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A l’égard de la mere, la loi 28 au code de inoff. testam. en exprime quelques-unes, qui sont rappellées dans la novelle 115 dont on va parler.

Suivant cette novelle, chap. jv. les ascendans peuvent être exhérédés par leurs descendans, pour différentes causes qui sont communes au pere & à la mere, & autres ascendans paternels & maternels : mais le nombre des causes de cette exhérédation n’est pas si grand que pour celle des descendans, à l’égard desquels la novelle admet quatorze causes d’exhérédation ; au lieu qu’elle n’en reconnoît que huit à l’égard des ascendans. Ces causes sont :

1°. Si les ascendans ont par méchanceté procuré la mort de leurs descendans ; il suffit même qu’ils les ayent exposés & mis en danger de perdre la vie par quelque accusation capitale ou autrement, à moins que ce ne fût pour crime de lese-majesté.

2°. S’ils ont attenté à la vie de leurs descendans, par poison, sortilége, ou autrement.

3°. Si le pere a souillé le lit nuptial de son fils en commettant un inceste avec sa belle-fille ; la novelle ajoûte, ou en se mêlant par un commerce criminel avec la concubine de son fils ; parce que, suivant le droit romain, les concubines étoient, à certains égards, au niveau des femmes légitimes : ce qui n’a pas lieu parmi nous.

4°. Si les ascendans ont empêché leurs descendans de tester des biens dont la loi leur permet la disposition.

5°. Si le mari, par poison ou autrement, s’est efforcé de procurer la mort à sa femme, ou de lui causer quelque aliénation, & vice versâ pour la femme à l’égard du mari ; les enfans dans ces cas peuvent deshériter celui de leur pere, mere, ou autre ascendant qui seroit coupable d’un tel attentat.

6°. Si les ascendans ont négligé d’avoir soin de leur descendant, qui est tombé dans la démence ou dans la fureur.

7°. S’ils négligent de racheter leurs descendans qui sont detenus en captivité.

8°. Enfin l’enfant orthodoxe peut deshériter ses ascendans hérétiques ; mais comme on ne connoît plus d’hérétiques en France, cette regle n’est plus guere d’usage. Voyez ce qui est dit ci-après de l’exhérédation des descendans. (A)

Exhérédation des Collatéraux, est celle qui peut être faite contre les freres & sœurs & autres collatéraux qui ont droit de légitime, ou quelqu’autre reserve coûtumiere.

Les lois du digeste & du code qui ont établi l’obligation de laisser la légitime de droit aux freres & sœurs germains ou consanguins, dans le cas où le frere institueroit pour seul héritier une personne infame, n’avoient point reglé les causes pour lesquelles, dans ce même cas, ces collatéraux pourroient être deshérités. C’est ce que la nevelle 22, ch. xlvij. a prévû. Il y a trois causes :

1°. Si le frere a attenté sur la vie de son frere.

2°. S’il a intenté contre lui une accusation capitale.

3°. Si par méchanceté il lui a causé ou occasionné la perte d’une partie considérable de son bien.

Dans tous ces cas, le frere ingrat peut être deshérité & privé de sa légitime ; il seroit même privé, comme indigne, de la succession ab intestat ; & quand le frere testateur n’auroit pas institué une personne infame, il ne seroit pas nécessaire qu’il instituât ou deshéritât nommément son frere ingrat. Il peut librement disposer de ses biens sans lui rien laisser, & sans faire mention de lui.

Ce que l’on vient de dire d’un frere, doit également s’entendre d’une sœur.

Dans les pays coûtumiers où les collatéraux n’ont point droit de légitime, il n’est pas nécessaire de les

instituer ni deshériter nommément ; ils n’ont ordinairement que la reserve coûtumiere des propres qui est à Paris des quatre quints, & dans d’autres coûtumes plus ou moins considérable.

L’exhérédation ne peut donc avoir lieu en pays coûtumier, que pour priver les collatéraux de la portion des propres, ou autres biens que la loi leur destine, & dont elle ne permet pas de disposer par testament.

La reserve coûtumiere des propres ou autres biens, ne pouvant être plus favorable que la légitime, il est sensible que les collatéraux peuvent être privés de cette reserve pour les mêmes causes qui peuvent donner lieu à priver les collatéraux de leur légitime, comme pour mauvais traitemens, injures graves, & autres causes exprimées en la novelle 22. (A)

Exhérédation des Descendans, voyez ci-après Exhérédation des Enfans.

Exhérédation cum elogio, est celle qui est faite en termes injurieux pour celui qui est deshérité ; comme quand on le qualifie d’ingrat, de fils dénaturé, débauché, &c. Le terme d’éloge se prend dans cette occasion en mauvaise part : c’est une ironie, suivant ce qui est dit dans la loi 4, au code théodos. de legitim. hered.

Les enfans peuvent être exhérédés cum elogio, lorsqu’ils le méritent. Il n’en est pas de même des collatéraux ; l’exhérédation prononcée contre eux cum elogio, annulle le testament, à moins que les faits qui leur sont reprochés par le testateur ne soient notoires. Voyez Mornac, sur la loi 21. cod. dein off. testam. Bardet, liv. I. ch. xiij. & tome II. liv. II. ch. xviij. Journ. des aud. tom. I. liv. I. ch. xxxjv. (A)

Exhérédation des Enfans & autres descendans, est une disposition de leurs ascendans qui les prive de la succession, & même de leur légitime : car ce n’est pas une exhérédation proprement dite que d’être réduit à sa légitime, & il ne faut point de cause particuliere pour cela.

Si l’on considere d’abord ce qui s’observoit chez les anciens pour la disposition de leurs biens à l’égard des enfans, on voit qu’avant la loi de Moyse les Hébreux qui n’avoient point d’enfans, pouvoient disposer de leurs biens comme ils jugeoient à-propos ; & depuis la loi de Moyse, les enfans ne pouvoient pas être deshérités ; ils étoient même héritiers nécessaires de leur pere, & ne pouvoient pas s’abstenir de l’hérédité.

Chez les Grecs l’usage n’étoit pas uniforme ; les Lacédemoniens avoient la liberté d’instituer toutes sortes de personnes au préjudice de leurs enfans, même sans en faire mention ; les Athéniens au contraire ne pouvoient pas disposer en faveur des étrangers, quand ils avoient des enfans qui n’avoient pas démérité, mais pouvoient exhéréder leurs enfans desobéissans & les priver totalement de leur succession.

Suivant l’ancien droit romain, les enfans qui étoient en la puissance du testateur, devoient être institués ou deshérités nommément ; au lieu que ceux qui étoient émancipés devenant comme étrangers à la famille, & ne succedant plus, le pere n’étoit pas obligé de les instituer ou deshériter nommément ; il en étoit de même des filles & de leurs descendans. Quant à la forme de l’exhérédation, il falloit qu’elle fût fondée en une cause légitime ; & si cette cause étoit contestée, c’étoit à l’héritier à la prouver ; mais le testateur n’étoit pas obligé d’exprimer aucune cause d’exhérédation dans son testament.

Les édits du préteur qui formerent le droit moyen, accorderent aux enfans émancipés, aux filles & leurs descendans, le droit de demander la possession des biens comme s’ils n’avoient pas été émancipés, au moyen de quoi ils devoient être institués ou deshé-