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leur cours, on verra qu’ils ne se tournent du côté du midi, que pour se rendre dans la mer Noire & dans la mer Caspienne, qui sont des lacs dans l’intérieur des terres.

Dans l’Amérique, les principaux fleuves coulent de même d’orient en occident, ou d’occident en orient : les montagnes sont au contraire dirigées nord & sud dans ce continent long & étroit ; mais, selon M. de Buffon, c’est proprement une suite de montagnes paralleles, disposées d’orient en occident. Hist. nat. génér. & partic. t. l. p. 334. & suiv.

Phénomenes & variations des fleuves. Les fleuves sont sujets à de grands changemens dans une même année, suivant les différentes saisons, & quelquefois dans un même jour. Ces changemens sont occasionnés pour l’ordinaire par les pluies & les neiges fondues. Par exemple, dans le Pérou & le Chili il y a des fleuves qui ne sont presque rien pendant la nuit, & qui ne coulent que de jour, parce qu’ils sont alors augmentés par la fonte des neiges qui couvrent les montagnes. De même le Volga grossit considérablement pendant les mois de Mai & de Juin, de sorte qu’il couvre alors entierement des sables qui sont à sec tout le reste de l’année. Le Nil, le Gange, l’Inde, &c. grossissent souvent jusqu’à déborder ; & cela arrive tantôt dans l’hyver, à cause des pluies ; tantôt en été, par la fonte des neiges.

Il y a des fleuves qui s’enfoncent brusquement sous terre au milieu de leur cours, & qui reparoissent ensuite dans d’autres lieux, comme si c’étoit de nouveaux fleuves : ainsi quelques auteurs prétendent que le Niger vient du Nil par-dessous terre, parce que ce fleuve grossit en même tems que le Nil, sans qu’on puisse trouver d’autre raison que la communication mutuelle de ces fleuves, pour expliquer pourquoi us grossissent en même tems. On remarque encore que le Niger, quand il vient au pié des montagnes de Nubie, s’enfonce & se cache sous ces montagnes, pour reparoître de l’autre côté vers l’occident. Le Tigre se perd de même sous le mont Taurus.

Aristote & les Poëtes anciens font mention de différens fleuves, à qui la même chose arrive. Parmi ces fleuves, le fleuve Alphée est principalement célebre. Les auteurs grecs prétendent que ce fleuve, après s’être enfoncé en terre & avoir disparu, continuoit à couler sous la terre & la mer, pour aller jusqu’en Sicile ; que là il reparoissoit auprès de Syracuse, pour former la fontaine d’Aréthuse. La raison de cette opinion des anciens étoit que tous les cinq ans pendant l’été la fontaine d’Aréthuse étoit couverte de fumier, dans le tems même qu’on célébroit en Grece les jeux olympiques, & qu’on jettoit dans l’Alphée le fumier des victimes.

Le Guadalquivir en Espagne, la riviere de Gottemburg en Suede, & le Rhin même, se perdent dans la terre. On assûre que dans la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue il y a une montagne d’une hauteur considérable, au pié de laquelle sont plusieurs cavernes où les rivieres & les ruisseaux se précipitent avec tant de bruit, qu’on les entend de sept ou huit lieues. Voyez Varenii geograph. gener. pag. 43.

Au reste, le nombre de ces fleuves qui se perdent dans le sein de la terre est fort petit, & il n’y a pas d’apparence que ces eaux descendent bien bas dans l’intérieur du globe ; il est plus vraissemblable qu’elles se perdent, comme celles du Rhin, en se divisant dans les sables, ce qui est fort ordinaire aux petites rivieres qui arrosent les terreins secs & sablonneux : on en a plusieurs exemples en Afrique, en Perse, en Arabie, &c. Hist. nat. ibid.

Quelques fleuves se déchargent dans la mer par une seule embouchure, quelques autres par plusieurs à-la-fois. Le Danube se jette dans la mer Noire par

sept embouchures ; le Nil s’y jettoit autrefois par sept, dont il n’y en a plus aujourd’hui que deux qui soient navigables ; & le Volga par 70 au moins. La cause de cette quantité d’embouchures vient, selon Varenius, des bancs de sable qui sont en ces endroits ; & qui s’augmentant peu à-peu, forment des îles qui divisent le fleuve en différens bras. Les anciens nous assurent que le Nil n’avoit d’abord qu’une seule embouchure naturelle par laquelle il se déchargeoit dans la mer, & que ses six autres embouchures étoient artificielles.

Il y a dans l’ancien continent environ 430 fleuves qui tombent immédiatement dans l’Océan, ou dans la Méditerranée & la mer Noire ; & dans le nouveau continent on ne connoît guere que 180 fleuves qui tombent immédiatement dans la mer. Au reste on n’a compris dans ce nombre que des rivieres grandes au moins comme l’est la Somme en Picardie.

Les fleuves sont plus larges à leur embouchure, comme tout le monde sait ; mais ce qui est singulier, c’est que les sinuosités de leur cours augmentent à mesure qu’ils s’approchent de la mer. On prétend qu’en Amérique les Sauvages jugent par ce moyen à quelle distance ils sont de la mer.

Sur le remous des fleuves, voyez Remous ; sur leurs cataractes, voyez Cataracte.

Varénius prétend & tâche de prouver que tous les lits des fleuves, si on en excepte ceux qui ont existé dès la création, sont artificiels, & creusés par les hommes. La raison qu’il en donne, est que quand une nouvelle source sort de terre, l’eau qui en coule ne se fait point un lit, mais inonde les terres adjacentes ; de sorte que les hommes, pour conserver leurs terres, ont vraissemblablement été obligés de creuser un lit aux fleuves. Cet auteur ajoûte qu’il y a d’ailleurs un grand nombre de fleuves dont les lits ont été certainement creusés par les hommes, comme l’histoire ne permet pas d’en douter. A l’égard de la question, si les rivieres qui se jettent dans d’autres y ont été portées par leur cours & leur mouvement naturel, ou ont été forcées de s’y jetter étant détournées dans des canaux creusés pour cela, Varénius croit ce dernier sentiment plus probable ; il pense aussi la même chose des différens bras des fleuves & des contours par lesquels le Tanaïs, le Volga, &c. forment des îles.

Il examine ensuite pourquoi il n’y a point de fleuves dont l’eau soit salée, tandis qu’il y a tant de sources qui le sont. Cela vient, selon lui, de ce que les hommes n’ont point creusé de lit pour les eaux des sources salées, pouvant se procurer le sel à moins de frais & avec moins de peine. Voyez Sel.

Plusieurs fleuves ont leurs eaux impregnées de particules métalliques, minérales, de corps gras & huileux, &c. Il y en a qui roulent du sable mêlé avec des grains d’or : de ce nombre sont 1°. un fleuve du Japon : 2°. un autre fleuve dans l’île Lequeo, proche le Japon : 3°. une riviere d’Afrique appellée Arræ, qui sort du pié des montagnes de la Lune où il y a des mines d’or : 4°. un fleuve de Guinée, dont les Negres séparent le sable d’avec l’or qu’il renferme, & le vendent ensuite aux Européens qui vont en Guinée pour faire ce trafic : 5°. quelques rivieres proche la ville de Mexique, dans lesquelles on trouve des grains d’or, principalement après la pluie ; ce qui est général pour tous les autres fleuves qui roulent de l’or, car on n’y en trouve une quantité un peu considérable que dans les saisons pluvieuses : 6°. plusieurs rivieres du Pérou, de Sumatra, de Cuba, de la Nouvelle-Espagne, & de Guiana. Enfin dans les pays voisins des Alpes, principalement dans le Tirol, il y a quelques rivieres des eaux desquelles on tire de l’or, quoique les grains d’or qu’elles roulent ne paroissent point aux yeux. Le Rhin, dans