vaste : elle fut aussi nommée la grand’voûte, parce qu’elle est voûtée dessus & dessous, & que la voûte supérieure a beaucoup de portée : elle est aussi appellée quelquefois la chambre dorée, à cause de son ancien plafond qui est doré. Voyez Chambre dorée.

Elle étoit d’abord nommée la chambre des plaids, camera placitorum, suivant une ordonnance de 1291 ; on ne lui donnoit point encore le surnom de grand-chambre, quoiqu’il y eût dès-lors une ou deux chambres des enquêtes. On l’appelloit aussi quelquefois le parlement simplement, comme étant le lieu d’assemblée de ceux qui composoient principalement le parlement. C’est ainsi que s’explique une ordonnance du 23 Mars 1302, par laquelle, attendu qu’il le présentoit au parlement de grandes causes & entre de notables personnes, il ordonna qu’il y auroit toûjours au parlement deux prélats & deux laïcs de son conseil.

Pasquier, liv. II. ch. iij. rapporte aussi une ordonnance ou réglement de 1304 ou 1305, qui fixe le nombre de ceux qui devoient composer le parlement, & ceux qui devoient être aux enquêtes ; savoir, au parlement deux prélats, treize clercs, & treize laïcs.

Une autre ordonnance de Philippe V. dit le long, du 17 Novembre 1318, fait connoître que le roi venoit souvent au parlement, c’est-à-dire en la grand’chambre, pour oüir les causes qu’il s’étoit reservées. Ces causes étoient publiées d’avance ; & pendant qu’on les plaidoit, toutes les autres affaires demeuroient en suspens. On y faisoit aussi des réglemens généraux en présence du roi, & ces réglemens étoient de véritables ordonnances.

Philippe V. ordonna aussi en 1319, qu’il n’y auroit plus de prélats députés en parlement, c’est-à-dire en la grand’chambre ; mais qu’il y auroit un baron ou deux, outre le chancelier & l’abbé de Saint-Denis, & qu’il y auroit huit clercs & douze laïcs.

La premiere fois qu’il est parlé de la grand’chambre, est dans une ordonnance de Philippe VI. en 1342.

Dans une autre ordonnance du même roi du 11 Mars 1344, on trouve un état de ceux qui étoient nommés pour tenir la grand’chambre ; savoir, trois présidens, quinze clercs, & quinze laïcs ; & l’on y remarque une distinction entre les conseillers de la grand’chambre & ceux des enquêtes & des requêtes : c’est que quand les premiers étoient envoyés en commission, on leur passoit en taxe pour leur voyage six chevaux ; au lieu que les autres n’en pouvoient avoir que quatre.

La grand’chambre est nommée simplement camera parlamenti, à la fin d’une ordonnance de 1340, enregistrée le 17 Mai 1345 ; & l’on voit qu’elle étoit composée de trente-quatre clercs, dont étoient deux évêques & vingt-quatre laïcs : elle est encore nommée de même dans des ordonnances de 1363 & de 1370.

Il y avoit en 1359 quatre présidens ; mais il fut arrêté que la premiere place vacante ne seroit point remplie ; qu’il n’y auroit à l’avenir en la grand’chambre que quinze conseillers clercs, & quinze laïcs, sans compter les prélats, princes & barons, dont il y auroit tel nombre qu’il plairoit au Roi, parce que ceux-ci n’avoient point de gages.

Charles V. en 1364, nomma pour la chambre du parlement quatre présidens, quinze conseillers clercs, treize conseillers laïcs.

Les ordonnances lûes & publiées en la grand-chambre, étoient ensuite publiées à la porte du parlement, c’est-à-dire de la grand’chambre.

Charles VII. en 1453, ordonna que la grand-chambre seroit composée de quinze conseillers-clercs, & quinze laïcs, outre les présidens qui étoient toûjours au nombre de quatre.

Présentement la grand’chambre est composée du premier président, & de quatre présidens au mortier, de douze conseillers-clercs qui se mettent du même côté, c’est-à-dire sur le banc à gauche du premier président : sur le banc à droite sont les princes du sang, les six pairs ecclésiastiques, les pairs laïcs, les conseillers d’honneur, les maîtres des requêtes, qui ne peuvent y entrer qu’au nombre de quatre, le doyen des conseillers laïcs, les présidens honoraires des enquêtes & requêtes, & le reste des conseillers laïcs, qui sont au nombre de vingt-un.

Les trois avocats généraux assistent aux grandes audiences, & M. le procureur général y vient aussi quelquefois lorsqu’il le juge à propos.

La grand’chambre du parlement de Paris connoît seule dans tout le royaume des causes des pairs, & des matieres de régale.

On donne dans cette chambre deux audiences le matin : la premiere, que l’on appelle la petite audience, parce qu’elle est moins solennelle ; la cour s’y tient sur les bas siéges, & l’on n’y plaide que les affaires les plus sommaires : la seconde, qu’on appelle la grande audience, où l’on plaide les lundi & les mardi les causes des rôles des provinces du ressort : MM. les présidens y sont en robes rouges, de même qu’à la grande audience du jeudi, où l’on plaide d’autres causes de toutes sortes de provinces du ressort du parlement : les autres jours on expédie à la seconde audience de moindres affaires ; les mercredi & samedi on plaide les réglemens de juges, appels de sentences de police, &c.

Le mardi & vendredi il y a audience de relevée en la grand’chambre ; c’est le plus ancien des présidens au mortier qui y préside.

Le vaisseau de la grand’chambre qui avoit été décoré par Louis XI. a été réparé & embelli considérablement en l’état qu’il est présentement en 1722 : on n’a conservé de l’ancienne décoration que le plafond. Pendant cette réparation, la grand’chambre tenoit ses séances en la salle saint-Louis, ou chambre de la tournelle. Voyez les ordonnances de la troisieme race ; les recherches de Pasquier. Miraulmont sur l’origine & instit. des cours souver. Joli, des offic. de France, & les articles Chambre des Enquêtes, Parlement, Tournelle, Premier Président, Président au Mortier, Conseiller de Grand’Chambre.

Chambre haute du Parlement d’Angleterre, est la premiere des deux chambres qui composent ce parlement. C’est la même qu’on appelle aussi chambre des pairs ou des seigneurs. Quelquefois par le terme de chambre haute, on entend la chambre même ou salle en laquelle les seigneurs s’assemblent dans le palais de Westminster : mais par ce terme de chambre haute, on entend plus communément ceux qui composent l’assemblée qui se tient dans cette chambre. On a donné à cette assemblée le nom de chambre haute, parce qu’elle est composée de la haute noblesse, c’est-à-dire des pairs du royaume, qui sont considérés comme les conseillers nés héréditaires du roi dans le parlement. Les historiens d’Angleterre, en parlant du haut clergé & de la haute noblesse, font remonter l’origine du parlement jusqu’aux premiers successeurs de Guillaume le conquérant : mais le nom de parlement ne commença à être usité qu’à Oxford en 1248 ; & ce n’est qu’en 1264 qu’il est fait mention pour la premiere fois des communes ; de sorte que l’on peut aussi rapporter à cette derniere époque la distinction de la chambre haute & de la chambre basse. L’assemblée des pairs ou seigneurs, composée du haut clergé & de la haute noblesse, fut appellée la chambre haute pour la distinguer de l’assemblée des communes ou députés des provinces & villes que l’on appella chambre basse, comme étant d’un rang inférieur à celui de la chambre haute : celle ci est la premiere par son rang, & l’autre par son crédit.

La chambre haute est composée des deux archevêques & évêques de la grande Bretagne, & des dues, comtes, vicomtes, & barons du royaume.

Elle eut seule le pouvoir législatif jusqu’au regne d’Edouard IV. en 1461, sous lequel la chambre basse commença à joüir du même pouvoir.

Le parlement obtint sous Charles I. de ne pouvoir être cassé que du consentement des deux chambres.

L’usurpateur Cromwel voyant que sa conduite étoit odieuse à la chambre haute, la supprima, & déclara que le pouvoir législatif appartenoit tout en entier à la chambre des communes ; mais Charles II. rétablit la chambre haute.

Lorsque le parlement d’Ecosse fut uni à celui d’Angleterre, ce qui arriva en 1707, la chambre haute fut augmentée des seize pairs d’Ecosse.

Il n’est cependant pas possible de fixer le nombre des pairs séculiers qui ont entrée à la chambre haute, ce nombre étant arbitraire & dépendant du roi : fous Guillaume III. en 1689, il montoit à 190 personnes.

C’est dans le palais de Westminster que s’assemblent les deux chambres.

Outre les pairs qui composent la chambre haute, on y admet des jurisconsultes, à cause que cette chambre a une jurisdiction ; mais ces jurisconsultes n’y ont que voix consultative. Voyez l’histoire du parlement d’Angleterre par M. l’abbé Raynal, & ci-devant au mot Chambre basse. (A)

Chambre des Hôpitaux, voyez Chambre des Maladreries. (A)

Chambre impériale, (Jurisp. & Hist. mod.) en latin judicium camerale. On nomme ainsi le premier tribunal de l’empire Germanique. Il fut établi en l’année 1495, dans la diete de Worms, par l’empereur Maximilien I. & par les princes & états, pour rendre en leur nom la justice à tous les sujets de l’empire. Suivant le traité de Westphalie, ce tribunal devroit être composé d’un grand juge, de quatre présidens, dont deux catholiques romains, & deux protestans, & de cinquante assesseurs, dont vingt-six catholiques, & vingt-quatre protestans. Mais le peu d’exactitude que les princes d’Allemagne ont eu de payer les sommes nécessaires pour salarier ces juges, a été cause qu’il n’y a jamais eu au-delà de deux présidens, & de dix-sept assesseurs, qui est leur nombre actuel. Il y a outre cela un fiscal, un avocat du fisc, & beaucoup d’officiers subalternes. L’empereur seul établit le grand juge & les deux présidens ; mais les cercles & états de l’empire présentent les assesseurs.

Ce tribunal respectable ne connoît en premiere instance que des causes fiscales, & de l’infraction de la paix religieuse ou profane ; pour les autres causes civiles & criminelles, elles n’y sont portées qu’en seconde instance : elles s’y jugent en dernier ressort, sans qu’on puisse appeller de la sentence ; mais on peut en certains cas en obtenir la revision, & pour lors cette revision se fait par les commissaires établis par l’empereur & les états de l’empire. Comme l’exécution des sentences de la chambre impériale souffre souvent des difficultés, parce qu’il est quelquefois question de faire entendre raison à des princes puissans, & fort peu disposés à se rendre lorsqu’il est question de leur intérêt ; on a souvent délibéré dans la diete de l’empire sur les moyens de donner de l’efficacité à ces jugemens ; cependant la chambre impériale, après avoir rendu une sentence, a le droit d’enjoindre aux directeurs des cercles, ou aux princes voisins de ceux contre qui il faut qu’elle s’exécute de les contraindre en cas de résistance, même par la force des armes, sous peine d’une amende de cent, & même de mille marcs d’or, qui est imposée à ceux qui refuseroient de faire exécuter la sentence.

La chambre impériale a une jurisdiction de concours avec le conseil aulique, c’est-à-dire, que les causes peuvent être portées indifféremment & par prévention à l’un ou l’autre de ces tribunaux. Il y a malgré cela une différence entre ces deux tribunaux ; c’est que la chambre impériale est établie par l’empereur & tout l’empire, & son autorité est perpétuelle ; au lieu que le conseil aulique ne reconnoît que l’empereur seul : de-là vient que l’autorité de ce dernier tribunal cesse aussi-tôt que l’empereur vient à mourir.

On nomme en allemand cammer-zieler, les sommes mal payées que les états de l’empire doivent contribuer pour les appointemens des juges qui composent la chambre impériale, suivant le tarif de la matricule de l’empire.

Dans les commencemens, Francfort sur le Mein fut le lieu ou se tenoit la chambre impériale : en 1530 elle fut transférée à Spire ; mais cette derniere ville ayant beaucoup souffert par la guerre de 1693, elle se transporta à Wetzlar, où elle est restée jusqu’à ce jour, quoique cette ville ne réponde aucunement à la dignité d’un tribunal aussi respectable.

Suivant les regles il devroit y avoir tous les ans une visitation de la chambre impériale, pour rémédier aux abus qui pourroient s’y être glissés, veiller à la bonne administration de la justice, & pour en cas de besoin faire la revision des sentences portées par ce tribunal : mais ce réglement ne s’observe que rarement ; & alors l’empereur nomme ses commissaires, & les états nomment les leurs, on les appelle visitateurs. (—)

Chambre de Justice, dans un sens étendu, peut être pris pour toute sorte de tribunal, ou lieu où l’on rend la justice ; mais dans le sens ordinaire le terme de chambre de justice proprement dite, signifie un tribunal souverain, ou commission du conseil établie extraordinairement pour la recherche de ceux qui ont mal versé dans les finances.

On a établi en divers tems de ces chambres de justice, dont la fonction a cessé lorsque l’objet pour lequel elles avoient été établies a été rempli.

La plus ancienne, dont il soit fait mention dans les ordonnances, est celle qui fut établie en Guienne par déclaration du 26 Novembre 1581 : il y en eut une autre établie, par édit du mois de Mars 1584, composée d’officiers du parlement & de la chambre des comptes ; elle fut revoquée par édit du mois de Mai 1585.

Par des lettres-patentes du 8 Mai 1597, il en fut établi une nouvelle qui fut révoquée par l’édit du mois de Juin de la même année.

Il en fut établi une autre, par l’édit du mois de Janvier 1607, qui ne subsista que jusqu’au mois de Septembre suivant.

Mais dès le 8 Avril 1608 on en établit une, par forme de grands jours, dans la ville de Limoges.

Au mois d’Octobre 1624, il en fut créé une qui fut révoquée par l’édit du mois de Mai 1625, portant néanmoins que la recherche des officiers de finance seroit continuée de dix ans en dix ans.

Les financiers obtinrent en 1635 différentes décharges des poursuites de cette chambre, & elle fut révoquée par édit du mois d’Octobre 1643 ; il y eut encore un édit de révocation en 1645.

Au mois de Juillet 1648, on rétablit une chambre de justice, qui fut supprimée le 3 Décembre 1652.

Il y eut au mois de Mars 1655 un édit portant réglement pour l’extinction de la chambre de justice, & la décharge de tous les comptables pour leur exercice, depuis 1652 jusqu’au dernier Décembre 1655.

Depuis ce tems il y a encore eu successivement deux chambres de justice.

L’une établie par édit du mois de Novembre 1661, pour la recherche des financiers depuis 1625 ; elle fut supprimée par édit du mois d’Août 1669.

La derniere est celle qui fut établie par édit du mois de Mars 1716, pour la recherche des financiers depuis le premier Janvier 1689, nonobstant les édits de 1700, 1701, 1710 & 1711, & autres, portant décharge en faveur des comptables. Elle fut révoquée par édit du mois de Mars 1717. Voyez la compilation des ordonnances par Blanchard, le dictionnaire des arrêts de Brillon, au mot chambre de justice.

Dans les articles des conférences de Flex, Coutras, & Nerac, concernant les religionnaires, publiés au parlement le 26 Janvier 1581, il est dit, art. xj. que le roi envoyeroit au pays de Guienne une chambre de justice, composée de deux présidens, quatorze conseillers, tirés des parlemens du royaume & du grand-conseil, pour connoître des contraventions à l’édit de pacification de 1577. Cette chambre devoit servir deux ans entiers dans ce pays, & changer de lieu & séance tous les six mois, en passant d’une sénéchaussée dans une autre, afin de purger les provinces & rendre justice à chacun sur les lieux, au moyen de quoi la chambre mi-partie établie en Guienne devoit être incorporée dès-lors au parlement de Bordeaux ; mais il paroît que cette chambre de justice n’eut pas lieu, & que la chambre mi-partie subsista jusqu’en 1679. Voyez Chambre royale.

Il y eut aussi en 1610 quelques arrangemens pris pour établir en chaque parlement une chambre de justice, composée d’un certain nombre d’officiers qui devoient tous rendre la justice gratuitement aux pauvres, auxquels on donnoit le privilege de plaider en premiere instance dans cette chambre. La mort funeste d’Henri IV. qui arriva dans ce tems-là fut cause que ce projet demeura sans effet. Voyez le style du parlement de Toulouse, par Cairon, liv. IV. tit. 1. P. 433.

Chambre de Languedoc, est l’une des six divisions que l’on fait des auditeurs de la chambre des comptes de Paris, pour leur distribuer les comptes dont ils doivent faire le rapport. On met dans cette division tous les comptes de huit généralités, de Poitiers, Riom, Lyon, Limoges, Bordeaux, Montauban, la Rochelle, & Ausch. Voyez ci-devant Chambre d’Anjou.

Chambre de la Maçonnerie, ou Jurisdiction de la Maçonnerie. Voyez ci-après Maçonnerie.

Chambre des Maladreries, ou Chambre souveraine des Maladreries, étoit une commission du conseil établie à Paris. Il y en eut une premiere établie par des lettres-patentes en forme de déclaration du 24 Octobre 1612, pour la réformation générale des hôpitaux, maladreries, aumôneries, & autres lieux pitoyables du royaume.

On en établit encore une pour l’exécution de l’édit du mois de Mars 1693, portant desunion des maladreries & autres biens & revenus qui avoient été réunis à l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel & de S. Lazare, & pour la recherche de ces biens. Voyez Joly, des off. tom. I. aux additions sur le second liv. p. 320. Le tr. de la potice. tom. I. liv. jv. tit. 12. p. 639. & ci-après aux mots Léproseries, Maladreries.

Chambre de la Marée, est une chambre ou jurisdiction souveraine composée de commissaires du parlement, savoir du doyen des présidens au mortier, & des deux plus anciens conseillers lais de la grand’chambre ; il y a aussi un procureur général de la marée, autre que le procureur général du parlement, & plusieurs autres officiers.

Cette chambre tient sa séance dans la chambre de S. Louis où se tient aussi la tournelle ; elle a la police générale sur le fait de la marchandise de poisson de mer, frais, sec, salé, & d’eau douce, dans la ville, faubourgs & banlieuë de Paris, & de tout ce qui y a rapport ; & dans toute l’étendue du royaume, pour raison des mêmes marchandises destinées pour la provision de cette ville, & des droits attribués sur ces marchandises aux jurés vendeurs de marée, lesquels ont pour ces objets leurs causes commises en cette chambre.

Anciennement les juges ordinaires avoient chacun dans leur ressort la premiere connoissance de tout ce qui concerne le commerce de marée ; cela s’observoit à Paris comme dans les provinces.

Le parlement ayant connu l’importance de veiller à ce commerce, relativement à la provision de Paris, crut qu’il étoit convenable d’en prendre connoissance par lui-même directement. Il commença par recevoir des marchands de marée à se pourvoir devant lui immédiatement & en premiere instance contre ceux qui les troubloient. On trouve dans les registres du parlement des exemples de pareils arrêts dès l’année 1314. Tout ce qui s’est fait alors concernant la marée pour Paris, jusqu’en 1379, est renfermé dans un registre particulier intitulé registre de la marée.

Par des lettres-patentes du 26 Février 1351, le roi attribua au parlement la connoissance de cette matiere, & assûra les routes des marchands de marée, en les mettant sous sa sauvegarde & protection, & sous celle du parlement.

Mais comme le parlement ne tenoit alors ses séances qu’en certain tems de l’année, le roi Jean voulant pourvoir aux difficultés qui survenoient journellement pour les marchands amenant la marée à Paris, fit expédier une premiere commission le 20 Mars 1352, à quatre conseillers de la cour, deux clercs & deux lais, & au juge auditeur du châtelet, pour faire de nouveau publier les ordonnances concernant ce commerce de poisson, informer des contraventions, & envoyer les informations au parlement ; ils pouvoient aussi corriger par amende & interdiction les vendeurs de marée qu’ils trouvoient en faute.

Par arrêt du parlement du 21 Août 1361, le prevôt de Paris fut rétabli dans sa jurisdiction comme juge ordinaire en premiere instance dans l’étendue de la prevoté & vicomté de Paris, & par-tout ailleurs, en qualité de commissaire de la cour.

Les marchands de marée pour Paris étant encore troublés dans leurs fonctions, Charles V. fit expédier une commission, le 20 Juin 1369, à deux présidens ; sept conseillers au parlement, & au prevôt de Paris, pour procéder à une réformation de cette partie de la police.

Les commissaires firent une ample ordonnance qui fut confirmée par lettres patentes de Charles V. du mois d’Octobre 1370.

Cette commission finie, Charles V. ordonna en 1379 l’exécution de l’arrêt du parlement de 1361, qui avoit rétabli le prevôt de Paris dans la juridiction pour la marée.

Il y eut cependant toûjours un certain nombre de commissaires du parlement, pour interpreter les reglemens généraux, & pourvoir aux cas les plus importans.

Le nombre de ces commissaires fut fixé à deux, par un reglement de la cour de l’an 1414 ; savoir un président & un conseiller : on distingua les matieres, dont la connoissance étoit réservée aux commissaires, de celles dont le prevôt de Paris continueroit de connoître.

Ce partage fut ainsi observé pendant près de deux siecles, jusqu’au mois d’Août 1602, que le procureur général de la marée obtint des lettres patentes portant attribution au parlement en premiere instance de toutes les causes poursuivies à sa requête, & de celles des marchands de poisson de mer. Il ne se servit pourtant pas encore de ce privilege, & continua, tant au châtelet qu’au parlement, d’agir comme partie civile sous la dépendance des conclusions de M. le procureur général au parlement, ou de son substitut au châtelet.

Enfin depuis 1678 toutes les instances civiles ou criminelles, poursuivies par le procureur général de la marée concernant ce commerce, sont portées en premiere instance en la chambre de la marée, qui est présentement composée comme on l’a dit en commençant. Le châtelet n’a retenu de cet objet que les receptions des jurés compteurs & déchargeurs, & des jurés vendeurs de marée. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race ; la compilation de Blanchard ; le tr. de la police, tom. I. liv. V. tit. 37. & aux mots Marée, Vendeurs de Marée.

Chambre mi-partie étoit une chambre établie dans chaque parlement, composée moitié de magistrats catholiques & moitié de magistrats de la religion prétendue réformée, pour juger les affaires auxquelles les gens de cette religion étoient intéressés. Le premier des édits de pacification, qui commença à donner quelque privilege aux religionnaires pour le jugement de leurs procès, fut celui de Charles IX. du mois d’Août 1570 ; par lequel, voulant que la justice fût rendue sans aucune suspicion de haine ni de faveur, il ordonna, art. xxxv. que les religionnaires pourroient dans chaque chambre du parlement où ils auroient un procès, requérir que quatre, soit présidens ou conseillers, s’abstinssent du jugement, indépendamment des récusations de droit qu’ils pourroient avoir contre eux.

Ils pouvoient en récuser le même nombre au parlement de Bordeaux, dans chaque chambre ; dans les autres parlemens ils n’en pouvoient récuser que trois. Pour les procès que les religionnaires avoient au parlement de Toulouse, les parties pouvoient convenir d’un autre parlement, sinon l’affaire étoit renvoyée aux requêtes de l’hôtel, pour y être jugée en dernier ressort.

Les catholiques avoient aussi la liberté de récuser les présidens & conseillers protestans.

L’édit du mois de Mai 1576 établit au parlement de Paris une chambre mi-partie, composée de deux présidens & de seize conseillers, moitié catholiques & moitié de la religion prétendue réformée, pour connoître en dernier ressort de toutes les affaires où les catholiques associés & les gens de la religion prétendue réformée seroient parties. Cette chambre alloit tenir sa séance à Poitiers trois mois de l’année, pour y rendre la justice à ceux des provinces de Poitou, Angoumois, Aunis & la Rochelle.

Il en fut établi une semblable à Montpellier pour le ressort du parlement de Toulouse, & une dans chacun des parlemens de Dauphiné, Bordeaux, Aix, Dijon, Roüen, & Bretagne. Celle du parlement de Dauphiné siégeoit les six premiers mois de l’année à S. Marcellin, & les six autres mois à Grenoble : celle de Bordeaux étoit une partie de l’année à Nerac.

Les édits suivans apporterent quelques changemens par rapport à ces chambres mi-parties ; en 1598 il fut établi à Paris une chambre appellée de l’édit, où le nombre des catholiques étoit plus fort que celui des religionnaires. On en établit une semblable à Roüen en 1599.

Dans les autres parlemens où il n’y avoit point de chambre de l’édit, les chambres mi-parties continuerent leurs fonctions ; on les qualifioit souvent chambres de l’édit.

Les chambres mi-parties de Toulouse, Grenoble, & Guienne, furent supprimées en 1679 ; les autres furent supprimées après la révocation de l’édit de Nantes, faite par édit du mois d’Octobre 1685. Les présidens & conseillers de ces chambres furent réunis & incorporés chacun dans le parlement où lesdites chambres étoient établies. Voyez le recueil des édits concernant la religion prétendue réformée, qui est à la fin du second tome du recueil de Néron ; & aux mots Chambre de l’Édit, Chambre tri-partie, Religionnaires, Religion prétendue réformée.

Chambre des Monnoies étoit une jurisdiction établie à Paris pour le fait des monnoies ; elle étoit exercée par les généraux des monnoies, auxquels Henri II. donna en 1551 le pouvoir de juger souverainement, tant au civil qu’au criminel, érigeant cette chambre en cour souveraine. Voyez Monnoie, Cour des Monnoies, Generaux des Monnoies, Prevôt des Monnoies.

Chambre des Monnoies est aussi une des six divisions que l’on fait des auditeurs de la chambre des comptes, pour leur distribuer les comptes que chacun d’eux doit rapporter. Elle a été ainsi appellée, parce qu’anciennement les généraux des monnoies y tenoient leurs séances & jurisdiction ; depuis on y a substitué les comptes des généralités d’Amiens, Flandre, Hainaut, & Artois. Cette chambre a cependant toûjours retenu le nom de chambre des monnoies. Voyez ci-devant Chambre d’Anjou, & ci-après Chambre du thrésor.

Chambre de Normandie étoit une des sept chambres dans lesquelles travailloient anciennement les auditeurs de la chambre des comptes de Paris. On y examinoit les comptes de la province de Normandie ; elle fut supprimée lorsqu’on établit une chambre des comptes à Rouen en 1580. Voyez ci-devant Chambre d’Anjou.

Chambre des Pairs est un des différens noms que l’on donnoit anciennement à la grand-chambre du parlement. Voyez Grand-Chambre, Pairs, Parlement, Cour des Pairs.

Chambre des Pairs en Angleterre. Voyez ci-devant Chambre Haute.

Chambre des Pauvres ; voyez ci-dessus Chambre de Justice, à la fin.

Chambre du Plaidoyer, est dans chaque parlement la grand-chambre ou premiere chambre, celle qui est destinée principalement pour les audiences au parlement de Paris. On l’appelloit d’apord la chambre des plaids ; elle a été ensuite appellée la chambre du plaidoyer. Il en est parlé dans l’ordonn. de 1667, ti 35. des requétes civiles, art. 21.

Chambre de la Postulation, voyez Postulation.

Chambre des Prélats, est la même que la grand-chambre du parlement de Paris. Dans les premiers tems de son établissement ou l’appelloit quelquefois la chambre des prélats, parce que suivant l’ordonnance de Philippe-le-Bel, du 23 Mars 1302, il devoit y avoir toûjours deux prélats ou au moins un au parlement : ils y furent dans la suite admis en plus grand nombre ; Philippe-le-Long, par une ordonnance du 3 Décembre 1319, régla que dorénavant il n’y auroit plus de prélats députés en parlement, se faisant conscience, dit ce prince, de les empêcher de vacquer à leurs spiritualités. L’abbé de saint Denis avoit cependant toûjours entrée à la grand-chambre, & il y avoit dans cette chambre & aux enquêtes des conseillers-clercs, mais non prélats. Le 11 Octobre 1351, le roi Jean confirma l’ordonnance de Philippe-le-Bel de 1302, portant qu’il y auroit toûjours deux prélats au parlement. Il y en avoit encore du tems de Philippe VI. dit de Valois ; puisque par son ordonnance du 11 Mars 1344, il dit que pendant que le parlement est assemblé, il n’est pas permis de se lever, excepté aux prélats & aux barons qui tiennent l’honneur du siége. Charles V. étant régent du royaume, ordonna que les prélats seroient au parlement en tel nombre qu’il plairoit au roi, parce qu’ils n’avoient point de gages : enfin le 28 Janvier 1461, le parlement, les chambres assemblées, arrêta que dorénavant les archevêques & évêques n’entreroient point au conseil de la cour sans le congé d’icelle, ou si mandés n’y étoient, excepté les pairs de France, & ceux qui par privilége ancien y doivent & ont accoûtumé y venir & entrer. Ce privilége a été conservé à l’archevêque de Paris, à cause qu’étant dans le lieu même où se tient le parlement, cela le détourne moins de ses fonctions spirituelles. L’abbé de saint Denis avoit aussi conservé le même privilége ; mais la manse abbatiale ayant été réunie à la maison de saint-Cyr en 1693, les six pairs anciens ecclésiastiques & l’archevêque de Paris, sont les seuls prélats qui ayent entrée au parlement. Voyez les ordonnances de la troisieme race. Du Tillet, des rangs des grands de France ; & aux mots Grand-Chambre, Parlement.

Chambre de la Police, est une jurisdiction établie pour connoître de toutes les affaires qui concernent la police.

Anciennement l’exercice de la police n’étoit point séparé de celui de la justice civile & criminelle.

Le roi ayant par édit du mois de Mars 1667, créé un lieutenant général de police pour la ville de Paris, ce fut l’origine de la premiere chambre de police. Le lieutenant général de police y siége seul, & y fait deux sortes d’audiences à jours différens : l’une pour les affaires de petite police, telles que les rixes, injures, & autres contestations semblables entre particuliers ; & l’autre pour la grande police, où il entend le rapport des commissaires sur ce qui intéresse le bon ordre & la tranquillité publique.

En 1669, il a été créé de semblables charges de lieutenant de police dans toutes les villes du royaume où il y a jurisdiction royale : ce qui a donné lieu en même tems à établir dans toutes ces villes une chambre ou siége de la police. L’appel des sentences rendues dans ces chambres de police, est porté directement au parlement. Voyez l’édit du mois de Mars 1667, & celui du mois d’Octobre 1669. (A)

Chambre privée, (Hist. mod.) On dit en Angleterre un gentilhomme de la chambre privée ; ce sont des domestiques du roi & de la reine, qui les suivent & les accompagnent dans les occasions de divertissemens de plaisir, &c.

Le lord chambellan en nomme six avec un pair & maitre de cérémonie, pour se trouver aux assemblées publiques des ambassadeurs des têtes couronnées : ils sont au nombre de quarante-huit.

Ils ont été institués par le roi Henri VII. Ils sont autorisés, par singuliere de faveur, à exécuter les commandemens verbaux du roi, sans être obligés de produire autun ordre par écrit ; & on regarde en cela leurs personnes & leurs caracteres comme une autorité suffisante. Chambers.

Chambre du Procureur du Roi au châtelet, est une chambre distincte & séparée du parquet où se tiennent les avocats du roi, & qui est particuliere pour le procureur du roi : il y fait toutes les fonctions que les procureurs du roi des autres jurisdictions font au parquet, comme de donner des conclusions dans les instances appointées & dans les affaires criminelles ; recevoir les dénonciations qui lui sont faites : il y connoît en outre de tout ce qui concerne les corps des marchands, arts & métiers, maîtrises, réceptions de maîtres & jurandes : il y donne ses jugemens, qu’il qualifie d’avis ; il faut ensuite les faire confirmer par le lieutenant général de police, qui les confirme ou infirme. Lorsqu’il y a appel d’un de ces avis, on le releve au parlement. Voyez le Style du châtelet.

Chambre quarrée ou de la Tour Quarrée, étoit une chambre établie par François I. au parlement, pour l’enregistrement des édits & déclarations. Cette chambre ne subsista pas. Voyez le dictionn. des arrêts de Brillon, au mot chambre quarrée, & Enregistrement.

Chambre de la Question, est celle où on donne la question ou torture aux accusés de crimes graves. Au parlement de Paris, & dans quelques autres tribunaux, il y a une chambre particuliere destinée pour cet usage. Dans la plûpart des autres tribunaux, on donne la question dans l’auditoire même, ou du moins dans la chambre ordinaire du conseil, s’il y en a une. Voyez Question, Torture.

Chambre de la Réformation, voyez ci-devant Chambre des Maladreries.

Chambre des Requêtes du Palais, voyez Requêtes du Palais.

Chambre rigoureuse, est une jurisdiction établie dans quelques villes du ressort du parlement de Toulouse, pour connoître de l’exécution des contrats passés sous un certain scel appellé scel rigoureux ; en vertu desquels on a exécution parée, non-seulement pour saisir les biens de son débiteur, mais aussi pour le contraindre par emprisonnement de sa personne.

Le viguier de Toulouse est juge du scel rigoureux. Il y en a aussi un à Nismes.

Il y avoit une chambre rigoureuse à Aix, qui fut supprimée par édit du mois de Septembre 1535. Voyez Joly, tome I. pag. 539. Fontanon, tome II. pag. 324. Hist. de la chancellerie, tome I. pag. 90. Gloss. de Lauriere, au mot Rigueur.

Chambre du Roi ou royale, en matiere de Domaine, étoit le nom que l’on donnoit anciennement à certaines villes qui étoient du domaine du roi. On les appelloit aussi chambre de la couronne de France. Voyez ci-devant Chambre de Couronne.

Chambre royale, étoit aussi une commission établie par lettres patentes du 25 Août 1601, pour juger en dernier ressort les appellations interjettées des jugemens des commissaires envoyés dans les provinces, pour la recherche des financiers. Elle fut révoquée par édit du mois d’Octobre 1604. Voy la compilation des ordonnances, par Blanchard.

Chambre royale de l’Arsenal, voy. Chambre de l’Arsenal.

Chambre royale des Maladreries, voyez ci-devant Chambre des Maladreries.

Chambre royale de Metz, fut établie en 1633 : elle entraîna la perte du droit de régale, dont l’évêque de Toul avoit jusqu’alors conservé l’exercice dans sa ville épiscopale. Deux conseillers au parlement de Metz se rendirent à Toul, pour y faire publier l’édit de création de la chambre royale de Metz : ils assemblerent les officiers du conseil de l’évêché & de l’hôtel-de-ville, leur signifierent les ordres de sa majesté, & leur déclarerent qu’ils eussent à faire relever tous les appels au parlement de Metz. Le cardinal Nicolas François en porta ses plaintes au conseil du roi, & y obtint le 12 Février 1604 un arrêt, par lequel il fut maintenu dans sa haute, moyenne, & basse justice, avec le droit d’y établir comme par le passé, des juges & autres officiers dans toutes les terres du temporel de l’évêché. Voyez l’histoire de Lorraine, par D. Calmet, tome I. pag. 763. Cette chambre royale cessa lorsqu’on établit le bailliage de Metz.

Chambre royale de Verdun, étoit un tribunal qui fut établi dans cette ville en 1607, pour juger en dernier ressort les appellations des premiers juges, qui étoient auparavant dévolues à la chambre de Spire. Il y eut beaucoup d’opposition à l’établissement de cette nouvelle chambre, qui fut néanmoins confirmée en 1612 ; & elle subsista jusqu’à l’établissement du parlement de Metz en 1633. Voy. l’histoire de Verdun, part. IV. ch. v. & vj.

Chambre saint-Louis ou Salle saint-Louis, voyez Tournelle criminelle.

Chambre de la Santé, est un bureau établi dans la ville de Lyon, composé d’un certain nombre de juges, appellés commissaires de la santé ; qui dans les tems de contagion, soit déjà formée ou qui se fait craindre, s’assemblent sous les ordres du consulat de cette ville, pour ordonner même en dernier ressort, de tout ce qui convient pour la guérison ou le soulagement du mal contagieux ; ou pour le prévenir & en empêcher la communication.

Le bureau est composé d’un président, de cinq ou six commissaires, un procureur du roi, & autres officiers.

Ces commissaires de la santé sont nommés par le consulat, lequel a été confirmé spécialement dans ce droit par les rois Henri III. & Henri IV.

La maison de la quarantaine, ou hôpital de saint Laurent, située au confluent du Rhone & de la Saone, est sous la direction de ces commissaires : elle sert à faire séjourner pendant quarante jours ceux qui viennent des pays infectés ou soupçonnés de contagion.

A Paris, & dans quelques autres lieux, on établit dans les tems de contagion un capitaine-baillif ou prevôt de la santé : mais cet officier n’a aucune jurisdiction ; ce n’est qu’un préposé qui, assisté de quelques archers, exécute les ordres du lieutenant de police pour l’enlevement des malades, l’inhumation de ceux qui meurent de la contagion, & autres soins nécessaires en pareil cas. Voyez le traité de la Police, tom. I. liv. IV. tit. 13. ch.

Chambre des Seigneurs ou des Pairs, voy, ci-devant Chambre haute.

Chambre à Sel, est un lieu établi par le Roi dans certaines petites villes, pour renfermer le sel que l’on distribue au public. Ces sortes de chambres sont établies dans les lieux où il n’y a point de grenier à sel, c’est-à-dire où il n’y a point de grenier à sel en titre, ni de jurisdiction appellée grenier à sel ; il y a néanmoins dans ces chambres un juge commis & subdélégué par les officiers des greniers à sel, avec un substitut du procureur du roi du grenier dans le ressort duquel est la chambre pour y juger les affaires de peu de conséquence. Les officiers du grenier à sel s’y transportent quand il y a des affaires plus importantes.

L’établissement des greniers à sel est beaucoup plus ancien que celui des chambres à sel. La premiere dont il soit fait mention dans les mémoriaux de la chambre des comptes, est celle de Château-Villain, qui fut établie par édit du 15 Février 1432 : dans la suite on en a établi beaucoup d’autres. Toutes ces chambres à sel furent érigées en greniers à sel par édit du mois de Novembre 1576, & encore par un autre édit du mois de Mars 1595, depuis lesquels on a encore créé plusieurs chambres à sel qui subsistent présentement. Voyez Mém. de la ch. des compt. cotté h. bis, fol. 139. Fontanon, tom. II. pag. 1055. Corbin, recueil de la cour des aides, pag. 567. & aux mots Sel, Grenier à sel. (A)

Chambre royale et syndicale de la Librairie et Imprimerie, est le nom que l’on donne au lieu où s’assemblent les syndic & adjoints, autrement dits officiers de la Librairie, pour travailler aux affaires générales de ce corps. C’est à cette chambre que se visitent, par les syndic & adjoints, les livres qui arrivent des pays étrangers ou des provinces du royaume en cette ville : c’est aussi-là que doivent s’apporter les priviléges du Roi, permissions du sceau ou de la police, pour être enregistrés.

Chambre souveraine des Aliénations, faites par les gens de main-morte ; voyez ci-devant Chambre des Aliénations.

Chambre souveraine du Clergé, voyez Décimes.

Chambre souveraine des Décimes, voyez Décimes.

Chambre souveraine des Maladreries, voyez ci-devant Chambre des Maladreries.

Chambre spéciale du Roi, voyez Chambre de la Couronne.

Chambre des tiers ou des Procureurs-tiers-Référendaires, voyez Tiers-référendaire.

Chambre des Terriers, à la chambre des comptes de Paris, est le lieu où l’on conserve le dépôt des terriers de tous les héritages qui sont en la censive du Roi : c’est aussi le lieu où l’on dépose les états détaillés de la consistance du domaine, que les receveurs généraux des domaines sont obligés de rapporter tous les cinq ans au jugement de leurs comptes, en conséquence de l’édit de Décembre 1727. Le roi, par édit du mois de Décembre 1691, créa une charge de commissaire au dépôt des terriers ; & par le même édit, il réunit cette charge à l’ordre des auditeurs des comptes : au moyen dequoi, ils en font les fonctions. Ce sont eux qui donnent, en vertu d’arrêt de la chambre, des copies collationnées des terriers. Le dépôt des terriers fut celui qui fut endommagé par l’incendie arrivé en la chambre des comptes le 28 Octobre 1737 : mais par les soins de MM. de la chambre des comptes, & les recherches qu’ils ont fait faire de tous côtés pour rétablir les pieces que le feu avoit détruites, ce dépôt se trouve déjà en partie rétabli.

Il y a toûjours deux des auditeurs commis alternativement, pour vacquer dans cette chambre à délivrer des copies collationnées des terriers, & que l’on nomme commissaires aux terriers.

Chambre de la Tournelle civile, voyez Tournelle civile.

Chambre de la Tournelle criminelle, voyez Tournelle criminelle.

Chambre de la Tour quarrée, voyez ci-devant Chambre quarrée.

Chambre du Thresor ou Thresor ; voyez Thresor, Thresoriers de France, Domaine.

Chambre du Thresor, à la chambre des comptes, est la premiere des six divisions que l’on fait des auditeurs, pour leur distribuer les comptes. C’est dans cette division que l’on met les comptes de tous ceux qui prennent leurs fonds au thrésor royal, ou aux fermes générales. Les comptes des monnoies sont aussi de cette chambre, ou division. Voyez ci-devant Chambre des Monnoies.

Chambre tri-partie, étoit le nom que l’on donnoit à quelques-unes des chambres établies dans chaque parlement, & même dans quelques autres endroits, par édit du 7 Septembre 1577, & autres édits postérieurs, pour connoître en dernier ressort des affaires où les Catholiques associés, & les gens de la religion prétendue réformée, étoient parties.

On appelloit tri-parties celles de ces chambres qui étoient composées des deux tiers de conseillers catholiques & d’un tiers de conseillers de la R. P. R. à la différence des chambres qui avoient déjà été établies pour le même objet, par l’édit du mois de Mai 1576, qu’on appelloit mi-parties ; parce qu’il y avoit moitié de conseillers catholiques, & moitié de la R. P. R.

Ces chambres tri-parties sont quelquefois confondues avec les chambres mi-parties : on les appelloit aussi les unes & les autres chambres de l’édit, quoiqu’il y eût quelque différence entre ces chambres & celle de l’édit. Voyez Joly, des offices de France, tome I. liv. I. tit. 7. pag. 39. & aux additions. Voyez aussi Chambre de l’Édit & Chambre mi-partie, Religion prétendue réformée, Religionnaires.

Chambre des Vacations, voyez Vacations.

Chambre, (Jurispr.) en latin camera, se prend quelquefois pour la chambrerie ou office de chambrier dans certains monasteres. Voyez Monasticum Anglican. tom. I. pag. 148. & ci-après Chambrerie. (A)

Chambre des Assurances, (Comm.) voyez Assurance : c’est une société de personnes qui entreprennent le commerce des assûrances ; c’est-à-dire qui se rendent propre le risque d’autrui sur tel ou tel objet à des conditions réciproques. Ces conditions sont expliquées dans un contrat mercantil, sous signature privée, qui porte le nom de police d’assurance. Voyez Police d’assurance. Une de ces conditions, est le prix appellé prime d’assûrance. Voyez Prime d’assurance.

Les assûrances se peuvent faire sur tous les objets qui courent quelque risque incertain. En Angleterre on en fait même sur la vie des hommes : en France, on a sagement restraint par les lois la faculté d’être assûré à la liberté & aux biens réels. La vie des hommes ne doit point être un objet de commerce ; elle est trop précieuse à la société pour être la matiere d’une évaluation pécuniaire : indépendamment des abus infinis que cet usage peut occasionner contre la bonne-foi, il seroit encore à craindre que le desespoir ne fut quelquefois encouragé à oublier que cette propriété n’est pas indépendante ; que l’on en doit compte à la Divinité & à la patrie. Il faut que la valeur assûrée soit effective ; parce qu’il ne peut y avoir de risque où la matiere du risque n’existe pas : ainsi le profit à faire sur une marchandise & le fret d’un vaisseau, ne peuvent être assûrés.

Les personnes qui forment une société pour prendre sur elles le péril de la liberté ou des biens d’autrui, peuvent le faire de deux manieres ; par une société générale, ou par une commendite. Voyez Société de commerce.

Dans tous les cas la société est conduite par un nombre d’associés appellés directeurs, & d’après le résultat des assemblées générales.

La société est générale, lorsqu’un nombre fixe de particuliers s’engage solidairement par un acte public ou privé, aux risques dont on lui demandera l’assûrance ; mais l’acte de société restraint le risque que l’on peut courir sur un même objet à une somme limitée & proportionnée aux facultés des associés. Ces particuliers ainsi solidairement engagés un seul pour tous, n’ont pas besoin de déposer de fonds, puisque la totalité de chaque fortune particuliere est hypothéquée à l’assûré. Cette forme n’est guere usitée que dans les villes maritimes, parce que les facultés y sont plus connues. Elle inspire plus de confiance ; parce qu’il est à croire que des gens dont tout le bien est engagé dans une opération, la conduiront avec prudence : & tout crédit public dépend entr’autres causes de l’intérêt que le débiteur a de le conserver : l’opinion de la sûreté fait la sûreté même.

Il est une autre forme de société d’assûrance que l’on peut appeller en commendite. Le fonds est formé d’un nombre fixe d’actions d’une valeur certaine, & qui se paye comptant par l’acquéreur de l’action : à moins que ce ne soit dans une ville maritime où les acquéreurs de l’action sont solidaires, par les raisons que l’on vient d’expliquer, & ne font par conséquent aucun dépôt de fonds.

Le crédit de cette chambre ou de cette société dépendra sur-tout de son capital, de l’habileté des directeurs, & de l’emploi des fonds, s’il y en a de déposés. On destine le plus souvent ces fonds à des prêts à la grosse avanture (voyez Grosse avanture), ou à escomptes des papiers publics & de commerce. Un pareil emploi rend ces chambres très utiles à l’état, dans lequel elles augmentent la circulation de l’espece. Plus le crédit de l’état est établi, plus l’emploi des fonds d’une chambre d’assûrance en papiers publics, donnera de crédit à cette chambre ; & la confiance qu’elle y aura, augmentera réciproquement le crédit des papiers publics. Mais pour que cette confiance soit pleine, elle doit être libre ; sans cette liberté, la confiance n’est pas réelle : il faut encore qu’elle soit prudente & limitée ; car le crédit public consistant en partie dans l’opinion des hommes, il peut survenir des évenemens où cette opinion chancelle & varie. Si dans cette même circonstance une chambre d’assûrance avoit besoin de fondre une partie de ses papiers publics pour un grand remboursement, cette quantité ajoûtée à celle que le discrédit en apporte nécessairement dans le commerce, augmenteroit encore le desordre ; la compagnie tomberoit elle-même dans le discrédit, en proportion de ce qu’elle auroit de fonds employés dans les effets décriés.

L’un des grands avantages que les chambres d’assurance procurent à l’état, c’est d’établir la concurrence, & dès-lors le bon marché des primes ou du prix des assûrances ; ce qui favorise les entreprises de commerce dans la concurrence avec les étrangers.

Le prix des assûrances dépend du risque effectif & du prix de l’argent.

Dans les ports de mer où l’argent peut sans cesse être employé utilement, son intérêt est plus cher ; & les assûrances y monteroient trop haut, si la concurrence des chambres de l’intérieur n’y remédioit. De ce que le prix de l’argent influe sur celui des assûrances, il s’ensuit que la nation la plus pécunieuse, & chez qui les intérêts seront le plus modiques, fera, toutes choses égales d’ailleurs, les assûrances à meilleur compte. Le commerce maritime de cette nation aura la supériorité dans ce point ; & la balance de son commerce général augmentera de tout l’argent qu’elle gagnera en primes, sur les étrangers qui voudront profiter du bon marché de ses assûrances.

Le risque effectif dépend en tems de paix de la longueur de la navigation entreprise, de la nature des mers & des côtes où elle s’étend, de la nature des saisons qu’elle occupe, du retard des vaisseaux, de leur construction, de leur force, de leur âge, des accidens qui peuvent y survenir, comme celui du feu ; du nombre & de la qualité de l’équipage ; de l’habileté ou de la probité du capitaine.

En tems de guerre, le plus grand péril absorbe le moindre : à peine calcule-t-on celui des mers, & les saisons les plus rudes sont celles qui donnent le plus d’espoir. Le risque effectif est augmenté en proportion des forces navales réciproques, de l’usage de ces forces, & des corsaires qui croisent respectivement : mais ces derniers n’ont d’influence & ne peuvent exister qu’autant qu’ils sont soûtenus par des escadres répandues en divers parages.

Le risque effectif a deux effets : celui de la perte totale, & celui des avaries. Voyez Avaries. Ce dernier est le plus commun en tems de paix, & se multiplie dans certaines saisons au point qu’il est plus à charge aux assûrances que le premier. Les reglemens qu’il occasionne, sont une des matieres des plus épineuses des assûrances : ils ne peuvent raisonnablement être faits que sur les lieux mêmes, ou au premier port que gagne le vaisseau ; & comme ils sont susceptibles d’une infinité de contestations, la bonne foi réciproque doit en être la base. La facilité que les chambres d’assûrances y apportent, contribue beaucoup à leur réputation.

Par un dépouillement des registres de la marine, on a évalué pendant dix-huit années de paix, la perte par an à un vaisseau sur chaque nombre de cent quatre-vingts. On peut évaluer les avaries à deux pertes sur ce nombre, & le risque général de notre navigation à pour cent en tems de paix.

Très-peu de particuliers sont en état de courir les risques d’une grande entreprise de commerce, & cette réflexion seule prouve combien celui des assûreurs est recommandable. La loi leur donne partout la préférence ; moins cependant pour cette raison, que parce qu’ils sont continuellement exposés à être trompés, sans pouvoir jamais tromper.

La concurrence des chambres d’assûrances est encore à d’autres égards très-précieuse à l’état : elle divise les risques du commerce sur un plus grand nombre de sujets, & rend les pertes insensibles dans les conjonctures dangereuses. Comme tout risque doit être accompagné d’un profit, c’est une voie par laquelle chaque particulier peut sans embarras participer à l’utilité du commerce ; elle retient par conséquent la portion de gain que les étrangers retireroient de celui de la nation : & même dans des circonstances critiques, elle leur dérobe la connoissance, toûjours dangereuse, des expéditions & de la richesse du commerce.

Le commerce des assûrances fut inventé en 1182 par les Juifs chassés de France ; mais son usage n’a été connu un peu généralement parmi nous, qu’au moment où notre industrie sortit des ténebres épaisses qui l’environnoient : aussi se borna-t-elle long-tems aux villes maritimes.

J. Loccenius, dans son traité de jure maritimo, prétend que les anciens ont connu les assûrances : il se fonde sur un passage de Tite-Live, liv. XXIII. nomb. xljx. On y voit que le thrésor public se chargea du risque des vaisseaux qui portoient des blés à l’armée d’Espagne. Ce fut un encouragement accordé par l’état en faveur des circonstances, & non pas un contrat. C’est dans le même sens qu’on doit entendre un autre passage de Suétone, qu’il cite dans la vie de l’empereur Claude, nomb. xjx. On voit que ce prince prit sur lui le risque des blés qui s’apportoient à Rome par mer, afin que le profit de ce commerce étant plus certain, un plus grand nombre de marchands l’entreprît, & que leur concurrence y entretînt l’abondance.

Les Anglois prétendent que c’est chez eux que le commerce des assûrances a pris naissance, ou du moins que son usage courant s’est établi d’abord ; que les habitans d’Oléron en ayant eu connoissance, en firent une loi parmi eux, & que la coûtume s’introduisit de là dans nos villes maritimes.

Quoi qu’il en soit, un peu avant l’an 1668, il y avoit à Paris quelques assemblées d’assûreurs, qui furent autorisés par un édit du roi du 5 Juin 1668, avec le titre de chambre des assûrances & grosses avantures, établie par le roi. Le réglement ne fut arrêté que le 4 Décembre 1671, dans une assemblée générale tenue rue Quincampoix, & souscrit par quarante-trois associés principaux.

Il paroît par ce réglement, que cette chambre n’étoit proprement qu’une assemblée d’assûreurs particuliers, qui, pour la commodité publique & la leur, étoient convenus de faire leurs assûrances dans le même lieu.

Le nom des assûreurs étoit inscrit sur un tableau, avec le risque que chacun entendoit prendre sur un même vaisseau.

Les particuliers qui vouloient se faire assûrer, étoient libres de choisir les assûreurs qui leur convenoient : un greffier commun écrivoit en conséquence cette police en leur nom, & en donnoit lecture aux parties, ensuite elle étoit enregistrée.

Le greffier tenoit la correspondance générale avec les villes maritimes, & les avis qui en venoient étoient communs : il étoit chargé de tous les frais, moyennant de p , qui lui étoient adjugés sur la somme assûrée ; & un droit de vingt sous pour chaque police ou copie de police qu’il délivroit. Le droit sur tous les autres actes quelconques, en fait d’assûrance, étoit de cinq sous.

Il est étonnant que l’on ait oublié parmi nous une forme d’association aussi simple, & qui sans exiger de dépôt de fonds, offre au public toute la solidité & la commodité que l’on peut desirer ; supposé que le tableau ne contînt que des noms connus, comme cela devroit être.

Le greffier étoit le seul auquel on s’adressât en cas de perte, sans qu’il fût pour cela garant ; il avertissoit les assûreurs intéressés d’apporter leurs fonds.

Dans ces tems le commerce étoit encore trop foible pour n’être pas timide ; les négocians se contenterent de s’assûrer entre eux dans les villes maritimes ou dans l’étranger

Les assûreurs de Paris crurent à leur inaction qu’il manquoit quelque chose à la forme de leur établissement : ils convinrent d’un dépôt de fonds en 1686. Le roi accorda un nouvel édit en faveur de cette chambre, qui prenoit la place de l’ancienne. L’édit du 6 Juin fixoit le nombre des associés à trente, & ordonnoit un fonds de 300000 livres en soixante-quinze actions de 4000 livres chacune. Le succès ne devoit pas être plus heureux qu’il ne le fut, parce que les circonstances étoient toûjours les mêmes.

Quelque médiocre que fût cet établissement, c’est un monument respectable, dont on ne doit juger qu’en se rapprochant du tems où il fut élevé : notre commerce étoit au berceau, & il n’est pas encore à son adolescence.

L’édit n’offre d’ailleurs rien de remarquable, que l’esprit de gêne qui s’étoit alors introduit dans l’administration politique du commerce, & qui l’a long-tems effarouché. L’article 25 interdit tout commerce d’assûrances & de grosses avantures dans la ville de Paris, à d’autres qu’aux membres de la compagnie : c’étoit ignorer que la confiance ne peut être forcée, & que la concurrence est toûjours en faveur de l’état.

L’article 27 laisse aux négocians des villes maritimes la liberté de continuer leur commerce d’assûrances, mais seulement sur le pié qu’ils le faisoient avant la date de l’édit. Cette clause étoit contraire à la concurrence & à la liberté : peut-être même a-t-elle retardé dans les ports l’établissement de plusieurs chambres qui, enrichies dans ces tems à la faveur des fortes primes que l’on payoit, seroient devenues plûtôt assez puissantes pour se charger de gros risques à moindre prix, & pour nous soustraire à l’empire que les étrangers ont pris sur nous dans cette partie.

Il s’est formé en 1750 une nouvelle chambre des assûrances à Paris, à laquelle le Roi a permis de prendre le titre de chambre royale des assûrances, Son fonds est de six millions, divisés en deux mille actions de trois mille livres chacune. Cet établissement utile formé par les soins du Ministre qui préside si supérieurement à la partie du commerce & des finances, répond par ses succès à la protection qu’il en a reçûe : la richesse de son capital indique les progrès de la nation dans le commerce, & par le commerce.

Dans presque toutes les grandes villes maritimes de France, il y a plusieurs chambres d’assurance composées de négocians : Rouen en a sept ; Nantes trois ; Bordeaux, Dunkerque, La Rochelle, en ont aussi ; mais ce n’est que depuis la derniere paix qu’elles sont formées.

La ville de Saint-Malo, toûjours distinguée dans les grandes entreprises, est la seule de France qui ait eu le courage de former une chambre d’assûrance pendant la derniere guerre : elle étoit composée de vingt actions de soixante mille livres chacune. Malgré le malheur des tems, elle a produit à sa résiliation à la paix quinze mille livres net par chaque action, sans avoir fait aucune avance de fonds : le profit eût été plus considérable encore, sans la réduction des primes qui fut ordonnée à la paix.

Indépendamment de ces sociétés dans nos villes maritimes, il se fait des assûrances particulieres : un négociant souscrit à un prix une police d’assûrance, pour la somme qu’il prétend assûrer ; d’autres négocians continuent à la remplir aux mêmes conditions.

C’est de cette façon que se font les assûrances en Hollande : les paysans mêmes connus prennent un risque sur la police ouverte ; & sans être au fait du commerce, se reglent sur le principal assûreur.

J’ai déjà parlé de la prétention qu’ont les Anglois de nous avoir enseigné l’usage des assûrances : en la leur accordant, ce ne sera qu’un hommage de plus que nous leur devrons en fait de commerce ; il n’est pas honteux d’apprendre, & il seroit beau d’égaler ses maîtres.

Le quarante-troisieme statut de la reine Elisabeth établissoit à Londres un bureau public, où toutes les polices d’assûrance devoient être enregistrées : mais aujourd’hui elles se font entre particuliers, & sont de la même valeur en justice que si elles étoient enregistrées : la seule différence, c’est qu’en perdant une police non enregistrée, on perd le titre de l’assûrance.

Le même statut porte que le lord chancelier donnera pouvoir à une commission particuliere de juger toutes discussions au sujet des polices d’assûrance enregistrées. Cette commission doit être composée d’un juge de l’Amirauté, de deux docteurs en droit, de deux avocats, & de huit négocians, au moins de cinq : elle doit s’assembler au moins une fois la semaine, au greffe des assûrances, pour juger sommairement & sans formalités toutes les causes qui seront portées devant elle, ajourner les parties, entendre les témoins sur serment, & punir de prison ceux qui refuseront d’obéir.

On peut appeller de ce tribunal à la chancellerie, en déposant la somme en litige entre les mains des commissaires : si la sentence est confirmée, les dépens sont adjugés doubles à la partie qui gagne son procès.

Ce tribunal est tout à la fois une cour de droit & d’équité, c’est-à-dire, où l’on juge suivant l’esprit de la loi & l’apparence de la bonne-foi.

Les assûrances se sont long-tems faites à Londres par des particuliers qui signoient dans chaque police ouverte jusqu’à la somme que leurs facultés leur permettoient.

En 1720 plusieurs particuliers penserent que leur crédit seroit plus considérable s’il étoit réuni ; & qu’une association seroit plus commode pour les assûrés, qui n’auroient à faire qu’à une seule personne au nom des autres.

Deux chambres se formerent, & demanderent la protection de l’état.

Par le sixieme statut de Georges I. on voit que le parlement l’autorisa à accorder sous le grand sceau deux chartes à ces deux chambres ; l’une connue sous le nom de royal exchange assûrance ; & l’autre, de London assûrance.

Il est permis à ces compagnies de s’assembler, d’avoir respectivement un sceau commun, d’acheter des fonds de terre, pourvû que ce ne soit pas au-dessus de la somme de mille livres par an ; d’exiger de l’argent des intéressés, soit en souscrivant, soit en les faisant contribuer seulement au besoin.

Les mêmes chartes défendent le commerce des assûrances & de prêt à la grosse avanture, à toutes autres chambres ou associations dans la ville de Londres, sous peine de nullité des polices ; mais elles conservent aux particuliers le droit de continuer ce commerce.

Les deux chambres sont tenues par leurs chartes d’avoir un fonds réel en especes, suffisant pour répondre aux obligations qu’elles contractent : en cas de refus ou de retard de payement, l’assûré doit intenter une action pour dette contre la compagnie dont il se plaint, & déclarer la somme qui lui est dûe ; en ce cas les dommages & intérêts seront adjugés au demandeur, & tous les fonds & effets de la chambre y seront hipothéqués.

Le roi se réserve par ces chartes le droit de les révoquer après le terme de trente-un ans, si elles se trouvent préjudiciables à l’intérêt public.

Dans le deuxieme statut du même prince, il est ordonné que dans toute action intentée contre quelqu’une des deux chambres d’assûrance, pour cause de dette ou de validité de contrat en vertu d’une police d’assûrance passée sous son sceau ; elle pourra alléguer en général qu’elle ne doit rien au demandeur, ou qu’elle n’a point contrevenu aux clauses du contrat : mais que si l’on convient de s’en rapporter au jugement des jurés, ceux-ci pourront ordonner le payement du tout ou de partie, & les dommages qu’ils croiront appartenir en toute justice au demandeur.

Le même statut défend, sous peine d’une amende de cent livres, de différer de plus de trois jours la signature d’une police d’assûrance dont on est convenu, & déclare nulle toute promesse d’assûrer.

Les chambres d’assûrance de Londres sont composées de négocians : elles choisissent pour directeurs les plus connus, afin d’augmenter le crédit de la chambre : leurs appointemens sont de 3600 liv. Elles se sont distinguées l’une & l’autre dans les tems les plus critiques, par leur exactitude & leur bonne-foi.

Sur la fin de la derniere guerre il leur fut défendu de faire aucune assûrance sur les vaisseaux ennemis : on a diversement jugé de cette loi ; les uns ont prétendu que c’étoit diminuer le profit de l’Angleterre ; d’autres ont pensé, avec plus de fondement, que dans la position où étoient les choses, ces assûrances faisoient sortir de l’Angleterre la majeure partie du produit des prises.

Cette défense avoit des motifs bien supérieurs : le gouvernement Anglois pensoit que c’étoit nous interdire tout commerce avec nos colonies, & s’en faciliter la conquête.

Les lois de l’Angleterre sur les assûrances sont assez semblables aux nôtres, que l’on trouve au titre vj. de l’ordon. de la Marine de 1681. c’est une de nos plus belles lois. Consultez sur cette matiere le droit maritime des diverses nations. Straccha, de navibus. J. Loxenius. Cet article est de Mr V.D.F.

Chambre de Commerce ; c’est une assemblée des principaux négocians d’une place, qui traitent ensemble des affaires de son commerce.

L’établissement général des chambres de commerce dans les principales villes de France, est du 30 Août 1701 ; mais l’exécution particuliere ne suivit l’édit de création que de quelques années, & à des dates inégales.

L’objet de ces chambres est de procurer de tems en tems au conseil du commerce, des mémoires fideles & instructifs sur l’état du commerce de chaque province où il y a de ces chambres, & sur les moyens les plus propres à le rendre florissant : par-là le gouvernement est instruit des parties qui exigent un encouragement, ou un prompt remede.

Comme la pratique renferme une multitude de circonstances, que la théorie ne peut embrasser ni prévoir, les négocians instruits sont seuls en état de connoître les effets de la loi, les restrictions ou les extensions dont elle a besoin. Cette correspondance étoit très-nécessaire à établir dans un grand royaume où l’on vouloit animer le commerce : elle lui assûre toute la protection dont il a besoin, en même tems qu’elle étend les lumieres de ceux qui le protegent.

Cette correspondance passe ordinairement par les mains du député du commerce des villes, qui en fait son rapport. La nature du commerce est de varier sans cesse ; & les nouveautés les plus simples dans leur principe, ont souvent de grandes conséquences dans leurs suites. Il seroit donc impossible que le député d’une place travaillât utilement, s’il ne recevoit des avis continuels de ce qui se passe.

Marseille, Dunkerque, Lyon, Paris, Rouen, Toulouse, Bordeaux, La Rochelle, Lille, ont des chambres de commerce : les pareres ou avis de négocians sur une question, tiennent lieu d’acte de notoriété lorsqu’ils sont approuvés de ces chambres.

Bayonne, Nantes & Saint-Malo, n’ont point établi chez elles de chambres ; ce sont les juges-consuls qui y représentent pour le commerce, & qui correspondent avec le député. Dans les grandes occasions le commerce général s’assemble. On peut consulter le dictionnaire du commerce sur le détail de chacune de ces chambres. Cet article a été communiqué par Mr V. D. F.

Chambre garnie, (Police.) est celle que l’hôte loue toute meublée. Ce sont ordinairement des personnes de province, ou des étrangers, qui se logent en chambre garnie : on leur loue tant par mois. Outre les meubles dont la chambre est garnie, on leur fournit aussi les ustensiles nécessaires pour leur usage ; ce qui est plus ou moins étendu, selon les conventions. Il y a des hôtels garnis & chambres garnies où on nourrit les hôtes ; d’autres où on ne leur fournit que le logement & quelques ustensiles :

Les chambres garnies tirent leur premiere origine des hôtelleries. Voyez Hôtellerie.

La police a toûjours eu une attention particuliere sur ceur qui louent des chambres garnies, & sur ceux qui les occupent.

Auguste créa un officier appellé Magister census, dont la fonction étoit de faire, sous les ordres du 1er magistrat de police, la description du peuple Romain & de ses revenus : il étoit aussi chargé de tenir un registre de tous les étrangers qui arrivoient à Rome, de leurs noms, qualités & pays, du sujet de leurs voyages ; & lorsqu’ils y vouloient demeurer oisifs après la fin de leurs affaires, il les obligeoit de sortir de Rome, & les renvoyoit en leur pays. Sueton. in August. cap. cj.

En France on est très-attentif sur la police des chambres garnies.

Suivant un réglement de police du châtelet de Paris, du 30 Mars 1635, il est défendu aux taverniers, cabaretiers, loüeurs de chambres garnies, & autres, de loger & de recevoir de jour ni de nuit aucunes personnes suspectes ni de mauvaises mœurs, de leur administrer aucuns vivres ni alimens.

Le même réglement enjoint à cette fin à toutes personnes qui s’entremettent de loüer & reloüer, soit en hôtellerie ou chambre garnie, au mois, à la semaine, ou à la journée, de s’enquérir de ceux qui logeront chez eux, de leurs noms, surnoms, qualités, conditions, & demeure ; du nombre de leurs serviteurs & chevaux ; du sujet de leur arrivée ; du tems qu’ils doivent séjourner ; en faire registre ; le porter le même jour au commissaire de leur quartier ; lui en laisser autant par écrit ; & s’il y a aucuns de leurs hôtes soupçonnés de mauvaise vie, en donner avis audit commissaire ; & donner caution de leur fidélité au greffe de la police ; le tout à peine de 48 livres parisis d’amende.

Suivant les derniers réglemens, ceux qui tiennent chambres garnies doivent avoir un registre paraphé du commissaire du quartier, pour y inscrire ceux qui arrivent chez eux, en faire dans le jour leur déclaration au commissaire, & en outre lui réprésenter tous les mois leur registre pour être visé ; & lorsqu’ils cessent de loüer en chambres garnies, ils doivent en faire leur déclaration à ce même commissaire, qui en fait mention sur leur registre.

En tems de guerre on renouvelle les réglemens, l’on redouble les précautions pour la police des auberges & chambres garnies, à cause des gens suspects qui pourroient s’y introduire. Voyez le traité de la police de la Mare, tome I. liv. I. tit. v. p. 36. tit. jx. ch. iij. p. 137. & tit. xij. ch. vij. p. 224. (A)

Chambre de port, (Marine.) on appelle ainsi un endroit du port renfermé, & disposé pour recevoir un vaisseau desarmé, pour le réparer avec plus de facilité, ou pour en construire. Voyez Plan. VIII. Marine, un chantier de construction, où l’on trouve une chambre ou bassin coté CDEFG.

Les chambres sont des lieux préparés pour construire des vaisseaux : on en fait le sol beaucoup plus bas que le niveau de la haute mer : elles sont entourées de murs ou digues, & l’entrée en est fermée par des écluses : quand la construction est assez avancée, & le navire en état d’être mis à l’eau, on ouvre les écluses ; la marée remplit la chambre, enleve le vaisseau de dessus son chantier, & il se trouve à flot sans risque & sans peine. Mais cela ne se peut pratiquer que dans des endroits où la mer monte beaucoup. En Angleterre, où le flot monte de plusieurs piés sur les côtes, on se sert de ces sortes de chambres.

Chambre des vaisseaux, (Marine.) ce sont les lieux destinés pour le logement du capitaine & des officiers. Elles sont pratiquées à l’arriere du vaisseau.

Dans les vaisseaux du 1er rang, la grande chambre située sur le second pont est la chambre du conseil, & au-dessus est celle du capitaine. Voyez leur disposition, Pl. III. Mar. fig. 1. représentant la poupe d’un vaisseau : L, c’est la chambre du conseil ; K, c’est la chambre du capitaine; & celles des officiers au-dessus.

Dans les moindres vaisseaux, la chambre du capitaine sert de chambre du conseil. Voyez dans la Plan. IV. fig. 1. représentant la coupe du vaisseau dans sa longueur. N°. 137, la grand-chambre ou chambre du conseil, & c’est la chambre du capitaine. N°. 138, la chambre du capitaine en second. N°. 153, chambres pour les officiers. Ainsi la chambre du capitaine se trouve dans ces vaisseaux au-dessus de la sainte-barbe, cotée n°. 107, qui est la chambre des canonniers.

Nous renvoyons ainsi aux figures, parce que c’est le moyen de rendre les choses plus sensibles, & d’épargner au lecteur de longues descriptions, qu’il n’est pas toûjours aisé de rendre bien claires.

On fait deux portes à la grande chambre, quoique l’on ne se serve guere que de celle qui est à bas-bord : mais ces deux portes sont très-utiles dans un combat, & facilitent beaucoup les différentes manœuvres & le service qu’il convient de faire dans ce cas.

Chambre aux voiles, c’est l’endroit où l’on met les voiles, que l’on garde pour les changer ou remplacer en cas de besoin. Voyez Plan. IV. fig. 1. n°. 44. la situation de la chambre aux voiles. (Z)

Chambre garnie, ou Chambre tapissée, qu’on appelle aussi chambre, (Jurisprud.) en fait de conventions matrimoniales, est un don de nôces & de survie, qu’on stipule par contrat de mariage en faveur de la femme au cas qu’elle survive son mari.

Ce don consiste à reprendre une certaine quantité de meubles à l’usage de la femme. Ces stipulations sont assez ordinaires en Provence, en Dauphiné, & en Bresse. Elles sont aussi usitées dans quelques autres provinces ; & on les peut faire par-tout, attendu que les contrats de mariage sont susceptibles de toutes sorte, de clauses qui ne sont pas contre les bonnes mœurs, ou prohibées par quelque loi expresse. Cet usage paroît fort ancien, & se pratiquoit même parmi les grands ; puisqu’on trouve dans le contrat de mariage de Louis II. roi de Sicile, avec Yolande fille de Jean roi d’Arragon, de l’an 1399, une clause portant que ladite Yolande auroit sa chambre : Necnon reditus annuos, & quascumque villas, loca & castra pro statu cameræ, seu dotalitio ipsius Yolandæ, &c. Voyez le glossaire de Ducange au mot camera ; & le trait. des gains nupt. ch. j. p. 12.

Chambre tapissée, voyez ci-devant Chambre garnie. (A)

Chambre de l’œil, (Anatom.) espace compris entre le crystallin & la cornée, lequel contient l’humeur aqueuse qui remplit l’œil.

M. Brisseau, medecin des hôpitaux du Roi, & professeur à Douai, est le premier qui au commencement de ce siecle a donné le nom de chambre à l’espace compris entre le crystallin & la cornée qui contient l’humeur aqueuse ; & comme cet espace est divisé en deux parties par l’uvée, il a donné le nom de premiere chambre à la partie antérieure, que tous les anatomistes appellent aujourd’hui chambre antérieure, comprise entre l’iris & la cornée ; & il a nommé seconds chambre l’espace compris entre le crystallin & l’uvée, & que l’on appelle présentement d’une voix unanime, chambre postérieure.

Quand la question de la cataracte membraneuse ou glaucomatique commença d’être agités dans l’Académie des sciences & dans le public en 1706, M. Brisseau, qui attaquoit l’opinion commune de la membrane, soûtint que de la maniere dont se faisoit l’opération ordinaire de la cataracte, & vû l’endroit où l’on perçoit l’œil, il n’étoit pas possible que l’aiguille n’allât dans la chambre postérieure, & n’y abattît le crystallin, ou du moins ne le blessât aussi bien que l’uvée, par ce que cette chambre est fort petite. Ceux du parti contraire répondirent que cette chambre étoit assez grande, & plus grande même que l’antérieure, trompés peut-être par les figures de Vésale, de Brigs, & d’autres auteurs.

Ces sortes de points de fait délicats & peu sensibles, sont des plus difficiles à décider : il n’est pas possible de connoître la grandeur des chambres de l’humeur aqueuse par la dissection ordinaire : si l’on coupe un œil en sa partie antérieure, aussi tôt que la cornée est ouverte, l’humeur aqueuse s’en écoule, & l’on ne sait dans laquelle des deux chambres elle étoit en plus grande quantité : d’ailleurs la cornée ouverte se flétrit, le plus souvent s’affaisse, & ne conserve plus sa convexité ; l’uvée qui est naturellement tendue, & un peu éloignée du crystallin, se trouve relâchée & appliquée sur le crystallin. Il n’est donc plus possible de reconnoître la distance qui est entre la cornée & l’uvée, ni celle qui est entre l’uvée & le crystallin.

Pour remédier à cet inconvénient, & pouvoir s’éclaircir du fait, on a imaginé de faire geler des yeux pendant le froid, naturellement ou artificiellement ; car on sait par l’hyver de 1709, que l’humeur aqueuse se gele.

M. Petit le medecin, plus curieux que personne dans ces matieres, a pris des yeux de différens animaux, d’homme, de cheval, de bœuf, de mouton, de chien, de chat, de loup, & c. il faut que le froid soit considérable, afin que l’humeur aqueuse soit bien gelée, & qu’on en puisse exactement mesurer l’étendue en différens espaces.

La glace de la chambre antérieure s’est toûjours trouvée beaucoup plus épaisse que celle de la postérieure, & par conséquent la chambre antérieure plus grande que la postérieure. Les différentes proportions se sont aussi trouvées à cet égard dans des yeux d’animaux de différentes especes, & dans ceux d’une même espece, quoiqu’avec moins de différence.

La glace de la chambre postérieure n’est pas même aisée à appercevoir ; comme elle n’est qu’en fort petit volume, elle est noircie par l’uvée qui la termine, & à peine paroît-elle. Quand on coupe l’œil suivant son axe, c’est-à-dire, selon une ligne qui passe par les centres du crystallin & de la cornée, ce qui est la section la plus propre à cette recherche, la glace se brise par petites parcelles qui s’échapent ; & de plus le scalpel, quelque tranchant qu’il soit, s’émousse, & entraîne avec lui des parties noires de l’uvée, & des processus ciliaires, qui se mêlent avec la glace & la cachent. Il faut de l’art pour la découvrir telle qu’elle est, & pure.

Si l’on ne prend pas les yeux immédiatement après la mort, ils sont déja flétris, parce que les humeurs se sont évaporées à proportion du tems. L’humeur aqueuse, plus légere & plus volatile que la vitrée, & d’ailleurs plus libre, puisque la vitrée est retenue dans une infinité de petites cellules, s’évapore davantage ; & c’est celle dont on a besoin pour l’expérience.

Quand les yeux sont gelés, ils sont fort tendus, eussent-ils été flétris auparavant ; les humeurs se sont dilatées par la gelée comme fait l’eau, & en se gelant elles s’évaporent assez considérablement. Cette dilatation des humeurs nuit beaucoup à la recherche de la capacité des deux chambres.

Mais malgré ces difficultés, M. Petit est parvenu à la déterminer. Suivant lui, la chambre postérieure dans l’homme contient à-peu-près le tiers de l’humeur aqueuse. Le poids moyen de cette humeur entiere est de quatre grains ; d’où il suit que la chambre postérieure en contient un grain &  ; & cette quantité est si petite, que la chambre qui a lignes d’étendue, ne peut être que très-étroite.

D’un autre côté MM. Heister & Morgagni, l’un en Allemagne & l’autre en Italie, ont aussi reconnu par les expériences qu’ils ont faites sur des yeux gelés, que la chambre antérieure est beaucoup plus grande que la postérieure : mais il s’en faut bien qu’ils soient entrés dans des finesses de détail & de précision, comme l’a fait M. Petit, dans les Mémoires de l’Acad. ann. 1723. Ce curieux physicien ne s’est pas contenté de la preuve prise de la gelée des yeux ; il a trouvé & indiqué trois autres moyens différens pour connoître la grandeur des chambres de l’humeur aqueuse dans les yeux de l’homme. Il y a deux de ces moyens par lesquels il a découvert l’épaisseur de ces chambres, & un troisieme qui en donne la solidité ; & parmi ces moyens est un ophtalmometre ou instrument de son invention, pour mesurer l’épaisseur & la grandeur des chambres. Voyez ann. 1728. Cet article est de M. le chevalier de Jaucourt.

Chambre obscure, ou Chambre close, en terme d’Optique, est une chambre fermée avec soin de toutes parts, & dans laquelle les rayons des objets extérieurs étant reçus à travers un verre convexe, ces objets sont représentés distinctement, & avec leurs couleurs naturelles, sur une surface blanche placée en-dedans de la chambre, au foyer du verre. Outre ces expériences que l’on peut faire dans une chambre ainsi fermée, on fait des chambres obscures, ou machines portatives, dans lesquelles on reçoit l’image des objets extérieurs par le moyen d’un verre. Voyez Œil artificiel.

La premiere invention de la chambre obscure est attribuée à Jean-Baptiste Porta.

La chambre obscure sert à beaucoup d’usages différens. Elle jette de grandes lumieres sur la nature de la vision ; elle fournit un spectacle fort amusant, en ce qu’elle présente des images parfaitement semblables aux objets ; qu’elle en imite toutes les couleurs & même les mouvemens, ce qu’aucune autre sorte de représentation ne peut faire. Par le moyen de cet instrument, sur-tout s’il est construit conformément à la derniere des trois manieres de le construire dont on parlera plus bas, quelqu’un qui ne sait pas le dessein pourra néanmoins dessiner les objets avec la derniere justesse & la derniere exactitude ; & celui qui sait dessiner ou même peindre pourra encore par ce même moyen se perfectionner dans son art.

La théorie de la chambre obscure est contenue dans les propos. suivantes tirées de l’Optique de Wolf.

Si un objet A B, (Pl. d’Opt. fig. 1.) envoye des rayons à-travers la petite ouverture C, sur une muraille blanche opposée à cet objet, & que la place où les rayons vont aboutir, derriere l’ouverture bCa, soit sombre ; l’image de l’objet se peindra sur la muraille de haut en bas.

Car l’ouverture C étant fort petite, les rayons qui viennent du point B, tomberont sur b ; ceux qui viennent des points A & D, tomberont sur a & d ; c’est pourquoi, comme les rayons qui partent des différens points de l’objet, ne sont point confondus, lorsque la muraille les réfléchit, ils porteront avec eux les traits de l’objet qu’ils représenteront sur la muraille. Mais comme les rayons AC & BC se coupent l’un l’autre à l’ouverture, & que les rayons qui partent des points d’en-bas vont aboutir en-haut, il faudra nécessairement que l’objet soit représenté dans une figure renversée.

Ainsi, comme les angles en D & en d sont droits, & que les angles en C sont égaux ; B & b, A & a seront aussi égaux : conséquemment si la muraille sur laquelle l’objet est représenté est parallele à l’objet, ab : AB ∷ dC  : DC ; c’est-à-dire que la hauteur de l’image sera à la hauteur de l’objet, comme la distance de l’image à l’ouverture est à la distance de l’objet à cette même ouverture ; il est évident par cette démonstration qu’on peut faire une chambre obscure, en se contentant de faire en c un trou fort petit, sans y mettre de verre. Mais l’image sera beaucoup plus distincte, si on place un verre convexe en C ; car lorsqu’il n’y a en C qu’un simple trou, les points A, D, C, &c. de l’objet ne peuvent se représenter en a, d, c, que par de simples rayons Aa, Dd, Cc ; au lieu que si on place un verre en C, tous les rayons qui viennent du point A, par ex. & qui tombent sur ce verre, sont réunis au foyer a, de sorte que le point a est beaucoup plus vif & plus distinct, & la réunion sera d’autant plus exacte & plus parfaite au foyer a, que le verre sera portion d’une plus grande sphere. Ainsi moins le verre sera convexe, plus l’image sera distincte. Il est vrai aussi que le foyer sera d’autant plus éloigné, que le verre sera moins convexe, ce qui fait un inconvénient. C’est pourquoi il faut prendre le verre d’une convexité moyenne.

Construction d’une chambre obscure, dans laquelle les objets de dehors seront représentés distinctement & avec leurs couleurs naturelles, ou de haut en-bas, ou dans leur vraie situation. 1°. Bouchez tous les jours d’une chambre dont les fenêtres donnent des vûes sur un certain nombre d’objets variés ; & laissez seulement une petite ouverture à une des fenêtres. 2°. Adaptez à cette ouverture un verre lenticulaire, plan, convexe, ou convexe des deux côtés, qui forme une portion de surface d’une assez grande sphere. 3°. Tendez à quelque distance, laquelle sera déterminée par l’expérience même, un papier blanc ou quelques étoffes blanches, à moins que la muraille même ne soit blanche ; au moyen de quoi vous verrez les objets peints sur la muraille de haut en-bas. 4°. Si vous les voulez voir représentés dans leur situation naturelle, vous n’avez qu’à placer un verre lenticulaire entre le centre & le foyer du premier, ou recevoir les images des objets sur un miroir plan incliné à l’horison sous un angle de 45 degrés ; ou enfermer deux verres lenticulaires, au lieu d’un, dans un tuyau de lunette. Si l’ouverture est très-petite, les objets pourront se peindre, même sans qu’il soit besoin de verre lenticulaire.

Pour que les images des objets soient bien visibles & bien distinctes, il faut que le soleil donne sur les objets : on les verra encore beaucoup mieux si l’on a soin de se tenir auparavant un quart-d’heure dans l’obscurité. Il faut aussi avoir grand soin qu’il n’entre de la lumiere par aucune fente, & que la muraille ne soit point trop éclairée.

Construction d’une chambre obscure portative. 1°. Ayez une cassette ou boîte de bois sec (Pl. d’Opt. fig. 17.) de la figure d’un parallelépipede, large d’environ dix pouces, & longue de deux piés ou davantage, à proportion du diametre que vous voudrez donner au verre lenticulaire. 2°. Dans le plan CAO ajustez un tuyau à lunette EF, avec deux verres lenticulaires ; ou bien mettez l’image à une petite distance du tuyau avec trois verres lenticulaires convexes des deux côtés, dont les deux de dehors ou de devant auront de diametre de pié, & celui de dedans . En-dedans de la boîte, à une distance raisonnable du tuyau, mettez un papier huilé GH dans une situation perpendiculaire, ensorte qu’on puisse voir à travers, les images qui viendront s’y peindre. Enfin en I faites un trou rond par où une personne puisse regarder commodément.

Alors si le tuyau est tourné vers l’objet, les verres étant arrêtés à une distance convenable, qui sera déterminée par l’expérience), l’objet sera peint sur le papier GH dans sa situation naturelle.

On peut encore faire une chambre obscure portative de cette maniere. 1°. Au milieu d’une cassette ou boîte de même forme (Pl. d’Optique fig. 18.), mettez une petite tourette ronde ou quarrée HI, ouverte du côté de l’objet AB. 2°. Derriere l’ouverture placez un petit miroir abI à une inclinaison de 45 degrés, pour réfléchir les rayons Aa & Bb, sur le verre convexe des deux côtés G, enfermé dans le tuyau GL. 3°. A la distance de son foyer mettez une planche couverte d’un papier blanc E F, pour recevoir l’image ab : enfin faites en NM une ouverture oblongue pour regarder dans la boîte. (O)

Chambre, dans l’Artillerie, est une concavité qui se trouve quelquefois dans l’épaisseur du métal des pieces, qui les rend foibles & sujettes à crever. C’est pour les découvrir qu’on éprouve les canons & les mortiers. Voyez Épreuves du canon & du mortier. (Q)

Chambre, dans les canons & mortiers, est la partie de l’ame destinée à contenir la poudre. Voyez Canon & Mortier.

Il y a des chambres de plusieurs figures. Chambre cylindrique, ou cylindre, est celle qui est également large par-tout, & celle qui s’observe aujourd’hui dans le canon : chambre spherique est celle qui est faite à-peu-près en forme de sphere ou de boule.

Il est évident que plus il s’enflamme de poudre dans le même instant, & plus l’effort qu’elle produit sur le boulet est grand. Cette considération donna lieu, vers la fin du dernier siecle, de donner une nouvelle disposition à l’intérieur des pieces. On y pratiqua une cavité en forme de sphere un peu applatie ; la lumiere répondant à-peu-près vers le milieu de cette cavité, plus large que le reste de l’ame du canon, faisoit prendre feu dans le même tems à une plus grande quantité de poudre, que si l’ame du canon avoit été par-tout uniforme ; & cette poudre se trouvant, pour ainsi dire, réunie & concentrée dans cette cavité, agissoit ensuite sur le boulet avec plus d’effort & d’impétuosité que dans les pieces ordinaires.

On a dit que l’intérieur du canon étoit par-tout de même diametre ; mais il faut observer que cela n’est exactement vrai aujourd’hui que dans nos pieces de 12, de 8, & de 4, parce que dans celles de 24 & de 16 on pratique au fond de l’ame une petite chambre cylindrique, ab, (V. les Pl. de Fortif. & leur explicat.) qui peut tenir environ deux onces de poudre : dans la piece de 24, cette petite chambre a un pouce & demi de diametre, & deux pouces & demi de profondeur ; & dans celle de 16, elle a un pouce de diametre sur dix lignes de profondeur. Le canal de la lumiere aboutit vers le fond de ces petites chambres, à 9 lignes dans la piece de 24, & à 8 dans celle de 16. Leur objet est de conserver la lumiere, en empêchant que l’effort de la poudre, dont le canon est chargé, n’agisse immédiatement sur son canal. Les pieces au-dessous de celles de 16 n’ont point de ces petites chambres.

Les figures qui représentent la coupe d’une piece de 24, font voir celle de la petite chambre ab : une des figures de la même Planche représente le plan de cette chambre.

Les pieces de 12 & au-dessous n’ont point de petites chambres, parce que ces pieces servant aussi à tirer à cartouche, la petite chambre ne permettroit pas de percer les cartouches aussi aisément par la lumiere que lorsque toute la chambre est de même largeur dans toute son étendue.

M. du Lacq, dans son traité sur le méchanisme de l’artillerie, loue l’invention de ces petites chambres, pour la conservation des lumieres, mais il craint cependant qu’elles n’ayent de grands inconvéniens, par la difficulté de les écouvillonner exactement. C’est à quoi il paroît qu’on pourroit remédier assez aisément, en ajoûtant à l’écouvillon ordinaire une espece de petit boudin, à-peu-près de même longueur & de même diametre que la petite chambre. Mais on peut écouvillonner ces sortes de pieces avec l’écouvillon ordinaire ; il est suffisant pour nettoyer l’entrée, & une partie de l’intérieur de la petite chambre ; parce que la disposition de cette chambre ne permet guere qu’il s’y arrête de petites parties de feu, comme il pourroit s’en arrêter dans les chambres sphériques. Celles-ci étoient plus étroites à leur ouverture que dans leur intérieur, & par-là la partie du métal proche de l’ouverture de la chambre, pouvoit souvent arrêter & retenir quelque peu de feu dans l’intérieur de la chambre. Nos nouvelles petites chambres qui forment un petit canal entierement égal & uniforme, ne sont pas dans le cas de produire le même accident.

L’adoption que l’artillerie de France en a faite, est d’ailleurs une preuve de leur bonté ; parce qu’il est à présumer qu’elle ne les a adoptées qu’après en avoir reconnu l’avantage par l’expérience, qui dans ces sortes de matieres doit l’emporter sur les raisonnemens.

Le fond de l’ame de toutes les pieces est arrondi dans toute sa circonférence, par de petits arcs, dont le rayon est d’environ le quart du calibre de la piece. Cet arrondissement donne lieu d’écouvillonner la piece plus exactement, & il augmente encore la force du métal, vers la culasse, & vers la lumiere. Dans les pieces de 12 & de 4, le canal de la lumiere aboutit à 8 lignes du fond de la premiere, à 7 du fond de la seconde, & à 6 de celui de la troisieme. Traité d’artillerie par M. Leblond.

Chambre ou Fourneau, se dit en terme de guerre, de l’endroit où se met la poudre d’une mine. Voyez Fourneau.

C’est ordinairement une cavité de 5 à 6 piés cubes, & de forme cubique.

Pour que la poudre agisse avec tout l’effort dont elle est capable, dans la chambre ou le fourneau de la mine, il faut qu’il n’y ait point de vuide, parce qu’alors tout l’effort de sa dilatation fait immédiatement impression sur les terres qui l’environnent.

Il faut, pour déterminer la grandeur du fourneau, savoir la quantité de poudre que peut occuper un pié cube d’espace ; (tout le monde sait qu’un cube est un solide terminé par six quarrés égaux, comme un dez à jouer.) l’expérience a fait voir, comme le dit M. de Saint-Remi, qu’il en faut 80 livres. Il suit de-là que 100 livres en occuperont un pié & un quart ; 140 livres, un pié & demi ; & 160 livres, un pié trois quarts, & c.

Il est à remarquer cependant que tout le monde ne convient pas qu’un pié cubique de poudre en contienne 80 liv. car on a des expériences particulieres par lesquelles on a trouvé :

1o. Que la poudre étant mise legerement dans un vase cubique d’un pié, n’en contenoit que 60 liv. 2 onces.

2o. Que la même poudre étant fort affaissée, le vase en contenoit 95 liv. 5 onces ; mais cette pesanteur peut varier suivant le plus ou le moins de salpêtre qu’il y a dans la poudre.

Il est d’usage de faire la chambre de la mine de figure cubique, parce que le feu prenant au milieu, se communique plus également vers tous les parois du fourneau. On pourroit par cette raison la faire sphérique, mais sa construction seroit plus difficile. Il y a cependant des personnes fort habiles dans la science des mines, qui prétendent qu’on pourroit faire le fourneau en espece de coffre, dont la hauteur seroit moindre que la longueur, parce qu’alors la mine donneroit une excavation plus large ; mais comme l’expérience n’a pas encore confirmé suffisamment ces idées, on ne parlera ici que de la chambre ordinaire, c’est-à-dire de la cubique.

Pour faire un cube qui tienne telle quantité de poudre que l’on voudra, comme par exemple 100 livres ; voici comment l’on y parviendra.

Le pié cube contient 80 liv. de poudre, par conséquent 100 livres contiennent un pié cube & un quart d’espace. J’observe que cette quantité contient 2160 pouces cubes ; car pour avoir la base d’un pié cube, il faut d’abord commencer par multiplier 12 par 12, dont le produit est 144 ; & pour avoir son solide, il faut multiplier sa base par sa hauteur, c’est-à-dire 144 par 12, qui donne pour produit 1728 pouces cubes. Il faut à cette quantité ajoûter l’espace qu’occupent 20 livres de poudre, c’est-à-dire 432, ce qui fait 2160 pouces cubes pour l’espace total que l’on cherche. Il reste à chercher le côté d’un cube qui contienne cette quantité. C’est ce qu’on trouve en en extrayant la racine cube. On aura pour ce côté environ 13 pouces. Ait si la base d’une mine dans laquelle on veut mettre 100 livres de poudre, doit être un quarré dont le côté soit de 13 pouces, & la hauteur de cette chambre doit aussi être de 13 pouces.

Il est aisé de faire une table des dimensions que l’on doit donner aux chambres des mines, pour toutes les quantités de poudre dont on veut les charger. Il faut seulement observer qu’elles doivent être un tiers plus grandes que ne le comportent les poudres qu’elles doivent renfermer, afin qu’elles puissent contenir les planches dont on couvre assez ordinairement les côtés, & la paille sur laquelle on met la poudre pour l’empêcher de contracter l’humidité. On joint ici une table de M. de Vauban, que l’on trouve dans son traité de l’Attaque des places, laquelle servira à trouver tout d’un-coup le côté de la chambre, relativement à la quantité de poudre qu’elle doit contenir, ayant égard aux planches & à la paille qu’on y met pour tenir la poudre séchement.

Table pour la charge des mines, suivant M. le maréchal de Vauban, dans laquelle on trouve la mesure des chambres ou fourneaux des mines déterminée relativement à la quantité de poudre qu’elles doivent contenir, & à la hauteur des terres du rempart au-dessus des chambres.

Hauteur
des remparts
au-dessus
des
chambres.
Profondeur
des galeries
jusqu’aux
chambres.
Mesure
des chambres
en piés et pouces
communs.
Quantite
de poudre
nécessaire
à la charge
des mines.
Piés. Piés. Piés. Pouces. Livres.
10 5 0 7 10
12 6 0 8 18
14 7 0 10 28
16 8 0 11 42
18 9 1 1 60
20 10 1 2 82
22 11 1 3 109
24 12 1 4 142
26 13 1 5 180
28 14 1 7 226
30 15 1 9 277
32 16 1 10 336
34 17 1 11 403
36 18 2 2 479
38 19 2 2 564
40 20 2 4 617
42 21 2 5 761
44 22 2 6 875
46 23 2 8 1000
48 24 2 9 1136
50 25 2 10 1294
52 26 3 0 1444
54 27 3 1 1617
56 28 3 3 1803
58 29 3 4 2004
60 30 3 6 2218
62 31 3 7 2447
64 32 3 8 2692
66 33 3 10 2952
68 34 3 11 3229
70 35 4 0 3522
72 36 4 2 2883
74 37 4 3 4161
76 38 4 4 4510
78 39 4 6 4873
80 40 4 7 5258

(Q)

Chambre cylindre, est aussi dans le mortier un enfoncement cylindrique, pour mettre la poudre de sa charge. Les mortiers qui ont de ces sortes de chambres sont appellés à l’ancienne maniere.

Le mortier a encore des chambres sphériques, à poire, & en cone tronqué. Voyez Mortier. (Q)

Chambre, se dit, en Maréchallerie, du vuide qu’on pratique dans une selle de cheval, d’un bât, ou d’un colier, en retirant un peu de la bourre, lorsque le cheval est blessé ou foulé en quelque endroit, pour empêcher que la selle ne porte dessus.

Chambre ou Banc, (Saline.) voyez Banc.

* Chambre, (Manufacture en toiles, coton, soie, &c.) c’est ainsi que les ouvriers appellent l’intervalle vuide compris entre deux lames quelconques du peigne, dans lequel passe un nombre plus ou moins grand de fils de chaîne, selon l’étoffe que l’on travaille. Voyez Chaîne.

* Chambre, (Verrerie.) ce sont des ouvertures particulieres pratiquées dans les murailles du four & au niveau des siéges, pour la commodité de manœuvrer sur les pots, quand il leur arrive de casser. Il y a autant de chambres que de pots. Elles ont communément six pouces de largeur sur huit pouces de hauteur. Voyez Loge ; voyez aussi les Planches de Verrerie, & leur explication. La manœuvre qui se fait sur les pots, à l’aide des chambres, s’appelle chambrer. Voyez l’article Verrerie.

Chambre : les Vitriers appellent ainsi le creux qui est dans la verge de plomb où ils placent le verre, lorsqu’ils font des panneaux de vitre. Voyez Verge, Panneaux, Vitre, &c.

* Chambre, (Chasse & Œconomie rustique.) c’est ainsi qu’on appelle un piége que l’on tend aux loups & autres animaux mal-faisans & capables de résister à l’homme. On prend des pieux a, a, a, b, b, b, de douze à quinze pouces de circonférence, Planc. de Chasse ; on en forme une enceinte R, a, b, S, en les enfonçant fortement en terre, à la distance de deux ou trois pouces les uns des autres ; on les fixe les uns aux autres par quelques perches pp, pp, pp, qu’on y attache en-travers ; on laisse à cette enceinte de pieux une espace vuide, auquel on adapte une porte solide & capable de se fermer d’elle-même en se mouvant librement sur ses gonds S, M, N ; on tient cette porte entr’ouverte par le moyen d’un bâtonnet T, au milieu duquel il y a une corde V, qui va se rendre dans un anneau X attaché à l’un des pieux qui forment le fond de la chambre ; on attache la proie Y, qui doit servir d’appas à l’animal, à l’extrémité de cette corde. Lorsque l’animal est entré dans la chambre, il ne manque pas de se jetter sur la proie ; de tirer la corde à laquelle elle est attachée, & d’emporter le bâtonnet au milieu duquel la corde correspond. Le bâtonnet emporté, la porte se ferme, & l’animal se trouve enfermé dans la chambre. Pour que la porte se ferme avec plus de vîtesse, on a coûtume de la charger par-derriere d’une grosse pierre D. On voit encore, sans qu’il soit besoin d’en avertir, qu’il faut que les pieux ayent une certaine hauteur, pour que l’animal ne puisse s’échapper de la chambre en l’escaladant. On a rompu quelques pieux dans la figure, afin qu’on pût voir l’intérieur de la chambre.

* Chambre du cerf, (Venerie.) se dit de l’endroit où le cerf se repose pendant le jour.

Chambre, (la) Géog. mod. petite ville de Savoie au comté de Maurienne, sur la riviere d’Arc.