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écrivit son évangile en grec, & il est perdu. Théodoret en parle hæretic. fabular. lib. I c. xx.

XXVI. L’Evangile de Thadée ou de S. Jude, se trouve condamné dans le decret du pape Gelase : M. Fabricius doute qu’il ait jamais existé ; & l’on n’en connoit aucun exemplaire.

XXVII. L’Evangile de Valentin ou des Valentiniens, qui l’appelloient aussi l’évangile de vérité, étoit un recueil de tous leurs dogmes, ou plûtôt de leurs impertinences. Voici comme il débutoit : l’ame, ou la pensée, d’une grandeur indestructible, ou indéfectible par son élévation, souhaite le salut aux indestructibles qui sont parmi les prudens, les psychiques, ou les animaux, les charnels & les mondains : je vais vous parler de choses ineffables, secretes, & qui sont élevées au-dessus des cieux, qui ne peuvent être entendues ni par les principautés, ni par les puissances, ni par les sujets, ni par aucuns autres que par l’entendement immuable, &c. Tout le reste étoit du même ton emphatique. S. Epiphane nous a détaillé les rêveries des Valentiniens, hæres. 31. leur chef prétendoit tenir sa doctrine de Theudas, ami de S. Paul. Voyez Valentiniens.

XXVIII. L’Evangile de vie ou l’évangile vivant, étoit à l’usage des Manichéens, sur le témoignage de Photius, cod. 85. Voyez Manichéens.

XXIX. L’Evangile de S. Philippe : les Manichéens s’en servoient encore. Les Gnostiques en avoient aussi un sous le même titre. S. Epiphane, hæres. 26. n°. 13. en rapporte ce fragment, où l’on entrevoit les abominations de ces hérétiques : le Seigneur m’a découvert ce que l’ame devoit dire lorsqu’elle seroit arrivée dans le ciel, & ce qu’elle devoit répondre à chacune des vertus célestes. Je me suis reconnue & recueillie ; & je n’ai point engendré d’enfans au prince de ce monde, au démon ; mais j’ai extirpé ses racines : j’ai réuni les membres ensemble : je connois qui vous êtes, étant moi-même du nombre des choses célestes ; ayant dit ces choses, on la laisse passer : que si elle a engendré des enfans, on la retient jusqu’à ce que ses enfans soient revenus à elle, & qu’elle les ait retirés des corps qu’ils animent sur la terre. Voyez Gnostiques.

XXX. L’Evangile de S. Barnabé. Tout ce qu’on en sait, c’est qu’un ouvrage composé sous ce titre, apparemment par des hérétiques, est mis au nombre des livres apocryphes, & condamné comme tel par le pape Gelase.

XXXI. L’Evangile de S. Jacques le Majeur. Il fut, dit-on, découvert en Espagne, en 1595, sur une montagne du royaume de Grenade, avec dix-huit livres écrits sur des plaques de plomb, dont quelques-unes étoient de cet apôtre ; entre autres une messe des apôtres avec son cérémoniel, & une histoire évangélique. Le pape Innocent XI. condamna tous ces faux écrits en 1682.

XXXII. L’Evangile de Judas Iscariote avoit été composé par les Cainites, pour soûtenir leurs impiétés. Ils reconnoissoient un premier principe, ou une vertu supérieure à celle du créateur, & disoient que Cain, les Sodomites, Coré, & Judas Iscariote lui-même, qui seul entre les apôtres avoit connu ce mystere d’iniquité, avoient combattu en faveur de ce premier principe, contre la vertu du créateur. On voit qu’ils n’étoient pas délicats sur le choix de leurs patriarches. Ce faux évangile, dont les anciens ont beaucoup parlé, est absolument perdu. Voyez Caïnites.

XXXIII. L’Evangile de la vérité, est le même que celui de Valentin ou de ses disciples, dont nous avons parlé plus haut.

XXXIV. Les faux Evangiles de Leucius, Lucianus, Seleucus, & Hezychius, sont ou de simples corruptions des vrais évangiles, ou quelques-uns des évangiles apocryphes dont nous venons de rendre com-

pte. M. Grabe, dans ses notes sur S. Irénée, liv. I. chapitre xvij. dit qu’il a trouvé dans la bibliotheque

du collége de Christ, à Oxford, un exemplaire du faux évangile de Lucius ; & il en rapporte un fragment, qui contient l’histoire du maître d’école de Jérusalem, narrée dans l’évangile de l’enfance de Jesus. Voyez ci-dessus, article IV.

Nous ne pouvons mieux terminer de détail emprunté & abrégé de la dissertation de Dom Calmet, sur les évangiles apocryphes, que par une réflexion qui est toute à l’avantage des quatre évangiles que l’Eglise catholique, & même les sectes chrétiennes, reconnoissent pour authentiques. Outre que ceux-ci om pour eux le témoignage uniforme & constant d’une société toûjours subsistante depuis plus de dix-sept siecles, intéressée à discerner & à conserver les monumens qui contiennent le dépôt de sa créance & de sa morale, & qu’elle n’a jamais manqué de réclamer contre l’introduction des faux évangiles, soit en les condamnant & les excluant de son canon, soit en les combattant par la plume des peres, soit en montrant la nouveauté de leur origine, soit en remarquant les caracteres de supposition qui les distinguent des livres divinement inspirés, soit enfin en montrant l’opposition qui regne entre sa doctrine & les erreurs des évangiles apocryphes : il suffit de jetter de bonne foi les yeux sur les uns & sur les autres, pour se convaincre que la sagesse & la vérité ont présidé à la composition des livres saints admis par l’église, tandis que les faux évangiles sont évidemment l’ouvrage du fanatisme & du mensonge. Les mysteres contenus dans les évangiles authentiques sont à la vérité au-dessus de la raison, mais ils ne sont ni extravagans ni indignes de la majesté de Dieu, comme les rêveries qu’on rencontre dans les évangiles apocryphes. Les miracles racontés par nos évangélistes ont tous une fin bonne, loüable, & sainte, & moins encore la santé des corps que la sainteté des ames, la conversion des pécheurs, la manifestation de la vérité. Les prodiges imaginés par les falsificateurs ne semblent faits que pour l’ostentation : les circonstances puériles & ridicules dont ils sont accompagnés, suffisent pour les décréditer. Enfin, la doctrine des mœurs est si belle, si pure, si sainte dans les écrits des apôtres, qu’elle est l’objet de l’admiration de ceux mêmes qui la pratiquent le moins ; & la morale des faux évangélistes est marquée au coin de la débauche & de l’infamie. Ce parallele seul suffiroit à tout esprit sensé, pour décider, quand nous n’aurions pas d’ailleurs une certitude de traditions & de témoignages les plus respectables, pour constater l’origine & l’authenticité de nos évangiles. (G)

Evangile, (Hist. ecclés.) est aussi le nom que les Grecs donnent à leur livre d’office, où sont contenus, selon l’ordre de leur calendrier & de leur année ecclésiastique, les évangiles qu’ils lisent dans leurs églises, dont le premier est l’évangile de S. Jean qu’ils lisent de suite, à la reserve de trois jours qu’ils prennent d’un autre évangile, & ils commencent cette lecture le dimanche de Pâques, lisant ce jour-là : in principio erat verbum, & ainsi de suite. Ils commencent le lendemain de la Pentecôte l’évangile de S. Mathieu qu’ils continuent, à la reserve de quelques jours qu’ils prennent d’un autre évangéliste ; c’est ce qu’on peut voir traité assez au long par Allatius, dans sa I. Dissertation des livres ecclésiastiques qui sont en usage chez les Grecs. Chambers. (G)

* Evangiles, adj. pris substantiv. (Mythol.) fêtes que les Ephésiens célébroient en l’honneur d’un berger qui leur avoit indiqué les carrieres d’où l’on tira les marbres qui furent employés à la construction du temple de Diane ; ce berger s’appelloit Pixodore. On changea son nom en celui de l’Evan-