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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/283

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entend la voix très-distinctement, & d’autres fois on ne l’entend presque plus : l’un n’entend qu’une seule voix, & l’autre plusieurs : l’un entend l’écho à droite, & l’autre à gauche : enfin, selon les différens endroits où sont placés ceux qui écoutent & celui qui chante, l’on entend l’écho d’une maniere différente.

La plûpart de ceux qui ont entendu cet écho, s’imaginent qu’il y a des voûtes ou des cavités soûterraines qui causent ces différens effets ; mais la véritable cause de tous ces effets, est la figure du lieu où cet écho se fait.

C’est une grande cour située au-devant d’une maison de plaisance appellée Genetai, à six ou sept cents pas de l’abbaye de saint Georges auprès de Roüen. Cette cour est un peu plus longue que large, terminée dans le fond par la face du corps-de-logis, & de tous les autres côtés environnée de murs en forme de demi-cercle, comme l’on verra dans la fig. 27. Pl. phys. qui ne représente qu’une partie de la cour, le reste ne servant de rien au sujet dont il s’agit.

CIIC est le demi-cercle de la cour, dont H est l’entrée : ADB est l’endroit où se placent ceux qui écoutent : celui qui chante se met à l’endroit marqué G ; & ayant le visage tourné vers l’entrée H, il parcourt en chantant l’espace GF, qui est de 20 à 22 piés de longueur.

Sans avoir recours à des cavités soûterraines, la seule figure demi-circulaire de cette cour suffit pour rendre raison de toutes les variations que l’on remarque dans cet écho.

1°. Lorsque celui qui chante est à l’endroit marqué G, sa voix est réfléchie par les murs C de la cour au-dessus de D, vers L ; & les lignes de réflexion se réunissant en cet endroit L, l’écho se doit entendre de même que si celui qui chante y étoit placé. Mais comme ces lignes ne se réunissent pas précisément en un même point, ceux qui sont places en L, doivent entendre plusieurs voix, comme si diverses personnes chantoient ensemble.

2°. A mesure que celui qui chante s’avance vers E, les lignes de reflexion venant de plus en plus à se réunir près de D, ceux qui sont placés en D doivent entendre l’écho comme s’il approchoit d’eux ; mais quand celui qui chante est parvenu en E, alors la réunion des lignes venant à se faire en D, ils entendent l’écho comme si l’on chantoit à leurs oreilles.

3°. Quand celui qui chante continue d’avancer de E en F, l’écho semble s’éloigner, parce que la réunion des lignes se fait de plus en plus au-dessous de D.

4°. Enfin lorsqu’il est arrivé en F, ceux qui sont placés en D n’entendent plus l’écho, parce que l’endroit H, d’où la réflexion se devroit faire vers D, est ouvert, & que par conséquent il ne se fait point de réflexion vers D ; c’est pourquoi l’écho ne s’y doit point entendre : mais comme il y a d’autres endroits d’où quelques lignes réfléchies se réunissent en A & en B, deux personnes placées en ces deux endroits, doivent entendre l’écho, l’une comme si l’on chantoit à gauche, & l’autre comme si l’on chantoit à droite. Ils ne le peuvent néanmoins entendre que foiblement, parce qu’il y a peu de lignes qui se réunissent en ces deux endroits.

5°. Ceux qui sont placés en D doivent entendre l’écho, lorsque celui qui chante est en E, parce que la voix est réfléchie vers eux ; mais ils ne doivent entendre que foiblement la voix même de celui qui chante, parce que l’opposition de son corps empêche que sa voix ne soit portée directement vers eux : ainsi sa voix ne venant à eux qu’après avoir tourné à l’entour de son corps, est beaucoup moins forte en cet endroit que l’écho, qui par conséquent l’étouffe, & empêche qu’elle ne soit entendue. C’est à-peu-près

de même que si un flambeau est placé entre un miroir concave & un corps opaque ; car ceux qui sont derriere ce corps opaque, voyent par réflexion la lumiere du flambeau, mais ils ne voyent pas directement le flambeau, parce que le corps opaque le cache.

6°. Au contraire celui qui chante étant placé vis-à-vis de l’entrée H, & ayant le visage tourné de ce côté-là, ne doit point entendre l’écho, parce que l’endroit H étant ouvert, il ne se trouve rien qui réfléchisse la voix vers E ; mais il doit entendre sa voix même, parce qu’il n’y a rien qui l’en empêche.

Nous avons tiré des mémoires cités cette description & cette explication, dont nous laissons le jugement à nos lecteurs : nous ignorons si cet écho subsiste encore. (O)

L’écho de Verdun (Hist. de l’acad. des Sciences, ann. 1710), est formé par deux grosses tours détachées d’un corps-de-logis, & éloignées l’une de l’autre de 26 toises : l’une a un appartement bas de pierre-de-taille, voûté ; l’autre n’a que son vestibule qui le soit : chacune a son escalier. Comme ce qui appartient aux échos peut être appellé la catoptrique du son, (V. Catoptrique), on peut regarder ces deux tours comme deux miroirs posés vis-à-vis l’un de l’autre, qui se renvoyent mutuellement les rayons d’un même objet, en multipliant l’image, quoiqu’en l’affoiblissant toûjours, & la font paroître plus éloignée, ainsi lorsqu’on est sur la ligne qui joint les deux tours, & qu’on prononce un mot d’une voix assez élevée, on l’entend répéter douze ou treize fois par intervalles égaux, & toûjours plus foiblement : si l’on sort de cette ligne jusqu’à une certaine distance, on n’entend plus d’écho, par la même raison qu’on ne verroit plus d’image, si l’on s’éloignoit trop de l’espace qui est entre les deux miroirs : si l’on est sur la ligne qui joint une des tours au corps-de-logis, on n’entend plus qu’une répétition, parce que les deux échos ne joüent plus ensemble à l’égard de celui qui parle, mais un seul. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Echo se dit aussi de certaines figures de voûte qui sont d’ordinaire elliptiques ou paraboliques, qui redoublent les sons, & font des échos artificiels. Voyez Cabinets secrets.

Vitruve dit qu’en divers endroits de la Grece & d’Italie on rangeoit avec art près le théatre, en des lieux voûtés, des vases d’airain, pour contribuer à rendre plus clair le son de la voix des acteurs, & faire une espece d’écho ; & par ce moyen, malgré le nombre prodigieux de ceux qui assistoient à ces spectacles, chacun pouvoit entendre avec facilité. Voyez les dictionnaires de Harris & de Chambers, d’où une partie de cet article est tirée, & l’essai de physique de Musschenbroeck, §. 1460 & suiv. Voyez aussi Cornets & Porte-voix. (O)

Echo, (Poésie.) sorte de poésie, dont le dernier mot ou les dernieres syllabes forment en rime un sens qui répond à chaque vers : exemple,

Nos yeux par ton éclat sont si fort éblouis
Louis,
Que lorsque ton canon qui tout le monde étonne
Tonne, &c.


Cela s’appelle un écho ; nous n’en sommes pas les inventeurs, les anciens poëtes grecs & latins les ont imaginés, & la richesse ainsi que la prosodie de leur langue, s’y prêtoit avec moins d’affectation. On en peut juger par la piece de Gauradas, qu’on lit dans le livre IV. chap. x. de l’anthologie ; l’épigramme de Léonides, liv. III. ch. vj. de la même anthologie, est encore une espece d’écho. Il y avoit des poëtes latins, du tems de Martial, qui, à l’imitation des grecs, donnerent dans cette bisarrerie puérile, puis-