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matiques. Voyez Rectification. Ainsi l’acide nitreux devient d’autant plus volatil, qu’il est plus surchargé de phlogistique ; & le même phlogistique uni dans le soufre avec l’acide vitriolique, donne à ce mixte une volatilité que l’acide vitriolique seul n’a pas. 5°. Les principes qui se séparent des mixtes dans la distillation, en acquérant l’expansion vaporeuse, ont besoin d’un degré de chaleur beaucoup plus considérable que celui qui suffiroit pour les réduire en vapeur s’ils étoient purs & rassemblés en masse ; ainsi dans l’analyse chimique le degré de l’eau bouillante n’enleve aux végétaux & aux animaux qu’une eau surabondante, instrument nécessaire de la végétation & de la nutrition, mais qui n’entre point dans la combinaison des mixtes dont ils sont composés. V. Analyse végétale & animale. Ainsi l’air qu’un degré de chaleur très-au-dessous de celui que nous appellons froid, rend expansible, est cependant l’un des derniers principes que le feu sépare de la mixtion de certains corps. 6°. L’ordre de la vaporisation des corps ne paroît suivre dans aucun rapport l’ordre de leur pesanteur spécifique.

Qu’on se rappelle maintenant la théorie que nous avons donnée de l’expansibilité. Nous avons prouvé que la cause de l’expansibilité des corps est une force par laquelle la chaleur tend à écarter leurs molécules les unes des autres, & que cette force ne differe que par le degré de celle qui change l’aggrégation solide en aggrégation fluide, & qui dilate les parties de tous les corps dont elle ne détruit pas l’aggrégation. Cela posé, le point de vaporisation de chaque corps, est celui où la force répulsive produite par la chaleur commence à surpasser les obstacles ou la somme des forces qui retenoient les parties des corps les unes auprès des autres. Ce fait général comprend tous ceux que nous venons de rapporter. En effet, ces forces sont, 1°. la pression exercée sur la surface du fluide par l’atmosphere ou par tout autre corps : 2°. la pesanteur de chaque molécule : 3°. la force d’adhésion ou d’affinité qui l’unit aux molécules voisines, soit que celles-ci soient de la même nature ou d’une nature différente. L’instant avant la vaporisation du corps, la chaleur faisoit équilibre avec ces trois forces. Donc si on augmente l’une de ces forces, soit la force comprimante de l’atmosphere, soit l’union qui retient les parties d’un même corps auprès les unes des autres sous une forme aggrégative, soit l’union chimique qui attache les molécules d’un principe aux molécules d’un autre principe plus fixe, la vaporisation n’aura lieu qu’à un degré de chaleur plus grand. Si la force qui unit deux principes est plus grande que la force qui tend à les séparer, ils s’éleveront ensemble, & le point de leur vaporisation sera relatif à la pesanteur des deux molécules élémentaires unies, & à l’adhérence que les molécules combinées du mixte ont les unes aux autres, & qui leur donne la forme aggrégative[1] ; & comme les molécules du principe le plus volatil sont moins adhérentes entr’elles que celles du principe plus fixe, il doit arriver naturellement qu’en s’interposant entre celles-ci. elles en diminuent l’adhérence, que l’union aggrégative soit moins forte, & qu’ainsi le terme de vaporisation du mixte soit mitoyen entre les termes auxquels chacun des principes pris solitairement commence à s’élever. Des trois forces dont la somme détermine le degré de chaleur nécessaire à la vaporisation de chaque corps, il y en a une, c’est la pesanteur absolue de chaque molécule, qui ne sauroit être appréciée, ni même fort sensible pour nous. Ainsi la pression sur la surface du fluide étant à-peu-près constante, puisque c’est toûjours celle de l’atmosphere, avec lequel il faut toûjours que les corps qu’on veut élever par le moyen de la chaleur communiquent actuellement (voyez Distillation), l’ordre

de vaporisation des corps doit être principalement relatif à l’union qui attache les unes aux autres les molécules des corps ; c’est ce qui est effectivement conforme à l’expérience, comme on peut le voir à l’article Distillation. Enfin cet ordre ne doit avoir aucun rapport avec la pesanteur spécifique des corps, puisque cette pesanteur n’est dans aucune proportion, ni avec la pesanteur absolue de chaque molécule, ni avec la force qui les unit les unes aux autres.

Il suit de cette théorie, que si on compare l’expansibilité des corps sous le troisieme point de vûe que nous avons annoncé, c’est-à-dire si l’on compare le degré d’expansion que chaque corps reçoit par l’application d’un nouveau degré de chaleur, & le rapport qui en résultera de son volume à son poids ; cet ordre d’expansibilité des corps considéré sous ce point de vûe, sera très-différent de l’ordre de leur vaporisation. En effet, aussi-tôt qu’un corps a acquis l’état d’expansion, les liens de l’union chimique ou aggrégative qui retenoient ses molécules sont entierement brisés, ces molécules sont hors de la sphere de leur attraction mutuelle ; & cette derniere force, qui dans l’ordre de vaporisation devoit être principalement considérée, est entierement nulle & n’a aucune part à la détermination de l’ordre d’expansibilité. La pesanteur propre à chaque molécule devient donc la seule force, qui, avec la pression extérieure toûjours supposée constante, fait équilibre avec l’action de la chaleur. La résistance qu’elle lui oppose est seulement un peu modifiée par la figure de chaque molécule, & par le rapport de sa surface à sa masse, s’il est vrai que le fluide auquel nous attribuons l’écartement produit par la chaleur agisse sur chaque molécule par voie d’impulsion ; or cette force & la modification qu’elle peut recevoir n’étant nullement proportionnelles à l’union chimique ou aggrégative des molécules, il est évident que l’ordre d’expansibilité des corps ne doit point suivre l’ordre de vaporisation, & que tel corps qui demande, pour devenir expansible, un beaucoup plus grand degré de chaleur qu’un autre, reçoit pourtant d’un même degré de chaleur une expansion beaucoup plus considérable ; c’est ce que l’expérience vérifie d’une maniere bien sensible dans la comparaison de l’expansibilité de l’eau & de celle de l’air. On suppose ordinairement que l’eau est environ huit cents fois plus pesante spécifiquement que l’air ; admettons qu’elle le soit mille fois davantage, il s’ensuit que l’air pris au degré de chaleur commun de l’atmosphere, & réduit à n’occuper qu’un espace mille fois plus petit, seroit aussi pesant que l’eau. Appliquons maintenant à ces deux corps le même degré de chaleur, celui où le verre commence à rougir. Une expérience fort simple rapportée dans les leçons de Physique de M. l’abbé Nollet, prouve que l’eau à ce degré de chaleur occupe un espace quatorze mille fois plus grand. Cette expérience consiste à faire entrer une goutte d’eau dans une boule creuse, garnie d’un tube, dont la capacité soit environ 14000 fois plus grande que celle de la goutte d’eau, ce qu’on peut connoître aisément par la comparaison des diametres ; à faire ensuite rougir la boule sur des charbons, & à plonger l’extrémité du tube dans un vase plein d’eau : cette eau monte & remplit entierement la boule, ce qui prouve qu’il n’y reste aucun air, & que par conséquent la goutte d’eau en remplissoit toute la capacité. Mais par une expérience toute semblable, on connoît que l’air au même degré de chaleur qui rougit le verre, n’augmente de volume que dans le rapport de trois à un. Et comme cet air par son expansion remplit déjà un volume mille fois plus grand que celui auquel il faudroit le réduire pour le rendre spécifiquement aussi pesant que l’eau, il faut multiplier le nombre de 3,

  1. Voir erratum, tome VII, p. 1025.