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Les constricteurs des aîles du nez, paire de muscles communs aux aîles du nez & à la levre supérieure. Voyez Nez, Myrtiforme. (L)

CONSTRICTION, s. f. (Med.) vice des solides ou organiques. Le mot constriction exprime l’état d’une partie solide ou organique, qui éprouve actuellement une tension violente & contre nature, un resserrement convulsif ou spasmodique. Voy. Spasme. (b)

CONSTRUCTION, s. f. terme de Grammaire ; ce mot est pris ici dans un sens métaphorique, & vient du latin construere, construire, bâtir, arranger.

La construction est donc l’arrangement des mots dans le discours. La construction est vicieuse quand les mots d’une phrase ne sont pas arrangés selon l’usage d’une langue. On dit qu’une construction est greque ou latine, lorsque les mots sont rangés dans un ordre conforme à l’usage, au tour, au génie de la langue greque, ou à celui de la langue latine.

Construction louche ; c’est lorsque les mots sont placés de façon qu’ils semblent d’abord se rapporter à ce qui précede, pendant qu’ils se rapportent réellement à ce qui suit. On a donné ce nom à cette sorte de construction, par une métaphore tirée de ce que dans le sens propre les louches semblent regarder d’un côté pendant qu’ils regardent d’un autre.

On dit construction pleine, quand on exprime tous les mots dont les rapports successifs forment le sens que l’on veut énoncer. Au contraire la construction est elliptique lorsque quelqu’un de ces mots est sous-entendu.

Je crois qu’on ne doit pas confondre construction avec syntaxe. Construction ne présente que l’idée de combinaison & d’arrangement. Cicéron a dit selon trois combinaisons différentes, accepi litteras tuas, tuas accepi litteras, & litteras accepi tuas : il y a là trois constructions, puisqu’il y a trois différens arrangemens de mots ; cependant il n’y a qu’une syntaxe ; car dans chacune de ces constructions il y a les mêmes signes des rapports que les mots ont entr’eux, ainsi ces rapports sont les mêmes dans chacune de ces phrases. Chaque mot de l’une indique également le même correlatif qui est indiqué dans chacune des deux autres ; ensorte qu’après qu’on a achevé de lire ou d’entendre quelqu’une de ces trois propositions, l’esprit voit également que litteras est le déterminant d’accepi, que tuas est l’adjectif de litteras ; ainsi chacun de ces trois arrangemens excite dans l’esprit le même sens, j’ai reçu votre lettre. Or ce qui fait en chaque langue, que les mots excitent le sens que l’on veut faire naître dans l’esprit de ceux qui savent la langue, c’est ce qu’on appelle syntaxe. La syntaxe est donc la partie de la Grammaire qui donne la connoissance des signes établis dans une langue pour exciter un sens dans l’esprit. Ces signes, quand on en sait la destination, font connoître les rapports successifs que les mots ont entr’eux ; c’est pourquoi lorsque celui qui parle ou qui écrit s’écarte de cet ordre par des transpositions que l’usage autorise, l’esprit de celui qui écoute ou qui lit rétablit cependant tout dans l’ordre en vertu des signes dont nous parlons, & dont il connoît la destination par usage.

Il y a en toute langue trois sortes de constructions qu’il faut bien remarquer.

I°. Construction nécessaire, significative ou énonciative, c’est celle par laquelle seule les mots font un sens : on l’appelle aussi construction simple & construction naturelle, parce que c’est celle qui est la plus conforme à l’état des choses, comme nous le ferons voir dans la suite, & que d’ailleurs cette construction est le moyen le plus propre & le plus facile que la nature nous ait donné pour faire connoître nos pensées par la parole ; c’est ainsi que lorsque dans un

traité de Géométrie les propositions sont rangées dans un ordre successif qui nous en fait appercevoir aisément la liaison & le rapport, sans qu’il y ait aucune proposition intermédiaire à suppléer, nous disons que les propositions de ce traité sont rangées dans l’ordre naturel.

Cette construction est encore appellée nécessaire, parce que c’est d’elle seule que les autres constructions empruntent la propriété qu’elles ont de signifier, au point que si la construction nécessaire ne pouvoit pas se retrouver dans les autres sortes d’énonciations, celles-ci n’exciteroient aucun sens dans l’esprit, ou n’y exciteroient pas celui qu’on vouloit y faire naître ; c’est ce que nous ferons voir bien-tôt plus sensiblement.

II°. La seconde sorte de construction, est la construction figurée.

III°. Enfin, la troisieme est celle où les mots ne sont ni tous arrangés suivant l’ordre de la construction simple, ni tous disposés selon la construction figurée. Cette troisieme sorte d’arrangement est le plus en usage ; c’est pourquoi je l’appelle construction usuelle.

1o. De la construction simple. Pour bien comprendre ce que j’entens par construction simple & nécessaire, il faut observer qu’il y a bien de la différence entre concevoir un sens total, & énoncer ensuite par la parole ce que l’on a conçu.

L’homme est un être vivant, capable de sentir, de penser, de connoître, d’imaginer, de juger, de vouloir, de se ressouvenir, &c. Les actes particuliers de ces facultés se font en nous d’une maniere qui ne nous est pas plus connue que la cause du mouvement du cœur, ou de celui des piés & des mains. Nous savons par sentiment intérieur, que chaque acte particulier de la faculté de penser, ou chaque pensée singuliere est excitée en nous en un instant, sans division, & par une simple affection intérieure de nous-mêmes. C’est une vérité dont nous pouvons aisément nous convaincre par notre propre expérience. & sur-tout en nous rappellant ce qui se passoit en nous dans les premieres années de notre enfance : avant que nous eussions fait une assez grande provision de mots pour énoncer nos pensées, les mots nous manquoient, & nous ne laissions pas de penser, de sentir, d’imaginer, de concevoir, & de juger. C’est ainsi que nous voulons par un acte simple de notre volonté, acte dont notre sens interne est affecté aussi promptement que nos yeux le sont par les différentes impressions singulieres de la lumiere. Ainsi je crois que si après la création l’homme fût demeuré seul dans le monde, il ne se seroit jamais avisé d’observer dans sa pensée un sujet, un attribut, un substantif, un adjectif, une conjonction, un adverbe, une particule négative, &c.

C’est ainsi que souvent nous ne faisons connoître nos sentimens intérieurs que par des gestes, des mines, des regards, des soupirs, des larmes, & par tous les autres signes, qui sont le langage des passions plûtôt que celui de l’intelligence. La pensée, tant qu’elle n’est que dans notre esprit, sans aucun égard à l’énonciation, n’a besoin ni de bouche, ni de langue, ni du son des syllabes ; elle n’est ni hébraïque, ni greque, ni latine, ni barbare, elle n’est qu’à nous : intùs, in domicilio cogitationis, nec hæbrea, nec græca, nec latina, nec barbara… sine oris & linguæ organis, sine strepitu syllabarum. S. August. confes. l. XI. c. iij.

Mais dès qu’il s’agit de faire connoître aux autres les affections ou pensées singulieres, & pour ainsi dire, individuelles de l’intelligence, nous ne pouvons produire cet effet qu’en faisant en détail des impressions, ou sur l’organe de l’ouïe par des sons dont les autres hommes connoissent comme nous la