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Thebes, à condition qu’on gravât à sa gloire cette inscription : Alexander diruit, sed meretrix Phryne fecit ; Alexandre a démoli les murs de Thèbes, & la courtisane Phryné les a rebâtis. Voilà où le mot inscription est à sa place : mais ce n’est pas bien parler que d’avoir employé ce terme dans une des bonnes traductions du nouveau Testament où l’on s’exprime ainsi : Ils marquerent le sujet de la condamnation de J. C. dans cette inscription qu’ils mirent au-dessus de sa tête : Celui-ci est le roi des Juifs. Il falloit se servir dans cet endroit du mot écriteau au lieu d’inscription. La raison du terme préferé par les traducteurs, vient peut-être de ce qu’ils ont consideré l’objet plus que la nature de la chose. Ce n’étoit réellement qu’un écriteau ; les Juifs traiterent en cette occasion l’innocence même comme le crime. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ECRITOIRE, s. f. (Ecrivain.) c’est le réservoir de tous les instrumens propres à l’écrivain. Il y en a de bien des sortes : les unes ne reçoivent que le canif & les plumes ; les autres ont de plus un sablier ; une troisieme espece contient le pain à cacheter : ces trois premieres peuvent être portatives. Il y en a une quatrieme espece qui n’est point portative ; c’est à-peu-près un nécessaire distribué en cassetins, où se trouvent plume, canif, sable, cire d’Espagne, cachet, crayon, regle, sandarach. Voyez la premiere Planche de l’Ecrivain.

Ecritoire, (Jurisprud.) Bureau de l’écritoire, greffiers de l’écritoire. Voyez Greffiers de l’Ecritoire. (A)

ECRITURE, sub. f. (Hist. anc. Gramm. & Arts.) Nous la définirons avec Brebeuf :

Cet art ingénieux
De peindre la parole & de parler aux yeux,
Et par des traits divers de figures tracées,
Donner de la couleur & du corps aux pensées.

La méthode de donner de la couleur, du corps, ou pour parler plus simplement, une sorte d’existence aux pensées, dit Zilia (cette Péruvienne pleine d’esprit, si connue par ses ouvrages), se fait en traçant avec une plume, de petites figures que l’on appelle lettres, sur une matiere blanche & mince que l’on nomme papier. Ces figures ont des noms ; & ces noms mêlés ensemble, représentent les sons des paroles.

Développons, avec M. Warburthon, l’origine de cet art admirable, ses différentes sortes, & ses changemens progressifs jusqu’à l’invention d’un alphabet. C’est un beau sujet philosophique, dont cependant les bornes de ce livre ne me permettent de prendre que la fleur.

Nous avons deux manieres de communiquer nos idées : la premiere, à l’aide des sons : la seconde, par le moyen des figures. En effet l’occasion de perpétuer nos pensées & de les faire connoître aux personnes éloignées, se présente souvent ; & comme les sons ne s’étendent pas au-delà du moment & du lieu où ils sont proférés, on a inventé les figures & les caracteres, après avoir imaginé les sons, afin que nos idées pussent participer à l’étendue & à la durée.

Cette maniere de communiquer nos idées par des marques & par des figures, a consisté d’abord à dessiner tout naturellement les images des choses ; ainsi pour exprimer l’idée d’un homme ou d’un cheval, on a représenté la forme de l’un ou de l’autre. Le premier essai de l’écriture a été, comme on voit, une simple peinture ; on a su peindre avant que de savoir écrire.

Nous en trouvons chez les Mexiquains une preuve remarquable. Ils n’employoient pas d’autre méthode que cette écriture en peinture, pour conserver leurs lois & leurs histoires. Voyez le voyage autour du monde, de Gemelli Carreri ; l’histoire naturelle & morale

des Indes, du P. Acosta, les voyages de Thevenot, & d’autres ouvrages.

Il reste encore aujourd’hui un modele très-curieux de cette écriture en peinture des Indiens, composé par un Mexiquain & par lui expliqué dans sa langue, après que les Espagnols lui eurent appris les lettres. Cette explication a été ensuite traduite en espagnol, & de cette langue en anglois. Purchas a fait graver l’ouvrage, qui est une histoire de l’empire du Mexique, & y a joint l’explication. Je crois que l’exemplaire original est à la bibliotheque du roi.

Voilà la premiere méthode, & en même tems la plus simple, qui s’est offerte à tous les hommes pour perpétuer leurs idées.

Mais les inconvéniens qui résultoient de l’énorme grosseur des volumes dans de pareils ouvrages, porterent bien-tôt les nations plus ingénieuses & plus civilisées à imaginer des méthodes plus courtes. La plus célebre de toutes est celle que les Egyptiens ont inventée, à laquelle on a donné le nom d’hiéroglyphique. Par son moyen, l’écriture qui n’étoit qu’une simple peinture chez les Mexiquains, devint en Egypte peinture & caractere ; ce qui constitue proprement l’hiéroglyphe. Voyez ce mot & l’article suivant Ecriture des Egyptiens, qui est entierement lié à celui-ci.

Tel fut le premier degré de perfection qu’acquit cette méthode grossiere de conserver les idées des hommes. On s’en est servi de trois manieres, qui à consulter la nature de la chose, prouvent qu’elles n’ont été trouvées que par degrés, & dans trois tems différens.

La premiere maniere consistoit à employer la principale circonstance d’un sujet, pour tenir lieu du tout. Les Egyptiens vouloient-ils représenter deux armées rangées en bataille : les hiéroglyphes d’Horapollo, cet admirable fragment de l’antiquité, nous apprennent qu’ils peignoient deux mains, dont l’une tenoit un bouclier, & l’autre un arc.

La seconde maniere imaginée avec plus d’art, consistoit à substituer l’instrument réel ou métaphorique de la chose, à la chose même. Un œil & un sceptre représentoient un monarque. Une épée peignoit le cruel tyran Ochus ; & un vaisseau avec un pilote, désignoit le gouvernement de l’univers.

Enfin on fit plus : pour représenter une chose, on se servit d’une autre où l’on voyoit quelque ressemblance ou quelque analogie ; & ce fut la troisieme maniere d’employer cette écriture. Ainsi l’univers étoit représenté par un serpent roulé en forme de cercle, & la bigarrure de ses taches désignoit les étoiles.

Le premier objet de ceux qui imaginerent la peinture hiéroglyphique, fut de conserver la mémoire des évenemens, & de faire connoître les lois, les réglemens, & tout ce qui a rapport aux matieres civiles. Par cette raison, on imagina des symboles relatifs aux besoins & aux productions particulieres de l’Egypte. Par exemple, le grand intérêt des Egyptiens étoit de connoître le retour ou la durée du vent étésien, qui amonceloit les vapeurs en Ethiopie, & causoit l’inondation en soufflant sur la fin du printems du nord au midi. Ils avoient ensuite intérêt de connoître le retour du vent de midi, qui aidoit l’écoulement des eaux vers la Méditerranée. Mais comment peindre le vent ? Ils choisirent pour cela la figure d’un oiseau ; l’épervier qui étend ses aîles en regardant le midi, pour renouveller ses plumes au retour des chaleurs, fut le symbole du vent étésien, qui souffle du nord au sud ; & la huye qui vient d’Ethiopie, pour trouver des vers dans le limon, à la suite de l’écoulement du Nil, fut le symbole du retour des vents de midi, propres à faire écouler les eaux. Ce seul exemple peut donner une idée de l’écriture symbolique des Egyptiens.