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éminences superficielles, qui donnent attache à des ligamens ou à des muscles ; c’est dans ce sens que l’on dit empreinte musculaire, empreinte ligamenteuse. Voyez Ligament & Muscle. (L)

Empreinte, s. f. (Gravûre.) Empreindre, c’est graver, c’est imprimer une chose sur une autre pour lui en donner la figure. Empreinte, est donc la gravûre, l’impression même ; & la chose gravée ou exprimée reçoit aussi le nom d’empreinte.

On tire des empreintes de médailles, de monnoies, de cachets, de pierres gravées, c’est-à-dire on en prend artistement la représentation semblable à l’original, par le moyen d’un corps mou. Cependant comme d’un côté on n’y sauroit parvenir sans en savoir la manœuvre, & que de l’autre il est aussi utile que satisfaisant pour un vrai curieux, d’avoir en sa possession le plus grand nombre qu’il est possible d’empreintes tirées sur les plus belles pierres gravées & les autres ouvrages de l’art, on sera bien aise de savoir la maniere de les faire. Je vais l’apprendre aux lecteurs d’après M. Mariette.

Cette pratique n’a rien de difficile dans les gravûres en creux, toute personne, pour peu qu’elle ait d’adresse, en est capable ; les matieres qu’on employe le plus ordinairement pour cette opération, sont la cire d’Espagne, le soufre, & le plâtre.

La premiere a cet avantage, que les empreintes se font sur le champ sans beaucoup de préparation, & que la matiere encore liquide s’insinuant exactement dans toutes les cavités de la gravûre, le relief qui sort est presque toûjours très-complet & très net ; il s’agit seulement d’avoir de la meilleure cire de Graveur.

Au lieu de cartes à joüer, il faut se servir d’une simple feuille de papier bien uni pour y appliquer la cire : mais pour le faire avec soin & avec proprété, on aura une assiette d’argent qu’on mettra sur un réchaut rempli de feu ; & lorsqu’elle sera suffisamment échauffée, l’on y posera dans le fond un morceau de papier bien sec, sur lequel on répandra la cire qu’on aura fait fondre en l’exposant au feu, & non en la présentant à la flamme d’une bougie ; on évite par ce moyen que la fumée ne s’attache, comme il est ordinaire, au bâton de cire & n’en altere la couleur. On tiendra pendant quelque tems la cire en fusion, on la remuera ; & quand on verra qu’elle est bien unie & bien liée, on y imprimera le cachet, & il est comme indubitable qu’il en sortira une bonne empreinte.

Mais comme toutes ces précautions n’empêchent point la cire d’être une matiere cassante, qui se fend d’un rien, M. Mariette seroit d’avis qu’on renonçât aux empreintes de cette espece, à moins qu’une nécessité n’y obligeât, je veux dire qu’il n’y eût aucune espérance de retrouver l’occasion de tirer autrement l’empreinte d’une belle pierre gravée qui se présente, & qu’il fallût absolument la faire sur le champ.

On trouve encore un autre défaut aux empreintes en cire d’Espagne ; elles ont un luisant qui ne permet pas de joüir de la gravûre, & ôte le repos qui doit y regner ; c’est pourquoi les connoisseurs préferent les empreintes qui se font avec le plâtre : la difficulté est de trouver du plâtre assez fin, & peut-être vaudroit-il mieux prendre des morceaux de talc, les faire calciner soi-même dans un feu ardent, & quand ils seroient refroidis, les broyer dans un mortier en poudre la plus fine qu’il seroit possible. Ensuite on passera plusieurs fois cette poussiere au tamis, & on l’employera comme on fait le plâtre, en la coulant un peu claire sur la surface de la pierre gravée, qu’on a eu la précaution d’entourer d’une carte ou d’une petite lame de plomb, pour contenir le plâtre & empêcher qu’il ne se répande au-dehors.

Mais les empreintes qui se font en soufre méritent

encore la préférence, parce qu’il est plus aisé d’y réussir, & que la diversité des couleurs qu’on leur peut donner, en rend l’aspect plus agréable. Voici comme il faut y procéder.

On fera fondre dans une cuillere de fer, sur un feu modéré, autant de soufre qu’on aura dessein d’en employer ; & lorsque ce soufre sera liquéfié, on le jettera dans la couleur dont on le voudra colorier. Sur une once de soufre on ne peut mettre moins d’une demi-once de couleur, autrement les soufres seroient trop pâles. Le cinnabre ou le vermillon, la terre verte, l’ocre jaune, le massicot, ainsi que le noir de fumée, sont de toutes les couleurs celles qui s’incorporent le mieux avec le soufre ; mais si la jonction de ce dernier minéral se faisoit moins difficilement avec la mine de plomb pulvérisée très-fin, ce seroit une des teintes des plus flateuses à la vûe. Celle que donne le vermillon est aussi fort bonne ; & quand on veut qu’il ait plus de brillant, on frote à sec avec un pinceau & un peu de carmin la surface de l’empreinte.

La couleur jettée dans le soufre, on aura attention de tenir la cuiller dans une agitation continuelle, tant afin que le soufre ne s’attache point à la cuiller, & ne se brûle point, que pour faciliter l’incorporation de la couleur. Pendant ce tems-là il se forme sur la surface du soufre une espece de crasse ou d’écume, qu’il en faut séparer & enlever avec une spatule ou le tranchant d’un couteau. Au bout d’un demi-quart d’heure, la cuiller étant toûjours restée sur le feu, pour empêcher le soufre de figer, on verse le soufre par inclinaison, ou sur une feuille de papier huilée, ou sur une feuille de fer-blanc bien planée, & on l’y laisse refroidir : le soufre en sort ayant la forme d’un gateau. Cette premiere préparation est pour le colorier, & le purifier de ses ordures les plus grossieres.

Veut-on faire des empreintes ? on coupe un morceau de ce gateau de soufre ; on le fait fondre une seconde fois dans la cuiller de fer, toûjours sur un feu modéré ; on la remue pour l’empêcher de brûler ; on en enleve encore la crasse, en cas qu’il en paroisse, & l’on en verse doucement sur la pierre gravée qu’on a préparée pour recevoir ce soufre liquéfié. On l’a enveloppée, ou plûtôt on l’a environnée d’un morceau de carte fine ou d’un papier fort, qui étant assujetti avec un fil de laiton, & replié sous la pierre, de façon que le soufre ne pouvant échapper par aucune ouverture, prend la figure d’un petit godet : ou bien l’on y met autour une petite lame de plomb mince, qui embrasse exactement la pierre. Ces différens moyens réussissent également, on choisira celui qui conviendra le mieux.

A peine le soufre aura-t-il été versé dans cette espece de petit moule, qu’il commencera à figer ; mais sans lui en donner le tems, & lorsqu’on jugera qu’il se sera déjà formé sur la surface de la pierre une legere couche de soufre figé, qui, comme une peau, s’y sera étendue & la couvrira toute entiere, on survuidera promptement dans la cuiller le soufre encore liquide, pour le reverser tout de suite & en remplir le même moule, jusqu’à ce qu’il y en ait assez pour donner du corps à l’empreinte. C’est ainsi qu’on évite les soufflures.

Quelque tems après, le soufre étant figé, on l’ôtera de dessus la pierre gravée, qui s’en détachera aisément & sans le moindre effort ; & il ne faut point douter, si l’on a usé de toutes les précautions qu’on vient d’indiquer, que l’empreinte ne soit exacte & parfaite : mais pour peu qu’elle manque en quelqu’endroit, on ne doit pas balancer d’en recommencer une seconde ; le même soufre reservira, & l’opération n’est ni assez coûteuse ni assez fatigante pour craindre de la répéter.