Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/1011

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dier par la saignée, qui fait cesser cette cause, en faisant cesser la pléthore.

Mais ce moyen doit être employé avec beaucoup de prudence, parce que selon l’observation d’Hippocrate, aph. 31. lib. V. une saignée faite mal-à-propos, peut causer l’avortement. Ainsi on ne doit y avoir recours que pour les femmes d’un assez bon tempérament, qui sont sujettes à avoir leurs regles abondamment ou plus long-tems que d’autres ; qui menent une vie sédentaire, & se nourrissent bien. Si elles sont fort incommodées pendant le cours de leurs grossesses, on peut leur tirer du sang par intervalles jusqu’à cinq ou six fois : pour celles qui le sont moins, trois fois suffisent ; savoir, dans le second mois, dans le cinquieme, & dans le neuvieme. On a cependant vû des cas, selon Mauriceau, de prægnant morb. lib. I. cap. xj. où on a été obligé d’y revenir jusqu’à dix fois. Cet auteur rapporte même avoir vu une femme qu’on fut obligé de saigner jusqu’à quarante-huit fois, pour l’empêcher d’être suffoquée, sans que l’accouchement qui suivit, en fût moins heureux & moins à terme ; mais de pareils exemples sont très-rares. Le plus grand nombre de femmes enceintes n’a pas besoin de beaucoup de saignées ; elles sont très-dangereuses à celles qui, étant d’un tempérament délicat, font peu de sang. Elles sont inutiles à celles qui sont robustes & font beaucoup d’exercice, comme les femmes de la campagne.

Il est beaucoup de femmes à qui il suffit de prescrire la diete, ou au moins de retrancher de la nourriture ordinaire ; de faire faire un peu plus d’exercice qu’à l’ordinaire, avec ménagement ; de faire user de quelques boissons délayantes ; pour qu’elles se délivrent de la plûpart des incommodités de la grossesse. En général, lorsqu’elles ne sont pas urgentes, on doit toûjours tenter ces derniers moyens, avant d’en venir à la saignée. On éprouve aussi très souvent selon Boerhaave, de bons effets de l’usage des remedes cardiaques legerement aromatiques, unis à de doux anti-hystériques, ou de celui des boissons acidules, comme la limonade, les ptisanes nitreuses, lorsque les différens accidens de la grossesse sont accompagnés de foiblesse ou d’ardeurs d’entrailles.

On doit être aussi très-reservé dans l’usage des purgatifs pour le cas dont il s’agit. Les émétiques sur tout, par les violentes secousses qu’ils occasionnent, sont très-dangereux, & peuvent causer des avortemens : l’expérience prouve cependant qu’ils sont très-peu sûrs pour les procurer à dessein : mais le tempérament & la disposition actuelle du sujet décident toûjours de l’effet qu’on a lieu d’attendre de pareils moyens. Les vomitifs & les purgatifs doux peuvent être employés sans danger à l’égard des femmes qui ont beaucoup de facilité à être évacuées par le haut & par le bas. Elles peuvent par-là se décharger de la surabondance d’humeurs qui refluent sur-tout dans les vaisseaux de l’estomac, qui en distendent les fibres nerveuses, & y excitent le sentiment de nausée ou les efforts qui font le vomissement ; & les purgatifs en dégorgeant de même les intestins, font cesser les coliques ou les cours de ventre, qui incommodent souvent les femmes grosses : mais les purgatifs forts sont absolument à éviter, parce qu’en irritant trop les intestins, ils peuvent par communication exciter des mouvemens convulsifs dans la matrice, qui pourroient procurer l’avortement, principalement dans les premiers tems, & sur la fin de la grossesse.

Il n’y a pas moins d’attention à faire concernant l’usage des narcotiques, qui peuvent aussi produire des effets fâcheux par le relâchement général qu’ils procurent dans le genre nerveux ; relâchement qui,

comme il peut favoriser un accouchement trop douloureux, peut de même contribuer à l’exclusion du fœtus dans tous les tems de la grossesse. Ainsi ce ne peut être qu’après avoir inutilement employé les saignées, (si elles sont praticables) pour calmer les douleurs qui surviennent dans cet état, que l’on peut recourir aux préparations d’opium, avec tout le ménagement possible. On ne peut guere indiquer de cas où ces remedes puissent être employés avec plus de sureté & de succès, selon Horstius, lib. X. observ. 3. que lorsque les femmes grosses sont affectées de violentes douleurs rhumatismales, qui causent des insomnies opiniâtres, pourvû qu’ils ne soient pas contre-indiqués d’ailleurs.

En général, on ne doit s’obstiner à combattre aucun des symptomes des maladies dépendantes de la grossesse, qu’entant que les forces ne suffisent pas pour les soûtenir ; qu’il y a danger qu’il ne survienne une fausse couche. Voyez Fausse-Couche. Ceci soit dit des vomissemens, des flux-de-ventre, & même des hémorrhagies quelconques ; à plus forte raison, de toute autre accident de moindre conséquence.

Il faut s’appliquer à bien distinguer les douleurs des reins, des lombes, qui sont causées par la grossesse, d’avec celles qui pourroient être occasionnées par des calculs, des pierres contenues dans les voies urinaires. Voyez Calcul, Pierre. Dans ce dernier cas, on ne pourroit faire usage des bains qu’avec beaucoup de précaution, parce qu’ils operent des effets, d’où peuvent aisément résulter de fausses couches, sur-tout les bains chauds. Il y a des exemples qui prouvent que les bains de riviere, pris dans la saison convenable, même dans les commencemens de la grossesse, ne sont point nuisibles à cet état.

Les maladies qui surviennent aux femmes enceintes dans le milieu, & vers la fin de leur grossesse, sont principalement la difficulté d’uriner, la rétention ou le vice opposé, qui est l’incontinence d’urine, la fréquente envie de rendre cette humeur excrémentitielle, la constipation ou la déjection difficile, les hémorrhoïdes, les varices, l’enflure des piés, des jambes, des levres de la vulve, la disposition à faire des chûtes, & autres approchantes. Toutes ces lesions dépendent d’une seule & même cause, ci-devant mentionnée, qui est le volume & le poids de la matrice, qui comprime la vessie contre les os du bassin, y forme un étranglement qui exige de grands efforts de la part des fibres musculaires de ce reservoir de l’urine, pour surmonter l’obstacle qu’il trouve à se vuider du liquide qu’il contient, ce qui établit la difficulté d’uriner ; ou la pression de la vessie forme un empêchement qu’elle ne peut pas vaincre, ce qui donne lieu à la rétention d’urine ; ou l’urine ne peut être retenue qu’en petite quantité, à cause de cette pression qui laisse peu de capacité au reservoir, ce qui oblige à une fréquente évacuation. La matrice comprimant aussi le rectum contre l’os sacrum, empêche qu’il ne se remplisse de matieres fécales, fait séjourner ces matieres dans les parties supérieures des gros boyaux où elles se dessechent ; ce qui fournit différentes causes de la constipation & de la déjection difficile. Cette même compression de la matrice portant sur les veines hémorrhoïdales, empêche le libre retour du sang qu’elles contiennent, qui dilate ses vaisseaux, y cause des distensions douloureuses, ou les rompt & se fait issue en s’évacuant, & les veines iliaques étant aussi comprimées par la même cause, il en résulte une gêne, un obstacle dans le retour du sang des extrémités inférieures, qui donne lieu aussi à la dilatation forcée des rameaux veineux les moins forts, tels que ceux qui ne sont point soûtenus par l’action des muscles, ceux qui ne sont recouverts que de la peau ;