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que dans des occasions importantes, & qui demandoient des secours prompts & extraordinaires.

Les préposés aux enrôlemens faisoient un examen rigoureux des personnes qui se présentoient pour être enrôlées. (Liv. II. §. 1. ff. de re militari.) Ils s’informoient d’abord de la naissance de chacun ; car il n’y avoit que des hommes libres à qui il fût permis de porter les armes, & les esclaves en étoient exclus. Il falloit donc prouver sa liberté par des témoignages non suspects, & de plus il falloit établir le lieu de sa naissance.

On avoit aussi beaucoup d’attention à la taille ; & tous ceux à qui elle manquoit, étoient rejettés de l’honneur de servir. De-là vient que lorsqu’on vouloit loüer un homme, on disoit qu’il avoit une taille militaire ; c’est ce qui n’a pas échappé à Lampride dans son éloge de l’empereur Sévere. Cette taille militaire est marquée par une loi qui est dans le code théodosien, au titre de tyronibus ; elle nous apprend qu’alors un soldat devoit avoir cinq pieds sept pouces, quinque pedibus & septem unciis usualibus.

Vegece a remarqué que du tems de Marius on n’enrôloit que des gens de cinq piés dix pouces, parce que dans le grand nombre qui se présentoit, on pouvoit choisir, mais depuis ce tems-là il fallut rabattre de cette mesure, les hommes étant devenus rares par les guerres civiles, le luxe, la débauche, & le changement de gouvernement.

Cependant l’on ne connoissoit point encore ce moyen nouveau, & contraire à toutes les lois de l’humanité, d’enroler par la force, la fraude, le stratagème, & pareilles horreurs sur lesquelles, dans quelques pays, les princes & les ministres ferment les yeux en tems de guerre. « Les hommes, dit la Bruyere, sont au souverain comme une monnoie, dont il achete une place, ou une victoire. S’il fait ensorte qu’il lui en coûte moins, s’il épargne les hommes, il ressemble à celui qui marchande, & qui connoît mieux qu’un autre le prix de l’argent ». Aussi tout prospere sous un tel souverain, & dans une monarchie où l’on confond les intérêts de l’état avec ceux du monarque. Or j’ajoûte ici que les intérêts de l’état s’opposent à la violence & à l’artifice dans les enrolemens ; non seulement parce que de telles pratiques blessent les droits de l’humanité, mais de plus parce que la peine capitale portée contre les deserteurs, devient alors une injustice qui révolte la nature. Voyez Deserteur. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ENROUEMENT, s. m. (Medecine.) Ce terme est ordinairement employé pour signifier la maladie même, dont il n’est proprement qu’un symptome. Cette maladie est une espece de fluxion catarrheuse, qui a son siége dans le larynx, la trachée artere, & principalement dans les parties qui constituent l’organe de la voix.

Ces parties étant engorgées ou enduites d’une trop grande quantité d’humeurs pituiteuses, c’est-à-dire de la mucosité naturelle trop épaissie, ont leurs surfaces inégalement tuméfiées, mal unies, ensorte qu’elles rendent les collisions de l’air rudes, & sur-tout les vibrations de la glotte lourdes, lentes, très-peu & desagréablement sonores, d’où résulte le symptome dont il s’agit, l’enrouement, mot qui vient du Latin ravis, dont on a formé raucitas, raucedo, voix rauque.

Ce défaut peut aussi être produit par le relâchement des muscles qui servent à tendre les cordes vocales qui forment les bords de la glotte, & par le desséchement ou la trop grande tension de ces mêmes cordes. Voyez Voix.

Pour ce qui est du traitement de cette maladie, si la cause est catarrheuse, il est le même que celui du catarrhe en général, de l’enchifrenement dont il

a été fait mention ci-devant, & du rhume : voyez Catarrhe, Enchifrenement, Rhume. Si le relâchement des muscles du larynx qui cause l’enrouement, dépend de la fibre lâche en général, les remedes contre ce vice universel conviennent aussi contre le particulier dont il est ici question : voyez Fibre, Leucophlegmatie. Si ce relâchement est un effet de la paralysie, il n’est pas susceptible d’une cure particuliere : voyez Paralysie. Le desséchement & la roideur de la glotte n’est pas ordinairement un vice propre à cette partie ; il tient à celui des solides en général, qui est de la même nature : on peut de plus employer la vapeur des décoctions de plantes émollientes, reçûe dans la bouche ouverte & dirigée vers la trachée-artere par de fréquentes inspirations, par lesquelles l’air chargé de cette humidité médicamenteuse est souvent appliqué au parties viciées. Si la tension spasmodique, hystérique ou mélancholique, ou de toute autre espece, produit l’enrouement, il ne peut être traité que par les remedes propres contre les maladies dont il est un symptome : voyez Spasme, Hystéricité, Mélancholie, Manie, &c. La voix devenue rauque, par un accès de colere, se guérit par le repos du corps & de l’esprit, ou par les anodyns. (d)

ENROUILLER, v. neut. (Jardinage.) se dit d’un pré où le torrent a pénétré & a couvert l’herbe, ce qui s’appelle enroüiller l’herbe. (K)

ENROULEMENT, s. m. (Jardinage.) que quelques-uns appellent rouleau, est une plate-bande de buis ou de gason contournée en ligne spirale. Cet ornement se confond avec les massifs & les volutes des parterres. (K)

ENS, (Chimie.) Paracelse & ses disciples ont donné à ce mot différentes significations ; ils l’ont employé sur-tout pour exprimer la force, la puissance d’un agent, &c. ou pour désigner les parties d’un corps dans lesquelles résident proprement leur efficacité ou leur vertu médicinale. C’est dans le premier sens que Paracelse employe ce mot dans les expressions suivantes, ens Dei, ens astrorum, ens naturale, &c. qui sont familieres à cet auteur ; & dans le second, qu’il faut prendre l’ens primum des minéraux, des animaux, des végétaux, & l’ens appropriatum'' de ces derniers. C’est à cet ens primum des végétaux que les disciples de Paracelse, & sur-tout notre célebre le Febvre, ont attribué tant de vertus, celle entr’autres de rajeunir, ou de renouveller le corps, auxquelles M. Boyle, tout porté qu’il étoit à douter en Chimie, paroît avoir ajoûté foi, mais sur lesquelles au contraire nous avons poussé aujourd’hui notre incrédulité jusqu’à un point où elle est peut-être aussi peu sage que la confiance aveugle des philosophes. (b) Ens Veneris. Boyle a célébré sous ce nom un remede chimique, qui n’est autre chose que la chaux douce du vitriol [ou le résidu de sa distillation lessivé avec de l’eau bouillante jusqu’à insipidité], sublimée avec partie égale de sel ammoniac. Le produit de cette sublimation est un mélange de fleurs de mars & de fleurs de cuivre ; car Boyle demande pour cette opération un vitriol de mars très-cuivreux. Ce remede n’est absolument d’aucun usage parmi nous, & c’est avec raison que nous l’avons rejetté, des expériences réitérées nous ayant démontré que l’usage intérieur du cuivre n’étoit jamais exemt de danger. Voyez Cuivre. (b) Ens, (Géogr. mod.) ville de la haute Autriche, en Allemagne ; elle est située dans le pays & sur la riviere d’Ens. Long. 32. 22. lat. 48. 12. * ENSABATES, adj. pris subst. (Hist. ecclésiast.) hérétiques Vaudois qui parurent dans le treizieme siecle. Ils prétendoient que le serment étoit toûjours illicite ; qu’on ne devoit de l’obéissance à aucun su-