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Loyseau, en son traité des offices, liv. I. chap. vij. n. 57. dit que le titre de conseiller du Roi étoit autrefois si honorable, que les moindres officiers qui le portoient étoient les baillifs & sénéchaux ; que ce titre valoit autant qu’à présent celui de conseiller d’état, parce qu’au commencement ceux qui portoient ce titre, étoient des gens du conseil du Roi qui étoient envoyés pour gouverner les provinces & rendre la justice ; que depuis il fut communiqué aux lieutenans généraux des baillifs, lorsqu’ils furent érigés en titre d’office, & qu’ils succéderent au fait de la justice en la fonction entiere des baillifs & sénéchaux ; qu’encore en 1551, lors de l’érection des conseillers-présidiaux, on ne voulut pas leur communiquer ce titre ; qu’on aima mieux en forger exprès un autre, & emprunter pour eux des Romains la qualité de magistrat, quoiqu’en effet ils ne soient pas vrais magistrats ; que cela fut fait ainsi, ou afin qu’il y eût une distinction d’honneur entre eux & leurs chefs, qui sont les lieutenans du siége, ou plûtôt afin de les distinguer d’avec les anciens avocats, qui auparavant servoient d’assesseurs & conseillers aux magistrats, & que par cette raison on appelloit anciennement en France conseillers. De sorte, dit-il, que les conseillers-présidiaux furent appellés conseillers-magistrats, c’est-à-dire conseillers en titre d’office.

Mais Loyseau ajoute que depuis, ce titre a été communiqué pour de l’argent (& pour ainsi dire par impôt) aux élus, & à d’autres petits financiers dont on a voulu parer les offices de ce titre afin de les mieux vendre ; qu’il en est arrivé comme des anneaux d’or qui étoient jadis l’enseigne de la noblesse Romaine, laquelle les jetta & quitta par dépit d’un commun consentement, lorsque Flavius affranchi d’Appius Clodius fut fait édile-currule, & par ce moyen acquit le droit de porter l’anneau d’or ; de même que les honnêtes femmes de France quitterent la ceinture d’or qui étoit autrefois leur marque & ornement, lorsqu’elles virent que les femmes publiques affectoient d’en porter contre la prohibition du roi S. Louis, dont est venu le proverbe, Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée ; que de même le titre de conseiller du roi fut tellement méprisé, que les conseillers-présidiaux le refuserent, lorsqu’on voulut le leur attribuer pour de l’argent.

Loyseau ne parle pas des conseillers au châtelet de Paris ; ce sont néanmoins les premiers après les gens du conseil qui ont porté le titre de conseiller du roi. Ce tribunal est le premier où il y ait eu des conseillers ; & le titre de conseiller du roi leur convenoit d’autant mieux, que nos rois, entr’autres S. Louis, alloient souvent en personne rendre la justice au châtelet ; & c’est sans doute par cette raison que le prevôt de Paris avec les conseillers de son siége, s’appelloient le conseil du roi au châtelet.

Depuis que le roi eut fixe à Paris une portion de son conseil d’état sous le titre de parlement, ceux qui ont été établis pour former cette compagnie, ont aussi pris le titre de conseiller du roi, pour lequel ils sont fondés en double titre : l’un, en ce qu’ils ont été tirés du conseil du roi, & qu’ils en ont encore fait long-tems les fonctions, lorsque le roi assembloit son conseil étroit & privé avec le parlement pour tenir son conseil commun ; l’autre titre est que, depuis l’institution du parlement, nos rois ont coûtume de venir quand ils jugent à propos tenir leur lit de justice au parlement, & d’y délibérer de leurs affaires avec ceux qui composent le parlement, lequel par cette raison est nommé dans les anciens titres & auteurs, la cour du roi. Dans des lettres du roi Jean du 16 Novembre 1353, les conseillers du roi au parlement sont dits tenans le parlement.

Nos rois ayant par succession de tems établi des conseillers dans les bailliages & sénéchaussées, & dans la plûpart des autres siéges royaux, on donna aussi aux conseillers de ces différens siéges le titre de conseillers du roi, à l’instar de ceux du châtelet. Ceux qui l’avoient d’abord négligé, l’ont dans la suite reçû, & présentement ce titre est commun à tous les conseillers des siéges royaux.

Il a été attribué non-seulement à tous les conseillers proprement dits établis dans les siéges royaux, mais encore à beaucoup d’autres officiers de justice, dont le titre propre & principal n’est cependant pas celui de conseiller, tels que les présidens des cours souveraines, des conseils souverains & provinciaux, & des présidiaux, les maîtres des requêtes & maîtres des comptes, les correcteurs-auditeurs, les lieutenans généraux, civils, particuliers, criminels & de police, les assesseurs, les greffiers en chef des cours, & autres siéges royaux ; les trésoriers de France, les secrétaires du Roi, les notaires, les commissaires au châtelet de Paris, & beaucoup d’autres officiers des justices royales.

Le connétable prenoit aussi le titre de conseiller du roi ; & on trouve des exemples qu’on l’a donné anciennement à quelques maréchaux de France.

La plûpart des trésoriers, receveurs & payeurs des deniers royaux, & leurs contrôleurs, ont aussi le titre de conseiller du roi.

Enfin il y a encore quelques officiers du Roi qui ne sont ni de justice, ni militaires, ni de finances, mais que l’on peut plûtôt placer dans la classe des gens de lettres, qui ont aussi le titre de conseiller du roi, comme le premier medecin, & ceux qui ont un brevet d’historiographe de France.

Il n’est pas vrai, comme quelques-uns se l’imaginent, que ce titre ait été communiqué jusqu’aux langayeurs de porcs. C’est une plaisanterie par laquelle on a voulu faire entendre que ce titre fort honorable en lui-même a été prodigué à beaucoup de petits officiers, & que chacun a eu l’ambition d’en être décoré. (A)

Conseillers du Roi Réformateurs généraux. On donnoit ce titre à ceux que le roi envoyoit avec une commission dans quelque province pour y réformer l’administration de la justice. Cette qualité est donnée à Bertrand prieur de S. Martin des Champs, dans des lettres du mois de Décembre 1351. (A)

Conseillers à la Table de Marbre, voyez Table de Marbre. (A)

Conseillers du Roi généraux Trésoriers sur le fait de l’aide pour la rançon du Roi. Dans des lettres de Charles V. du 28 Juin 1364, cette qualité est donnée à ceux qui avoient été ordonnés sur le fait de l’aide pour la rançon du roi Jean. (A)

Conseillers Vérificateurs & Rapporteurs des défauts faute de comparoir et de défendre. Par édit du mois de Mars 1691, Louis XIV. créa deux de ces offices de conseillers en chaque présidial, bailliage & sénéchaussée du royaume, avec attribution de trente sols en toutes affaires excédentes 20 liv. & exemption de la taille, & autres impositions généralement quelconques ; logement de gens de guerre, guet & garde, tutelle & curatelle, & autres charges publiques. Le motif exprimé dans cet édit, étoit d’éviter les surprises fréquentes qui proviennent de ce que la plûpart des juges n’examinent que legerement les pieces justificatives des demandes en profit de défaut. Peu de tems après, le roi par une déclaration du 7 Août 1691, réunit ces conseillers au corps des officiers de chaque siége. Ces offices ont depuis été totalement supprimés par édit du mois d’Août 1716. Au châte-