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tenaire, ce quinzieme jour sera aussi le premier jour, & le premier redoublement du troisieme septenaire : il est vrai cependant que c’est en faire un double emploi. Quoi qu’il en soit, l’auteur a construit suivant cette idée une table fort curieuse, où, en supposant les jours de maladie de vingt-trois heures, on voit les six septenaires compris en quarante jours naturels ; espace qui est le terme des maladies aiguës & des maladies critiques régulieres.

» Il ne regarde pas les jours critiques comme des jours de combat entre la nature & la maladie, suivant l’idée des anciens ; mais il croit que c’est la fievre elle-même qui, si elle est simple, opere par son méchanisme la guérison de la maladie : si au contraire elle est troublée & dérangée par des accidens étrangers d’une certaine violence, on n’apperçoit rien dans les jours de redoublement qui puisse faire prédire la mort, que le progrès de ces épiphénomenes dangereux, & le défaut des signes de coction. Il examine ensuite les différentes crises, en particulier les principaux signes qui les annoncent, & les voies par lesquelles elles se font. Il définit la crise en général, le produit de la derniere exacerbation de la fievre, par laquelle la cause de la maladie est incorporée dans l’humeur purulente, & chassée avec celle-ci hors des voies de la circulation par les excrétoires du corps..... » C’est-là le jugement porté par l’auteur du journal des savans (Juill. 1753), sur ce que M. Quesnay avance au sujet des crises.

L’académie de Dijon avoit proposé pour le prix de l’année 1751, d’examiner si les jours critiques sont les mêmes en nos climats, qu’ils étoient dans ceux où Hippocrate les a observés, & quels égards on doit y avoir dans la pratique. L’académie a couronné la dissertation de M. Aymen docteur en Medecine. Cette dissertation vient d’être rendue publique. Je ne saurois m’empêcher d’en dire ici quelque chose, & je ne manquerai pas de parler de celle de M. Normand medecin de Dole, qui avoit été adressée à la même académie, & qui a vû le jour par hasard.

M. Aymen prétend que dans nos climats les jours critiques sont les mêmes que dans ceux où Hippocrate les a observés ; que tous les jours de la maladie sont décrétoires ou critiques ; que ces jours critiques existent réellement, mais qu’ils ne sont pas bornés au nombre septenaire ou quartenaire ; qu’ils arrivent aussi les autres jours ; que la combinaison, le rang des jours décrétoires prouvent la superstition des anciens, & que cette doctrine est fondée sur les observations d’Hippocrate.

J’employe les propres expressions de M. Aymen. Telle est son opinion sur la premiere partie de la question proposée, qui est celle sur laquelle il s’est le plus étendu. Il établit son sentiment, en faisant l’énumération d’une grande quantité d’observations répandues dans les différens auteurs. Il commence par le premier jour, il finit par le vingtieme ; & il prouve par des faits qu’il y a eu des crises dans tous ces jours, le premier, le second, le troisieme, le quatrieme, le 5e, &c. jusqu’au 20e (& non le 21) ; d’où M. Aymen conclut que les crises arrivent dans tous les jours d’une maladie indifféremment. Cette conclusion paroît d’abord nécessaire & évidente ; elle peut pourtant donner lieu à quelques considérations particulieres, qui me paroissent mériter l’attention de l’auteur.

1°. Les partisans de l’antiquité ne conviendront pas avec M. Aymen, qu’Hippocrate ait crû que les crises se font dans tous les jours d’une maladie indifféremment, Cette doctrine, dit-il, est la même que celle du célebre auteur des Coaques. Comment cela seroit-il possible, puisqu’Hippocrate paroît avoir établi dans les Aphor. 23 & 24. de la seconde section ;

Aphor. 36. & 32. sect. 4. lib. I. des Epid. sect. 3. Coac. prænot. præsag. lib. 3. & ailleurs, qu’il y a des jours

qui sont les uns plus remarquables & plus heureux que les autres ? D’ailleurs tous les commentateurs, les Grecs & les Arabes, qui ont travaillé après lui, se sont appuyés de sa décision là-dessus ; il est regardé comme le créateur des quartenaires & des septenaires, ainsi que de toute la doctrine que j’ai exposée ci-dessus : Septenorum quartus est index, alterius septimanæ, octavus principium ; est autem & undecimus contemplabilis ; ipse enim quartus est alterius septimanæ ; rursùs vero & decimus-septimus contemplabilis, ipse siquidem quartus est à quarto-decimo, septimus vero ab undecimo, dit Hippocrate, Aphor. 24. sect. 2. Voilà les septenaires, les quartenaires, les indices, les jours vuides & les critiques, établis dans un seul aphorisme.

On est donc très-formellement opposé à Hippocrate, lorsqu’on soûtient que tous les jours sont indifférens pour les crises. Il est bien vrai qu’on peut prouver par les observations répandues dans les différens écrits d’Hippocrate, qu’il est en contradiction avec lui-même, comme je l’ai remarqué au commencement de cet article ; mais Galien, Dulaurens & tous les autres, tâchent de concilier ces contradictions, comme je l’ai aussi observé. Les adversaires d’Hippocrate s’en sont servis pour détruire son opinion. M. Aymen auroit donc pû raisonner ainsi : Je prouve par les observations d’Hippocrate même, qu’il se fait des crises dans d’autres jours que les jours appellés critiques ; je ne suis donc pas du sentiment d’Hippocrate. C’est, encore une fois, le raisonnement qu’ont fait les antagonistes de ce medecin grec. D’ailleurs tous les partisans des crises, & notamment Galien, de dieb. decret. cap. ij. lib. I. ont avoüé que les jours indites & les jours vuides pouvoient juger quelquefois. C’est-là encore une observation que j’ai faite plus haut, & que je devois à la bonne foi des anciens. Je n’en connois point qui ayent dit formellement que les crises ne pouvoient se faire que les jours qu’ils ont désignés, pour me servir de l’expression de M. Aymen (p. 32.) c’est-à-dire les jours vraiment critiques. Il s’agit de savoir s’il n’y a pas des jours qui jugent plus parfaitement, plus heureusement & plus communément que d’autres. La nature a plûtôt choisi le septieme qu’un autre nombre (dit Dulaurens, trad. de Gelée) pour ce que Dieu le pere & créateur de toutes choses, lui a imposé cette loi ; car il a sanctifié le septieme jour ; il l’a recommandé aux enfans d’Israël, comme le plus célebre de tous, & s’est voulu reposer en icelui de ses œuvres, après avoir parachevé la création : & partant la nature particuliere, comme chambriere & imitatrice de l’universelle, fait en chaque septieme jour des crises parfaites.... Les crises se sont aussi quelquefois aux jours intercalaires.

2°. M. Aymen dit lui-même qu’Hippocrate observa le premier les crises, ou le changement subit de la maladie qui suit l’évacuation ; (ce qui est fort douteux, pour le dire en passant, comme on peut s’en convaincre dans le commentaire d’Hecquet sur les Aphorismes.) M. Aymen ajoûte qu’Hippocrate vit que ce changement arrivoit plus souvent certains jours que d’autres ; qu’il nomma ces jours critiques ou décrétoires (p. 24.) que les crises arrivent plûtôt certains jours que d’autres. Il convient (p. 28.) que les maladies finissent le plus souvent les jours qui ont été remarqués ; que quelques affections ont leur tems limité : (p. 41.) que dans notre partie du monde les maladies aiguës finissent le plus souvent les jours que les medecins ont notés : (p. 108.) que plusieurs maladies sont terminées le même jour, c’est-à-dire dans un espace reglé ; que les maladies sont terminées d’une ou d’autre façon, plus souvent certains jours que d’autres. Il y a donc des jours critiques marqués : tous les jours ne sont donc pas cri-