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s’ils sont nés de parens robustes, de bonne santé de corps & d’esprit, sur-tout à l’égard des meres, parce qu’ils ne sont pas ordinairement si délicats ; ils ne sont pas conséquemment si sujets à être affectés par les mauvaises impressions des choses nécessaires à la vie : ils ne deviennent pas si facilement malades, & ils n’ont pas autant de disposition à succomber aux maladies qui leur surviennent. On peut dire la même chose de ceux qui ne sont pas élevés si délicatement, qui sont accoûtumés à supporter impunément les effets des changemens d’air, d’alimens qui seroient pernicieux à tous autres, qui sont endurcis par un régime tel que celui qu’observent les paysans à l’égard de leurs enfans. Il est aussi certain en général que les maladies des enfans, quoiqu’innombrables, pour ainsi dire, sont plus faciles à guérir que celles des adultes, pourvû qu’elles soient bien traitées ; parce que comme ils sont plus susceptibles des altérations qui troublent en eux l’économie animale par de très-legeres causes, de même les moindres remedes placés à-propos, & différentes autres choses convenables à leur nature, peuvent en rétablir aisément les desordres ; ensorte que la plûpart ne meurent que parce que l’on employe souvent une trop grande quantité de secours, ou de trop puissans moyens pour leur rendre la santé, qui auroit pû être rétablie ou d’elle-même, ou avec très-peu de soins. Les Medecins ont peut-être plus nui au genre humain en médicamentant les enfans, qu’ils ne lui ont été utiles à cet égard. On observe constamment que les enfans gros, gras, charnus, & ceux qui tetent beaucoup, ceux qui ont des nourrices d’un grand embonpoint, pleines de sang, sont plus sujets à être malades, & à l’être plus fréquemment que d’autres ; ils sont plus communément affectés du rachitis, de la toux convulsive, des aphthes. Les enfans maigres sont ordinairement affligés de fievres, d’inflammations ; ceux qui ont le ventre libre, sont aussi mieux portans que ceux qui l’ont serré : & enfin comme la plûpart périssent par les douleurs de ventre, les tranchées & les mouvemens convulsifs, par les symptomes d’épilepsie, c’est toûjours un mauvais signe que ces différens maux se joignent avec les insomnies, aux différentes maladies dont ils sont affectés.

Les douleurs d’entrailles, les coliques, sont ordinairement épidémiques pour les enfans, depuis la mi-Juillet jusqu’à la mi-Septembre ; & il en meurt plus alors dans un mois, que dans quatre de toute autre partie de l’année, parce que les grandes chaleurs, qui se font principalement sentir dans ce tems-là, épuisent leurs forces, & les font aisément succomber à tous les maux qu’elles produisent, ou qui surviennent par toute autre cause. Les tranchées sont plus dangereuses à proportion qu’elles sont plus violentes, qu’elles durent davantage, ou qu’elles reviennent plus souvent, à cause des fievres, des affections asthmatiques, convulsives, épileptiques qu’elles peuvent occasionner, si on n’y apporte pas promptement remede. Celles qui sont causées par les vers, ne cessent pas qu’ils ne soient chassés du corps.

Les aphthes qui n’affectent qu’en petit nombre la surface de la bouche des enfans, qui ne causent pas beaucoup de douleur, qui sont rouges & jaunâtres, cedent plus facilement aux remedes que ceux qui s’étendent en grand nombre dans toute la bouche, qui sont noirâtres, de mauvaise odeur, & qui forment des ulceres profonds : ceux qui proviennent de cause externe, sont moins fâcheux que ceux qui sont produits par un vice de sang, par la corruption des humeurs. Les aphthes qui sont accompagnés d’inflammation, de difficulté d’avaler & de respirer, sont ordinairement très-funestes.

La maigreur & la consomption des enfans, sont toûjours des maladies très-dangereuses, sur-tout

lorsqu’elles sont invétérées, & causées par des obstructions au mésentere & aux autres visceres du bas-ventre ou de la poitrine. Si la diarrhée s’y joint, & que les malades rendent par le fondement une matiere purulente, sanglante, de fort mauvaise odeur, le mal est incurable : il y a au contraire à espérer, si les digestions étant rectifiées, l’appétit revient, se soûtient régulierement ; si l’enflure du ventre diminue, & que les forces se rétablissent. Il conste par un grand nombre d’observations, que les fievres intermittentes ont souvent guéri des enfans de la consomption.

Pour ce qui est de la curation des maladies des enfans, on ne peut en donner ici qu’une idée fort en raccourci : la plûpart d’entr’elles, soit qu’elles leur soient propres, soit qu’elles leur soient communes avec les adultes, sont traitées chacune en son lieu ; ainsi voyez, par exemple, Vérole (petite), Rougeole, Chartre, Rachitis, Epilepsie, Cardialgie, Vers, Dentition, Teigne, &c. On peut dire en général que comme les principales causes des maladies des enfans consistent principalement dans le relâchement des fibres naturellement très délicates, & la foiblesse des organes augmentée par l’humidité trop abondante dont ils sont abreuvés, & dans l’acidité dominante des humeurs, on doit combattre ces vices par les contraires : ainsi les astringens, les absorbans, les antiacides, qui conviennent pour corriger l’état contre nature des solides & des fluides ; & les legers purgatifs, pour évacuer l’humide superflu & corrompu, employés avec prudence, selon les différentes indications qui se présentent, sont les remedes communs à presque toutes les curations des maladies des enfans C’est ce qu’a parfaitement bien établi le docteur Harris dans sa dissertation sur ce sujet, en bannissant de la pratique, dans ce cas, l’usage des remedes chimiques, diaphorétiques, incendiaires, & de toute autre qualité, dont elle étoit surchargée. Il est certain même, indépendamment de la considération des causes de ces maladies, que la maniere de traiter ces petits malades ne sauroit être trop simplifiée, vû la difficulté qu’il y a à les soûmettre à prendre des drogues, & à leur faire observer un régime convenable, surtout avant qu’ils ayent atteint l’âge de connoissance.

A peine l’homme est-il mis au monde, qu’il se trouve souvent dans le cas d’avoir besoin des secours de la Medecine, & de payer le tribut à cet art, pour éviter de le payer si-tôt à la nature. En effet, dans le cas où les enfans nouveau-nés ont pour la plûpart des mucosités gluantes dans la bouche, l’œsophage, l’estomac, les intestins, & quelquefois des matieres nourricieres imparfaitement digérées, avant de sortir du ventre de leurs meres, qui ont pû s’échauffer dans les parties qui les contiennent, s’y corrompre par l’agitation excitée pendant le travail de l’accouchement, dont s’ensuivent des cardialgies, des douleurs de ventre, des tranchées, & autres symptomes fâcheux ; si après avoir fait prendre aux enfans ainsi affectés, quelques gorgées du premier lait de la mere, qui est ce qu’on appelle colostrum, que la nature semble avoir destiné à cet usage, attendu qu’il est très-laxatif, l’évacuation de ces matieres ne se fait pas, ou s’il est impossible de leur faire prendre le teton tant que le mal dure, il est à propos d’ouvrir doucement la bouche au nouveau-né, & de répandre peu-à-peu & à différentes reprises dans l’intervalle de dix à douze heures, de l’eau en petite quantité, dans laquelle on a dissous du sucre ou délayé du miel, pour détremper ces différentes matieres, en purger les premieres voies, & en favoriser l’expulsion. Si ces impuretés sont si abondantes dans l’estomac & les intestins, qu’elles causent des