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n’est-il pas aussi abreuvé & entretenu par les parties que l’air dépose ? Ces parties sublimées sont censées legeres : de-là nous voyons que le cœur du bois & le pié tiennent le feu beaucoup plus long-tems que l’extérieur & le dessus. On pourroit donc par le poids seul, faire la différence du bois qui résiste le plus long-tems au feu.

Ne pouvant douter que les bois ne soient en relation exacte avec le terrein, la premiere regle pour l’achat doit donc être la connoissance du terrein, d’autant que c’est ce qui regle l’espece : les unes par leur constitution veulent des nourritures solides, d’autres plus legeres ; quelques-unes ont de larges tuyaux, &c. Il seroit à souhaiter d’avoir l’analyse de tous les différens bois : mais en général au poids on ne sera point trompé.

La seconde regle est l’âge du bois ; on le connoît aux cercles que vous voyez quand le bois est coupé. On compte dans un arbre un peu âgé le cœur pour trois ans ; chaque cercle pour une seve, & l’écorce pour trois ans. Si le cœur & le pié ont des parties plus solides, comme on n’en peut douter, quand le bois a atteint un certain âge : cet âge est donc d’une extrème conséquence. Il faut mettre en compte la hauteur & l’épaisseur du bois : c’est ce qui donne la quantité. Par la traite, j’entends l’éloignement & la qualité du trajet.

Un manufacturier qui a mis en compte l’entretien, le cours d’eau, la mine, la main d’œuvre, l’exploitation, la traite, voit d’un coup-d’œil ce qu’il peut donner de la superficie d’un bois, & sait qu’un autre en pareille traite & du même âge, par le terrein seul, peut valoir le double & jusqu’à trois cinquiemes, le bénéfice restant plus grand : la preuve en résulte de ce qu’ayant sous un même volume de bois dequoi faire un plus grand travail, l’exploitation & transport sont moins coûteux. Il seroit à souhaiter que les propriétaires & manufacturiers voulussent se rendre à ces vérités ; on n’entendroit pas les uns se plaindre de l’inégalité du prix de bois qui leur semblent de la même valeur, & les autres exposer leur fortune par des achats mal combinés.

De ce que nous avons dit il ne faut pas inférer que plus un bois seroit vieux, meilleur il seroit ; soit taillis, soit futaye, attendez tant qu’ils profitent beaucoup ; quand vous entrevoyez de la langueur, coupez.

Pour l’exploitation des bois en général, voyez Bois & Forêt. Pour l’usage particulier des forges, il convient qu’elle soit faite pendant que le bois est défeuillé : il faut se pourvoir d’un nombre d’ouvriers suffisant ; la méthode la plus ordinaire est de couper le bois de deux piés & demi ; le fendre en morceaux de trois à quatre pouces de diametre ; & le mettre en cordes entre deux piquets, suivant les étendues & conventions arbitraires. Veillez aux coupeurs, qu’ils ne touchent point à ce qui est reservé ; laissant le nombre & la qualité des baliveaux ; coupant proche de terre ; brûlant, si on n’a pas lieu d’en faire autre usage, les petites branches inutiles ; empilant leurs bois sans fraude : il faut se conformer aux clauses des marchés, sans jamais anticiper ni retarder les coupes ; se servir des anciennes places à charbon, des anciens chemins ; & ne jamais traiter avec les propriétaires qu’on sait être trop scrupuleux & intéressés : les recollemens alors, avec toute la bonne foi & le soin qu’on a pû apporter, deviennent des sources de procès & de ruine. L’accident le plus à craindre pour les exploitations, est le feu.

Si à l’exploitation des taillis on a joint la coupe de quelque futaie, il sera avantageux de faire travailler le tout ensemble. Il est bien entendu que les corps d’arbres seront débités suivant leurs qualités, fente, sciage, charpente, charronnage ; le reste, qui est de notre objet présent, sera scié de deux piés quatre pou-

ces de longueur, fendu en morceaux de trois à quatre

pouces, & dressé en cordes, comme les branches & taillis : ces gros bois, que nous supposons n’être point viciés, doivent naturellement résister au feu, mieux que les taillis : au mois de Mars, il faut avoir soin de faire ramasser de la feuille pour faire couvrir les fourneaux dans le tems. Quand tous les bois seront en cordes, ce qui doit être fini pour le mois d’avril, on les laisse sécher jusqu’en Septembre : alors il ne faut point perdre de tems à les faire dresser, voyez Charbon. Ce n’est que dans le dernier besoin, qu’il faut faire de nouvelles places à charbon. Cette partie demande toute l’attention possible. Où le fond est arbue & plein, alors les nettoyer & battre suffit ; où le fond est en côteau, le mieux est de prendre des pionniers pour les unir, & de bons bras pour les battre ; où le fond est pierraille ou sable, quelquefois avec des crevasses, le mieux est d’y faire conduire de l’arbue, & de la faire battre. Les aires préparées, les dresseurs auront soin de mettre une partie de petits bois pour commencer, c’est ce qu’on appelle l’alume ; ensuite les plus gros dans le foyer, & les plus petits à mesure qu’on s’éloigne du centre : par ce moyen, tout se trouve dans la place qui lui convient. Le grand point est que le bois ne soit point trop couché en-dedans ni sur les côtés ; sans quoi au moindre affaissement, tout se dérange & cause un desordre préjudiciable. Le dressage doit laisser une égale liberté au feu de circuler de tout côté : si une partie est trop garnie, le feu pénetre avec peine : ne l’étant pas assez, il se jette tout-d’un-coup où il trouve moins de résistance : si le gros bois tient une place séparée du petit, l’un brûle, l’autre ne cuit pas ; si la place n’est pas ferme, tout le bois qui entre en terre ne deviendra jamais charbon ; s’il s’y trouve des fentes ; si elles communiquent à l’air extérieur, elles soufflent ; si elles ne communiquent pas, & qu’il y ait beaucoup d’humidité, la raréfaction peut faire culebuter une piece entiere ; si le bois est mal arrangé & garni, il s’y forme des entonnoirs, qu’on ne bouche & remplit jamais sans perte.

Quand les fourneaux sont dressés, on les couvre de feuilles, d’un peu de terre & fasins, pour concentrer la chaleur : si on a affaire à un terrein pierre, je le répete encore, voiturez de la terre & des fasins, vous serez dédommagé de cette dépense. La regle pour l’épaisseur de la terre qui couvre les fourneaux, n’est point arbitraire ; il faut que la fumée & la flamme ne puissent passer que dans les endroits qu’on le souhaite. Trop de terre empêchera la cuisson de la partie qui lui est contiguë : il y a des sels qui s’évaporent avec les fumées ; ne seroit-ce point ces sels qui les rendent si dangereuses ? Quand le feu est dans un fourneau, il faut veiller s’il marche également ; s’il se jette d’un côté, couvrez-le de fasins, & donnez jour dans le voisinage. Quand le milieu commence à s’affaisser, couvrez-le bien, & piquez dans des environs & au bas ; si une partie paroît résister au feu, tandis que le reste passe, ouvrez, & laissez-la s’enflammer à l’air libre ; quand le feu y aura bien mordu, couvrez. Ne pressez jamais un fourneau. Comme il ne peut aller vîte qu’en prenant beaucoup d’air : outre une grande diminution, le charbon qui reste a beaucoup perdu de ses parties inflammables, comme on le voit à sa grande division & legereté.

Le charbon doit naturellement rester pénétré des qualités du bois. Aussi voyons nous que celui venu & cuit dans l’arbue résiste long-tems au feu ; & celui venu dans la castine s’évapore aisément : la pesanteur est une regle aussi assûrée pour le charbon que pour le bois. Il est aisé de se convaincre que deux morceaux de bois sec de même dimension, l’un venu dans l’arbue, l’autre dans la castine, pesent, après leur réduction bien faite en charbon, dans la même