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Les prédictions sont très-infideles dans les fievres acritiques ; parce qu’il n’y a point de méthode réglée, distincte, & précise, pour en diriger le prognostic. Ce n’est pas ordinairement dans les maladies que la nature dompte elle même, que le ministere du medecin est fort nécessaire ; c’est dans celles qu’elle ne peut vaincre en aucune maniere, où des medecins suffisamment instruits seroient fort utiles, & où les ressources de l’art seroient essentielles : mais malheureusement de tels medecins n’ont été que trop rares dans tous les tems.

Fievre aigue, febris acuta, se dit de toute fievre qui s’étend rarement au-delà de 14 jours, mais dont les accidens viennent promptement, & sont accompagnées de dangers dans leur cours ; cette fievre est épidémique ou particuliere à tel homme.

La contraction du cœur plus fréquente, & la résistance augmentée vers les vaisseaux capillaires, donnent une idée absolue de la nature de toute fievre aiguë : or l’une & l’autre de ces deux choses peuvent être produites par des causes infinies en nombre & en variétés, & arriver ensemble ou l’une après l’autre.

Les symptomes de la fievre aiguë particuliere, sont le froid, le tremblement, l’anxiété, la soif, les nausées, les rots, le vomissement, la débilité, la chaleur, l’ardeur, la sécheresse, le délire, l’assoupissement, l’insomnie, les convulsions, les sueurs, la diarrhée, les pustules inflammatoires.

Si ces symptomes arrivent à contre-tems ; s’ils se trouvent en nombre ; s’ils sont si violens qu’il y ait lieu de craindre pour la vie du malade, ou qu’il ne puisse les supporter ; s’ils le menacent de quelque accident funeste, il faut les adoucir, les calmer chacun en particulier par les remedes qui leur sont propres, & conformément aux regles de l’art : mais comme les commencemens, les progrès, l’état, la diminution, la crise, le changement, varient extrèmement dans les fievres aiguës ; ils demandent par conséquent une méthode curative très-variée, toûjours relative aux différentes causes & à l’état de la maladie. En général, la saignée, les antiphlogistiques internes, conviennent. Voyez Fievre ardente.

Toutes les fievres aiguës qui affectent de produire une inflammation particuliere dans tel ou tel organe, & qui en lesent la fonction, forment la classe des maladies aiguës, dont chacune est traitée à son article particulier. Voyez Maladie aigue.

Fievre algide, febris algida ; ce n’est point une fievre particuliere, c’est simplement une affection morbifique qui se trouve quelquefois avec la fievre continue, & qui consiste dans un froid perpétuel & douloureux.

La fievre algide existe 1°. quand la matiere fébrile est tellement abondante qu’elle opprime les forces de la vie ; 2°. quand l’action vitale n’est pas capable de produire la chaleur qui devroit suivre le frisson ; 3°. quand les humeurs commencent à se corrompre.

Les remedes sont de diminuer l’abondance de la matiere fébrile, & de la détruire ; 2°. de ranimer les forces languissantes ; 3°. de corriger les humeurs : si elles sont putrides ; par exemple, on usera des anti-septiques échauffans ; en un mot, on opposera les contraires. Au reste, le froid douloureux & continuel d’une fievre aiguë présage le danger, ou du moins la longueur de la maladie. Voyez Fievre horrifique.

Fievre ardente, causus, καυστὸς de καίω, brûler ; fievre aiguë, continue, ou rémittente, ainsi nommée de la chaleur brûlante, & d’une soif insatiable qui l’accompagne : c’est l’idée générale qu’en donnent nos auteurs modernes.

Tous les anciens s’accordent également à regarder

ces deux symptomes comme les causes pathognomiques du causus ; c’est pourquoi ils l’ont aussi appellé fievre chaude & brûlante. Voyez la maniere dont en parle Hippocrate dans son livre de affectionibus : voyez encore Arétée, liv. II. des maladies aiguës, chap. jv. mais voyez sur-tout la description étendue & détaillée de l’exact Lommius ; tout ce qu’il en dit dans ses observations est admirable : aussi la fievre ardente mérite-t-elle un examen très-particulier, parce qu’elle est fréquente, dangereuse, & difficile à guérir.

Symptomes. Ses symptomes principaux sont une chaleur presque brûlante au toucher, inégale en divers endroits, très-ardente aux parties vitales ; tandis qu’aux extrémités elle est souvent modérée, & que même quelquefois elles sont froides : cette chaleur du malade se communique à l’air qui sort par l’expiration. Il y a une sécheresse dans toute la peau, aux narines, à la bouche, à la langue, au gosier, aux poumons, & même quelquefois autour des yeux : le malade a une respiration serrée, laborieuse, fréquente ; une langue seche, jaune, noire, brûlée, âpre, ou raboteuse ; une soif qu’on ne peut éteindre & qui cesse souvent tout-à-coup ; un dégoût pour les alimens, des nausées, le vomissement, l’anxiété, l’inquiétude ; un accablement extreme, une petite toux, une voix claire & aiguë ; l’urine en petite quantité, acre, très-rouge ; la déglutition difficile, la constipation du ventre ; le délire, la phrénésie, l’insomnie, le coma, la convulsion, & des redoublemens aux jours impairs. Telle est la fievre ardente dans toute sa force.

Ses causes. Elle a pour causes un travail excessif, un long voyage, l’ardeur du soleil, la respiration d’un air sec & brûlant, la soif long-tems soufferte, l’abus des liqueurs fermentées, aromatiques, acres, échauffantes, celui des plaisirs de l’amour, des études poussées trop loin ; en un mot, tout excès qui tend à priver le sang de sa lymphe, à l’épaissir, & à l’enflammer. Cette même fievre peut être causée par des substances fort corrompues, telles que la bile dépravée dans la vésicule du fiel, & rendue très-acre. Enfin elle est produite par la constitution épidémique de l’air dans les pays chauds.

La fievre ardente symptomatique procede de l’inflammation du cerveau, des méninges, de la plevre, du poumon, du mésentere, &c.

Son cours & ses effets. On en meurt souvent le troisieme & le quatrieme jour ; on passe rarement le septieme, lorsque le causus est parfait. Il se termine quelquefois par une hémorrhagie abondante, & qui est annoncée par une douleur à la nuque, par la pesanteur & la tension des tempes, par l’obscurcissement des yeux, par la tension des parties précordiales sans douleurs, l’écoulement involontaire des larmes, sans autres signes mortels, la rougeur du visage, le prurit des narines. La fievre ardente se termine semblablement aux jours critiques par le vomissement, le cours de ventre, le flux des hémorroïdes, les urines abondantes avec sédiment, les sueurs, les crachats épais, une forte transpiration universelle.

Prognostics. C’est un fâcheux présage dans la fievre ardente, si l’hémorrhagie survient le troisieme ou quatrieme jour avec trop de médiocrité ; le redoublement qui arrive un jour pair avant le sixieme, est très mauvais. L’urine noire, tenue, & qui sort en petite quantité, menace la vie : le crachement & le pissement de sang sont mortels. La difficulté d’avaler est un très-mauvais signe : le froid aux extrémités est pernicieux. La rougeur du visage, & la sueur qui en sort, sont d’un sinistre présage : la parotide qui ne vient point à suppuration, est mortelle. La diarrhée trop abondante fait périr le malade : les mouvemens convulsifs annoncent le délire, & ensuite la mort.