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dans son lit, c’est de s’y tenir en repos, d’éviter les passions tumultueuses, le trop grand jour, le bruit, la conversation, le babillage, en un mot tout ce qui pourroit l’émouvoir, l’agiter, ou lui causer du trouble.

Ces préceptes me paroissent suffisans pour le cours ordinaire des choses ; mais il faut réunir des vûes plus savantes pour la cure d’un grand nombre d’accidens, d’indispositions, & de maladies qui n’arrivent que trop souvent aux femmes en couche.

1°. Une des principales maladies dont le traitement s’offre communément aux observations cliniques, est la suppression ou le flux immodéré des vuidanges ; sur quoi je renvoye le lecteur au mot Vuidanges, me contentant ici d’observer seulement qu’il ne faut ni trop augmenter leur écoulement par des remedes chauds, ni les supprimer par un régime froid.

2°. L’hémorrhagie considérable qui survient à l’accouchée, soit parce que le délivre a été détaché avec trop de hâte & de violence, soit parce qu’il en est resté quelque portion dans l’utérus, soit par quelque espece de faux-germe, conduit la malade au tombeau, si on n’a pas le tems d’y porter du secours. On fera donc de prompts efforts pour arrêter la perte de sang ; & pour la détourner, on procurera par quelque moyen l’expulsion du faux-germe, de la portion de l’arriere-faix, ou des caillots de sang restés dans la matrice. La saignée du bras sera pratiquée & répétée, selon les forces de la malade. Après avoir relâché ses bandages, on la couchera plus également, plus fraîchement, & même sur de la paille sans matelas, si la perte de sang continue ; on lui mettra le long des lombes, des serviettes trempées dans de l’oxicrat froid : en même tems on ranimera la région du cœur avec des linges chauds aromatisés, & on soûtiendra ses forces par des restaurans.

3°. On voit les nouvelles accouchées tomber en syncope, 1° par la perte de leur sang, 2° lorsque leur corps demeure trop long-tems élevé, 3° lorsque les hypochondres sont trop serrés : rétablissez alors les esprits par la nourriture ; mettez le corps dans une position horisontale ; relâchez les hypochondres, & soûtenez le bas-ventre.

4°. Les fievres inflammatoires des femmes en couche peuvent être produites par la retenue d’une partie du délivre, par le froid, par de violentes passions, lorsque les vuidanges n’en sont pas la cause : de telles fievres deviennent souvent fatales, si on ignore la maniere de les traiter. Il me semble que la méthode consiste dans l’usage de doux alexipharmaques & d’absorbans, joints aux acides & aux poudres tempérées de nitre ; dans de legers suppositoires, des lavemens émolliens, & de simples eccoprotiques. Ces remedes seront précédés de la saignée dans les femmes sanguines & pléthoriques : à la fin de la cure on employera quelques legeres doses de rhubarbe.

5°. La diarrhée succede ici quelquefois à la suppression des vuidanges, & fait un symptome très dangereux quand elle accompagne une fievre aiguë pendant quelques jours ; il faut la traiter avec beaucoup de précaution par les adoucissans, les poudres testacées, les extraits stomachiques & corroborans, tels que ceux de gentiane donnés de tems à autre ; un peu de rhubarbe, & même s’il est besoin des anodyns administrés prudemment : mais il est toûjours nécessaire d’ordonner à la malade des diluans nitrés & acidulés. On tempérera l’acrimonie des matieres qui sont dans les gros boyaux, par des lavemens.

6°. En échange la constipation ne doit pas effrayer durant les deux ou trois premiers jours de la couche ; parce que le principe vital est alors tellement engagé dans la secrétion des vuidanges & du lait, qu’il

est naturel que les entrailles ne soient pas stimulées : mais on pourra dans la suite employer des clysteres & des alimens propres à oindre les intestins, & à les dégager.

7°. Les vents & les flatuosités sont très-ordinaines aux femmes en couche. On y portera remede extérieurement par les bandages & l’application de sachets carminatifs sur le bas-ventre ; on employera intérieurement les absorbans mêlés avec de la chaux d’antimoine, l’huile d’amandes douces fraîchement exprimée, de l’esprit anisé de sel ammoniac, des gouttes de l’essence d’écorce de citron, &c. Pour les personnes d’un tempérament chaud, on mêlera de l’esprit de nitre dulcifié dans leurs boissons carminatives.

8°. Les tranchées sont les plaintes les plus ordinaires des nouvelles accouchées. Ce nom vulgaire & général de tranchées, désigne des douleurs qu’elles ressentent quelquefois vers les reins, aux lombes & aux aînes, quelquefois dans la matrice seulement, quelquefois vers le nombril & par-tout le ventre, soit continuellement, soit par intervalle, soit en un lieu fixe, soit vaguement, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Ces tranchées, ou douleurs de ventre, procedent de différentes causes ; 1°. de l’évacuation desordonnée des vuidanges, ou de leur suppression subite ; 2°. de quelque partie de l’arriere-faix, de sang coagulé, ou de quelque autre corps étranger resté dans la matrice ; 3°. du froid, de l’omission du bandage après la couche ; 4°. de la grande extension des ligamens de la matrice, arrivée par un rude & fâcheux travail ; 5°. enfin de la constriction spasmodique, ou de la sympathie des nerfs de l’utérus. On opposera les remedes aux causes connues.

Ce mal finira en modérant ou rétablissant l’évacuation des vuidanges, par les moyens qu’on indiquera au mot Vuidanges. La deuxieme cause des douleurs de ventre ne se dissipera que lorsque les corps étrangers auront été expulsés de la matrice. On diminuera les tranchées par un bandage, si on l’avoit obmis ; on tiendra le ventre chaudement, on y fera des oignemens aromatiques, des frictions nervines, & des fomentations de décoctions de romarin, de menthe, de fleurs de camomille, & autres semblables. Dans la distension des ligamens de la matrice, le repos, le tems, & la bonne situation du corps, suffiront pour les raffermir. La derniere cause des tranchées requiert les remedes nervins, les balsamiques, les anti-hystériques, & les calmans.

9°. L’enflûre du ventre dans la femme en couche naît fréquemment de l’omission des bandages nécessaires après la délivrance : on doit donc recourir à ces bandages, auxquels on peut joindre les frictions, l’usage interne des plantes aromatiques, conjointement avec les pilules de Stahl & de Becker, mais seulement pendant quelque tems.

10°. L’inflammation de la matrice survient quelquefois par la suppression des vuidanges, par la corruption d’un corps étranger, par quelque contusion, blessure, chûte, ou violente compression qu’a souffert ce viscere, soit dans le travail, soit après le travail, par des gens mal-habiles. Il en résulte l’enflûre, la douleur de cette partie, une pesanteur au bas-ventre, une grande tension, la difficulté de respirer, d’uriner, d’aller à la selle, la fievre, le hoquet, le vomissement, les convulsions, le délire, la mort ; il faut y porter de prompts remedes, tirer les corps étrangers, détourner & évacuer les humeurs par la saignée du bras, & ensuite du pié, faire des embrocations sur le ventre, prescrire à la malade un grand repos, une diete humectante, adoucissante, & legere, de simples lavemens anodyns, & s’abstenir de tout purgatif. Si par malheur l’inflammation se convertit en apostème, en ulcere, en skirrhe, il n’est