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Avant que d’allumer le fourneau d’essai, on assujettit bien la moufle sur ses deux barres, & on en lutte l’embouchure avec la porte du foyer, de la grandeur de laquelle elle doit être : on a soin de casser le charbon de la grosseur d’un œuf de pigeon, sans quoi il ne s’affaisseroit pas également. On allume le feu par le haut pour échauffer lentement : il est bon de passer de tems en tems par l’œil du fourneau une verge de fer pour remuer le charbon & lui faire remplir les vuides qui peuvent se faire ; on en remet souvent, de crainte qu’une trop grande quantité fournie tout-à-coup ne refroidisse le fourneau & ne dérange l’opération. Si le feu étoit trop vif quand on place le test sur la moufle, on donneroit froid en fermant les soupiraux, jusqu’à ce qu’il fût du degré requis. Il faut tenir ce test d’un rouge obscur, sur-tout au commencement de l’opération, pour empêcher que la mine ne pâte & ne s’y attache ; car si cela arrivoit, il faudroit recommencer l’opération. Quand le soufre s’est dissipé en partie, alors on peut l’augmenter, mais toûjours avec discrétion. M. Cramer conseille de froter le scorificatoire de sanguine ou de colchothar ; mais cette précaution est inutile quand on est exercé : il ne faut pas s’inquiéter de la présence des grains de sable, peu adhérans à la surface interne du test, que les Fournalistes de Paris saupoudrent pour leur commodité ; ils ne peuvent que se vitrifier avec le plomb : mais la réduction s’en fait pendant la fonte, en même tems que celle des particules vitreuses du fiel de verre. Il est bon d’observer que la mine ne doit être pesée que quand elle a été broyée, parce qu’il s’attache toûjours quelques molécules de la mine au mortier ou au porphyre des essayeurs, quelque polis qu’ils soient l’un & l’autre, ou qu’il s’en détache toûjours quelques petites molécules qui sautent de côté & d’autre ; ce qui rend l’essai faux. Il faut encore avoir un soin tout particulier à n’employer aucun vaisseau qui puisse porter dans l’essai une matiere étrangere, à moins qu’on ne se soucie peu de l’exactitude en pareille circonstance, ou qu’on soit sûr du résultat du corps qu’on essaye ; car les phénomenes peuvent être tous différens, en conséquence du nouveau corps introduit. Si l’on pese la mine de plomb rotie, on trouve que le poids est le même qu’avant de la griller, quelquefois plus foible, & quelquefois plus fort, quoiqu’elle ait cependant perdu une bonne quantité de soufre. Le même phénomene arrive encore au plomb calciné : quelques personnes attribuent l’augmentation de cette gravité spécifique au rapprochement des parties ; mais il me paroît qu’il est plus raisonnable de croire qu’elle est dûe à la surabondance de phlogistique qu’il prend dans cet état, quoiqu’il semble qu’il l’ait perdu. Mais la différence de combinaison produit celle de l’état : on voit une augmentation de poids dans le fer qu’on a réduit en acier, en le mettant dans un creuset tout seul, & fermant bien ce creuset ; & l’on voit en même tems qu’une surabondance de phlogistique n’est pas toûjours la cause d’une plus grande fusibilité, quoique combinée de la façon requise, comme il y a toute apparence.

Il n’y a nul inconvénient à faire plusieurs torréfactions à la fois, pourvû que ce soit des mines qui ne demandent pas des degrés de feu fort différens : on peut placer sous la moufle autant de scorificatoires qu’elle en peut contenir, observant de mettre vers son fond ceux qui demandent un plus grand feu, ou bien employant les instrumens (voyez Moufle), s’ils exigent tous un feu doux, ou mettant des charbons allumés dans le canal de tole du fourneau, ou à l’embouchure même de la moufle du fourneau (voyez la figure), auquel cas il n’est pas nécessaire de l’allumer, la chaleur de la moufle suffisant pour cela. La matiere de chaque test veut être re-

muée avec un crochet particulier, qu’il faut placer

dans le même ordre que les scorificatoires, afin que celle de l’un ne passe point dans l’autre, & réciproquement : la couleur terne de la mine annonce la dissipation d’une partie de son soufre ; quand il l’a perdue presque toute, alors il est d’un gris tirant sur le jaune.

On réduit en poudre fine la mine torréfiée, afin que chaque petite molécule de plomb soit, pour ainsi dire, environnée de plusieurs molécules de flux ; ce qui est nécessaire à la réduction. Voyez Flux. On y ajoûte le flux noir pour lui donner un réductif avec un fondant, parce que le plomb qui a perdu son phlogistique avec son soufre se vitrifieroit, au lieu de paroître sous la forme métallique. Le fiel de verre sert à donner de la fusibilité au flux noir, beaucoup plus réfractaire que lui : la limaille de fer sert à absorber le soufre qui peut rester, & l’on ne doit pas craindre qu’elle préjudicie à l’essai ; le fer pur ou sulphuré ne peut contracter d’union avec le plomb. Peu importe que le fer entre en fonte, il n’en absorbe pas moins le soufre ; & d’ailleurs ce minéral le rend fusible, outre que le flux noir produit le même effet. Sans l’addition de la limaille la mine ne se convertiroit point en plomb, elle se précipiteroit à-peu-près dans le même état qu’on l’a mis calciner, ou bien le bouton seroit caverneux & blanc comme de l’argent, parce qu’il naîtroit de l’union du soufre de la mine & de l’alkali du flux, un foie de soufre, qui est le dissolvant des métaux, qui corroderoit l’extérieur du culot. M. Cramer met deux parties de flux noir contre une de mine ; ce qui est inutile, quoiqu’il n’y ait aucun inconvénient d’en mettre plus que moins. Une tute (voyez ce mot) est préférable au creuset à pié ordinaire, ou au creuset triangulaire sans pié, parce que son couvercle y entre comme un bouchon, & n’est pas si aisé à déranger que celui des creusets à piés, que le moindre charbon délute quelquefois. Sans compter que le feu dilatant plus le creuset que le couvercle, & faisant sécher le lut, il arrive que celui-ci est forcé d’abandonner le couvercle, qui ne ferme plus exactement pour lors, & laisse consumer une partie de la matiere charbonneuse du flux : il faut sécher les creusets avant que d’y mette la matiere à réduire. Les sels qu’on employe dans les essais doivent être bien secs aussi ; c’est souvent faute d’avoir pris cette précaution que le creuset se délute : le même inconvénient doit arriver à ces artistes qui employent le flux crud au lieu du flux noir, pendant la détonnation duquel il s’éleve des vapeurs épaisses capables de faire sauter le couvercle. C’est par la même raison qu’il faut faire décrepiter le sel marin, avant que d’en couvrir la matiere de l’essai ; & il est étonnant que M. Cramer, qui est convaincu de la nécessité de faire bien sécher tous ces fondans, laisse à ce sel toute son humidité. Il est inutile d’y en mettre une couche de quatre doigts, selon que le prescrit cet auteur ; un seul suffit pour garantir la matiere subjacente du contact de l’air : il n’est pas non plus nécessaire que le creuset reste les deux tiers vuides ; quand on sait gouverner le feu, deux doigts de bords sont tout ce qu’il faut : ainsi l’on ne doit pas cesser de faire une opération de cette espece, parce qu’on n’aura que des creusets dont le vuide ne pourra être plus considérable.

On peut faire plusieurs réductions d’une même fournée, comme plusieurs scorifications, pourvû que les degrés de feu soient les mêmes ; on doit même faire plus d’un essai à la fois de la même mine, afin de choisir celui qui aura le mieux réussi : pour cet effet on retire les creusets du feu, à quelque tems les uns des autres, & l’on se détermine pour les deux qui approchent le plus l’un de l’autre, en