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cause, s’assûrer aussi des indices convaincans que cette cause existe dans la nature ; que c’est elle qui opere l’effet qu’on lui attribue.

Dans la pratique & dans la conduite de la vie, la découverte des causes qui ont produit les effets que nous voyons arriver, est souvent de la derniere importance. Or comme les évenemens d’ici-bas sont pour l’ordinaire fort compliqués, il arrive aisément de prendre le change, l’accessoire & les circonstances, pour la cause de cet effet que nous considérons. L’ignorance, la petitesse d’esprit, la superstition, l’intérêt, les préjugés, en un mot toutes nos passions, nous abusent & nous précipitent dans de faux jugemens : aussi voit-on que rien n’est plus ordinaire dans les malheurs de la vie, que de les attribuer à de fausses causes, & de s’aveugler sur les véritables. On sait la réponse du duc de Vendôme à un courtisan du duc de Bourgogne dans la campagne de Flandres de 1708. Voyez l’histoire du siecle de Louis XIV. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Effet, (Jurispr.) c’est ce qu’opere une loi, une convention, une action. Ce qui est nul ne produit aucun effet. Voyez Nullité.

Effets civils, sont les droits accordés à ceux qui participent aux avantages de la société civile, selon les lois politiques & civiles de l’état. Ces droits consistent à pouvoir intenter des actions en justice, à pouvoir succéder, disposer de ses biens par testament, posséder des offices & bénéfices dans le royaume : tout cela s’appelle la vie civile ou les effets civils, c’est-à-dire ce que peuvent faire ceux qui joüissent des avantages du droit civil.

Les regnicoles sont en général capables de tous les effets civils, au lieu que les aubains n’en joüissent point : ceux qui sont morts civilement ne les ont pas non plus.

Un mariage clandestin ne produit point d’effets civils, c’est-à-dire qu’il n’en résulte aucun droit de communauté ni de doüaire pour la femme.

Effet rétroactif, est celui qui remonte à un tems antérieur à la cause qui le produit, comme quand une loi ordonne que sa disposition sera observée, tant pour les actes antérieurs à cette loi, que pour ceux qui seront postérieurs.

Effet se prend aussi quelquefois pour tout ce qui est in bonis ; ainsi dans ce sens on dit qu’une maison, une terre, une rente, une obligation, un billet, de l’argent comptant, des meubles, sont des effets de la succession.

Effet caduc, est celui qui est de nulle valeur.

Effet commun, est celui qui appartient à plusieurs personnes.

Effet douteux, se dit de celui dont le recouvrement est incertain.

Effets, ou effets royaux, est le nom que l’on a donné aux rentes créées par le Roi, & aux billets & autres papiers qui ont été introduits en différens tems dans le commerce. (A)

Effet, terme de Peinture. Docti rationem artis intelligunt, indocti voluptatem. L’effet, en Peinture, est pour le spectateur cette volupté, ce plaisir qu’il cherche & qu’il s’attend à ressentir. Pour l’artiste l’effet est le concours des différentes parties de l’art, qui excite dans l’esprit de celui qui voit un ouvrage, le sentiment dont le peintre étoit rempli en le composant.

Il est inutile de s’étendre sur la premiere signification de ce mot. Le plaisir est fait pour être senti ; mais les moyens d’exciter cette sensation, sont intéressans pour les artistes. Voici quelques réflexions sur cette matiere.

L’art de la Peinture est composé de plusieurs parties principales, comme on le verra dans un plus grand détail au mot Peinture. Chacune de ces par-

ties est destinée à produire une impression particuliere, qui est son effet propre.

L’effet du dessein est d’imiter les formes ; celui de la couleur, de donner à chaque objet la nuance qui le distingue des autres. Le clair-obscur imite les effets de la lumiere, ainsi des autres. La réunion de ces différens produits cause une impression qu’on nomme l’effet du tout ensemble.

Il est donc essentiel pour parvenir à conduire un tableau à un effet juste, que toutes ses parties tendent à un seul projet. Mais quelle est celle qui doit commander, qui doit marquer le but auquel elles doivent arriver ? c’est sans doute celle qu’on nomme invention, puisque c’est elle qui naît la premiere dans l’esprit du peintre, lorsqu’il médite un ouvrage ; & que celui qui commenceroit à peindre sans savoir ce qu’il veut représenter, ressembleroit à un homme qui voudroit, sans ouvrir les yeux, se livrer à ses fonctions ordinaires.

L’invention qui regne sur tous les genres de peindre, qui les a créés, & qui les reproduit dans chaque ouvrage, décide donc de l’effet qu’ils doivent avoir. Le tableau d’histoire doit faire consister son effet dans l’expression exacte des actions ; le portrait, dans la ressemblance des traits ; le paysage, dans la représentation des sites ; & la peinture d’une marine, dans celle des eaux.

Mais dans chacune des parties qui constituent l’art de peindre, on entend plus particulierement par le mot effet, une expression grande, majestueuse, forte. Ainsi l’effet dans le dessein, est un contour hardi qui exprime des formes que l’artiste connoît parfaitement ; la liberté, la confiance avec laquelle il indique leur place, leur figure, leur proportion, fait ressentir un juste effet. C’est ainsi que Michel-Ange en dessinant une figure, aura exprimé par le secours du simple trait, la conformation des membres, leur juste emmanchement, l’apparence des muscles, les enchâssemens des yeux, les plans sur lesquels les os de la tête sont placés, enfin le caractere de l’action qui doit infailliblement résulter de la justesse de toutes ces combinaisons. Il aura fait plus encore ; il aura indiqué aux yeux exercés dans l’art de la peinture l’effet du clair-obscur, & l’on pourroit dire même celui de la couleur : ce dessein se nommera un dessein d’effet.

L’effet particulierement appliqué au coloris, est celui qui porte l’imitation des couleurs locales à un point de perfection capable de faire une illusion sensible. La couleur locale est la couleur propre & distinctive de chaque objet : elle a, dans la nature, une force & une valeur que l’art a bien de la peine à imiter. Des organes justes & bien exercés peuvent y prétendre ; mais l’écueil funeste, qui sur cette mer difficile est le plus fameux par les naufrages, c’est cette habitude de tons & de nuances qui s’enracine, sans que les peintres s’en apperçoivent, par une pratique répétée ; & qui renaissant dans tous leurs ouvrages, fait dire de presque tous les artistes, qu’ils ont peint gris, ou roux ; que leur couleur ressemble à la brique, qu’elle est rouge, ou noire, ou violette. Ce défaut si favorable à ceux qui sans principes, veulent distinguer les manieres des maîtres, est une preuve de l’infériorité de l’imitation de l’artiste. La nature n’est, en effet, ni dorée, ni argentée ; elle n’a point de couleur générale : ses nuances sont des mélanges de couleurs rompues, réflectées, variées ; & celui qui aspire à l’effet par la route de la couleur, n’en doit avoir aucune à lui.

On peut favoriser l’effet de la couleur, par la disposition des lumieres, qui produit l’effet du clair-obscur : mais quelques périls menacent encore ceux qui se fondent sur ce secours. Le desir d’exciter l’attention par des effets, inspira au Carravage d’é-