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exactement dans le thrésor public, ou, si l’on veut, dans celui du souverain.

Reste à savoir quel est le moyen le plus convenable, de la ferme ou de la régie, de procurer le plus sûrement & le plus doucement le plus d’argent. C’est sur quoi l’on pourroit ajoûter bien des réflexions à celles que l’on vient de faire ; & c’est aussi sur quoi les sentimens peuvent être partagés, sans blesser en aucune façon la gloire ou les intérêts de l’état. Mais ce que l’on ne peut faire sans les compromettre, ce seroit d’imaginer que l’on pût tirer d’une régie tous les avantages apparens qu’elle présente, sans la suivre & la surveiller avec la plus grande attention ; & certainement le même degré d’attention mis en usage pour les fermes, auroit la même utilité présente, sans compter, pour certaines conjonctures, la ressource toûjours prête que l’on trouve, & souvent à peu de frais, dans l’opulence & le crédit des citoyens enrichis.

Neuvieme réflexion de M. de Montesquieu.

« Néron indigné des vexations des publicains, forma le projet impossible & magnanime d’abolir les impôts. Il n’imagina point la régie : il fit quatre ordonnances ; que les lois faites contre les publicains, qui avoient été jusque-là tenues secretes, seroient publiées ; qu’ils ne pourroient plus exiger ce qu’ils avoient négligé de demander dans l’année ; qu’il y auroit un préteur établi pour juger leurs prétentions, sans formalité ; que les marchands ne payeroient rien pour les navires. Voilà les beaux jours de cet empereur ».

Observations. Il paroît par ce trait de Néron, que cet empereur avoit dans ses beaux jours le fanatisme des vertus, comme il est depuis tombé dans l’excès des vices.

L’idée de l’entiere abolition des impôts n’a jamais pû entrer dans une tête bien saine, dans quelques circonstances qu’on la suppose, de tems, d’hommes, & de lieux.

Les quatre ordonnances qu’il substitua sagement à cette magnanime extravagance, approchoient du moins des bons principes de l’administration. Nous avons sur les mêmes objets plusieurs lois rendues dans le même esprit, & que l’on pourroit comparer à celles-là. S’il arrive souvent que les réglemens deviennent illusoires, & que les abus leur résistent, c’est que le sort de la sagesse humaine est de pécher par le principe, par le moyen, par l’objet, ou par l’évenement. Article de M. Pesselier.

L’impartialité dont nous faisons profession, & le desir que nous avons d’occasionner la discussion & l’éclaircissement d’une question importante, nous a engagés à insérer ici cet article. L’Encyclopédie ayant pour but principal l’utilité & l’instruction publiques, nous insérerons à l’article Régie, sans prendre aucun parti, toutes les raisons pour & contre qu’on voudra nous faire parvenir sur l’objet de cet article, pourvû qu’elles soient exposées avec la sagesse & la modération convenables.

Fermes, (Cinq grosses), Finances. Lorsque M. Colbert eut formé le projet, bien digne d’un aussi grand génie, & d’un ministre aussi bien intentionné pour le Commerce, d’affranchir l’intérieur du royaume de tous les droits locaux qui donnent des entraves à la circulation, & de porter sur les frontieres tout ce qui devoit charger ou favoriser, étendre ou restreindre, accélérer ou retarder le commerce avec l’étranger, il trouva dans un plan aussi grand, aussi beau, aussi bien conçû, les obstacles que rencontrent ordinairement dans leur exécution, les entreprises qui contredisent les opinions reçûes ; &, ce qui n’est pas moins ordinaire dans ces sortes de cas, il eut à surmonter les oppositions de ceux même qu’il voûloit favoriser le plus, en les débarrassant par l’uni-

formité du droit & par la simplicité de la perception,

de tout ce qui peut retarder le progrès d’un commerce fait pour les enrichir, par la facilité de leur communication avec les autres nations.

La plûpart des provinces frontieres successivement réunies à la couronne, voulurent garder leurs anciennes lois sur l’article des doüanes, comme sur plusieurs autres objets. Leurs anciens tarifs, tout embarrassans, tout compliqués, tout arbitraires qu’ils sont, leur devinrent chers dès que l’on voulut les anéantir : elles ne voulurent point recevoir celui qui leur fut proposé ; & par une condescendance aussi sage que tout le reste, M. Colbert ne voulut rien forcer, parce qu’il espéroit tout gagner par degrés.

Le tarif de 1664 n’eut donc lieu que dans les provinces de l’intérieur, qui consentirent à l’admettre d’autant plus volontiers, qu’étant de tous les tems sous notre domination, elles tenoient moins à des opinions étrangeres au plan général de l’administration.

Ces provinces que l’on désigne & que l’on connoît en finances sous la dénomination de provinces de cinq grosses fermes, sont la Normandie, la Picardie, la Champagne, la Bourgogne, la Bresse, le Poitou, le pays d’Aunis, le Berri, le Bourbonnois, l’Anjoû, le Maine, Thoüars & la châtellenie de Chantoceaux, & leurs dépendances.

On perçoit, tant à l’entrée de ces provinces qu’à la sortie, 1°. les droits du tarif de 1664, général pour toutes les marchandises : 2°. ceux du tarif de 1667, qui portent sur certains objets dans lesquels on a crû devoir, depuis le tarif de 1664, faire différens changemens ; & les réglemens postérieurs, qui ont confirmé, ou interpreté, ou détruit les dispositions des premieres lois.

Aux provinces de cinq grosses fermes on oppose celles qui sont connues sous le nom de provinces réputées étrangeres, parce qu’en effet elles le sont par rapport aux droits dont il s’agit dans ces articles, quoique d’ailleurs soûmises au même souverain.

Ces provinces sont la Bretagne, la Saintonge, la Guienne, la Gascogne, le Languedoc, la Provence, le Dauphiné, le Lyonnois, la Franche-Comté, la Flandre, le Hainault, & les lieux en dépendans.

Dans ces provinces on perçoit les droits, 1°. des tarifs propres à chacune en particulier ; car toutes en ont un, quoique la dénomination & la quotité du droit varient, ainsi que la forme de la perception : 2°. les droits du tarif de 1667, qui portent sur des objets si intéressans pour notre commerce, que M. Colbert, lors même qu’il déféra sur tout le reste aux préjugés de ces provinces pour leurs anciens tarifs, ne jugea pas à-propos de les laisser libres sur les articles dont il s’agit dans le tarif de 1667, & dans les réglemens qui sont intervenus dans le même esprit.

En faisant topographiquement la comparaison des provinces de cinq grosses fermes & de celles réputées étrangeres, on s’appercevra que celles de cinq grosses fermes forment dans l’intérieur du royaume une presqu’île dont les provinces réputées étrangeres sont le continent ; & que sans la Normandie, qui a reçû le tarif de 1664, elles formeroient une île toute entiere isolée par rapport aux droits du Roi, quoique comprise sous la même dénomination. Voyez Traites, où cette matiere se trouvera développée d’une façon plus détaillée. Article de M. Pesselier.

Ferme, (à l’Opera.) c’est la partie de la décoration qui ferme le théatre, & c’est de-là qu’elle a pris son nom. La ferme au théatre de l’opéra de Paris, se place pour l’ordinaire après le sixieme chassis : elle est partagée en deux. On pousse à la main chacune de ses deux parties sur deux chevrons de bois qui ont une rainure, & qui sont placés horisontalement sur un plancher du théatre. Des cordes qui sont atta-