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considérer qu’elles lui sont appliquées entant qu’il est Fils de Dieu ; donc elles caractérisent sa filiation : or ce n’est pas une filiation fondée sur la génération éternelle du Verbe ; donc c’est une filiation d’adoption pure & nullement naturelle, à moins qu’on ne veuille regarder comme fils naturel un pur homme qui recevroit de Dieu l’existence hors des voies ordinaires de la génération ; donc J. C. n’est pas Fils de Dieu au sens propre & naturel, comme l’entendent les Catholiques.

Le P. Berruyer remarque d’abord que quelques Théologiens ont traduit factus, γενομένον, dans les passages que nous avons cités, par natus, né, par la raison que factus est plus embarrassant.

Il prétend qu’on peut entendre à la lettre ces expressions que font tant valoir les Sociniens, & résoudre la difficulté proposée, en adoptant son explication ; parce que, selon lui, il est vrai à la lettre que J. C. homme-Dieu a été fait dans le tems Fils de Dieu, par l’union que Dieu a mise dans le tems en sa personne entre la nature humaine & la nature divine.

Cette génération est vraiment naturelle, dans un sens tout-à-fait différent de celle que les Sociniens nous proposent d’admettre : elle n’est pourtant pas la génération éternelle du Verbe, quoiqu’elle la suppose ; & par conséquent en accordant, ce qu’on ne peut pas contester, que les passages allégués ne peuvent pas s’appliquer à la génération éternelle du Verbe, on est encore en droit de nier qu’ils doivent s’entendre d’une filiation non-naturelle & de pure adoption.

5°. Enfin le P. Berruyer prétend que cette explication est nécessaire pour l’intelligence de beaucoup d’endroits du nouveau Testament : nous renvoyons le lecteur à son ouvrage, pour ne pas augmenter trop considérablement cet article.

Le P. Berruyer prévient quelques objections que pourroient lui faire les Scholastiques, par ex que dans son hypothèse J. C. seroit fils de la Trinité, fils des trois Personnes, fils de lui-même, fils du S. Esprit ; en recourant à un principe reçû dans les écoles, les actions de la Divinité au-dehors, ad extrà, ne sont point attribuées aux trois Personnes ni à aucune d’elles en particulier, mais à Dieu, comme un en nature.

Autre objection contre le P. Berruyer, qu’il y auroit deux fils dans son hypothèse : il nie cette conséquence, appuyé sur cette raison, qu’il ne peut y avoir deux fils qu’au cas qu’il y auroit deux Personnes, selon l’hérésie de Nestorius ; & que comme son opinion laisse subsister & suppose même l’unité de Personne en J. C. on ne peut pas lui faire le reproche d’admettre deux fils, quoiqu’il admette en J. C. deux filiations.

Au reste, ce sixieme sens de l’expression Fils de Dieu, suppose essentiellement les deux dogmes importans de la divinité du Verbe, & de l’union hypostatique & substantielle de la nature humaine en J. C. avec la nature divine ; & toute l’explication du P. Berruyer est d’après cette supposition.

Sur l’opinion qu’on vient d’exposer, on a accusé le P. Berruyer de favoriser d’un côté le Nestorianisme, & de l’autre le Socinianisme. Ils ajoûtent que l’explication donnée par le P. Berruyer est nouvelle. On ne la trouve employée, disent-ils, par aucun pere & par aucun théologien dans les disputes avec les hérétiques ; on ne voit pas qu’aucun concile s’en soit servi pour développer les dogmes fondamentaux du Christianisme ; les interpretes & les commentateurs ne donnent pas aux passages allégués par le P. Berruyer les sens qu’il y adapte, &c. & ce caractere de nouveauté est un terrible argument contre une opinion dans l’esprit d’un catholique : néanmoins ce pere a trouvé des défenseurs. Nous n’entrerons pas dans

les raisons qui ont été apportées de part & d’autre. Ces détails nous meneroient trop loin : d’ailleurs nous ne pourrions pas traiter cette matiere, sans donner en quelque sorte une décision qu’il ne nous appartient pas de prononcer ; c’est à l’Eglise seule & aux premiers pasteurs à nous éclairer sur des matieres aussi délicates, & qui touchent de si près à la Foi.

Relativement à l’article Fils de Dieu, il faut voir les art. Trinité, Incarnation, Ariens, Nestoriens, Sociniens.

Fils de l’homme (Théol.) terme usité dans les Ecritures pour signifier homme, & propre à exprimer tantôt la nature humaine, & tantôt sa fragilité.

Quand ce mot est appliqué à Jesus-Christ, il signifie en lui la nature humaine, mais exempte des imperfections qui sont ou la cause ou la suite du péché.

Cette expression étoit commune chez les Juifs & les Chaldéens. Les prophetes Daniel & Ezéchiel sont quelquefois désignés par cette appellation dans les livres qui portent leur nom.

Quelquefois aussi fils de l’homme, ou fils des hommes, désignent la corruption & la malignité de la nature humaine, & sont appliqués aux méchans & aux réprouvés, par opposition aux justes & aux élûs qui sont appellés fils de Dieu ; comme dans ce passage du Pseaume 4. filii hominum usquequo gravi corde ? ut quid diligitis vanitatem & quæritis mendacium ? (G)

Fils de la Terre (Hist. mod.) Dans l’université d’Oxford, c’est un écolier, qui aux actes publics a la commission de railler & satyriser les membres de cette université, de leur imputer quelque abus, ou corruption naissante : c’est à-peu-près la même chose que ce qu’on nommoit paranymphe dans la faculté de Théologie de Paris, voyez l’article Paranymphe. (G)

Fils (le) avant le pere, filius ante patrem, expression dont les Botanistes & les Fleuristes se servent verbalement & par écrit, pour marquer qu’une plante porte sa fleur avant ses feuilles. Telles sont diverses especes de colchique, le pas-d’âne, le pétasite, &c. Article M. le Chevalier de Jaucourt.

FILTRATION, s. f. (Phys.) On appelle ainsi le plus communément le passage de l’eau à-travers un corps destiné à la purifier des immondices qu’elle renferme ; l’eau qui passe, par exemple, à-travers le sable, y devient pure & lympide de sale qu’elle étoit auparavant. On se sert aujourd’hui beaucoup pour cet effet de certaines pierres poreuses, voyez l’article Fontaine. Selon Lister, on peut dessaler l’eau de la mer, en y mettant de l’algue (sorte de plante marine) voyez Algue ; & en la distillant ensuite à l’alembic. Selon M. des Landes, si on forme avec de la cire-vierge des vases qu’on remplisse d’eau de mer, cette eau filtrée à-travers la cire est dessalée par ce moyen. Enfin, selon M. Leutmann, si on filtre de l’eau de puits au-travers d’un papier gris, qu’on laisse ensuite fermenter ou pourrir cette eau, & qu’on la filtre de nouveau, elle sera plus pure que si on la distilloit.

L’effet de la filtration se comprend assez : il n’est pas difficile de concevoir que l’eau en traversant un corps solide d’un tissu assez serré, y dépose les parties les plus grossieres qu’elle renferme : on a étendu le mot de filtration à tout passage d’un fluide à-travers un solide dans lequel il dépose quelques-unes de ses parties ; par exemple, à la séparation des différentes parties du sang dans les glandes du corps humain.

Si on mêle ensemble deux liqueurs dans un vase, & qu’on trempe dans ce vase un linge ou un morceau de drap imbibé d’une seule de ces deux liqueurs, il ne filtrera que cette liqueur, & ne donnera point passage à l’autre. Quelques physiologistes ont voulu expliquer par ce moyen la filtration ou séparation qui