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ce qui se pratiquoit non-seulement en allant d’Athenes à Eleusis, mais encore au retour. Au reste on étoit obligé à un secret inviolable, & la loi condamnoit à mort quiconque auroit osé publier ces mysteres.

Tertulien dans son livre contre les Valentiniens, rapporte que la figure que l’on montroit dans les eleusinia, & qu’il étoit si expressément défendu de rendre publique, étoit celle des parties naturelles de l’homme. Selon Théodoret, Arnobe & Clément Alexandrin, c’étoit la figure des parties naturelles d’une femme.

Ces imputations peuvent être mal fondées, car où Tertulien, Arnobe & Théodoret avoient-ils lû ces particularités, puisqu’il n’y avoit rien d’écrit sur les mysteres d’Eleusine ? l’auroient-ils appris de quelques initiés ? mais il n’y a pas d’exemple de la plus legere indiscrétion sur ce point. Cicéron qui s’étoit trouvé à Athenes dans le tems que les mysteres d’Eleusine s’y célébroient, & qui n’étoit pas naturellement porté à favoriser le fanatisme, soupçonne seulement au commencement des Tusculanes, qu’on découvroit aux initiés la véritable histoire de Cérès & de sa fille, & qu’on les obligeoit par la religion du serment à ne jamais révéler que ces deux prétendues déesses n’avoient été que des femmes mortelles, de peur de décréditer par-là leur culte dans l’esprit du public.

Le lendemain de la fête le sénat s’assembloit à Eleusis, apparemment pour examiner si tout s’étoit passé dans l’ordre.

Il y avoit deux sortes d’éleusinies, les grandes & les petites : nous venons de parler des premieres, les petites avoient été instituées en faveur d’Hercule. Ce héros ayant souhaité d’être initié aux premieres éleusinies, & les Athéniens ne pouvant le satisfaire, parce que la loi défendoit d’y recevoir les étrangers, & ne voulant cependant rien lui refuser, ils instituerent de nouvelles éleusinies auxquelles il pût assister. Les grandes se célébroient dans le mois bœdromion, qui répondoit à notre mois d’Août ; & les petites au mois d’anthisterion, qui répondoit à notre mois de Janvier.

On n’étoit admis à la participation de ces mysteres que par degrés ; d’abord on se purifioit, ensuite on étoit reçû aux petites éleusinies, & enfin admis & initié aux grandes. Ceux qui n’étoient que des petites, s’appelloient mystes ; & ceux qui étoient admis aux grandes, s’appelloient époptes ou éphores, c’est-à-dire inspecteurs, & il falloit ordinairement subir une épreuve de cinq ans pour passer des petites éleusinies aux grandes. On se contentoit quelquefois d’un an, & on étoit admis immédiatement après à tout ce qu’il y avoit de plus secret dans ces cérémonies religieuses. Meursius a fait un traité sur les éleusinies, dans lequel il établit la plûpart des faits que nous venons d’avancer.

Quoiqu’on ne sache pas précisément en quoi consistoit l’autopsie ou la contemplation claire des mysteres d’Eleusis, les anciens nous ont pourtant laissé quelques descriptions des cérémonies qui la précédoient. Comme on étoit persuadé que ceux qui participoient à ces mysteres faisoient profession d’une vie innocente, & qu’après leur mort ils seroient placés dans les champs élysées, on les purifioit, soit pour expier leurs fautes passées, soit pour leur faire acheter en quelque sorte par ces premieres épreuves, les biens dont ils se flatoient de joüir un jour. D’abord un sacrificateur, qui dans cette fonction se nommoit hydranos, immoloit à Jupiter une truie pleine ; & après en avoir étendu la peau à terre, on faisoit mettre dessus celui qui devoit être purifié. Les prieres accompagnoient cette cérémonie, qu’un jeûne austere devoit avoir précédé : ensuite, après quel-

ques ablutions qu’on faisoit avec de l’eau de la mer, on couronnoit d’un chapeau de fleurs, nommé par Hesychius ἰμέρα, le postulant, qui après ces épreuves pouvoit aspirer à la qualité de myste, ou d’initié aux mysteres.

Il ne se passoit point dans les mysteres d’Eleusine, d’infamies comme dans ceux de Bacchus ; que s’il s’y glissa quelquefois du desordre, il fut accidentel, & promptement réprimé par la sévérité des magistrats. Voyez les dictionnaires de Trévoux, de Moréry & de Chambers. (G)

ELEUTHERE, s. m. (Hist. anc.) nom qui signifie libérateur dans le langage des Grecs, & qu’ils donnerent à Jupiter en mémoire de la victoire qu’ils remporterent près du fleuve Asope sur Mardonius général des Perses, dont trois cents mille furent exterminés dans cette journée. Les vainqueurs attribuerent à Jupiter le succès de cette bataille, qui assûra la liberté de la Grece, & donnerent au dieu le titre d’éleutheros, parce qu’il les avoit délivrés de la servitude qui les menaçoit. Ils instituerent aussi en son honneur des fêtes nommées éleuthériennes, qu’on célébroit tous les cinq ans par des courses de chars. C’étoit à Platée même, selon le scholiaste de Pindare, que se faisoient ces jeux ; circonstance qui rappelloit encore plus vivement la cause de leur établissement. (G)

* ELEUTHO, s. f. (Myth.) déesse qui présidoit aux accouchemens : c’est la même qu’Illythie. Voyez Illythie.

ELEZER CARREAUX, terme d’ancien monnoyage ; c’étoit la matutention qui aggrandissoit le carreau en le frappant sur l’enclume. Voyez Frapper Carreau.

ELFELD, (Géogr. mod.) ville de l’électorat du Rhin en Allemagne ; elle est à trois lieues de Mayence.

ELHAMMA, (Géog. mod.) ville de la province de Tripoli propre en Afrique. Long. 28. 26. lat. 34.

ELIAQUES, adj. pris subst. (Hist. anc.) mysteres ; c’étoient les mêmes que les mythriaques.

ELIGIBILITÉ, (Jurispr.) terme de droit canonique qui signifie le pouvoir d’être élû. On appelle bulle d’éligibilité, celle que le pape accorde à quelques personnes pour pouvoir être élûes à quelque dignité, bénéfice ou office, pour lequel elles n’ont pas toutes les qualités & capacités requises, comme l’âge, l’ordre ; & dans quelques églises d’Allemagne celui qui n’est pas de gremio, ne peut être élû évêque sans une bulle d’éligibilité. (A)

ELIMINER, v. act. (Algebre.) Quelques auteurs commencent à se servir de ce mot pour dire chasser, faire évanoüir ou disparoître d’une ou plusieurs équations une ou plusieurs inconnues. Ce mot a été formé du latin éliminare, qui est beaucoup plus en usage. Le mot éliminer est forgé assez inutilement, puisque les mots chasser, faire évanoüir, faire disparoître, rendent précisément la même idée. Voyez Evanouir, Equation, Inconnue, &c. (O)

ELINGUE, s. f. (Marine.) grosse corde dont on lie bien fortement les deux bouts ensemble, desorte qu’elle forme le cerceau : ensuite on la lie par le milieu un côté contre l’autre, desorte qu’elle forme la figure d’un huit de chifre composé de deux boucles. On se sert sur mer de cette corde pour embrasser & saisir les plus gros tonneaux de marchandises, un bout par une boucle, & l’autre bout par l’autre boucle ; puis passant un crochet entre les deux parties au milieu de la corde, on enleve ces tonneaux du fond de cale à la faveur de la moufle, & on les met à port.

Elingue à pattes, c’est celle qui n’a point de nœuds coulans, mais deux pattes de fer : on se sert de celle-