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qu’on la puisse mettre, c’est-à-dire en égale distance du centre de la terre.

Les eaux viennent ordinairement de sources naturelles, de ruisseaux, ou de machines qui les élevent des rivieres, des puits, & des citernes.

« Excepté les minérales & les intercalaires, elles se distinguent en eaux naturelles, artificielles, courantes, plates, jaillissantes, forcées, vives, dormantes, folles, eaux de pluie ou de ravines.

» Les eaux naturelles sont celles qui sortant d’elles-mêmes de la terre, se rendent dans un réservoir & font joüer les fontaines continuellement.

» Les artificielles ou machinales sont élevées dans un réservoir par le moyen des machines hydrauliques.

» On appelle eaux jaillissantes, celles qui s’élevent en l’air au milieu des bassins, & y forment des jets, des gerbes, & des bouillons d’eau.

» Les eaux plates sont plus tranquilles ; elles fournissent des canaux, des viviers, des étangs, des miroirs, & des pieces d’eau sans aucun jet.

» Les eaux courantes, produites par une petite riviere ou ruisseau, forment des pieces d’eau & des canaux très-vivans.

» Les eaux vives & roulantes sont celles qui coulent rapidement d’une source abondante, & que leur extrème fraîcheur rend peu propres à la boisson.

» Celles qui fournissent aux jets d’eau sont appellées forcées ; elles se confondent avec les jaillissantes.

» Les eaux dormantes, par leur peu de mouvement sujettes pendant l’été à exhaler de mauvaises odeurs, sont peu estimées.

» On appelle eaux folles, des pleurs de terre qui produisent peu d’eau, & sont regardées comme de fausses sources qui tarissent dans les moindres chaleurs.

» Les eaux de pluie ou de ravine sont les plus legeres de toutes ; elles ne sont pas les plus claires, mais elles se clarifient & s’épurent dans les citernes & les étangs qu’elles fournissent ». Théorie & pratique du Jardinage, pag. 323. Voyez Hydrauliques, Dépense, &c. (K)

Eau, (Jardin.) L’eau ne sera point ici considérée comme élément, mais par rapport à sa bonne qualité pour la conservation des plantes & de la santé.

Elle doit être transparente, legere, insipide : on l’éprouve avec la noix de galle ; & on observera qu’elle mousse avec le savon, & ne laisse aucune tache sur une assiette bien nette.

Par rapport au Jardinage, il faut expérimenter si les légumes y cuisent facilement ; il y a de certaines qualités d’eau, où ils durcissent plûtôt que de cuire.

On doit encore en consulter le goût, eu égard aux fruits, étant certain qu’ils conservent, ainsi que les légumes, celui que l’eau y a communiqué, en se filtrant à-travers les terres.

Dans le cas où les sources & l’eau de riviere manquent, on a recours aux eaux de pluie ramassées dans des citernes : elle est la plus legere, & imprégnée du nitre de l’air : elle est plus féconde & plus pure.

Si on est réduit à l’eau de puits, il faut absolument pour en corriger la crudité, la laisser dégourdir ou attiédir aux rayons du soleil dans un bassin, dans des cuvettes, ou dans des tonneaux défoncés & enfoüis dans la terre : on pourroit même y jetter un peu de colombine ou de crotin de mouton pour l’échauffer, avant que d’en arroser les plantes. (K)

Eau, (Chimie.) cette substance appartient à la Chimie à plusieurs titres :

Premierement, comme principe constituant des corps naturels & des composés & mixtes artificiels,

& l’un des derniers produits de leur analyse absolue.

L’eau considérée sous cet aspect est un élément ou premier principe, un corps particulier, simple, pur, indivisible, improductible, & incommutable, que je prens ici dans son être solitaire & distinct, en un mot le corpuscule primitif de cet aggregé que tout le monde connoît sous le nom d’eau, & dont les propriétés physiques ont été exposées dans l’article Eau (Physique.).

J’observe 1°. à propos de la doctrine des élémens ou premiers principes, adoptée ici formellement, que cette doctrine est directement opposée à l’opinion regnante, qui admet une matiere premiere, homogene, commune, universelle ; mais qu’une pareille matiere me paroît un être purement abstrait, & dont on doit nier l’existence dans la Nature. Voyez le mot Principe.

J’observe 2°. à propos des qualités d’improductible & d’incommutable accordées à l’eau, que le dogme qui fait de cette substance le principe universel de tous les corps, & qui suppose par conséquent sa commutabilité, n’est qu’une opinion fondée sur des spéculations & des expériences illusoires ; que l’histoire si connue du saule de Vanhelmont, qui paroît avoir dû son accroissement & sa formation à l’eau seule ; celle de la citrouille élevée de la même maniere par Boyle ; le fait beaucoup plus décisif du chêne élevé dans l’eau par notre célebre académicien M. Duhamel ; les distillations répetées de l’eau, qui présentent toûjours un petit résidu terreux : que tout cela, dis-je, ne prouve pas que l’eau puisse être changée en terre, fournir seule des sels & des huiles, &c. car il n’est pas difficile de déterminer l’origine de la terre qui a formé les squelettes de ces végetaux, & qui a concouru à la production de leurs sels & de leurs huiles (V. Végétation) : que les savantes recherches dont M. Eller a composé son second mémoire sur les élémens (hist. de l’ac. roy. de Prusse, ann. 1746.), ne paroissent point assez décisives contre le sentiment que je défens : que c’est évidemment la vapeur de l’eau, comme telle, & non pas de l’eau changée en air, qui a fait descendre le mercure dans la jauge appliquée à une machine pneumatique, dans le récipient de laquelle ce savant medecin introduisit de l’eau en vapeur après l’avoir vuidé d’air : que c’est la vapeur de l’eau qui a constamment imposé, pour de l’air, à tous les physiciens qui ont crû que l’eau pouvoit être changée en air ; que c’est la vapeur de l’eau, & point du tout un air produit par l’eau, ou même dégagé de l’eau, qui agit dans la pompe à feu. Voyez Vapeur, Pompe à feu.

Personne ne pense plus aujourd’hui que l’air puisse devenir de l’eau en se condensant ; que les gouttes d’eau qui paroissent sur les vîtres d’un appartement dans certaines circonstances, soient de l’air condensé ; que les fontaines soient dûes à l’air condensé dans des concavités soûterraines, &c. (voyez Air, Fontaine, & Vapeur) : tout ceci sera traité dans une juste étendue à l’article , où il trouvera sa place plus convenablement qu’ici, lorsque nous établirons dans cet article l’improducibilité & l’incommutabilité des élémens ou premiers principes en général. Voyez Principe.

Je ferai encore une observation particuliere sur les qualités de corps pur, simple, & existant solitairement, que j’attribue à l’eau principe : il faut remarquer que ce ne sont pas ici des considérations abstraites, mais que l’eau existe physiquement dans cet état de pureté & de division actuelle, absolue, & qu’on pourroit appeller radicale, & que toute combinaison réelle de ce corps suppose cette division & cette pureté. Voyez Menstrue & Principe.

L’idée que la saine Chimie nous donne de l’eau