Des choses d’ici bas la fortune décide
Selon ses caprices divers.
La fortune, sujet simple, terme abstrait personnifié ; c’est le sujet de la proposition. Quand nous ne connoissons pas la cause d’un évenement, notre imagination vient au secours de notre esprit, qui n’aime pas à demeurer dans un état vague & indéterminé ; elle le fixe à des phantômes qu’elle réalise, & auxquels elle donne des noms, fortune, hasard, bonheur, malheur.
Décide des choses d’ici bas selon ses caprices divers, c’est l’attribut complexe.
Des choses, de les choses ; de signifie ici touchant.
D’ici bas détermine chose : ici bas est pris substantivement.
Selon ses caprices divers, est une maniere de décider : selon est la préposition ; ses caprices divers, est le complément de la préposition.
Tout l’effort de notre prudence
Ne peut nous dérober au moindre de ses coups.
Tout l’effort de notre prudence, voilà le sujet complexe ; de notre prudence détermine l’effort, & le rend sujet complexe. L’effort de est un individu métaphysique & par imitation, comme un tel homme ne peut, de même tout l’effort ne peut.
Ne peut dérober nous ; & selon la construction usuelle, nous dérober.
Au moindre, à le moindre ; à est la préposition ; le moindre est le complément de la préposition.
Au moindre de ses coups, au moindre coup de ses coups ; de ses coups est dans le sens partitif.
Paissez, moutons, paissez, sans regle & sans science ;
Malgré la trompeuse apparence,
Vous êtes plus heureux & plus sages que nous.
La trompeuse apparence, est ici un individu métaphysique personnifié.
Malgré : ce mot est composé de l’adjectif mauvais, & du substantif gré, qui se prend pour volonté, goût. Avec le mauvais gré de, en retranchant le de, à la maniere de nos peres qui supprimoient souvent cette préposition, comme nous l’avons observé en parlant du rapport de détermination. Les anciens disoient maugré, puis on a dit malgré ; malgré moi, avec le mauvais gré de moi, cum meâ malâ gratiâ, me invito. Aujourd’hui on fait de malgré une préposition : malgré la trompeuse apparence, qui ne cherche qu’à en imposer & à nous en faire accroire, vous êtes au fond & dans la réalité plus heureux & plus sages que nous ne le sommes.
Tel est le détail de la construction des mots de cette idylle. Il n’y a point d’ouvrage, en quelque langue que ce puisse être, qu’on ne pût réduire aux principes que je viens d’exposer, pourvû que l’on connût les signes des rapports des mots en cette langue, & ce qu’il y a d’arbitraire qui la distingue des autres.
Au reste, si les observations que j’ai faites paroissent trop métaphysiques à quelques personnes, peu accoûtumées peut-être à réfléchir sur ce qui se passe en elles-mêmes ; je les prie de considérer qu’on ne sauroit traiter raisonnablement de ce qui concerne les mots, que ce ne soit relativement à la forme que l’on donne à la pensée & à l’analyse que l’on est obligé d’en faire par la nécessité de l’élocution, c’est-à-dire pour la faire passer dans l’esprit des autres ; & dès-lors on se trouve dans le pays de la Métaphysique. Je n’ai donc pas été chercher de la métaphysique pour en amener dans une contrée étrangere ; je n’ai fait que montrer ce qui est dans l’esprit relativement au discours & à la nécessité de l’élocution. C’est ainsi que l’anatomiste montre les parties du corps humain, sans y en ajoûter de nouvelles. Tout ce qu’on dit des mots, qui n’a pas une relation directe avec la pensée ou avec la forme de la pensée ; tout
Il est vrai que l’imagination auroit été plus agréablement amusée par quelques réflexions sur la simplicité & la vérité des images, aussi-bien que sur les expressions fines & naïves par lesquelles cette illustre dame peint si bien le sentiment.
Mais comme la construction simple & nécessaire est la base & le fondement de toute construction usuelle & élégante ; que les pensées les plus sublimes aussi bien que les plus simples perdent leur prix, quand elles sont énoncées par des phrases irrégulieres ; & que d’ailleurs le public est moins riche en observations sur cette construction fondamentale : j’ai cru qu’après avoir tâché d’en développer les véritables principes, il ne seroit pas inutile d’en faire l’application sur un ouvrage aussi connu & aussi généralement estimé, que l’est l’idylle des moutons de madame Deshoulieres. (F)
Construction, s. f. (Géométrie.) Ce mot exprime, en Géométrie, les opérations qu’il faut faire pour exécuter la solution d’un problème. Il se dit aussi des lignes qu’on tire, soit pour parvenir à la solution d’un problème, soit pour démontrer quelque proposition. Voyez Problème, &c.
La construction d’une équation, est la méthode d’en trouver les racines par des opérations faites avec la regle & le compas, ou en général par la description de quelque courbe. Voyez Equation & Racine. Nous allons donner d’abord la construction des équations du premier & du second degré.
Pour construire une équation du premier degré, il n’y a autre chose à faire que de réduire à une proportion la fraction qui exprime la valeur de l’inconnue, ce qui s’entendra très-facilement par les exemples suivans.
1°. Supposons qu’on ait on en tirera c : a = b : x ; ainsi x sera facile à avoir par la méthode de trouver une quatrieme proportionnelle.
2°. Qu’on ait : on commencera par construire à l’aide de la proportion . Ayant trouvé & l’ayant nommé g pour abreger, on fera la proportion e : g = c : x, c’est-à-dire, que l’on aura x par la quatrieme proportionnelle à c, g, e.
3°. Que l’on ait : comme aa − bb est le produit de a − b par a + b, on n’aura autre chose à faire qu’à construire la proportion c : a − b = a + b : x.
4°. Que ; par le premier cas on trouve une ligne , & une ligne . De plus, par le même cas on construit aussi une ligne ; donc x qui est alors = g − i, sera la différence des deux lignes g & i construites par ces proportions.
5°. Que ; on cherchera d’abord & on fera , ce qui donnera ah = af + cg, & par conséquent : ainsi la difficulté sera réduite au cas précédent.
6°. Que : on cherchera & on fera , ce qui donnera af + bc = bh, & par conséquent , d’où l’on tirera h : a = a − d : x.