occupation qu’on le voit goûter les premiers fruits de la prise de Carthagene ; moins glorieux d’une si brillante conquête, qu’ardent à se préparer de nouveaux triomphes, tout le tems qu’il campa sous les murs de cette place, fut employé aux différens exercices militaires. Le premier jour, toutes les légions armées faisoient en courant un espace de quatre milles ; le second, les soldats au-devant de leurs tentes s’occupoient à nettoyer & à polir leurs armes ; le troisieme, ils se combattoient les uns les autres avec des especes de fleurets ; le quatrieme étoit donné au repos des troupes, après quoi les exercices recommençoient dans le même ordre qu’auparavant.
Un historien éclairé nous a conservé le détail des mouvemens que Scipion faisoit faire à sa cavalerie : il accoûtumoit chaque cavalier séparément à tourner sur sa droite & sur sa gauche ; à faire des demi-tours à droite & à gauche ; il instruisoit ensuite les escadrons entiers à exécuter de tous côtés, & avec précision, les simples, doubles & triples conversions ; à se rompre promptement, soit par les aîles, soit par le centre, & à se reformer avec la même legereté : il leur apprenoit sur-tout à marcher à l’ennemi avec le plus grand ordre, & à en revenir de même. Quelque vivacité qu’il exigeât dans les diverses manœuvres des escadrons, il vouloit que les cavaliers gardassent toûjours leurs rangs, & que les intervalles fussent exactement observés : il pensoit, dit Polybe, qu’il n’y a rien de plus dangereux pour la cavalerie, que de combattre quand elle a perdu ses rangs.
Si les Grecs & les Romains ont surpassé tous les anciens peuples par leur constante application au métier de la guerre, on peut dire avec autant de vérité, que depuis treize cents ans, les François l’emportent par le même endroit sur le reste de l’Europe ; mais comme ils n’ont acquis cette supériorité qu’à la faveur de fréquens exercices, ils doivent pour se la conserver, persister dans la pratique d’un moyen qui peut, lui seul, maintenir leur réputation sur des fondemens inébranlables : les joûtes & les tournois, genre de spectacle dans lequel la nation françoise s’est distinguée avec tant d’éclat, entretenoient parmi cette noblesse qui a toûjours été la force & l’appui de l’état, l’adresse, la vigueur & l’intelligence nécessaires dans la guerre. L’ordonnance de ces fêtes célebres avoit quelque ressemblance avec les jeux olympiques des Grecs ; mais l’on peut assûrer que l’établissement de nos camps d’exercices, remplacera les anciens spectacles de nos peres, mais avec d’autant plus d’utilité pour l’état.
Une raison bien puissante, si l’on veut y faire attention, pour prouver la nécessité des exercices, est que tous les desordres qui arrivent dans les troupes, & les malheurs qu’éprouvent souvent les armées, viennent ordinairement de l’inaction du soldat : l’histoire est remplie d’exemples de cette vérité.
Les soldats d’Annibal, on ne sauroit trop le redire, accoûtumés à endurer la faim, la soif, le froid, le chaud, & les plus rudes fatigues de la guerre, ne se furent pas plûtôt plongés dans les délices de la Campanie, qu’on vit la paresse, la crainte, la foiblesse & la lâcheté, prendre la place du courage, de l’ardeur, de l’intrépidité, qui peu de tems avant avoient porté la terreur jusqu’aux portes de Rome. Un seul hyver passé dans l’inaction & dans la débauche, en fit des hommes nouveaux, & coûta plus à Annibal que le passage des Alpes & tous les combats qu’il avoit donnés jusqu’alors.
Les exercices des François, qui après les Grecs & les Romains, ont été sans contredit les plus grands guerriers, sont fort anciens ; si l’on en juge par les avantages qu’ils remporterent sur les Romains mêmes, & par les armes anciennes qui se trouvent
dans tous les magasins d’artillerie, & dont il n’auroit pas été possible de se servir sans une habitude continuelle.
L’histoire de la premiere & de la seconde race de nos rois ne nous apprend rien de particulier au sujet de leurs exercices. On ne peut que former des conjectures sur ce que nous offre actuellement le bon ordre qu’on remarque dans les armées de Clovis, de Pepin, & de Charlemagne. La description des armes dont parlent Procope & Grégoire de Tours, ne nous laisse pas douter que les premiers François ne dûssent être bien exercés, pour se servir de l’épée, de la hallebarde, de la massue, de la fronde, du maillet, & de la hache.
Ces armes, pour s’en servir avec avantage, exigeoient des exercices, comme on vient de le dire : mais lorsque, depuis l’invention de la poudre on y substitua des armes à feu, il fallut changer ces exercices & les rendre encore plus fréquens, pour éviter de funestes accidens & pour s’en servir avec adresse. Addition de M. d’Authville.
Exercice de la manœuvre, (Marine.) c’est la démonstration & le mouvement de tout ce qu’il faut faire pour appareiller un vaisseau, mettre en panne, virer, arriver, mouiller, &c. (Z)
Exercice, (Medecine, Hygiène.) Ce mot, dans le sens dont il s’agit, est employé pour exprimer l’action par laquelle les animaux mettent leur corps en mouvement, ou quelqu’une de ses parties, d’une maniere continuée pendant un tems considérable, pour le plaisir ou pour le bien de la santé.
Cette action s’opere par le jeu des muscles, qui sont les seuls organes par le moyen desquels les animaux ont la faculté de se transporter d’un lieu dans un autre, de mouvoir leurs membres conformément à tous leurs besoins. Voyez Muscle.
On restreint cependant la signification d’exercice en général, à exprimer l’action du corps à laquelle on se livre volontairement & sans une nécessité absolue, pour la distinguer du travail, qui est le plus souvent une action du corps à laquelle on se porte avec peine, qui nuit à la santé & qui accélere le cours de la vie, par l’excès qui en est souvent inséparable.
L’expérience fit connoître à ceux qui firent les premiers quelqu’attention à ce qui peut être utile ou nuisible à la santé, que l’exercice du mouvement musculaire est absolument nécessaire pour la conserver aux hommes & aux animaux qui sont susceptibles de cette action. En conséquence de cette observation la sage antiquité, pour exciter les jeunes gens à exercer leur corps, à le fortifier & à le disposer à soûtenir les fatigues de l’agriculture & de la guerre, jugea nécessaire de proposer des prix pour ceux qui se distingueroient dans les jeux établis à cet effet. C’est dans la même vûe que Cyrus, parmi les soins qu’il prenoit pour l’éducation des Perses, leur avoit fait une loi de ne pas manger avant d’avoir exercé leur corps par quelque genre de travail.
L’utilité de l’exercice étant ainsi reconnue, détermina bientôt les plus anciens medecins à rechercher les moyens de la pratiquer, les plus convenables & les plus avantageux à l’économie animale. D’après des observations, multipliées à ce sujet, ils parvinrent à donner des regles, des préceptes sur les différentes manieres de s’exercer ; de contribuer par ce moyen à conserver sa santé & à se rendre robuste : ils en firent un art qu’ils appellerent gymnastique medicinale, qui fit partie de celui qui a pour objet d’entretenir l’économie animale dans son état naturel, c’est-à-dire de l’hygiène, parce qu’ils rangerent le mouvement du corps parmi les choses les plus nécessaires à la vie, dont le bon ou le mauvais usage contribue le plus à la conserver saine, ou à en altérer