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égard à la durée des êtres qui est immense. Si c’est dans ce point que l’homme craint, s’inquiete, & se tourmente sans cesse, on peut bien dire que sa raison n’en a fait qu’un fou. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Crainte, (Mythol.) La crainte étoit aussi une déesse du paganisme. Elle avoit un temple à Sparte, l’endroit du monde où les hommes avoient le plus de bravoure, & où ils étoient le moins dirigés dans leurs actions par la crainte, cette passion vile qui fit mépriser & le culte & les autels que Tullus Hostilius fit élever à la même déesse chez les Romains. La Crainte étoit fille de la Nuit ; j’ajoûterois volontiers & du crime.

Crainte, (Jurispr.) on en distingue en Droit de deux sortes, la crainte grave & la crainte legere.

La crainte grave, qu’on appelle metus cadens in constantem virum, est celle qui ne vient point de pusillanimité, mais qui est capable d’ébranler l’homme courageux ; comme la crainte de la mort, de la captivité, de la perte de ses biens.

La crainte legere est celle qui se rencontre dans l’esprit de quelque personne timide, & pour un sujet qui n’ébranleroit point un homme courageux ; comme la crainte de déplaire à quelqu’un, d’encourir sa disgrace.

On met au rang des craintes legeres, la crainte révérentielle, telle que la déférence qu’une femme peut avoir pour son mari, le respect qu’un enfant a pour ses pere & mere, & autres ascendans, soit en directe ou collatérale ; celui que l’on doit avoir pour ses supérieurs, & notamment pour les personnes constituées en dignité ; la soûmission des domestiques envers leurs maîtres, & autres semblables considérations qui ne sont pas réputées capables d’ôter la liberté d’esprit nécessaire, pour donner un consentement valable, à moins qu’elles ne soient accompagnées d’autres circonstances qui puissent avoir fait une impression plus forte : ainsi le consentement qu’un fils donne au mariage que son pere lui propose, ne laisse pas d’être valable, quand même il seroit prouvé que ce mariage n’étoit pas du goût du fils, voluntas enim remissa tamen voluntas est.

Les lois romaines nous donnent encore plusieurs exemples de craintes graves & legeres. Elles décident que la crainte de la prison est juste, & que la promesse qui est faite dans un tel lieu, est nulle de plein droit. Parmi nous, une promesse qui seroit faite pour éviter la prison, seroit en effet nulle ; mais celui qui est déjà constitué prisonnier, peut s’obliger en prison, pourvû que ce soit sans contrainte : on observe seulement de le faire venir entre deux guichets, comme étant réputés lieu de liberté.

La crainte d’un procès mû ou à mouvoir, ne vitie pas la stipulation ; il en est de même de l’appréhension que quelqu’un a d’être nommé à des charges publiques & de police ; ce qui est fait pour obéir à justice, n’est pas non plus censé fait par crainte. Mais lorsqu’il y a du danger de la vie, ou que l’on est menacé de subir quelque peine corporelle, c’en est assez pour la rescision d’un acte, fût-ce même une transaction.

Un nouveau consentement, ou une ratification de l’acte, répare le vice que la crainte y avoit apporté.

Chez les Romains, aucun laps de tems ne validoit un acte qui avoit été fait par une crainte grave ; mais dans notre usage il faut reclamer dans les dix années du jour qu’on a été en liberté de le faire, autrement on n’y est plus recevable. Voyez au ff. 4. tit. ij. l. 21. tit. jv. l. 22. au code 8. tit. xxxviij. l. 9. & liv. II. tit. jv. l. 13. tit. xx. l. 4. & l. 8. (A)

CRAION, s. m. qu’on devroit écrire craiyon (Hist. nat. & Arts.) c’est un nom générique, par lequel on

désigne plusieurs substances terreuses, pierreuses, & minérales, colorées, dont on se sert pour tracer des lignes, dessiner, peindre au pastel ; telles sont la craie, la sanguine ou hématite, la pierre noire. Voyez ces mots, & Pastel.

On donne plus particulierement le nom de craiyon à la blende, ou mine de plomb, molybdena, qui est un minéral contenant quelquefois du zinc, & qui résiste très-fort à l’action du feu. Voyez Blende. On coupe la mine de plomb en morceaux quarrés longs & menus, pour les revêtir de bois & en faire les craiyons ordinaires, ou bien on les taille & on leur donne une forme propre à être mis dans un porte-craiyon : cette substance se trouve en plusieurs endroits de l’Europe ; cependant il y a du choix. Les meilleurs craiyons sont ceux qui nous viennent d’Angleterre ; on les fait avec une espece de blende, ou mine de plomb très-pure, non-mêlée de sable ou de matieres étrangeres ; elle se taille aisément, & quand on l’a taillée, elle ressemble à du plomb fraîchement coupé ; celle qui n’a point ces qualités, n’est pas propre à faire de bons craiyons. La mine qui fournit le bon craiyon d’Angleterre, est dans la province de Cumberland, à peu de distance de Carlisle : elle est unique dans son espece, & le gouvernement en a pris un soin tout particulier. L’exportation de cette mine est défendue sous des peines très-rigoureuses, avant que d’être employée en craiyons. Personne n’ignore l’usage du craiyon dans le dessein, &c.

Craion rouge : ce n’est que de la sanguine, ou de l’ochre rouge. Voyez ces articles. (—)

CRAIONNER ou mieux CRAIYONNER, (Dessiner.) c’est tracer des lignes au craiyon.

On dit : il n’a fait qu’un leger craiyon de ce sujet, les craiyons de tel sont fort estimés ; cette façon de parler est moins d’usage que les desseins de tel sont fort estimés. Cela n’est que craiyonné, signifie cette idée est fort éloignée de la perfection. (R)

CRAMANI, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on appelle aux Indes le premier juge d’une ville. Voyez les lettres édifiantes.

CRAMBE, s. m. (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en croix. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit ou coque, composée d’une seule capsule qui s’ouvre en deux parties, & qui renferme une semence ordinairement oblongue. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

CRAMBORN, (Géog. mod.) ville d’Angleterre dans la province de Dorcester.

CRAMOISI, adj. pris subst. l’une des sept couleurs rouges de la teinture. Voyez Rouge & Teinture.

Ce mot vient de l’arabe kermesi, qui a été fait de kermès, qui signifie rouge. Les Bollandistes insinuent que cramoisi vient de Crémone, & est mis pour Crémonois. Voyez Kermès & Cochenille.

Les étoffes qu’on veut teindre en cramoisi, après avoir été dégorgées de leur savon & alunées fortement, doivent être mises dans un bain de cochenille chacune selon sa couleur. Voyez Pourpre & Teinture. Chamb. Dictionn. de Trév. Etimol. & du Comm.

CRAMPE, s. f. (Medecine.) espece d’engourdissement ou de convulsion, accompagnée d’une douleur violente, mais passagere, & que le simple frottement emporte. Les muscles de la jambe & de la cuisse sont les siéges les plus ordinaires de cette maladie. Voyez l’histoire générale des maladies convulsives ou spasmodiques, an mot Spasme. Ce mot vient de l’allemand krampff, qui signifie la même chose. (b)

Crampe, (Maréchall.) même maladie que la précédente, qui prend au jarret des chevaux, qui leur fait traîner la jambe pendant cinquante à soixante pas en sortant de l’écurie, & qui se dissipe par le mouvement. (V)