moitié des biens que le mari avoit au jour du mariage, ce qui comprenoit tant les biens féodaux que roturiers ; & ce fut-là l’origine du doüaire coûtumier ou légal, & de la distinction de ce doüaire d’avec le préfix ou conventionnel.
Henri II. roi d’Angleterre, qui possédoit une grande partie de la France, établit la même chose dans les pays de son obéissance, excepté qu’il fixa le doüaire à la joüissance du tiers des biens, dont Philippe-Auguste avoit accordé à la femme la moitié ; ce qui fut confirmé par les établissemens de S. Louis, ch. xjv. & cxxxj.
Le doüaire de Marguerite de Provence, veuve de S. Louis, fut assigné sur les Juifs, qui lui payoient 219 liv. 7 sous 6 den. par quartier, ce qui faisoit 877 liv. 10 sous par an. Ce doüaire étoit proportionné à sa dot, & à la valeur que l’argent avoit alors, comme nous l’avons observé au mot Dot.
Lorsque les coûtumes furent rédigées par écrit, ce que l’on commença dans le xv. siecle, on y adopta l’usage du doüaire qui étoit déjà établi par l’ordonnance de Philippe-Auguste : mais cette ordonnance ne fut pas par-tout suivie ponctuellement pour la quotité du doüaire, laquelle fut reglée différemment par les coûtumes.
Dans celles qui sont en-deçà de la Loire, le doüaire est communément de la moitié des biens qui y sont sujets.
Au contraire, dans les provinces qui sont au-delà de la Loire, le doüaire est demeuré fixe au tiers de ces mêmes biens, comme il l’avoit été par Henri II. roi d’Angleterre, lorsque ces provinces étoient soûmises à sa domination.
Il seroit trop long d’entrer ici dans le détail des différentes dispositions des coûtumes, par rapport à la qualité des biens sujets au doüaire, & pour les conditions auxquelles il est accordé : c’est pourquoi nous nous bornerons à exposer les principes qui sont reçûs dans l’usage le plus général.
La femme a ordinairement un doüaire préfix ; mais s’il n’est pas stipulé, elle prend le doüaire coûtumier.
Il y a quelques coûtumes, comme celle de Saintonge, art. 76, & Angoumois, art. 82, qui n’accordent point de doüaire coûtumier entre roturiers ; mais dans ces coûtumes la veuve d’un noble, quoique roturiere, peut demander le doüaire coûtumier.
Suivant le droit commun la femme qui a stipulé un doüaire préfix, ne peut plus demander le coûtumier, à moins que cela ne fut expressément reservé par le contrat de mariage ; néanmoins les coûtumes de Chauny, Meaux, Chaumont, Vitry, Amiens, Noyon, Ribemont, Grand-Perche, & Poitou, lui donnent l’option du doüaire coûtumier ou préfix, à moins qu’elle n’eût expressément renoncé à cette option par contrat de mariage.
Pour avoir droit de prendre l’un ou l’autre, il faut que le mariage produise les effets civils, autrement il n’y auroit point de doüaire, même coûtumier.
A Paris, & dans un grand nombre de coûtumes, le doüaire de la femme, lorsqu’il n’a point été reglé autrement par le contrat, est de la moitié des héritages que le mari possedoit lors de la bénédiction nuptiale, & qui lui sont échûs pendant le mariage en ligne directe.
Ce que la femme peut prendre à titre de doüaire coûtumier, se regle par chaque coûtume pour les biens qui y sont situés.
Quoique la coûtume donne à la femme un doüaire, dans le cas même où il n’y en a point eu de stipulé, la femme y peut cependant renoncer, tant pour elle que pour ses enfans ; mais il faut que cette renonciation soit expresse, auquel cas la mere n’ayant point de doüaire, les enfans n’en peuvent pas non plus demander, quand même on n’auroit pas parlé d’eux.
Pour ce qui est des biens sur lesquels se prend le doüaire coûtumier, on n’y comprend point les héritages provenus aux ascendans de la succession de leurs descendans.
Mais les héritages donnés en ligne directe pendant le mariage, y sont sujets.
Il en est de même des biens échûs aux enfans, soit à titre de doüaire, soit à titre de substitution, même faite par un collatéral, pourvû que l’héritage soit échû en ligne directe.
Les biens échûs par droit de reversion, sont pareillement sujets au doüaire, pourvû que cette reversion se fasse à titre successif de la ligne directe descendante ou collatérale.
Les héritages que le mari possede à titre d’engagement ou par bail emphitéotique, sont sujets au doüaire, de même que ceux dont il a la propriété incommutable.
Si le mari est évincé par retrait féodal, lignager, ou conventionnel, d’un héritage qu’il possedoit au jour du mariage, les deniers provenans du retrait sont sujets au doüaire, comme l’auroit été l’héritage qu’ils représentent.
Dans les coûtumes où les rentes constituées sont immeubles, elles sont sujettes au doüaire coûtumier aussi-bien que les rentes foncieres, quand même elles seroient rachetées depuis le mariage.
A défaut de biens libres suffisans pour fournir le doüaire, il se prend subsidiairement sur les biens substitués, tant en directe qu’en collatérale ; & s’il n’y a point eu d’enfans du premier mariage du grevé de substitution, les biens substitués sont aussi sujets au doüaire de la seconde femme, & ainsi des autres mariages subsequens ; ce qui est fondé sur le principe, qui vult finem, vult & media, qui a son application à la substitution faite par un collatéral, aussi-bien qu’à celle qui a été faite par un ascendant.
Les offices, soit domaniaux ou autres, sont sujets au doüaire coûtumier, de même que les autres immeubles ; mais il en faut excepter les offices de la maison du roi & de la reine, & des princes du sang, qui sont plutôt des dons personnels que des biens patrimoniaux.
Les deniers donnés à un fils par ses pere & mere en faveur de mariage, pour être employés en achat d’héritage, ou lui tenir nature de propre, sont aussi sujets au doüaire coûtumier, soit que l’emploi des deniers ait été fait ou non.
Si au contraire le mari a ameubli par contrat de mariage quelqu’un de ses propres, la femme n’y peut prétendre doüaire.
Lorsqu’un homme a été marié plusieurs fois, le doüaire coûtumier de la premiere femme & des enfans du premier lit, est, comme on l’a dit, de la moitié des immeubles qu’il avoit lors du premier mariage, & qui lui sont advenus pendant icelui en ligne directe. Le doüaire coûtumier du second mariage est du quart des mêmes immeubles, & de la moitié, tant de la portion des conquêts appartenans au mari, faits pendant le premier mariage, que des acquêts par lui faits depuis la dissolution du premier mariage jusqu’au jour de la consommation du second, & la moitié des immeubles qui lui échéent en ligne directe, & ainsi conséquemment des autres mariages ; c’est ainsi que ces doüaires sont reglés par l’art. 253 de la coûtume de Paris, & par plusieurs autres coûtumes.
Si les enfans du premier mariage meurent avant leur pere pendant le second mariage, la veuve & les enfans du second mariage qui leur ont survécu, n’ont que tel doüaire qu’ils auroient eu si les enfans du premier mariage étoient vivans, ensorte que par la mort des enfans du premier mariage, le doüaire de la femme & enfans du second mariage n’est point