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prétend pas expliquer par la définition la nature de la chose : ainsi les Mathématiciens sont plus reservés que bien des philosophes, qui croyent donner des définitions de chose, entendant par ce mot l’explication de la nature de la chose, comme si la nature des choses nous étoit connue, comme si même les mots de nature & d’essence présentoient des idées bien nettes. Voyez ci-dessus dans quel sens les définitions mathématiques peuvent être prises pour des définitions de chose. Ce qu’il y a de singulier, c’est que les définitions des philosophes dont nous parlons, & celles du géometre, sont souvent les mêmes, quoique leurs prétentions soient si différentes. Le géometre dit : un triangle rectiligne est une figure renfermée par trois lignes droites ; le philosophe diroit la même chose : mais le premier explique seulement ce qu’il entend par triangle ; le second croit en expliquer la nature, quoiqu’il n’ait peut-être une idée bien nette, ni de l’espace, ni de l’angle, ni de la ligne, &c.

Les définitions des Mathématiciens regardées comme définitions de nom, sont absolument arbitraires, c’est-à-dire qu’on peut donner aux objets des mathématiques tel nom, & aux mots tel sens qu’on veut. Cependant il faut autant qu’il est possible se conformer à l’usage de la langue & des savans ; il seroit ridicule, par exemple, de définir le triangle une figure ronde, quoiqu’on pût faire à la rigueur des élémens de Géométrie exacts (mais ridicules) en appellant triangle ce qu’on appelle ordinairement cercle. Voyez Dictionnaire. (O)

Definition, en Rhétorique, c’est un lieu commun ; & par définition, les rhéteurs entendent une explication courte & claire de quelque chose.

Les définitions de l’orateur different beaucoup dans la méthode de celles du dialecticien & du philosophe. Ces derniers expliquent strictement & séchement chaque chose par son genre & sa différence : ainsi ils définissent l’homme un animal raisonnable. L’orateur se donne plus de liberté, & définit d’une maniere plus étendue & plus ornée. Il dira, par exemple : l’homme est un des plus beaux ouvrages du Créateur, qui l’a formé à son image, lui a donné la raison, & l’a destiné à l’immortalité : mais cette définition, à parler exactement, tient plûtôt de la nature d’une description que d’une définition proprement dite.

Il y a différentes sortes de définitions oratoires. La premiere se fait par l’énumération des parties d’une chose ; comme lorsqu’on dit, que l’éloquence est un art qui consiste dans l’invention, la disposition, l’élocution, & la prononciation. La seconde définit une chose par ses effets : ainsi l’on peut dire que la guerre est un monstre cruel qui traine sur ses pas l’injustice, la violence, & la fureur ; qui se repait du sang des malheureux, se plaît dans les larmes & dans le carnage ; & compte parmi ses plaisirs, la desolation des campagnes, l’incendie des villes, le ravage des provinces, &c. La troisieme espece est comme un amas de diverses notions pour en donner une plus magnifique de la chose dont on parle, & c’est ce que les rhéteurs nomment definitiones conglobatæ : ainsi Cicéron définit le sénat romain, templum sanctitatis, caput urbis, ara sociorum, portus omnium gentium. La quatrieme consiste dans la négation & l’affirmation, c’est à-dire à désigner d’abord ce qu’une chose n’est pas, pour faire ensuite mieux concevoir ce qu’elle est. Cicéron, par exemple, voulant définir la consulat, dit que cette dignité n’est point caractérisée par les haches, les faisceaux, les licteurs, la robe prétexte, ni tout l’appareil extérieur qui l’accompagne, mais par l’activité, la sagesse, la vigilance, l’amour de la patrie ; & il en conclud que Pison qui n’a aucune de ces qualités, n’est point véritablement consul, quoiqu’il en porte le nom & qu’il en occu-

pe la place. La cinquieme définit une chose par ce qui l’accompagne ; ainsi l’on a dit de l’Alchimie, que c’est un art insensé, dont la fourberie est le commencement, qui a pour milieu le travail, & pour fin l’indigence. Enfin la sixieme définit par des similitudes & des métaphores : on dit, par exemple, que la mort est une chûte dans les ténebres, & qu’elle n’est pour certaines gens qu’un sommeil paisible.

On peut rapporter à cette derniere classe des définitions métaphoriques, cinq définitions de l’homme assez singulieres pour trouver place ici. Les Poëtes feignent que les Sciences s’assemblerent un jour par l’ordre de Minerve pour définir l’homme. La Logique le définit, un court enthymeme, dont la naissance est l’antécédent, & la mort le conséquent : l’Astronomie, une lune changeante, qui ne reste jamais dans le même état : la Géométrie, une figure sphérique, qui commence au même point où elle finit : enfin la Rhétorique le définit, un discours dont l’exorde est la naissance, dont la narration est le trouble, dont la peroraison est la mort, & dont les figures sont la tristesse, les larmes, ou une joie pire que la tristesse. Peut-être par cette fiction ont-ils voulu nous donner à entendre que chaque art, chaque science, a ses termes propres & consacrés pour définir ses objets. (G)

A l’égard des définitions philosophiques, elles sont d’autant plus essentielles dans les choses mêmes les plus familieres, que les hommes ne sont jamais en contradiction que pour n’avoir pas défini, ou pour avoir mal défini. L’erreur n’est guere que dans les termes. Ce que j’assûre d’un objet, je l’assûre de l’idée que j’y attache : ce que vous niez de ce même objet, vous le niez de l’idée que vous y appliquez. Nous ne sommes donc opposés de sentimens qu’en apparence, puisque nous parlons de deux choses distinctes sous un même nom. Quand vous lirez clairement dans mon idée, quand je lirai clairement dans la vôtre, vous affirmerez ce que j’affirme, je nierai ce que vous niez ; & cette communication d’idées ne s’opere qu’au moyen des définitions. Voyez Idée, Vérité, Evidence, Erreur, &c. Article de M. Marmontel.

DÉFINITOIRE, (Jurispr.) est l’assemblée des définiteurs, où se reglent les affaires d’un ordre religieux, ou d’une province du même ordre. Voyez ci-devant Définiteur. (A)

DEFLAND, (Géog. mod.) contrée méridionale de la Hollande ; elle est située entre le Rhinland, le Icsselland, la Meuse, & la mer : & elle a pour capitale Delft.

DÉFLEURIR, v. act. (Jard.) on dit qu’une plante est défleurie, quand elle a perdu sa fleur. On le dit encore d’une prune ou d’une pêche, qui en la maniant auroit perdu son velouté. (K)

DÉFLEXION, s. f. (Phys.) est l’action par laquelle un corps se détourne de son chemin, en vertu d’une cause étrangere & accidentelle ; ou, si l’on aime mieux, déflexion se dit du détour même. Ce mot vient du latin deflectere, detourner.

Déflexion des raiyons de lumiere, est cette propriété des raiyons, que M. Newton a nommée inflexion, & d’autres diffraction. Voyez ces mots. Elle consiste en ce que les raiyons de lumiere qui rasent un corps opaque ne continuent pas leur chemin en ligne droite, mais se détournent en se pliant, & se plient d’autant plus qu’ils sont plus proches du corps. Il paroît que le P. Grimaldi Jésuite, est le premier qui ait remarqué cette propriété. Mais M. Newton l’a examinée beaucoup plus à fond, comme on le peut voir dans son optique. (O)

DÉFLORATION, s. f. (Hist. mod.) action par laquelle on enleve de force la virginité à une fille. Voyez Virginité. La mort ou le mariage sont l’alternative ordonnée par les juges, pour réparer le