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qui forme de bonne-foi un disciple ou un éleve, sans craindre de se créer un rival ou un supérieur, procure un avantage inestimable. Le bien qu’il fait seroit au-dessus de tout éloge, s’il y ajoûtoit celui de séparer des lumieres qu’il communique, les préjugés qui lui sont propres, & qui n’appartiennent pas au fond de la science qu’il enseigne ; mais il est rare de trouver un maître assez éclairé & assez généreux pour cela.

L’éleve qui se destine à la Peinture, ne sauroit commencer trop tôt à apprendre les élémens d’un art dont l’étendue est immense. Les progrès doivent être fort rapides pour échapper au tems, qui les rallentit & les arrête. C’est le feu de la jeunesse qui doit mûrir des fruits pour lesquels l’automne est souvent trop froid & dangereux. Raphaël mort à trente-six ans, n’avoit plus rien à faire pour être le premier des artistes.

Cette vérité doit engager les éleves à employer avec vivacité aux études nécessaires à la pratique de leurt art, le tems précieux de la premiere jeunesse, puisque c’est alors que les organes dociles se soûmettent aisément au joug de l’habitude. L’ordre qu’il faut mettre à ces études, est l’objet intéressant du maître : l’éleve, fait pour se laisser conduire, est une plante dont celui qui la cultive doit répondre. Au reste, j’ai tracé au mot Dessein une partie de la route qu’on doit faire tenir au jeune éleve : l’obéissance & la docilité sont les devoirs qu’il doit pratiquer ; & l’on peut tirer des présages plus justes & plus favorables de son exactitude à les remplir, que de ces desirs superficiels ou de ces succès prématurés qui font concevoir des espérances qu’on voit si souvent trompées. Cet article est de M. Watelet.

ELEVER, EXHAUSSER, synonym. Le premier s’employe au propre & au figuré : élever une muraille, élever son esprit. Le second ne se dit qu’au propre, exhausser un plancher, un bâtiment ; mais par une bisarrerie de notre langue, relever & rehausser se disent tous deux au propre & au figuré : on releve une chose tombée, on rehausse une chose qui est trop basse ; on releve le mérite, on rehausse le courage. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Elever, v. act. terme d’Arithmétique & d’Algebre. On dit qu’on éleve un nombre au quarré, au cube, à la quatrieme puissance, &c. lorsqu’on en prend le quarré, le cube, la quatrieme puissance, &c. ainsi 2 élevé au quarré donne 4, au cube donne 8, &c. Voyez Quarré, Cube, Puissance. Le mot d’élever s’employe dans ces occasions, parce que les nombres dont on prend le quarré, le cube, &c. augmentent par cette opération. Cependant on se sert aussi du mot élever, lorsque la puissance est moindre que l’unité, & que par conséquent le nombre diminue par l’opération. Par exemple, on dit élever à la puissance , pour dire prendre la racine quarrée, la racine cube, &c. Voyez Puissance & Exposant. On se sert aussi du mot élever au quarré, au cube, en parlant des fractions, quoique par cette opération les fractions diminuent ; ainsi élevé au quarré, donne  ; élevé au cube, donne . C’est ainsi qu’on se sert du mot multiplication dans les cas même où le produit est moindre que le multiplicande. Voyez Multiplication ; voyez aussi Division. Des définitions exactes & précises levent en ce cas toute l’équivoque. (O)

Elever, s’Elever, (Marine.) un vaisseau qui s’éleve, c’est-à-dire qu’il fait route pour s’éloigner de la côte & prendre le large. Il se dit aussi lorsqu’on veut tenir le vent & aller au plus près.

On dit s’élever en latitude, lorsque l’on fait route au nord ou au sud, ou à tel autre air de vent qui n’est pas précisément l’est ou l’oüest. (Z)

Elever, (Jardinage.) La maniere d’élever les jeu-

nes plantes, consiste dans les différens soins qu’on

en doit prendre.

Ces soins consistent en trois choses, dans les labours, dans les arrosemens, & dans la maniere de les conduire les premieres années. Voyez Labours, Arroser & Emonder. (K)

ELEUSINIES, subst. pl. f. (Hist. anc.) mysteres de la déesse Céres, ou cérémonies religieuses qui se pratiquoient en son honneur : on les nommoit ainsi d’Eleusis ville maritime des Athéniens, où étoit le temple de cette déesse, fameux par la célébration de ces mysteres.

Quelques auteurs appellent la ville ou se célébroient les éleusinies, Eleusine, & non Eleusis. Harpocration confirme cette ortographe, en faisant venir ce nom d’Eleusinas fils de Mercure ; & Pausanias dans ses Attiques se déclare aussi pour ce sentiment. D’autres croyent que cette ville avoit été nommée de la sorte, d’un mot grec qui signifie arrivée, parce que Cérès, après avoir couru le monde pour trouver sa fille, s’y arrêta, & y termina ses recherches. Diodore de Sicile, liv. V. Prétend que le nom d’Eleusis lui avoit été donné pour servir de monument à la postérité ; que le blé & l’art de le cultiver, étoient venus dans l’Attique des pays étrangers.

Les éleusinies étoient chez les Grecs les cérémonies les plus solennelles & les plus sacrées, d’où vient qu’on leur donna par excellence le nom de mysteres. On prétendoit que Cérès les avoit instituées elle-même à Eleusis, en mémoire de l’affection & du zele avec lesquels les Athéniens la reçurent : c’est ainsi qu’ssocrate en parle dans son panégyrique ; mais Diodore de Sicile dit, liv. VI. que ce furent les Athéniens qui instituerent les éleusinies, par reconnoissance de ce que Cérès leur avoit appris à mener une vie moins rustique & moins barbare ; cependant ce même auteur rapporte la chose d’une autre façon au premier livre de sa Bibliotheque : « Une grande sécheresse ayant, dit-il, causé une disette affreuse dans la Grece, l’Egypte qui avoit fait cette année-là même une récolte très-abondante, fit part de ses richesses aux Athéniens ».

Ce fut Erecthée qui leur amena ce convoi extraordinaire de blé ; & en reconnoissance de ce bienfait il fut créé roi d’Athenes, & il apprit aux Athéniens les mysteres de Cérès, & la maniere dont l’Egypte les célébroit.

Cette relation revient assez à ce que disent Hérodote & Pausanias, que les Grecs avoient pris leurs dieux & leur religion des Egyptiens.

Théodoret, liv. I. Græcanic. affection. écrit que ce fut Orphée, & non pas Erecthée, qui fit cet établissement, & qui institua en l’honneur de Cérès les solennités que les Egyptiens pratiquoient pour Isis. Ce sentiment est confirmé par le scholiaste sur l’Alceste d’Eurypide.

La ville d’Eleusis où se célébroient ces mysteres étoit si jalouse de cette gloire, que réduite aux dernieres extrémités par les Athéniens, elle se rendit à eux à cette seule condition, qu’on ne lui ôteroit point les éleusinies ; cependant ce n’étoient point des cérémonies religieuses particulieres à cette ville, mais communes à tous les Grecs.

Ces cérémonies, suivant Arnobe & Lactance, étoient une imitation ou représentation de ce que les Mythologistes nous enseignent de Cérès. Elles duroient plusieurs jours, pendant lesquels on couroit avec des torches ardentes à la main : on sacrifioit plusieurs victimes, non-seulement à Cérès, mais aussi à Jupiter : on faisoit des libations de deux vases, qu’on répandoit l’un du côté de l’orient, & l’autre du côté de l’occident : on alloit en pompe à Eleusis, en faisant de tems en tems des pauses où l’on chantoit des hymnes & l’on immoloit des victimes ;