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suppose de la vigueur & de l’habileté, a trois objets principaux & indispensables à remplir. Le premier, les contrastes perpétuels de la force & de la grace, en observant que la grace suive toûjours les coups de vigueur. Le second, l’esprit de l’air que ses pas doivent rendre ; car il n’est point d’air de danse, quelque plat que le musicien puisse le faire, qui ne présente une sorte d’esprit particulier au danseur qui a de l’oreille & du goût. Le troisieme, de former toûjours sa danse de pas, & de ne les sacrifier jamais aux sauts : ceux-ci sont plus aisés à faire que les autres. Le mélange sage de tous les deux, forme la danse agréable & brillante.

Chaque partie séparée des ballets anciens étoit nommée entrée. Dans les modernes, on a conservé ce nom à chacune des actions séparées de ces poëmes. Ainsi on dit : l’entrée de Tibulle dans les fêtes greques & romaines est fort ingénieuse, c’est une des meilleures entrées de ballet que nous ayons à l’opéra. Voyez Ballet.

Ce nom qu’on donne encore aux diverses parties de ces sortes d’ouvrages, doit faire connoître aux commençans & quelle est l’origine de ce genre difficile, & quelle doit être leur coupe pour qu’ils soient agréables au public ; c’est sur-tout cette méchanique très-peu connue qui paroît fort aisée, & qui fourmille de difficultés qu’il faut qu’ils étudient. Voyez Coupe.

Il seroit ridicule que l’on y fît commencer l’action dans un lieu, & qu’on la dénoüât dans un autre. Le tems d’une entrée de ballet doit être celui de l’action même. On ne suppose point des intervalles ; il faut que l’action qu’on veut représenter se passe aux yeux lu spectateur, comme si elle étoit véritable. Quant à sa durée, on juge bien que puisque le ballet exige ces deux unités, il exige à plus forte raison l’unité d’action : c’est la seule qu’on regarde comme indispensable dans le grand opéra ; on le dispense des deux autres. L’entrée de ballet, au contraire, est astrainte à toutes les trois. Voyez Ballet, Opéra, Poeme lyrique. (B)

Entrée, (Serrurerie.) c’est l’ouverture par laquelle la clé entre dans la serrure.

ENTRE-FERS ou ENTRE DEUX FERS, (Comm.) il se dit dans le poids des marchandises, de l’arrêt ou du repos de la lance ou du fleau exactement au milieu de la chape ; si la lance ou le fleau incline un peu de l’un ou de l’autre côté des deux plats de la balance, on dit alors que le trait est forcé. Il faut que le trait fort ou forcé soit du côté de la marchandise, c’est-à-dire que la marchandise l’emporte un peu en pesanteur sur son poids.

ENTRE-FESSON, voyez Périné.

ENTREJOU, s. m. (Jurisprud.) terme usité-dans quelques coûtumes & anciens titres, pour exprimer un certain espace nécessaire pour donner cours à l’eau. Suivant la coûtume de Berri, t. xvj. art. 2. chacun peut en son héritage par lequel passe aucun fleuve ou riviere non navigable ni publique, faire édifier moulin, pourvû que le lieu soit disposé pour ce faire ; à savoir qu’il y ait saut & entrejou, c’est-à-dire qu’il y ait de l’espace pour faire une abée ou lanciere par où l’eau puisse avoir cours quand le moulin ne va pas. Voyez Cujas, observ. 24, chap. xxjv. & le gloss. de Lauriere, au mot Entrejou. Voyez aussi Lanciere. (A)

ENTRELAS, s. m. en Architecture, ornement composé de listeaux & de fleurons liés & croisés les uns avec les autres, qui se taille sur les moulures & dans les frises. (P)

Entrelas d’appui, (Sculp.) ornemens à jour, de pierre ou de marbre, qui servent quelquefois au lieu de balustres pour remplir les appuis évidés des tribunes, balcons, & rampes d’escalier. (P)

ENTRELACÉ, adj. en termes de Blason, se dit de trois croissans, de trois anneaux, & autres choses semblables, passées les unes dans les autres.

Bourgeois en Bourgogne, d’azur à trois annelets entrelaces l’un dans l’autre en triangle d’or.

ENTRE LIGNE, s. f. ou, comme on dit ordinairement, INTERLIGNE, c’est l’espace qui est entre deux lignes d’écriture. On ne doit rien ajoûter dans les actes entre-lignes ; il est plus convenable de faire des renvois & apostilles en marge : en tout cas, les entre-lignes ou interlignes ne sont valables qu’autant qu’ils sont approuves par les parties, notaires, & témoins. (A)

ENTRE-METS, s. m. (Hist. mod.) Le mot entre-mets s’est dit pendant long-tems au lieu de celui d’intermede, dans nos pieces de théatre ; entre-mets de la tragédie de Sophonisbe dans les œuvres de Baïf ; il signifioit une espece de spectacle muet, accompagné de machines ; une représentation comme théatrale où l’on voyoit des hommes & des bêtes exprimer une action ; quelquefois des bateleurs & autres gens de cette espece y faisoient leurs tours.

Ces divertissemens avoient été imaginés pour occuper les convives dans l’intervalle des services d’un grand festin, dans l’entre-deux d’un mets ou service à un autre mets ; d’où le mot entre-mets a passé dans nos tables pour désigner simplement le service particulier qui est entre le rôt & le fruit, & les divertissemens se sont évanoüis.

Ces divertissemens anciens, qui méritoient bien mieux le nom d’entre-mets que le service de nos tables honoré aujourd’hui de cette qualification, étoient des spectacles fort singuliers qu’on donnoit du tems de l’ancienne chevalerie, le jour d’un banquet, pour rendre la fête plus magnifique & plus solennelle. Il faut lire tout ce qui concerne ces fêtes dans l’histoire de la chevalerie de M. de Sainte-Palaye ; il en parle avec autant de connoissance que s’il eût vécu dans ces tems-là, & qu’il eût écrit son ouvrage en assistant aux banquets des preux-chevaliers.

On voyoit paroître dans la salle diverses décorations, des machines, des figures d’hommes & d’animaux extraordinaires, des arbres, des montagnes, des rivieres, une mer, des vaisseaux ; tous ces objets entre-mêlés de personnages, d’oiseaux, & d’autres animaux vivans, étoient en mouvement dans la salle ou sur la table, & représentoient des actions relatives à des entreprises de guerre & de chevalerie, sur-tout à celles des croisades.

Il est vraissemblable que l’usage des entre-mets dans les banquets s’étoit introduit avant le regne de saint Louis : aussi furent-ils employés aux noces de son frere Robert à Compiegne en 1237. Une chronique manuscrite de S. Germain fait une ample description des entre-mets qui se virent au festin que Charles V. donna en 1378 au roi des Romains, fils de l’empereur Charles de Luxembourg, que ses indispositions empêcherent de s’y trouver. Mais rien n’est plus curieux que le détail que Matthieu de Couci & Olivier de la Marche nous ont laissé de la fête donnée à Lille en 1453, par Philippe-le-Bon duc de Bourgogne, à toute sa cour & à toute la noblesse de ses états, pour la croisade contre les Turcs qui venoient d’achever la conquête de l’empire d’Orient par la prise de Constantinople. Je pourrois citer un grand nombre d’autres représentations semblables, qui furent long-tems à la mode dans nos cours ; mais ces citations seroient inutiles après les exemples que nous venons de rapporter.

On vit encore les restes de cette ancienne magnificence au mariage du prince de Navarre en 1572, avec la sœur du roi ; de même qu’à la suite d’un autre festin, que la reine donna l’année suivante au duc d’Anjou roi de Pologne. Le goût de ces plaisirs s’est