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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/1027

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même tems qu’ils s’éloignent davantage des extrèmes.

Il est évident que c’est, pour échauffer peu-à-peu les creusets, qu’on allume le feu par le haut : en éloignant les charbons ardens des creusets, on fait en une seule fois ce que M. Cramer fait en deux, en prenant la peine d’en sécher le lut avant que de les mettre dans le fourneau. Quand la réduction se fait, elle est accompagnée d’une effervescence qui produit le sifflement qu’on entend, pendant lequel il faut ralentir l’action du feu, si l’on ne veut que la matiere souleve le couvercle & passe par-dessus les bords du creuset.

Cet inconvénient peut arriver même quelques minutes après que le bouillonnement est cessé, si l’on redonne tout d’un coup un feu trop fort. On a des indices que la matiere s’est répandue, par une flamme bleue & violette, & qui a odeur de foie de soufre : il faut bien se garder de la confondre avec la flamme jaunâtre, mêlée d’une fumée un peu épaisse & sentant legerement l’hépar, qu’on voit toûjours quand on fait une réduction, ou qu’en général l’on allume un fourneau. Ce phénomène vient des vapeurs sortant du creuset à-travers son lut, & sa cessation annonce la précipitation du régule : il ne faut cependant pas croire que l’opération doive être recommencée toutes les fois que la matiere surmonte les bords du creuset ; si cet accident n’arrive que sur la fin de la réduction, & que la matiere perdue ne soit pas en grande quantité, l’essai peut très-bien se trouver de même poids que ceux qui ont bien réussi, parce que ce n’est souvent que le sel marin, mêlé d’un peu de flux, qui s’est répandu.

En frappant le creuset de quelques petits coups, après qu’il a été retiré du feu, on a pour but d’achever de précipiter les petits grains métalliques qui peuvent être nichés dans les scories, pour les faire revenir au culot principal.

Il faut laisser refroidir le creuset de lui-même, car si on le plongeoit dans l’eau, on trouveroit des grains de régule épars dans les scories ; & si on le cassoit encore chaud, on risqueroit de mettre en même tems le régule en morceaux.

L’opération est bien faite quand les scories n’ont point touché au couvercle ni passé à-travers son lut ; quand on n’y trouve point de molécules  ; que le culot est lisse, livide & malléable ; que les scories sont compactes, excepté dans leur milieu. Une scorie spongieuse & parsemée de grains métalliques, & un culot caverneux, ou même ressemblant encore à la mine, indiquent que le feu n’a été ni assez long ni assez fort : au contraire on est certain qu’il a été trop violent, quand le régule est d’un blanc brillant, quoique ce phénomène arrive encore en conséquence de ce que le flux n’étoit pas assez réductif, & étoit trop caustique, & quand il est recouvert d’une croûte scorifiée. Il m’est arrivé quelquefois de trouver toute blanche la masse du sel marin fondue qui surnage les scories salines : mais ce phénomène n’a rien de mauvais en soi ; l’essai est tout aussi exact de cette façon que d’une autre, pourvû que cet inconvénient soit arrivé seul. On peut l’attribuer à ce que le sel marin, qui n’est noirci que par le flux noir, a perdu cette couleur par l’accès de l’air qui a donné lieu à la matiere charbonneuse de se consumer & de se dissiper.

Cette opération peut également se faire dans l’aire d’une forge sur laquelle on imite avec des pierres ou des briques la casse d’un fourneau à vent.

M. Cramer préfere en cette circonstance le fourneau de fusion, animé par le jeu de l’air, à celui qui l’est par le vent du soufflet ; parce que, dit-il, on est plus le maître du feu dans celui-là que dans celui-ci ; mais je crois que c’est tout le contraire. Quand

on a un bon soufflet double, on peut donner un feu très-vif dans un fourneau à vent, & le ralentir à volonté ; au lieu qu’un fourneau de fusion est souvent construit de façon qu’on ne peut le fermer exactement, ni par le haut ni par le bas.

On peut réduire la mine de plomb grillée, en la stratifiant avec les charbons. Ce travail est un modele de ce qui se passe en grand dans le fourneau à manche. On prend pour cet effet un quintal fictif de mine rotie, dont chaque livre soit d’une demi-once, un quart d’once ou un gros. On le met lit sur lit avec du charbon dans le fourneau de fusion (voy. les fig.) garni de son bassin de réception, accommodé avec de la brasque pesante, & accompagné d’un second catin ; la derniere couche doit toûjours être de charbon. On a la précaution de mettre la mine du côté opposé à la tuyere, afin qu’elle ne puisse être refroidie par le vent du soufflet. Il est bon d’avertir que les deux catins de réception doivent être sechés avant, au moins pendant une heure.

Il n’est point de plomb dans la nature qui ne contienne de l’argent. Souvent la quantité en est assez considérable, pour qu’on puisse l’affiner avec bénéfice dans les travaux en grand. On ne se donne pas cette peine quand le produit n’est pas capable de défrayer de la dépense. Soit donné le régule précédent, dont on veut connoître la quantité de fin. Prenez une coupelle capable de passer le culot en question ; vous le connoîtrez à ce qu’elle pesera la moitié de son poids : placez-la sous la moufle du fourneau d’essai, où vous aurez allumé le feu comme nous l’avons dit : faites-la évaporer pendant le tems requis. Il faut la tenir renversée, de crainte qu’il ne tombe dedans quelques corps étrangers, qu’on n’en retireroit peut-être qu’en détruisant son poli. Mettez dessus le régule de plomb séparé de ses scories, & après avoir abattu ses angles à coups de marteau, de peur qu’il n’endommage la cavité de la coupelle. Le plomb ne tarde pas à entrer en fonte ; il bout & il fume ; il lance des étincelles lumineuses ; & l’on voit sa surface continuellement recouverte d’une petite pellicule qui tombe vers les bords, où elle forme un petit cercle dont le plomb est environné à-peu-près comme une rose l’est de son chaton. Cette pellicule, qui n’est autre chose que de la litharge, s’imbibe dans la coupelle à mesure qu’elle s’y forme. Tant que le plomb n’est pas trop agité, trop bombé, & que ses vapeurs qui lechent sa surface s’élevent assez haut, il faut soûtenir le feu dans le même état ; mais s’il est trop convexe, & que la fumée du plomb s’éleve jusqu’à la voûte de la moufle, c’est une preuve qu’il est trop fort, & qu’il faut donner froid. Si le bouillonnement au contraire étoit peu considérable, & qu’il parût peu de vapeurs, ou point du tout, il faudroit donner chaud, pour empêcher que l’essai ne fût étouffé ou noyé. Voyez ces mots.

A mesure que le régule diminue, il faut hausser le feu, parce que le même degré n’est plus en état de tenir l’argent en fonte, qui est moins fusible que le plomb. S’il contient de l’argent, son éclat se convertit en des iris qui croisent continuellement & rapidement sa surface en tous sens, ce qu’on appelle circuler. La litharge pénetre la coupelle, & le bouton de fin paroît & fait son éclair (voy. Eclair). Sitôt que le feu n’est pas assez fort pour le tenir fondu, on le laisse un peu refroidir sous la moufle, & ensuite à son embouchure, parce que si on le retire si-tôt qu’il est passé, il se raréfie en vessie (voy. Écartement). Quand on s’apperçoit qu’il doit être figé, on le souleve de dessus la coupelle, parce que si on attendoit qu’il fût froid, on en emporteroit un morceau avec lui.

Cette opération prend le nom d’affinage, soit