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qui ne la dilatent point, qui ne portent point en embas, qui paroissent long-tems avant le terme, qui ne sont pas précédées de l’écoulement des eaux, sont ce qu’on appelle douleurs fausses, c’est-à-dire qui ne caractérisent point l’enfantement prochain. Ces douleurs fausses proviennent quelquefois des vents renfermés dans les intestins, que l’on reconnoît au murmure qui se fait dans le bas-ventre ; quelquefois de tenesmes, d’envies continuelles d’aller à la selle par la compression de l’uterus sur le rectum : d’autres fois une grande émotion ou des passions vives suffisent pour exciter sur la fin de la grossesse des douleurs violentes, sans qu’elles annoncent la délivrance prochaine.

Les douleurs vraies de l’enfantement commencent dans la région lombaire, s’étendent du côté de la matrice, rendent le pouls plus plein, plus fréquent, & plus élevé ; elles donnent de la couleur, parce que le sang est porté au visage avec plus de vitesse & en plus grande quantité ; elle se rallentissent & redoublent par intervalles. La douleur qui suit, est toûjours plus grande que celle qui l’a précédée, ensorte qu’on peut dire que c’est par un accroissement successif des douleurs qu’une femme est conduite à l’enfantement qui les termine.

Les douleurs vraies se distinguent encore des douleurs de colique, en ce que ces dernieres se dissipent ou du moins reçoivent quelque soulagement par l’application des linges chauds sur l’abdomen, l’usage interne des émolliens onctueux, la saignée, les lavemens adoucissans, &c. au lieu que tous ces moyens semblent exciter plus fortement les véritables douleurs de l’enfantement.

Un autre signe assez distinctif, est le lieu de la douleur ; dans les coliques venteuses, l’endroit de la douleur est vague : dans l’inflammation il est fixe, & a pour siége les parties enflammées ; mais les douleurs de l’enfantement sont alternatives, déterminées vers la matrice avec resserrement & dilatation successive, & répondent toûjours en-embas.

On soupçonne toutes les douleurs qu’une femme souffre avant le neuvieme mois, d’être fausses, & par conséquent on ne doit pas chercher à les augmenter : s’il arrivoit néanmoins qu’au septieme mois de la grossesse une femme entrât réellement en travail, il faudroit non seulement ne le point retarder, mais le hâter avec prudence.

Au surplus, ce qu’il y a de mieux à faire, pour n’être point trompé dans cette occasion, c’est de toucher l’orifice de la matrice ; & son état fournira les notions les plus certaines sur la nature des douleurs, & les signes caractéristiques du futur accouchement. Si les douleurs sont fausses, l’orifice de la matrice se refermera plus étroitement qu’auparavant dès qu’elles seront passées ; si elles sont vraies, elles augmenteront la dilatation de l’orifice de la matrice. Ainsi l’on décidera du caractere des douleurs, en touchant l’utérus avant & après ; en effet, lorsque la matrice agit sur l’enfant qu’elle renferme, elle tend à surmonter la résistance de l’orifice qui se dilate peu-à-peu. Si l’on touche cet orifice dans le tems des douleurs, on sent qu’il se resserre ; & lorsque la douleur est dissipée, l’orifice se dilate de nouveau. Ainsi par l’augmentation des souffrances, & par le progrès de la dilatation de l’orifice, lorsqu’elles seront cessées, on peut s’assûrer de la nature des douleurs, juger assez bien du tems de l’accouchement prochain, & diriger sa conduite en conséquence.

Les douleurs avant-courieres de l’enfantement, sont celles qui se font sentir à l’approche du travail pendant quelques heures, & même quelquefois pendant plusieurs jours : on les appelle mouches. Quoique les femmes en soient très-fatiguées, elles leur

sont extrèmement salutaires ; ce sont elles qui produisent la dilatation successive de l’orifice de la matrice ; elles contribuent à la formation des eaux ; elles poussent l’enfant dans une situation propre à sortir ; elles préparent les passages qui se trouvent enduits d’une humeur émolliente & mucilagineuse qu’elles expriment de la matrice ; & peut-être servent-elles encore à détacher le placenta de la surface intérieure de l’utérus, détachement qui précede immédiatement la naissance de l’enfant. Je dis que la femme grosse éprouve quelquefois de pareilles douleurs pendant plusieurs jours ; c’est pourquoi l’accoucheur seroit imprudent de la mettre en travail, avant que les autres raisons décisives & réunies ensemble ne l’y déterminassent.

Enfin, comme il se fait souvent dans les femmes prêtes d’accoucher des mouvemens violens, soit dans le visage, les yeux, les levres, soit dans les bras, soit dans les organes de la respiration, soit dans le bas-ventre, soit dans les parties inférieures du corps ; ces mouvemens impétueux & presque convulsifs sont la voix de la nature même, qui apprend, qui crie à l’accoucheur, que les vraies douleurs de la femme grosse sont parvenues au degré de violence nécessaire pour l’expulsion de l’enfant, lequel à son tour aura besoin en naissant de secours de toute espece, incapable de faire aucun usage de ses organes, & de se servir de ses sens ; image de misere, de souffrances & d’imbécillité ! Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ENFER, s. m. (Théologie.) lieu de tourmens où les méchans subiront après cette vie la punition dûe à leurs crimes.

Dans ce sens le mot d’enfer est opposé à celui de ciel ou paradis. Voyez Ciel & Paradis.

Les Payens avoient donné à l’enfer les noms de tartarus ou tartara, hades, infernus, inferna, inferi, orcus, &c.

Les Juifs n’ayant point exactement de nom propre pour exprimer l’enfer dans le sens où nous venons de le définir (car le mot hébreu scheol se prend indifféremment pour le lieu de la sépulture, & pour le lieu de supplice réservé aux réprouvés), ils lui ont donné le nom de Gehenna ou Gehinnon, vallée près de Jérusalem, dans laquelle étoit un tophet ou place où l’on entretenoit un feu perpétuel allumé par le fanatisme pour immoler des enfans à Moloch. De-là vient que dans le nouveau Testament l’enfer est souvent désigné par ces mots Gehenna ignis.

Les principales questions qu’on peut former sur l’enfer se réduisent à ces trois points : son existence, sa localité, & l’éternité des peines qu’y souffrent les réprouvés. Nous allons les examiner séparément.

1°. Si les anciens Hébreux n’ont pas eu de terme propre pour exprimer l’enfer, ils n’en ont pas moins reconnu la réalité. Les auteurs inspirés en ont peint les tourmens avec les couleurs les plus terribles : Moyse, dans le Deutéronome, chap. xxxij. vers. 22. menace les Israëlites infideles, & leur dit au nom du Seigneur : Un feu s’est allumé dans ma fureur, & il brûlera jusqu’au fond de l’enfer ; il dévorera la terre & toutes les plantes, & il brûlera les fondemens des montagnes. Job, chap. xxjv. vers. 19. réunit sur la tête des réprouvés les plus extrèmes douleurs : Que le méchant, dit-il, passe de la froideur de la neige aux plus excessives chaleurs ; que son crime descende jusque dans l’enfer ; & au chap. xxvj. vers. 6. L’enfer est découvert aux yeux de Dieu, & le lieu de la perdition ne peut se cacher à sa lumiere. Enfin, pour ne pas nous jetter dans des citations infinies, Isaïe, chap. lxvj. vers. 24. exprime ainsi les tourmens intérieurs & extérieurs que subiront les réprouvés : Videbunt cadavera virorum qui prevaricati sunt in me, vermis eorum non morietur, & ignis eorum non extinguetur, & erunt