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chées à l’un des côtés du mur, & qu’on bande par le moyen d’un tourniquet qui est placé du côté opposé, soûtiennent la ferme par en-haut. On donne à ces cordes le nom de bandage.

Cette maniere de soûtenir la ferme, qui a d’abord paru facile, entraîne plusieurs inconvéniens, & ôte une partie du plaisir que feroit le spectacle. 1°. Les cordes d’un changement à l’autre sont jettées à la main, & troublent presque toûjours la représentation. 2°. Elles restent quelquefois après que la ferme a été retirée, & cette vûe coupe la perspective & ôte l’illusion. 3°. Le bandage étant d’une très-grande longueur, il ne sauroit jamais être assez fort pour que la ferme soit bien stable ; ensorte que pour peu qu’on la touche en passant, elle remue, & paroît prête à tomber. Il seroit très-aisé de remédier à tous ces inconvéniens, & les moyens sont trouvés depuis long-tems. Une multitude de petites parties de cette espece trop négligées, diminuent beaucoup le charme du spectacle ; mieux soignées, elles le rendroient infiniment plus agréable. La beauté d’un ensemble dépend toûjours de l’attention qu’on donne à ses moindres parties. Voyez Machine, Décoration, &c. (B)

Ferme-a-ferme, (Manége.) expression par laquelle nous désignons l’action d’un cheval qui manie ou qui saute en une seule & même place ; ainsi nous disons, demi-air de ferme-à-ferme, balotades de ferme-à-ferme, cabrioles de ferme-à-ferme, &c. (e)

Ferme, (Charpenterie.) est un assemblage de plusieurs pieces de bois, dont les principales sont les arbalêtriers, le poinçon, les esseliers & antraits ; elle fait partie du comble des édifices. Voyez la figure, Planche du Charpentier.

Ferme, jeu de la ferme avec des dés, (Jeu de hasard.) On se sert dans ce jeu de six dés, dont chacun n’est marqué que d’un côté, depuis un point jusqu’à six ; ensorte que le plus grand coup qu’on puisse faire après avoir jetté les six dés dehors du cornet, est de vingt-un points. Chaque joüeur met d’abord son enjeu, ce qui forme une poule ou masse plus ou moins grosse, suivant la volonté des joüeurs, dont le nombre n’est point fixé. Ensuite on tire au sort à qui aura le dé, qui passe successivement aux autres joüeurs, en commençant à la droite de celui qui a joüé le premier, & de-là en-avant. On tire autant de jettons qu’on a amené de points, mais il faut pour cela que la poule les puisse fournir ; car s’il y en a moins que le joüeur n’en a amené, il est obligé de suppléer ce qui manque. Si, par exemple, il amene six, & qu’il n’y en ait que deux à la poule, il faut qu’il y en mette quatre ; c’est pourquoi il est avantageux de joüer des premiers, quand la poule est bien grasse. Si on fait un coup-blanc, c’est-à-dire si aucun des six dés ne marque, ce qui est assez ordinaire, on met un jetton à la masse, & le dé passe au voisin à droite. Le jeu finit lorsqu’on amene autant de points qu’il y a de jettons à la poule. Quelque rare que soit le coup de vingt-un, je ne laisserai pas d’observer qu’il feroit gagner toute la poule à celui qui auroit eu assez de bonheur pour le faire. Il y a d’autres manieres de joüer ce jeu, comme quand un des joüeurs devient fermier, c’est-à-dire se charge de la ferme ou poule, qui est pour lors à part. Trév. dict. Mais pour savoir quel est le nombre qu’il y a le plus à parier qu’on amenera avec les six dés, appliquez ici les principes de calcul exposés au mot (analyse des hasards). Voyez aussi Rafle. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ferme, (Jeu.) jeu de cartes qui se joue jusqu’à dix ou douze personnes, & avec le jeu complet de 52 cartes, excepté qu’on en ôte les huit & les six, à la reserve du six de cœur, à cause que par les huit & les six on feroit trop facilement seize, qui est le

nombre fatal par lequel on gagne le prix de la ferme, & l’on dépossede le fermier. Le six de cœur qui reste, s’appelle le brillant, par excellence, & gagne par préférence à cartes égales, tous les autres joüeurs, & même celui qui a la primauté. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FERMENT ou LEVAIN, (Chimie.) on appelle ainsi un corps actuellement fermentant, qui étant mêlé exactement & en petite quantité dans une masse considérable de matiere fermentable, détermine dans cette matiere le mouvement de fermentation. Voyez la théorie de l’action des fermens, aux articles Fermentation, Pain, Vin, Vinaigre, Putréfaction. (b)

Ferment, (Econ. anim. Med.) Les anciens chimistes désignoient par le nom de ferment, tout ce qui a la propriété, par son mélange avec une matiere de différente nature, de convertir, de changer cette matiere en sa propre nature.

Un grain de blé semé dans un terroir bien fertile, peut produire cent grains de son espece : chacun de ceux-ci peut en produire cent autres, par la même vertu de fécondité ; ensorte que du seul premier grain il en résulte une multiplication de dix mille, dont chacun a les mêmes qualités que celui qui en a été le germe. Chacun a la même quantité de farine, la même disposition à former un très-bon aliment ; cependant il a été produit dans le même terrein, en même tems, parmi les plantes du blé, des plantes d’une qualité bien différente, telles que celles de tytimale, d’euphorbe, de moutarde. Il y a donc quelque chose dans le grain de blé, qui a la faculté de changer en une substance qui lui est propre, le suc que la terre lui fournit ; pour peu qu’il manquât à cette faculté, il ne se formeroit point de nouveau grain de blé. Ce même suc reçû dans un germe différent, seroit changé en une toute autre substance, jamais en celle du blé : ainsi dans un grain de cette espece, dont la matiere productrice n’a guere plus de volume qu’un grain de sable, si on la dépouille de ses enveloppes, de ses cellules, se trouve renfermée cette puissance, qui fait la transmutation du suc de la terre en dix mille plantes de blé ; par conséquent cette puissance consiste à convertir en la substance propre à cette sorte de grain, un suc qui lui est absolument étranger avant la transmutation.

C’est à cette puissance que les anciens chimistes avoient donné le nom de ferment. Ils avoient conséquemment transporté cette idée aux changemens qui se font dans le corps humain, quelque grande que soit la différence ; mais ils sont excusables, parce qu’ils n’avoient pas encore connoissance de la véritable structure des parties, de la méchanique par laquelle s’operent les fonctions dans l’économie animale ; parce qu’ils ignoroient qu’il existe dans cette économie, une faculté par laquelle il n’est presque aucun germe de matiere qui ne puisse être converti en notre propre substance, qui ne puisse fournir les élémens du corps humain.

Qui est-ce qui pourroit imaginer de premier abord, qu’il peut être produit, ce corps animal, de farine & d’eau ? cependant un grand nombre d’enfans ne se nourrissent que de cela, & ils ne laissent pas de croître, & par conséquent d’augmenter le volume & le poids de leur corps. L’homme adulte peut également se borner à cette nourriture, ensorte que de farine & d’eau il peut être produit encore dans les organes propres au sexe masculin, par la faculté attachée aux actions de la vie, une véritable liqueur séminale, qui étant reçûe dans les organes propres à la femme, peut servir à former, à reproduire un individu du même genre, mâle ou femelle, en un mot un autre homme. Cette liqueur est ainsi considérée comme un ferment : on peut dans ce cas passer