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qu’Isabelle son autre fille auroit pour tout droit de partage ou apanage, 60 mille francs, avec les estoremens & garnisons convenables à une fille de roi ; & que s’il avoit d’autres filles, leur mariage seroit réglé de même : & depuis ce tems on ne leur donne plus d’apanage ; ou si on leur donne quelquefois des terres, ce n’est qu’en payement de leurs deniers dotaux, & non à titre d’apanage, mais seulement par forme d’engagement toûjours sujet au rachat.

Les dots étoient encore plus modiques dans le siecle précedent. Marguerite de Provence qui épousa S. Louis en 1234, n’eut que 20 mille livres en dot ; toute la dépense du mariage coûta 2500 liv. Cela paroît bien modique ; mais il faut juger de cela eu égard au tems, & au prix que l’argent avoit alors.

Par rapport aux dots des particuliers, je ne trouve que deux réglemens.

Le premier est une ordonnance de François I. donnée à Château-Briand le 8 Juin 1532, laquelle, art. 2, en réglant le train des financiers, veut qu’ils ne donnent à leurs filles dons & mariage excedans la dixieme partie de leurs biens ; ayant toutefois égard au nombre de leurs fils & filles, pour les hausser & diminuer, au jugement & advis de leurs parens, sur peine d’amende arbitraire. Si ce réglement eût été exécuté, c’étoit une maniere indirecte de faire donner aux financiers une déclaration du montant de leurs biens.

L’autre réglement est l’ordonnance de Roussillon, du mois de Janvier 1563, laquelle, art. 17, dit que les peres ou meres, ayeuls ou ayeules, en mariant leurs filles, ne pourront leur donner en dot plus de 10000 l. tournois, à peine contre les contrevenans de 3000 livres d’amende. Cet article excepte néanmoins ce qui seroit avenu aux filles par succession ou donation d’autres que de leurs ascendans.

Mais cet article n’est pas non plus observé. Dans le siecle dernier Hortense Mancini duchesse de Mazarin, avoit eu en dot vingt millions, somme plus considérable que toutes les dots des reines de l’Europe ensemble.

Dans les pays de droit écrit, le pere est obligé de doter sa fille selon ses facultés, soit qu’elle soit encore en sa puissance ou émancipée ; & si après la mort du mari il a retiré la dot en vertu de quelque clause du contrat de mariage, ou par droit de puissance paternelle, il est obligé de la redoter une seconde fois en la remariant, à moins que la dot n’eût été perdue par la faute de la femme.

Lorsque le pere dote sa fille, on présume que c’est du bien du pere, & non de celui que la fille peut avoir d’ailleurs.

La dot ainsi constituée par le pere s’appelle profectice, à cause qu’elle vient de lui, à la différence de la dot adventice, qui est celle qui provient d’ailleurs que des biens du pere.

La fille mariée décédant sans enfans, la dot profectice retourne au pere par droit de reversion, quand même il auroit émancipé sa fille ; mais la dot adventice n’est pas sujette à cette reversion.

Si le pere est hors d’état de doter sa fille, l’ayeul est tenu de le faire pour lui, & à leur défaut le bisayeul paternel ; & ces ascendans ont, comme le pere, le droit de retour.

Mais les autres parens ou étrangers qui peuvent doter celle qui se marie, n’ont pas le droit de retour ou reversion.

Les lois disent que la cause de la dot est perpétuelle, c’est-à-dire que la dot est donnée au mari, pour en joüir par lui tant que le mariage durera.

L’action qui appartient au mari pour demander le payement de la dot à ceux qui l’ont constituée, dure trente ans, comme toutes les autres actions personnelles ; mais si ayant donné quittance de la

dot, quoiqu’il ne l’ait pas reçue, il est dix ans sans opposer l’exception, non numeratæ dotis, il n’y est plus ensuite recevable ; il en est aussi responsable envers sa femme, lorsqu’il a négligé pendant dix ans d’en demander le payement.

Les revenus de la dot appartiennent au mari, & sont destinés à lui aider à soûtenir les charges du mariage, telles que l’entretien des deux conjoints, celui de leurs enfans, & autres dépenses que le mari juge convenables.

Le mari a seul l’administration de la dot, & sa femme ne peut la lui ôter ; il peut agir seul en justice pour la conservation & le recouvrement de la dot contre ceux qui en sont débiteurs ou détempteurs, ce qui n’empêche pas que la femme ne demeure ordinairement propriétaire des biens par elle apportés en dot.

La femme peut cependant aussi, suivant notre usage, agir en justice pour ses biens dotaux, soit lorsqu’elle est séparée de biens d’avec son mari, ou lorsqu’elle est autorisée à cet effet par lui, ou à son refus par justice.

Lorsque la dot consiste en deniers, ou autres choses mobiliaires qui ont été estimées par le contrat, le mari en devient propriétaire ; c’est-à-dire qu’au lieu de choses qu’il a reçues en nature, il devient débiteur envers sa femme ou ses héritiers du prix de l’estimation.

Il en est de même en pays de droit écrit des immeubles apportés en dot par la femme, lorsqu’ils ont été estimés par le contrat ; car cette estimation forme une véritable vente au profit du mari, & la dot consiste dans le prix convenu, tellement que si les choses ainsi estimées viennent à périr ou à se détériorer, la perte tombe sur le mari comme en étant devenu propriétaire.

Au contraire en pays coûtumier l’estimation de l’immeuble dotal n’en rend pas le mari propriétaire ; il ne peut en disposer sans le consentement de sa femme, & doit le rendre en nature après la dissolution du mariage.

La loi Julia, ff. de fundo dotali, défend aussi au mari d’aliéner la dot sans le consentement de sa femme, & de l’hypothéquer même avec son consentement ; mais présentement dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, les femmes peuvent, suivant la déclaration de 1664, s’obliger pour leurs maris, & à cet effet aliéner & hypothéquer leur dot ; ce qui a été ainsi permis pour la facilité du commerce de ces provinces.

Dans les autres pays de droit écrit, la dot ne peut être aliénée sans nécessité, comme pour la subsistance de la famille ; il faut aussi en ce cas plusieurs formalités, telle qu’un avis de parens & une permission du juge.

Après la dissolution du mariage, le mari ou ses héritiers sont obligés de rendre la dot à la femme & à son pere conjointement, lorsque c’est lui qui a doté sa fille. Si le pere dotateur est décédé, ou que la dot ait été constituée par un étranger, elle doit être rendue à la femme ou à ses héritiers.

Quand la dot consiste en immeubles, elle doit être rendue aussi-tôt après la dissolution du mariage ; lorsqu’elle consiste en argent, le mari ou ses héritiers avoient par l’ancien droit trois ans pour la payer en trois payemens égaux, annuâ, bimâ, trimâ die : par le nouveau droit, elle doit être rendue au bout de l’an, sans intérêt pour cette année ; mais les héritiers du mari doivent pendant cette année nourrir & entretenir la femme selon sa condition.

Il n’est pas permis en pays de droit écrit de stipuler, même par contrat de mariage, des termes plus longs pour la restitution de la dot, à moins que ce ne soit du consentement du pere dotateur, & que la