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On peut former le même présage si les forces diminuent, si la respiration est continuellement embarrassée, s’il y a une douleur aiguë permanente à l’une des oreilles, si la soif vient à cesser, quoique la fievre continue dans toute sa violence, si le bas-ventre s’enfle, & s’il se fait une éruption de pustules gangréneuses par tout le corps. Voyez Lommius.

La fievre ardente qui dégenere en colliquation, produit une diarrhée fétide, le pissement de sang, la tympanite, la péripneumonie accompagnée de délire, des tremblemens, des frissons, des convulsions, & des sueurs froides qui emportent le malade.

Toutes ces choses bien examinées, on peut connoître la cause immédiate de la fievre chaude, qui n’est en effet qu’un sang dépouillé de ses parties les plus douces & les plus liquides : en un mot, une inflammation universelle produite par la trop grande force des solides & des fluides.

Cure. L’ardeur extrème du causus indique l’usage de la saignée au commencement de la maladie, & la répétition de ce remede, s’il y a des marques de pléthore, d’inflammation violente, d’une chaleur insupportable, d’une raréfaction excessive, & des symptomes pressans qui ne cedent point aux autres secours de l’art.

L’air doit être pur, froid, renouvellé, les couvertures legeres, le corps souvent élevé, la boisson abondante, aqueuse, chaude, adoucissante, antiphlogistique. Telles sont les aigrelets, l’esprit de soufre, le nitre, le crystal minéral, le petit-lait ; car il ne faut pas des réfrigérans qui ralentissent l’action organique des vaisseaux. Les lavemens seront anodyns, délayans, laxatifs, & anti-phlogistiques.

Il faut humecter tout le corps, déterminer dans les narines la vapeur de l’eau chaude, gargariser la bouche & le gosier, laver les piés & les mains dans l’eau tiede, fomenter avec des éponges trempées dans l’eau chaude, les parties où il y a plusieurs vaisseaux qui présentent bien leurs surfaces ; employer les médicamens aqueux, doux, nitrés, d’une agréable acidité, qui lâchent très-doucement le ventre, qui poussent par les urines & les réparent, qui servent de véhicule à la sueur par leur quantité, & non par aucune acrimonie, & qui enfin relâchent toute la contraction des fibres, dissolvent les liqueurs épaissies, les délayent & les corrigent.

Observations de pratique. 1o. Il est bon d’observer que les fievres ardentes, fort aiguës, & accompagnées de symptomes dangereux, sont souvent compliquées de quelque inflammation intérieure qui dégénere souvent en gangrene. Alors la cure ordinaire des inflammations réussit rarement ; & l’art a très peu de ressources contre une maladie si funeste.

2o. Il y a des fievres ardentes simples qui finissent au premier septenaire, & d’autres s’étendent jusqu’au second : les premieres n’ont pas besoin pour leur guérison d’une coction parfaitement purulente ; elles peuvent être terminées par une crise, qui est annoncée, comme le dit Hippocrate, par un nuage rouge dans les urines ; souvent aussi la maladie se termine alors par une hémorrhagie du nez. Il n’en est pas de même de la fievre ardente, qui s’étend jusqu’au quatorzieme jour, car elle cesse par une coction parfaitement purulente : dans ces dernieres, le tartre stibié délayé dans beaucoup d’eau, & distribué en plusieurs prises, est un des purgatifs les plus avantageux & les plus sûrs, parce qu’il ne laisse après lui aucune impression fâcheuse à l’estomac ni aux intestins ; mais il faut s’en abstenir lorsque les premieres voies sont évacuées.

3o. La connoissance des fievres ardentes & de leur traitement, répand un grand jour sur toutes les fievres aiguës particulieres ; car elles ne sont que des symptomes ou des effets d’une autre maladie aiguë.

Fievre asode, febris asodes, fievre continue ou remittente compliquée, accompagnée d’inquiétudes, d’agitations, d’anxiétés, de dégoûts, de nausées, & de vomissemens : ἀσώδεις πυρετοὶ désigne dans plusieurs endroits d’Hippocrate, toutes fievres accompagnées d’agitations & d’anxiétés extrèmes. Galien ajoûte que de tels malades sont nommés ἀσώδεις pour deux raisons ; la premiere, quand ils ont des mouvemens très-inquiets ; la seconde, quand leur estomac est picoté par des humeurs corrompues.

Causes. Les principales causes de la fievre asode sont la dépravation de la bile, la putridité des humeurs circulantes retenues dans les premieres voies, quelque inflammation ou autre maladie du ventricule & des visceres voisins.

Prognostic. Cette fievre est dangereuse, parce qu’elle trouble le repos & le sommeil, empêche l’usage des médicamens, intercepte celui des alimens, ou en corrompt la qualité, enflamme le sang, abbat les forces ; & dans une longue durée, produit nécessairement la sécheresse, l’atrophie, le dépérissement, les convulsions, la mort.

Cure. La méthode curative consiste à expulser les humeurs corrompues, en corriger la nature par des nitreux, des acides agréables legerement astringens ; dériver la matiere métastatique, appaiser les mouvemens troublés de l’estomac par des narcotiques, & appliquer sur la partie affectée des fomentations, des épithèmes, des cataplasmes relâchans, émolliens, anodyns.

Fievre bilieuse, fievre aiguë qui doit son origine, soit à la surabondance, soit aux dépravations de la bile dispersée contre nature dans la masse des humeurs circulantes, ou extravasée dans quelqu’un des visceres.

Les anciens appelloient bilieuse la fievre ardente, causum, parce qu’ils supposoient qu’elle étoit produite par une bile chaude & vicieuse ; mais les modernes ont sagement distingué ces deux fievres, parce qu’elles ont effectivement des différences caractéristiques, quoiqu’elles ayent des symptomes communs. Voyez Fievre ardente.

Ses signes. Les symptomes de la fievre purement bilieuse sont très-nombreux ; & ce qui est singulier, je les trouve presque rassemblés dans un seul passage d’Hippocrate, de medicina veteri. Les voici néanmoins encore plus exactement : le dégoût, la nausée, de fréquentes & vives anxiétés, l’oppression, la cardialgie, le gonflement de l’estomac & du bas-ventre, la constipation, des tranchées, des tiraillemens d’entrailles, une chaleur douloureuse par tout le corps, une soif intolérable, des urines claires & hautes en couleur, sans sédiment ; la sécheresse de la bouche & de la langue, avec un sentiment d’amertume ; des douleurs dans le dos, l’ardeur du gosier, le blanc des yeux & quelquefois tout le corps couvert de jaunisse. Ajoûtez à ces marques, des toux convulsives, le hoquet, des maux de tête insupportables, l’insomnie, le délire, une foiblesse extrème dans tous les membres, des tremblemens & des spasmes dans les jointures, des défaillances fréquentes.

Mais les symptomes caractéristiques de cette fievre, sont des efforts pour vomir, suivis de vomissemens d’une bile acre, caustique, qui en sortant ulcere le gosier, & qui en tombant sur la pierre, fait souvent une effervescence, comme l’eau-forte. Si le vomissement s’arrête, il lui succede une diarrhée bilieuse, avec tenesme, & quelquefois les déjections de la bile se font également par haut & par bas.

Causes. L’abus immodéré des alimens gras, putrescens, chauds, aromatisés, sur-tout dans les grandes chaleurs, & dans le tems que le sang est dans un mouvement excessif, sont les causes les plus fréquentes des fievres de cette nature ; de-là vient qu’elles