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longueur, largeur & profondeur ; 4°. la substance qui les accompagne ou leur sert d’enveloppe.

La direction d’un filon n’est autre chose que sa situation relativement aux quatre points cardinaux du monde ; cette direction est tantôt du septentrion au midi, tantôt du midi au septentrion, tantôt de l’orient à l’occident, ou de l’occident à l’orient, ou à-peu-près. C’est par la direction des différentes couches de roche ou de pierre, dont une montagne est composée, qu’on voit quelle peut être celle des filons qui s’y rencontrent ; cependant comme cette regle n’est point invariable, le moyen le plus sûr pour déterminer la direction d’un filon, c’est d’avoir recours à une boussole des mines, que les Allemands nomment berg-compass, garnie d’une aiguille aimantée, & sur laquelle est un cercle partagé en 24 parties égales, qu’on nomme heures. Voyez l’art. Géométrie souterreine. On observera cependant que les Minéralogistes regardent comme les plus avantageux, les filons qui ont la même direction que les bancs de pierre qui les environnent. Il ne faut pas s’imaginer qu’un filon dans sa direction, décrive exactement une ligne droite qui réponde précisément à tels ou tels points de l’univers ; mais de même que les rivieres, ils font plusieurs détours, & sont remplis de sinuosités, & quelquefois de coudes occasionnés par les fentes des montagnes, par les roches sauvages & autres obstacles qu’ils ont rencontrés dans leur chemin.

La seconde chose qu’on considere dans les filons, c’est leur chûte ou leur situation relative à l’horison. En effet ils sont diversement inclinés, & selon que leur inclinaison est plus ou moins sensible, les Mineurs allemands leur donnent différens noms ; on la détermine au moyen du quart de cercle. L’inclinaison d’un filon n’est pas toûjours la même dans tout son cours : on en voit quelquefois qui tomboient presque perpendiculairement, prendre tout-d’un-coup une inclinaison plus horisontale ; alors on dit que le filon remonte ; ou bien un filon qui marchoit presque suivant une ligne horisontale, descend tout-d’un-coup plus perpendiculairement, & pour lors on dit que le filon s’enfonce. La partie du filon qui approche le plus près de la surface de la terre, se nomme la tête du filon, & la partie qui s’enfonce dans le sein de la terre, s’appelle la queue. C’est un principe qu’on regarde comme très-constant dans la Minéralogie, que plus les filons sont perpendiculaires à l’horison & s’enfoncent en terre, plus ils sont riches & abondans, sur-tout quand ils sont parvenus à une profondeur assez grande pour être toûjours environnés d’eau qui défend le minéral qui y est contenu, du contact de l’air & de ses vicissitudes. Cependant il en résulte de très-grands inconvéniens ; en effet lorsqu’un filon est parvenu à une grande profondeur & qu’il est noyé dans l’eau, il est très-difficile & quelquefois même impossible de le suivre, & souvent l’on est forcé d’abandonner le travail d’une mine au moment où le filon devient le plus abondant. A l’égard des filons qui marchent horisontalement & qui sont proches de la surface de la terre, ils sont ordinairement pauvres, & les minéraux qui y sont contenus sont plus exposés à se détruire, s’évaporer, & se décomposer.

Quant à la force d’un filon, c’est sa longueur, largeur & profondeur qui la constituent ; elle varie infiniment, non-seulement dans les différens filons qui se trouvent dans les entrailles de la terre, mais elle n’est pas même constante dans un seul & même filon. Il y a des filons qui sont d’une longueur très-considérable, & qui après avoir été interrompus dans leur cours par une vallée, une riviere ou un ravin, se retrouvent quelquefois plus riches qu’auparavant, à une lieue ou même à deux lieues de-là. D’autres filons au contraire ne s’étendent pas fort loin, & se

perdent très-promptement. Pour ce qui est de la largeur du filon, elle n’est pas la même par-tout ; en certains endroits elle n’aura, par exemple, qu’un pouce, tandis que dans d’autres elle aura plusieurs piés, & même plusieurs toises. Quand un filon se renfle dans quelques-unes de ses parties, les Mineurs disent qu’il prend du ventre.

Il arrive quelquefois que les filons, au lieu de suivre un cours déterminé comme celui des rivieres ou des ruisseaux, semblables à des étangs ou lacs, s’étendent considérablement à droite & à gauche, & forment des especes de bancs ou de lits dans le sein des montagnes, qui varient pour la profondeur & l’inclinaison ; les filons de cette espece se nomment filons dilatés : d’autres fois ces filons formeront comme un abysme ou masse énorme de substance metallique & minérale, d’une largeur & profondeur considerable ; pour lors on les appelle venæ cumulatæ, filons en masses. Voyez Agricola, de re metallicâ, lib. III.

Ces deux especes de filons en reçoivent d’autres, ou qui les traversent, ou qui viennent y porter leur richesse & se confondre avec eux, de même que les petits ruisseaux qui se déchargent dans des lacs ou des étangs. On sent aisément combien il est avantageux que les mines se trouvent ainsi disposées.

Les filons ne sont point de la même richesse dans toutes leurs parties : il y en a qui dans certains endroits seront solides, compacts, & parfaitement remplis de minéral, tandis que dans d’autres on trouvera le minéral répandu dans la terre par morceaux détachés de différentes grandeurs ; c’est ce que quelques naturalistes appellent minera nidulans ; les Allemands les nomment nieren, rognons : ou bien les filons seront remplis de pierres stériles, poreuses & spongieuses ; c’est ce que les mineurs d’Allemagne appellent donner dans des drusen. Voyez l’article Drusen. Quelquefois dans quelques endroits du filon, on ne rencontrera au lieu de minéral, que des fluors ou crystallisations de différentes couleurs, ou même des terres blanches, jaunes, bleues, rouges, &c. qui sont les débris du minéral qui a été détruit & décomposé, par les exhalaisons minérales, par les eaux & les autres causes qui agissent dans le sein de la terre : quand ces cas arrivent, les Mineurs disent qu’ils sont venus trop tard.

Pour ce qui est du minéral contenu dans un filon, il n’est pas par-tout de la même espece, & ne donne pas les mêmes produits dans les travaux de la Docimasie & de la Metallurgie. Souvent un filon dont le minéral est pauvre, s’enrichit tout-d’un-coup, parce que les fibres ou vénules viennent lui apporter ce qui lui manquoit, ou bien parce qu’un autre filon viendra se joindre à lui ; mais d’un autre côté, souvent ces venules ou filons qui viennent s’y joindre, loin d’enrichir le filon auquel ils s’unissent, contribuent à sa destruction par les eaux auxquelles ils donnent passage ; & par les substances arsénicales, sulphureuses & nuisibles qu’ils lui viennent apporter, diminuent la qualité du minéral qu’il contenoit auparavant, en le rendant plus difficile à traiter, plus aisé à se dissiper dans le feu, plus réfractaire, &c.

On voit encore des filons qui fournissoient beaucoup, aller en diminuant se partager en un grand nombre de fibres ou vénules, & enfin se perdre & se réduire à rien.

Il arrive quelquefois à un filon de manquer tout d’un-coup, pour lors il semble tranché par une roche dure & sauvage qui en interrompt entierement le cours : il paroît que ce phénomene doit être attribué à l’affaissement qui a pû arriver à une portion de la roche dont est composée la montagne où se trouve le filon ; révolution qui a dû déranger le cours du filon, & empêcher sa continuité ; dans ce cas les Mineurs sont obligés de percer cette roche dure, pour