L’Encyclopédie/1re édition/OREILLE

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OREILLE, s. f. (Anatom.) organe de l’ouie. Voy. Ouie.

Description générale de l’oreille. Les Anatomistes divisent ordinairement l’oreille en externe & en interne. L’oreille externe comprend non-seulement l’aîle de l’oreille, mais encore le conduit qui lui est continu, & qui est formé par la membrane du tambour, laquelle fait la séparation de l’oreille externe d’avec l’interne. Celui-ci comprend la caisse du tambour & le labyrinthe.

L’aîle de l’oreille est composée principalement d’un cartilage, si l’on excepte sa partie inférieure, qu’on nomme le lobe de l’oreille, qui paroît faite d’une substance en partie graisseuse, & en partie glanduleuse. Le cartilage qui compose l’aîle de l’oreille, forme des replis, des éminences & des cavités. On a nommé le premier de ces replis ou le plus extérieur, helix ; & celui qui est au-dessous a été appellé anthelix : ce dernier se trouve comme partagé en deux dans sa partie antérieure ; & on donne le nom de scapha ou de fosse naviculaire à la cavité qui se remarque entre ces deux portions. Il y a, outre cela, deux éminences formées aussi par le cartilage. On a nommé la plus antérieure tragus ou hircus, & la plus postérieure antitragus : on voit enfin entre ces deux éminences la cavité nommé la conque. Toute cette partie extérieure de l’oreille est couverte de la peau, & d’une membrane qui paroît nerveuse.

Le conduit de l’oreille est, en partie, cartilagineux, en partie membraneux, & en partie osseux. Sa portion cartilagineuse est une continuation du cartilage qui a formé l’aîle de l’oreille ; & sa portion membraneuse est faite de la continuation de la peau qui recouvre le conduit, laquelle peau ferme les vuides que la portion cartilagineuse laisse. Cette peau est percée d’une infinité de petits trous, qui répondent à autant de glandes qui sont cachées derriere, & logées dans un réseau particulier ; ce sont ces glandes qui fournissent la cire de l’oreille. Enfin la portion osseuse, laquelle ne se trouve point dans le fœtus, acheve de former le conduit, qui est fermé dans son extrémité par une membrane très-mince & transparente appellée membrane du tambour, qui est posée obliquement, & se trouve comme enchassée dans une rainure gravée intérieurement à l’extrémité de ce conduit ; la direction de ce conduit est oblique ; & il s’avance de derriere en-devant.

On observe dans le fœtus, qu’il n’y a que la portion de ce conduit qui porte la rainure pour la membrane du tambour, qui soit osseuse ; & c’est cette portion que l’on nomme cercle osseux, quoiqu’il ne fasse point un cercle entier. Pendant que le fœtus est renfermé dans la matrice, la membrane du tambour se trouve couverte extérieurement d’une substance blanche & mucilagineuse, qui se seche dans la suite, & se divise en plusieurs petites parties, qui sortent avec la cire de l’oreille ; & le conduit qui est comme membraneux, se trouve très-retréci, suivant la remarque de Valsalva.

Les nerfs qui se distribuent à l’oreille externe, lui sont fournis par la portion dure de la septieme paire, & par la seconde cervicale. Les arteres lui viennent de la carotide, & ses veines se déchargent dans les jugulaires.

L’oreille externe a des muscles & des ligamens : on ne compte, pour l’ordinaire, que deux muscles, dont le plus considérable a son point fixe à l’apophyse mastoïde, & l’autre qui est supérieur, semble une continuation du muscle frontal ; les ligamens sont aussi au nombre de deux, dont l’un, qui est antérieur, vient de l’apophyse zygomatique ; & le second, qui est postérieur, vient de l’apophyse mastoïde.

La caisse du tambour est une cavité, dont la surface, qui est fort inégale, se trouve tapissée par une membrane, que plusieurs regardent comme une continuation de celle qui revêt l’intérieur du nez, nommée pituitaire. On considere dans cette caisse deux conduits, deux ouvertures nommées fenêtres, quatre osselets, trois muscles, & une branche de la cinquieme paire de nerfs.

Les conduits sont distingués en antérieur & en postérieur : celui-ci communique dans les cellules de l’apophyse mastoïde ; & l’antérieur établit une communication entre la caisse & le fond de la bouche : on nomme ce conduit trompe d’Eustache ; nom qui lui a été donné, parce qu’il est fort étroit du côté de la caisse, & que sa cavité augmente à mesure qu’il s’en éloigne, ensorte que dans son extrémité, qui répond dans le fond de la bouche, il forme un pavillon. Le commencement de ce conduit est osseux, & le reste de son étendue est, en partie membraneux, & en partie cartilagineux. On observe aussi dans la caisse du tambour, immédiatement au-dessus de la trompe, un demi-canal qui loge un des muscles du marteau.

Les fenêtres sont distinguées, eu égard à leur figure, en ovale & en ronde ; c’est par le moyen de ces deux ouvertures, que la caisse communique dans le labyrinthe.

Les osselets sont au nombre de quatre, nommés le marteau, l’enclume, l’étrier & l’orbiculaire. On considere au marteau une tête & un manche ; la tête a deux éminences, & une cavité pour son articulation ginglymoïde avec le corps de l’enclume. Le manche du marteau est collé à la membrane du tambour. Rau a découvert une apophyse au marteau, qu’il a nommé apophyse grêle.

On considere à l’enclume un corps & deux branches : il se trouve dans le corps de l’enclume deux cavités, & une éminence pour son articulation avec le marteau : les branches de l’enclume sont d’inégale longueur ; la plus courte n’a point de connexion avec les autres osselets ; mais la plus longue, qui est un peu courbée, se termine en une cavité superficielle, pour recevoir une des convexités de l’os orbiculaire, tandis que l’autre convexité de cet os est reçue dans une cavité superficielle creusée dans la tête de l’étrier.

L’étrier a une base ovale, & deux branches qui en partent, & qui vont s’unir pour former sa tête. Les branches sont un peu creuses dans leur face interne ; & c’est dans ces rainures que s’attache une membrane très-mince, qui ferme l’espace que ces branches laissent entr’elles. La base de l’étrier ferme la fenêtre ovale, la ronde n’est fermée que par une membrane très-mince & transparente.

Des trois muscles qui se trouvent dans la caisse du tambour, il y en a deux qui appartiennent au marteau ; le troisieme est pour l’étrier. Les muscles du marteau sont distingués en interne & en externe. Le muscle interne a son point fixe à la portion cartilagineuse de la trompe d’Eustache, & au demi-canal qui se remarque à la partie antérieure de la caisse ; son tendon fait un coude en passant derriere un bec osseux, & vient se terminer au commencement du manche du marteau. Le muscle externe a son attache fixe à la portion osseuse de la trompe, se porte un peu de bas en haut, entre la caisse par une sinuosité oblique, & vient se terminer aussi au commencement du manche du marteau, en couvrant dans son chemin l’apophyse grêle de Rau. Casserius admet un second muscle externe, qui a son point fixe à la partie osseuse du conduit extérieur de l’oreille, & vient se terminer au marteau ; mais la difficulté qu’on trouve à découvrir ce muscle, a donné lieu à la plûpart des Anatomistes de douter de son existence.

A l’égard du petit nerf qui se remarque dans la caisse, communément on l’appelle la corde du tambour ; c’est un rameau de la branche de la cinquieme paire, qui va se distribuer à la langue ; ce nerf suit la route du muscle externe du marteau, passe le long de la face interne de la membrane du tambour, & va se perdre dans la portion dure, en pénétrant le conduit osseux qui la renferme.

Le muscle de l’étrier est caché dans une apophyse pyramidale, située à la partie postérieure de la caisse ; & son tendon sort par le trou qui se remarque à la pointe de cette apophyse, pour se terminer à l’étrier immédiatement au-dessous de sa tête.

La seconde partie, & en même tems la plus enfoncée de l’oreille intérieure, est connue sous le nom de labyrinthe ; elle est composée de trois parties, nommées le limaçon, le vestibule, & les canaux demi-circulaires. Le limaçon est situé en devant, les canaux demi-circulaires en-arriere, & le vestibule au milieu.

Le limaçon est fait principalement d’un conduit osseux, qui fait deux tours & demi en spirale. La cavité de ce conduit va toujours en diminuant, & se trouve partagée dans toute son étendue en deux moitiés appellées rampes, distinguées en externe & en interne par une cloison nommée lame spirale, dont une portion est osseuse, & l’autre membraneuse.

On peut distinguer au limaçon la base, sa pointe, son noyau & ses deux rampes. Le commencement de ces deux rampes est au vestibule, dans lequel la rampe externe, nommée improprement supérieure par quelques-uns, va s’ouvrir, tandis que l’interne se termine à la fenêtre ronde.

Le vestibule est une petite cavité irrégulierement arrondie ; elle est tapissée intérieurement d’une membrane parsemée de beaucoup de vaisseaux. On y considere six ouvertures, sans compter plusieurs petits trous, qui donnent passage aux vaisseaux sanguins & aux nerfs, qui pénétrent dans cette cavité. De ces six ouvertures, il y en a cinq qui répondent aux trois canaux demi-circulaires, & la sixieme répond à la fenêtre ovale. Il s’en trouve encore une septieme, qui est l’orifice de la rampe externe du limaçon.

Les canaux demi-circulaires ont été distingués en supérieur, en moyen & en inférieur. Le supérieur se joint par une de ses extrémités à l’inférieur, ensorte que les cavités de ces deux conduits se confondent, & ne forment ensemble qu’une seule ouverture dans le vestibule. C’est dans ces conduits, aussi-bien que dans les rampes du limaçon, que se distribue la portion molle de la septieme paire. On y découvre aussi plusieurs vaisseaux sanguins, soit par le secours des injections, soit par l’inflammation.

L’oreille est placée proche du cerveau, du centre commun des sensations, afin qu’elle reçoive plus promptement l’impression des sons dans la partie destinée particulierement à l’usage des principaux sens, & dans le voisinage de l’œil, avec lequel elle a un commerce intime par le moyen de ses nerfs.

Si nous examinons en détail la structure & les parties qui la composent, elle nous paroîtra une piece aussi curieuse que travaillée, tant dans les différentes especes d’animaux que dans l’homme.

De l’oreille des animaux. Pour ce qui est de sa structure dans les insectes, les reptiles & les petits animaux aquatiques, au cas qu’ils jouissent de l’ouie, comme il est vraissemblable, nous n’avons ni la vue, ni des instrumens assez fins pour en découvrir l’organe.

Sa forme dans les oiseaux ne porte point d’obstacle à leur mouvement progressif, & est close, afin de leur laisser un passage facile au-travers de l’air.

Leur tympan est composé de deux membranes : l’une intérieure, l’autre extérieure, qui couvre tout le conduit auditif. Du côté de ce conduit s’éleve un cartilage presque au milieu de cette membrane, & qui sert à la relâcher. Au bout de la petite colonne est un autre cartilage divisé en trois branches, dont il y en a deux attachées à l’os pétreux, à quelque distance de la membrane du tambour. Il y a, outre cela, un petit ligament très-fin qui s’étend du côté opposé, & traverse le conduit auditif.

La seconde partie de l’oreille interne des oiseaux est la petite colonne que Schelhammer nomme columella ; c’est un tuyau osseux, très-menu, délicat & leger, dont la base s’élargit & couvre exactement le labyrinthe, ou la chambre de l’ouie.

Le labyrinthe ou limaçon consiste en plusieurs branches, qui ressemblent aux canaux demi-circulaires de l’oreille de l’homme. Il est formé par un os dur & solide. Plusieurs oiseaux ont des canaux demi-circulaires, les uns plus gros, les autres plus minces, se croisant les uns les autres par des angles droits, & s’ouvrant tous dans la chambre de l’ouie, laquelle est tapissée des ramifications du nerf auditif. Il n’en est pas de même dans l’oie, où l’on trouve ces canaux en forme de limaçon, mais différens de ceux des autres oiseaux.

La nature n’a donné qu’un seul osselet aux oiseaux, & un cartilage, qui fait une jointure très-mobile avec l’osselet. Cet osselet est très-dur & très-menu, ayant à un bout une superficie plate, mince & large, suivant les observations du docteur Moulen, insérées dans les Trans. philos. n°. 100. L’ouïe paroît s’opérer tout simplement dans les oiseaux ; & voici comme on peut concevoir la chose ; le son rencontrant dans son mouvement leur tambour, il le frappe ; & ce mouvement, fort ou foible, doux ou perçant, est imprimé sur les cartilages, sur la petite colonne, & de cette maniere est communiqué au nerf auditif, situé dans le labyrinthe, ou la chambre de l’ouïe.

La structure de l’oreille est très-diversifiée dans les quadrupedes ; les uns l’ont large, droite & ouverte ; d’autres cachée bien avant dans le derriere de la tête.

L’oreille externe & interne de la taupe, à laquelle personne n’avoit fait une grande attention avant Derham, est aussi singuliere que la maniere de vivre de cet animal est différente de celle des autres quadrupedes.

Les taupes au lieu d’une oreille longue qui avance en dehors, ont seulement un creux rond entre le cou & l’épaule. Cette situation accompagnée d’une garniture de poil épais & serré qui la couvre, défend cette oreille contre les injures du dehors. Le conduit de leur oreille est long, cartilagineux, avançant jusqu’au dessous de la peau. Autour du côté intérieur regne une espece de filet semblable à celui d’une vis ; dans le fond est une entrée passablement large, qui mene à la caisse du tambour. Cette entrée est formée d’un côté par ledit filet, & de l’autre par un petit cartilage : on y trouve aussi une espece de cire jaune.

L’oreille interne renferme trois petits osselets creux, par le moyen desquels l’action de la membrane du tambour est communiquée au nerf auditif. Un de ces osselets est le marteau ; il a deux productions ou apophyses à peu près de même longueur : la plus longue est attachée au tympan ; l’autre au côté de la caisse, ou à l’os pétreux. La partie postérieure du marteau ressemble à la tête & à la queue d’un petit mousseron. Le second osselet nommé l’enclume, couché sur le dos du marteau, est long, sans apophyse, & ayant en quelque sorte la figure d’une petite écope, dont les Bateliers se servent pour vuider l’eau de leurs bateaux ; son extrémité est attachée par le moyen d’un petit ligament très-mince au troisieme & dernier osselet, qui tient lieu de l’étrier des autres animaux, mais qui n’est ici qu’une fourche sans base : chaque jambe ou dent de la fourche, se termine à une des deux ouvertures ; ces fourchons sont-ils attachés au nerf auditif ?

Ces ouvertures (qui tiennent là lieu des fenêtres rondes ou ovalaires des autres animaux) forment l’entrée de la conque ou coquille, & des canaux demi-circulaires, où se répand le nerf auditif. Ces canaux sont à quelque distance du tambour ; au lieu d’être renfermés comme chez d’autres animaux dans un corps osseux, dur & épais, ils sortent en dehors, & sont situés en dedans du crâne dans un creux terminé par une espece de voûte, où entre une partie du cerveau. En remuant la membrane du tambour, tous les petits osselets se remuent en même tems, & par conséquent ébranlent le nerf auditif.

Telle la structure curieuse de l’oreille de la taupe ; & l’on ne soupçonneroit peut-être pas les variétés qu’offre celle des autres animaux, même par rapport au seul conduit qui mene à l’os pétreux. Dans la chouette, par exemple, qui se perche sur les arbres & sur les poutres, & qui guette sa proie en écoutant de haut en bas, ce conduit avance plus en dehors par le côté de dessus, que par celui de dessous, afin de mieux recevoir jusqu’aux moindres impressions du son. Dans le renard, qui découvre de bas en haut sa proie juchée, il est plus avancé vers le bas. Dans le putois qui écoute tout droit devant lui, ce conduit avance par derriere, pour mieux recevoir les sons qui viennent du côté opposé. Dans le cerf, animal fort alerte, & toujours aux écoutes, le conduit en question est garni d’un tuyau osseux, comme d’un véritable instrument acoustique, formé par la nature, & tellement dirigé vers le derriere, qu’il peut recevoir les sons les plus doux & les plus éloignés qui viennent de ce côté-là. On peut consulter la cosmologie sacrée de Grew, lib. I. chap. v. car j’aime mieux m’attacher à l’oreille humaine, qui est encore supérieure en perfections à celle des animaux. Il faut seulement observer en passant, que l’oreille du singe ressemble le plus à celle de l’homme, & qu’elle a les trois osselets un peu cachés & enfoncés vers le sinus de l’apophyse mastoïde.

Description particuliere de l’oreille de l’homme, & d’abord de l’oreille externe en général. Il y a bien des choses à remarquer dans la figure de l’oreille externe, qui s’offre d’abord à nos yeux. Son éminence sensible qui s’éleve de part & d’autre sur l’os temporal, fait qu’il n’est guere de rayons qui puissent échapper aux deux oreilles à la fois ; & ses trois bords spiraux, font par leur fabrique, leur position, leur inclination tortueuse, & leurs contours, que les rayons sonores qui partent du point sonore, entrent en assez grande quantité dans l’une ou l’autre oreille, ou dans les deux, sont refléchis tels qu’ils étoient sans aucun changement ; s’unissent ensuite, & sont déterminés dans la conque externe.

Ces replis tortueux donnés à l’homme, suppléent à la mobilité de l’oreille, si remarquable dans les autres animaux. Telle est leur disposition, que l’un s’ouvre dans l’autre, & qu’ainsi les rayons sonores sont refléchis jusque dans la conque. Si ces contours caves avoient été perpendiculairement élevés, les rayons eussent été repoussés hors de l’oreille ; mais il est visible que le contraire doit arriver, parce qu’ils sont inclinés vers la cavité interne de l’oreille.

Boerhaave qui savoit voir, & par son génie tirer parti des choses que les autres avoient vues avant lui, ayant un jour sous les yeux le cadavre d’un homme dont l’ouie avoit été excellente, & l’oreille très-bien formée, en prit une parfaite empreinte sur de la cire, & en examinant cette empreinte, il fit cette remarque neuve & singuliere, que si de quelque point sonore que ce soit, à un point quelconque de quelque éminence cartilagineuse de l’oreille, on tire extérieurement des lignes droites, & qu’on mesure l’angle de réflexion égal à l’angle d’incidence, la derniere réflexion conduira toujours les rayons dans le canal de l’ouie, dont l’entrée est comme le foyer commun des courbes que décrivent les diverses éminences de l’oreille.

Telle étoit aussi la structure que Denys, tyran de Sicile, donnoit à ses prisons, afin que celui qu’il plaçoit au centre de la spirale, pût entendre les prisonniers placés dans les spirales convergentes, quelque bas qu’ils pussent parler. Tout le monde sait que les tubes spiraux, larges à leurs bases, & étroits à leurs extrémités, sont les plus propres à augmenter le son, parce qu’il n’y a point de figure qui occasionne aux rayons plus d’allées & de venues, & plus de seconds sons qui se joignent au premier.

Les brutes n’ont point de pareille fabrique ; la plupart des quadrupedes ont les oreilles tortueuses, à la vérité inférieurement, mais s’allongeant en une appendice qui varie, en ce que tantôt elle est coupée courte, tantôt elle est pendante ou conique, comme dans le cheval ; mais tous les quadrupedes remuent les oreilles. Presque tous les oiseaux & les poissons n’ont guere d’oreille en dehors, & par conséquent cette analogie ne leur va pas.

Ne négligeons pas d’observer que l’oreille humaine a une surface large, que la conque & le canal de l’ouie s’étrécissent considérablement ; d’où les rayons viennent en foule à la membrane du tympan. De plus, de quelque côté qu’on tourne la tête, on montre l’une ou l’autre oreille, qui par conséquent est toujours prête à recevoir les rayons sonores. On sait de combien de façons ceux qui n’ont qu’une oreille, sont obligés de la tourner pour entendre : telle est l’utilité des deux oreilles.

On sait encore que les personnes qui ont les oreilles avancées en dehors, entendent mieux que celles qui les ont applaties ; & les gens qui d’après Elien, Martial, Ovide, mettent au rang des difformités les grandes oreilles, condamnent (peut-être sans le savoir) une beauté réelle, une perfection de l’organe pour mieux entendre, un avantage pour la finesse de l’ouie.

Des lobes des oreilles. Les Anatomistes modernes n’ont pas été plus heureux que les anciens à découvrir l’utilité des lobes des oreilles ; mais de tems immémorial on a imaginé de les percer pour y pendre les ornemens qu’on a cru propres à relever la beauté, ou à faire parade de son opulence. Les voyageurs nous parlent d’indiens, tant hommes que femmes, dont les uns cherchent à se procurer des oreilles longues, & les tirent par le bas sans les percer, autant qu’il le faut pour attacher des pendans. D’autres en aggrandissent le trou peu-à-peu, en y mettant des morceaux de bois ou de métal, qu’ils remplissent successivement par de plus gros ; cette pratique commencée dès l’enfance, fait avec le tems un trou énorme dans le lobe de l’oreille, qui croît toujours à proportion que le trou s’élargit.

Les habitans du pays de Laos, & les Indiens de l’Amérique méridionale, portent à leurs oreilles de ces morceaux de bois qui, semblables à des dames de trictrac, ont un pouce de diametre. Les sauvages de la Guyane y mettent de gros bouquets de fleurs. La reine de Calicut, qui peut épouser tant de maris qu’elle veut, & les dames de sa suite qui jouissent du même privilege, ont encore celui de porter des pendans d’oreilles qui leur descendent jusque sur le sein. Les négres du Sénégal, hommes & femmes, en portent aussi qui sont faits de coquilles, de corne, de morceaux de bois ou de métal, qui pesent plusieurs onces.

On ne sait sur quoi peut être fondée cette coutume singuliere de tant de peuples, d’alonger ou d’élargir si prodigieusement les oreilles. Il est vrai qu’on ne sait guere mieux d’où peut venir l’usage de quelques autres nations de se percer aussi les narines, pour y porter des boucles, des anneaux, &c. à moins, dit l’auteur ingénieux de l’histoire naturelle de l’homme, d’en attribuer l’origine aux peuples encore sauvages & nus, qui ont cherché à porter de la maniere la moins incommode, les choses qui leur ont paru les plus précieuses, en les attachant à ces parties ; mais c’en est assez sur le bout des oreilles, passons aux muscles.

Des muscles de l’oreille externe. Les Anatomistes ne conviennent point du nombre & de la situation des muscles de l’oreille. Schellammer nie qu’il y en ait aucun, mais il est presque le seul de son avis : les docteurs Keill & Drake en admettent deux ; Cowper en reconnoît trois, l’un qui tire l’oreille en haut, les deux autres qui la tirent en bas & en arriere. Heister & Winslow en comptent aussi trois, l’un postérieur, l’autre supérieur, & un troisieme antérieur.

Le muscle postérieur a été décrit d’une façon douteuse par Colombus, mais clairement par Fallope. Il se divise peut-être assez souvent en deux ou trois, comme Morgagni l’a observé. Eustachi semble marquer la même division dans ses tables anatomiques. Daverney en fait plusieurs muscles fort grêles, division qui n’est cependant qu’artificielle, & occasionnée par la maniere de disséquer.

Le muscle supérieur, plus connu que tous les autres, a été décrit en premier lieu par Fallope. Les bonnes figures sont celles d’Eustachi & d’Albinus ; celles de Duverney sont trop droites. Il faut encore faire moins de cas de celles de Valsalva & de Cowper. Morgagni a fort bien décrit toutes les variétés de ce muscle.

Le muscle antérieur est plus difficile à découvrir, & souvent, de l’aveu de Morgagni, il manque. Ce n’est qu’un petit faisceau de fibres charnues, qui naissent sous le muscle supérieur, & qui en sont une suite.

Valsalva & Santorini ont tellement multiplié les muscles de l’oreille, qu’on a raison de leur en faire des reproches, & de mettre leur multiplication des muscles de cette partie au nombre des productions de leur imagination & de leur scapel.

Au reste, la diversité qui regne sur le nombre des muscles de l’oreille, & sur leur description, vient de plusieurs causes. 1°. De la dissection des oreilles d’animaux transportée par quelques modernes, & certainement par les anciens aux oreilles humaines. 2°. De la variété qui se rencontre non seulement dans des sujets différens, mais encore dans le même. 3°. De la diverse méthode de dissection des fibres musculaires. 4°. Du goût de la plupart des Anatomistes pour les minuties, & de la gloire qu’ils ont cru acquérir en qualifiant ces minuties de nouvelles découvertes : cependant rien n’est moins important que le nombre de ces muscles ; outre qu’ils sont fort petits, minces & grêles dans l’homme, & qu’ils paroissent à peine, nous en ignorons l’utilité. Quelle qu’elle soit, il est certain que presque tous les hommes, par habitude ou autrement, ont l’oreille immobile ; il est fort rare d’en trouver qui les puissent remuer.

Des oreilles mobiles. Il ne faut pas trop compter sur le témoignage d’Epicharme, qui donne à Hercule la propriété des oreilles mobiles. Les Poëtes comme les Peintres, ont eu de tout tems la liberté de feindre & d’imaginer : mais Justinien a été du petit nombre de gens à oreilles mobiles, car Procope le compare à un âne, non seulement à cause de sa bêtise, mais encore eu égard à la mobilité de ses oreilles. Eustachius cite un prêtre qui étoit dans le même cas. L’abbé de Marolles atteste le même fait du philosophe Crassot, qui redressoit ses oreilles quand il vouloit, sans y toucher. Vesale, l. II. ch. xiij. assure qu’il a vu à Padoue deux hommes dont les oreilles se mouvoient. Valverda, ch. ij de son anat. dit avoir vu la même chose dans un espagnol qui étoit à Rome ; & du Laurent, l. XI. ch. xij. affirme qu’il a vu ce phénomene dans quelques personnes.

Mery, célebre chirurgien de l’Hôtel Dieu, avoit si bien le libre mouvement des muscles de l’oreille, que parlant de cette partie dans un cours public, en 1695, il remua plusieurs fois son oreille droite de devant en arriere, en présence de l’assemblée qui étoit nombreuse, & composée de gens de son art. En mon particulier, je suis étroitement attaché par les liens du sang, plus encore par ceux de la tendresse & de la reconnoissance, à une dame d’un mérite rare, qui dit avec vivacité en plaisantant, & faisant mouvoir ses oreilles de haut en bas, & de bas en haut, qu’elle tient de la nature des bouriques ; & c’est bien à coup sûr, la seule chose qu’elle a de commun avec elles.

Du conduit auditif externe. En avançant vers la partie interne de l’oreille, nous rencontrons le conduit auditif, qui est d’une substance en partie cartilagineuse, & en partie osseuse, tapissée d’une peau polie, qui s’amincit insensiblement, & qui est enduite d’une matiere cérumineuse qu’on nomme cire d’oreille.

Ce canal auditif est très-propre à porter le son au dedans de l’oreille sans l’altérer, & son obliquité en augmentant les surfaces, multiplie les lieux de réflexion. Une languette cartilagineuse, triangulaire, tremblante, élevée, droite sur la cavité de la conque, située principalement au-dessus de l’orifice du conduit auditif, garnie d’un muscle décrit par Valsalva, détermine par une belle méchanique tous les rayons qui y abordent, à entrer dans le canal, sans qu’ils puissent en sortir, de quelque endroit qu’ils aient été refléchis.

Il étoit nécessaire que ce conduit fût d’une substance dure, afin qu’il pût réfléchir le son, & par son insertion oblique, la nature nous fait voir un artifice merveilleux ; car quand on est au milieu d’une chambre couverte d’une voûte ronde, si l’on jette une pomme contre quelque côté que ce soit, elle revient toujours au milieu ; & si l’on se place à un coin de la chambre, la pomme que l’on jettera contre la voûte ira toujours vers l’autre coin opposé. On peut dire la même chose de l’oreille ; si le conduit externe se rendoit en droite ligne, & perpendiculairement au tambour, les rayons sonores reviendroient dans son ouverture ; mais comme il entre obliquement dans cette cavité, les rayons sonores vont heurter contre la partie elliptique supérieure de la caisse, ainsi ils doivent revenir sur l’inférieure, c’est-à-dire vers l’endroit où sont la fenêtre ovale & la fenêtre ronde. Enfin quand il se trouve une trop grande multitude de rayons sonores, la languette triangulaire & tremblotante dont nous venons de parler, & qui est située à l’entrée du canal de l’ouie, peut tellement se dresser au moyen du muscle de Valsalva, qu’elle leur fermera à volonté le passage, comme nous faisons machinalement avec la main dans de trop grands bruits.

Il y a une membrane qui termine le conduit externe de l’oreille, nommée la membrane du tambour ou le tympan. Voyez ce mot, car il mérite un article séparé.

Quant aux poils dont le conduit auditif est garni, leur usage nous est inconnu : seroient-ils eux-mêmes sonores comme les feuilles d’arbres qui augmentent l’écho en été, ou même en forment un qui n’avoit point été apperçu en hiver, suivant l’idée de M. Perrault d’après Kircher ?

Des osselets de la caisse du tambour & de leurs muscles. Je passe à la premiere grote de l’oreille qu’on appelle la caisse du tambour, cavité irrégulierement demi-sphérique, dans laquelle on trouve d’autres cavités, savoir l’embouchure de la trompe d’Eustachi, le demi-canal osseux, la fenêtre ovale, la fenêtre ronde, & les osselets qui sont au nombre de quatre, l’enclume, le marteau, l’étrier, & l’os orbiculaire ou lenticulaire, qui est le plus petit de tous les os du corps humain.

En général ces quatre osselets sont si petits qu’ils ont été inconnus aux anciens anatomistes, & que leur découverte en est dûe à l’esprit curieux des derniers siecles. Ils different dans les animaux selon la différence de leur espece : par exemple les quadrupedes en ont quatre comme l’homme, & les oiseaux n’en ont qu’un.

L’enclume dont le corps est articulé avec le marteau, ressemble à une dent molaire, & suivant le témoignage de Massa, il a été connu dès le tems d’Alexandre Achillinus, de sorte qu’on lui attribue la découverte de ces deux osselets ; du-moins est-il certain qu’il ne faut pas l’attribuer avec Schelhammer, à Jacob de Carpi, puisque lui-même leur assigne les mêmes usages que ceux qu’on leur donnoit avant lui, & qu’il convient de plus que d’autres en avoient déjà fait mention.

L’apophyse grêle du marteau a été connue très-confusément par Vésale, mal représentée par Jérôme Fabrice, & démontrée de nouveau bien exactement par Raw, qui est resté vrai possesseur de la découverte. On dit que Foleus a fait mention de cette apophyse grêle du marteau dans une lettre écrite à Bartholin, & imprimée en 1645 ; mais cette lettre est si rare que les plus curieux, Boerhaave même ni Morgagni, ne l’ont jamais vûe, & jusqu’à présent personne n’a ôté à Raw l’honneur de l’invention. Tous nos modernes, Cowper, Cam, Heister, Nicholls, Albinus, Nesbit, Cassebhom en ont donné la figure. Le marteau est difficile à préparer, parce qu’il se rompt aisément, comme l’ont éprouvé Duverney, Valsalva & Morgagni.

Ingrassias s’attribue la découverte de l’étrier ; Vésal y prétend aussi, & Colombus s’en vante pareillement ; mais malgré leurs prétentions respectives, cette découverte paroît dûe à Eustachi. « Je puis me rendre ce témoignage, dit-il en parlant de l’étrier, qu’avant que qui que ce fût m’en eût parlé, avant qu’aucuns de ceux qui en ont écrit l’eussent fait, je le connoissois ; je le fis voir à plusieurs personnes à Rome, & je le fis graver en cuivre, cet osselet a véritablement une figure longue & courbée en arc, qui lui a donné le nom d’étrier ». Morgagni a raison de soutenir contre Manfrédi, que sa base est solide, par-tout continue, & qu’elle n’est point percée ou ouverte comme nos étriers modernes, mais pleine comme celle des anciens. Quant aux figures de ces deux osselets, c’est à Vésale qu’on doit les premieres.

J’attribuerois volontiers avec Bartholin & Vesting la découverte de l’os orbiculaire à Jacques Sylvius ; car la description qu’en ont donné Arantius & autres prédécesseurs de Sylvius, est d’une obscurité inintelligible.

Venons aux muscles des osselets. On donne trois muscles au marteau, savoir un externe, un antérieur, & un interne. Le muscle externe ou supérieur du marteau attribué à Casserius, a été cependant indiqué & gravé par Fabricius. Je n’ose assurer si c’est un vrai muscle ou non, puisque Valsalva & Vinslow soutiennent l’affirmative contre Duverney & Morgagni.

L’étrier n’a qu’un muscle décrit premierement par Varole, mais d’une maniere très-défectueuse, puisqu’il ne décrit que ce seul muscle dans le dedans de l’oreille. Casserius le trouva en 1601, dans le cheval & le chien, le représenta d’après ces animaux, & le prit pour un ligament : personne depuis Duverney n’a douté que ce ne fût un vrai muscle.

Il est bien difficile de décider quelle est l’action de ces muscles, dans quelles occasions ils agissent, s’ils n’agissent que méchaniquement, ou si c’est la volonté qui les fait agir ? Ce dernier n’est pas vraissemblable, car un bruit nous surprend tout-d’un-coup, & le plus souvent sans que nous y songions. Il en est ici comme des mouvemens des yeux, de la déglutition, de la voix, qui s’operent par une infinité de muscles, qui concourent tous entre eux, & produisent d’ordinaire à notre insu, les fins pour lesquelles ils sont destinés. Peut-être que les muscles des osselets relâchent en partie le tympan dans les sons fort aigus, & en partie le tendent dans les sons foibles ; c’est le sentiment de Willis, de Duverney, de Perrault, de Derham, de Chéselden, de M. de Mairan, & autres.

Il ne faut pas oublier que les osselets de l’oreille ne croissent point, & qu’ils sont aussi considérables dans les enfans que dans les adultes. La membrane qui les couvre est si fine, que l’anatomiste à qui l’on doit le plus de recherches en cette partie, je veux dire Valsalva lui-même, les a cru sans périoste. Mais Ruysch n’a pas seulement démontré le contraire, comme tout le monde le sait, il a été plus loin, il a fait voir à l’Europe, par le moyen de ses injections, les vaisseaux qui se distribuent dans le périoste des osselets, & qui y sont en très-grand nombre, principalement à la plus courte & plus grosse apophyse de l’enclume.

Pour les deux fenêtres, on en doit la connoissance à l’industrie de Fallope.

De la trompe d’Eustachi. Venons au conduit qu’on appelle la trompe d’Eustachi, dire autrement & assez bien, le conduit palatin de l’oreille, mais mal & équivoquement aquéduc, parce qu’on peut très-bien le confondre avec l’aquéduc de Fallope.

On prétend, sans aucune preuve, qu’Alcméon a connu cette trompe ; mais Eustachi a mérité le nom de son inventeur, par l’exacte description qu’il nous en a laissée, sur laquelle Valsalva parmi les modernes, a su néanmoins encore renchérir ; Vésale qui l’avoit vûe avant Eustachius, n’en a point développé l’usage ni la structure.

Ce tuyau porte le nom de trompe, parce qu’il est fort étroit du côté de la caisse, & que sa cavité augmente à mesure qu’il s’en éloigne, ensorte que dans son extrémité qui répond au fond de la bouche, il forme un pavillon. La trompe est, comme on sait, un canal creusé dans l’apophyse pierreuse, qui va de la caisse vers les ouvertures postérieures des fosses nasales & vers la voûte du palais.

La conque interne de l’oreille, vaste & semblable à un corps elliptique, communique dans les cavités cellulaires de l’apophyse mastoïde, ainsi qu’avec l’air externe qu’on prend par le nez ou par la bouche. L’étui par où se fait cette communication est la trompe d’Eustachi, en partie osseuse, en partie cartilagineuse.

En conséquence de cette structure il arrive, 1°. que l’air peut entrer par le canal d’Eustachi dans ces lieux, y demeurer, s’y raréfier, en sortir, s’y renouveller, y être comprimé, & par conséquent y être ramené à la température de l’air externe. En effet, la trompe se présente tellement au canal des narines, que l’air est forcé d’y entrer, & les expériences de Cheselden prouvent que l’eau injectée, soit par les narines, soit par la bouche dans le canal d’Eustachi, passe dans les oreilles. Quand on retire son haleine, l’air y entre avec bruit, & frappe le tympan ; c’est ce que j’ai quelquefois éprouvé en nageant entre deux eaux. Duverney a vû la membrane du tympan se rompre pour avoir retenu l’air, les narines & la bouche exprès fermées.

L’air qui est reçu dans le tympan se raréfie par la chaleur, dilate la membrane du tympan vers le canal de l’ouie, & resisteroit aux tremblemens externes, ce qui engourdiroit l’ouie s’il n’étoit souvent renouvellé. De plus, il faut que l’air se renouvelle, à proprement parler, puisqu’il est constant que l’air renfermé perd peu-à-peu son ressort, & même assez vîte. L’air ne propageroit donc point les tremblemens s’il ne se renouvelloit avec tout son ressort ; c’est pourquoi, suivant Duverney, l’orifice de la trompe reçoit plutôt l’air des narines que des poumons.

Valsalva a observé qu’on devient sourd lorsque le passage à la trompe d’Eustachi est bouché. Il rapporte là-dessus deux exemples, l’un d’un gentilhomme qui perdit l’ouie par un polype qu’il avoit dans le nez, & qui s’étendoit jusqu’à la luette ; l’autre d’un paysan qui avoit un ulcere au côté gauche de la luette ; quand on y mettoit une tente trempée dans quelque remede, le patient n’entendoit rien du-tout de l’oreille gauche ; mais il recouvroit l’ouie du même côté dès qu’on tiroit la tente. Tulpius parle aussi d’une surdité & d’un tintement d’oreille causés par une tumeur au palais auprès du même canal. Derham fait mention d’un catharre qui rendoit l’ouie difficile ; mais lorsque la trompe fut débarrassée par certains mouvemens de la déglutition, ou toute autre cause, il se fit un bruit soudain qui annonça le retour de l’ouie ; tous les Médecins savent que l’esquinancie & les ulcères véroliques endommagent souvent ce sens. La nécessité de l’admission de l’air par la trompe est donc confirmée par une foule de maladies.

En conséquence de la structure dont nous avons parlé, il arrive, 2°. que les rayons sonores qui passent par les narines ou la bouche, entrent dans la conque interne de l’oreille, & suppléent ainsi à la lésion du conduit auditif ; car ceux que l’obstruction du canal auditif rend sourds ou durs à entendre, cessent de l’être quand le son est immédiatement appliqué à la trompe d’Eustachi : c’est l’expérience de Cabrole & de Fabrice ab Aquapendente.

Comme tous ces endroits sont revétus d’une membrane vasculaire, démontrée par Duverney & Ruysch, il suit, 3°. que les parties qui y sont contenues, se conservent molles, flexibles, lubréfiées, & se purgent de leurs impuretés. Effectivement le tympan se nettoie par le moyen de l’éternuëment, & les immondices sortent par le canal d’Eustachi. Morgagni, Schellammer, Naboth, ont bien des faits pour constater cette vérité ; entr’autres l’un d’eux a vû de petits globules restés dans l’oreille, sortir par la trompe en retenant son haleine. Valsalva parle d’un abscès à l’apophyse mastoïde qui se vuida par la trompe d’Eustachi.

Telle est donc l’utilité de cette trompe, de donner passage à l’air interne, d’en communiquer les vibrations à l’organe immédiat de l’ouie, de modérer les sons trop forts, de suppléer à la lésion du conduit auditif, enfin de purger la caisse, & de fournir une issue à la mucosité qui s’y trouvera.

Boerhaave fait ici deux questions :

Le canal d’Eustachi s’ouvre-t-il par l’action de son muscle interne, en même tems que la membrane du tympan tirée par cette même action, retrécit la cavité de la conque interne ? Cela n’est pas vraissemblable ; l’action de ce muscle doit être peu de chose, car il s’attache en grande partie à l’os de la trompe, & le reste paroît incapable de plier le cartilage.

L’orifice interne du canal d’Eustachi se ferme-t-il par l’application de la valvule cartilagineuse de du Laurent & de Willis ? Non, cette valvule imaginaire a été refutée par Morgagni, qui démontre d’ailleurs que les matieres de la déglutition ne peuvent entrer dans l’oreille, parce que la trompe s’ouvre vers la communication du nez avec la bouche.

Du labyrinthe & de ses parties ; le vestibule, le limaçon, les canaux demi-circulaires. La partie la plus enfoncée de l’oreille intérieure est connue sous le nom de labyrinthe, lequel est renfermé dans l’os pierreux, & est composé de trois parties que les Anatomistes appellent le limaçon, le vestibule, & les canaux demi-circulaires. Les anciens ont donné des descriptions fausses & très-embrouillées de ces parties, dont ils n’ont point connu la structure ; mais dans celle de Duverney, de Valsalva, & de Winslow regnent l’ordre, la netteté, & l’exactitude.

Le labyrinthe est tapissé d’un périoste très-fin ; ce sont apparemment des expansions membraneuses de ce périoste mal observées, dont Valsalva a fait ses zones sonores, & celles qu’il a vûes dans les brebis ne sont que l’effet du déchirement des parties. On découvre aussi dans le labyrinthe plusieurs vaisseaux sanguins, soit par le secours des injections, soit par l’inflammation, comme Winslow dit l’avoir observé. Le sieur May, anatomiste de Strasbourg, a fait voir il y a près de trente ans ces vaisseaux à messieurs de l’académie des Sciences.

Remarquons d’abord que l’os pierreux dont les parois de chaque cavité du labyrinthe sont composées, est blanc, très-dur & compacte. Par cette structure la matiere éthérée chargée des impressions des objets sonores, venant à heurter contre lesdites parois, ne perd rien de son mouvement, en sorte qu’elle le communique tout entier aux ramifications de la portion molle des nerfs de l’oreille.

Remarquons ensuite que le labyrinthe & le limaçon ne croissent pas non-plus que les osselets ; ils sont de la même grandeur dans les enfans & dans les adultes, quoique les os extérieurs de l’oreille grossissent & durcissent considérablement. La cause de cet effet, est que les os extérieurs ont un périoste bien nourri, tandis que l’intérieur est dénué de cette nourriture. D’ailleurs les os sont ici d’une dureté qui refuseroit même cette nourriture quand elle y seroit apportée.

Un de ces auteurs qui se font une étude de trouver du miracle par-tout, Niewentit, ne donne d’autres raisons de ce phénomene, que la volonté du créateur, qui, contre les lois ordinaires de la nature, a refusé l’accroissement à ces os de l’oreille, afin que l’organe étant le même dans les enfans & dans les adultes, l’impression des sons fût la même pour les uns & les autres. Il pense que si l’ouïe croissoit comme les autres organes, la voix des enfans, celle des parens, & les autres sons connus des enfans, leur viendroient étranges & sauvages, d’où naîtroient une grande confusion & une infinité d’erreurs. Mais sur quel fondement veut-on que l’accroissement des os de l’oreille changeât la sensation de l’ouïe ? Les organes de la vue, du goût, de l’odorat ne croissent-ils pas sans déranger ses sensations ? Et quoique l’ouïe ne soit pas susceptible d’un pareil accroissement, croit on que cet organe soit le même dans tous les hommes ? Cela n’est pas probable. Chacun entend à sa façon, comme chacun voit, sent & goûte aussi proportionnellement à la structure particuliere de ses organes.

Dans les canaux demi-circulaires on rencontre deux choses dignes de remarque. 1°. Ils sont tous trois de grandeur différente. Aussi l’un s’appelle le plus grand, le second le moyen, & le troisieme le plus petit. Winslow nomme le premier, vertical supérieur ; le second, vertical postérieur, & le troisieme, canal supérieur horisontal. 2°. Quoiqu’ils different souvent selon les sujets, ils gardent néanmoins les mêmes proportions entr’eux, & sont toujours semblables dans un même sujet. Valsalva rend raison de tout cela, & détermine leurs usages d’une maniere ingénieuse : il croit que comme une partie de la portion molle du nerf auditif est située dans ces canaux, ils ont été faits de grandeur différente pour s’accommoder mieux à toutes les diversités des tons ; & quoiqu’il y ait de la différence par rapport à la longueur & à la grosseur de ces canaux, en les comparant dans différens sujets, ils sont cependant toujours dans une exacte conformité entr’eux dans la même personne, à moins qu’il n’y ait quelque défaut ou discordance dans les organes de l’ouïe. Au reste, Fabricius avoit établi une infinité de canaux demi-circulaires ; mais les autres anciens Anatomistes n’en ont reconnu que trois, & il n’y en a jamais davantage.

Un mot du vestibule : c’est une cavité irrégulierement ronde, décrite par Vésale & Fallope, formée intérieurement dans l’os pierreux, & voisine du tympan. On trouve dans le vestibule, 1°. la pulpe de la portion molle du nerf acoustique ; 2°. une liqueur aqueuse, comme dans le tympan, & 3°. de l’air qui du tympan vient dans cet endroit.

Rien n’est plus admirable que la construction du limaçon, ou de la coquille spirale. C’est un canal osseux, conique, qui fait environ deux tours & demi, suivant une ligne spirale au-tour d’un cône osseux, qui par sa pointe se termine à celle du cône. On trouve dans toute son étendue l’expansion des petits nerfs acoustiques qui sont de la derniere délicatesse. L’artifice de sa construction fait voir que dans la lame spirale, qui commence par une base déterminée, & finit en un seul point, on peut assigner une infinité de cordes tremblantes également tendues : ainsi parmi ces cordes, dont le nombre peut à peine se compter, il y en aura toujours qui seront à l’unisson avec chaque son, & qui par conséquent pourront le représenter, & le porter sans altération au sensorium commune.

Des nerfs auditifs. Les portions des nerfs auditifs, ou de la septieme paire de nerfs, se distinguent eu égard aux divers degrés de leur consistance, en portion dure, & en portion molle. Les deux portions se portent dans le trou auditif interne ; la molle pénetre dans le labyrinthe par plusieurs petits trous qui y répondent, & va se perdre dans les différentes parties qui le composent. La portion dure s’insinue dans l’aqueduc de Fallope, traverse la glande parotide, lui donne plusieurs filets, & se partage en deux grosses branches, dont l’une est supérieure & l’autre inférieure. Il est difficile d’en suivre le cours.

Les derniers filamens des petits nerfs auditifs, après avoir fait leurs fonctions, & s’être distribués par les labyrinthes de l’oreille, reviennent-ils au cerveau & au sensorium commune, conformément à l’idée d’un chirurgien de Rome, dont on a gravé dans les lettres du sieur des Noues une figure représentant le décours de ces nerfs ?

Ce chirurgien de Rome, dont l’ouvrage n’a point été publié, est Simoncelli. Mais son confrere Mistichelli a prétendu, d’après lui, que la portion molle du nerf auditif entre dans le sillon du limaçon, se précipite de la pointe dans sa cavité, la pénetre, forme dans le vestibule une expansion pulpeuse, dégénere ensuite en filament grêle, entoure les canaux demi-circulaires ; enfin de l’orifice propre du plus grand de ces canaux, revient par un trou particulier dans la cavité du crâne, & ramifié, va se distribuer à la dure-mere, à la surface supérieure du cerveau, & au-tour de la glande pinéale.

C’est dommage que tout cela ne soit qu’un roman. Simoncelli & Mistichelli ont pris pour nerf, un vaisseau sanguin du limaçon, & des canaux demi circulaires. Le trou du petit nerf qui retourne dans la cavité du crâne, est un trou par lequel le nerf mou se rend au vestibule. Le reste de la description du chirurgien des Noues, est tiré de la distribution de la portion dure à la dure-mere, distribution même que Simoncelli n’avoit vue qu’une seule fois, de l’aveu de Pacchioni & de Valsalva.

Que dirons-nous de la communication de la portion dure du nerf auditif avec les branches de la cinquieme paire qui se distribuent aux parties qui servent à former & à modifier la voix, d’où naît l’accord qu’il y a entre l’ouïe & la parole ? De la communication de la seconde paire vertébrale avec les nerfs de l’oreille externe, au moyen de quoi on tourne la tête au moindre bruit ? Enfin de la communication de ces nerfs avec ceux du cœur & des poumons, qui fait aussi qu’on sent les mêmes altérations dans le pouls & dans la respiration, selon la différence des bruits ? Mais on n’est pas encore d’accord des effets de ces communications ; c’est seulement un système ingénieux pour expliquer les phénomenes de la sympathie qui se rencontre entre toutes les diverses parties de notre corps.

Des jeux de la nature sur l’organe de l’ouïe. Cet organe si composé, est en même tems un de ceux qui fournit le moins de jeux de la nature ; tandis que tous les autres sont imparfaits dans le premier âge, les osselets de l’oreille se trouvent dans les enfans aussi grands & aussi durs que dans les adultes ; & dans l’enfant de neuf mois, ils ont presque acquis leur grandeur, leur forme & leur dureté. Le célebre Ruysch croit avoir vu une fois dans le squelette d’un enfant nouveau-né que ces osselets étoient confusément attachés ensemble contre l’ordre naturel, & c’est une observation rare.

Il arrive plus souvent de rencontrer des enfans qui viennent au monde avec le canal auditif bouché par une petite membrane ; il faut y porter remede, s’il est possible, autrement ces enfans auroient le malheur d’être sourds & muets ; parce que n’entendant pas parler, ils ne pourroient apprendre aucune langue. Quand donc cette membrane est assez en-dehors pour être apperçue, il convient de la percer avec un bistouri, ou l’ouvrir avec la lancette par une incision cruciale ; l’ouverture étant faite, on introduira dans la division une espece de tente pour empêcher qu’elle ne se réunisse. La cure s’exécute ainsi facilement ; mais elle est douloureuse & très difficile, lorsque cette membrane est située bien avant dans l’oreille, parce qu’il est presque impossible de percer ou d’enlever la membrane qui cause la surdité sans offenser celle du tympan. Je ne sai point d’exemple d’opération heureuse dans ce dernier cas. Auteurs. Les anciens anatomistes n’ont point connu les parties intérieures de l’oreille humaine, & j’en trouve la raison, 1°. dans la difficulté de découvrir les diverses parties de cet organe, qui sont la plûpart cachées dans des os très-durs ; 2°. parce que cette administration anatomique est fort embarrassée, & demande d’être variée pour appercevoir tantôt une partie, tantôt l’autre : 3°. parce que ces parties sont très-délicates & très-petites. Mais comme les anatomistes modernes ont eu plus de succès, récapitulons par ordre de date leurs travaux & leurs découvertes.

Vésale donna les vraies figures de deux des osselets internes de l’oreille.

Eustachi a depuis fait connoître le premier la trompe dont il est l’inventeur, l’étrier, le muscle nommé muscle d’Eustachi, la corde du tympan, la portion molle, &c. Voyez son ouvrage de auditûs organis, Romæ 1562, in-8°.

Ingrassias (Jean-Philippe) mort en 1580, âgé de 70 ans, assure qu’il a de son côté découvert à Naples en 1546, l’étrier, troisieme osselet de l’oreille, & qu’il l’a nommé tantôt scapha, & tantôt l’os deltoïde.

Fallope (Gabriel) a rendu de nouveaux services à l’anatomie de cette partie. Il a décrit dans ses observations, l’étrier, l’aqueduc, les deux fenêtres, les canaux demi-circulaires & le limaçon. Il est mort à Padoue en 1563, âgé de 39 ans.

Albertus (Salomon) a le premier décrit la coquille de l’oreille dans son livre intitulé, historia plerarumque humani corporis partium, Witteb. 1583, in-8°.

Fabricius d’Aquapendens a ajouté peu de choses à ses prédécesseurs. Il en a oublié plusieurs qui appartenoient à la gloire de Fallope, & a fait graver d’assez mauvaises figures.

Casserius a pris beaucoup de ses devanciers ; il paroît cependant avoir représenté le premier les muscles obliques & externes du marteau, & d’avoir tâché de s’instruire par l’anatomie comparée. Son histoire anatomique de auris auditus organo a été imprimée pour la premiere fois à Ferrare en 1600, fol. reg. L’auteur est mort en 1605, âgé de 60 ans, & pendant que son maître Aquapendens vivoit encore.

Folius (Cœcilius) passe pour avoir découvert l’apophyse du marteau ; & l’on doit convenir qu’il n’a pas mal décrit les parties du labyrinthe de l’oreille. Son livre intitulé aurium internarum delineatio, a paru Venet. 1645, in-4o.

M. Perault (Claude) a non-seulement traité physiquement la matiere du son, mais il a décrit encore avec exactitude la fabrique de l’organe de l’ouïe. On ne lui a point rendu toute la justice qu’il méritoit ; cependant il n’a rien avancé dans la description de cet organe, qu’après l’avoir vu distinctement. Ses figures sont belles, & faites sur ses propres desseins. Je ne loue pas ses explications, parce qu’elles sont fondées sur des fausses hypotheses. Il a précédé Méry & Duverney dont nous allons parler.

La description de l’oreille de l’homme par Méry vit le jour à Paris en 1681, in 12, avec fig. mais elle ne renferme rien de nouveau.

Il n’en est pas de même du traité de Duverney (Joseph-Guichard). Cet habile homme a le premier fait connoître parfaitement le muscle de l’étrier, les glandes cérumineuses, le limaçon, la portion molle, les canaux demi-circulaires, & plusieurs autres choses qu’il a mises dans tout leur jour. Son ouvrage a été imprimé à Paris en 1683, in-12. C’est la bonne édition ; & les figures qui sont d’une grande beauté, ont fait desirer la publication de tout ce qu’il avoit composé sur les autres sens.

Shellammer (Christophorus) a lu avec fruit les auteurs qui l’ont précédé, & a joint dans son ouvrage la Physique à l’Anatomie ; mais il a fait dans ce dernier genre quelques fautes grossieres, entr’autres sur la corde du tambour & les canaux demi-circulaires. Son livre intitulé de auditu liber unus, a été publié à Leyde en 1684, in-8°.

Valsalva, né à Imola en 1666, a fait aussi des merveilles sur cette partie. Il a trouvé les petits muscles de l’oreille, a rétabli la structure & les muscles de la trompe, & y en a ajouté un troisieme nommé le palato-salpingée ; il a pris plus exactement la dimension des canaux demi-circulaires, & a considérablement augmenté la physiologie de l’oreille. Il a relevé quelques fautes de Duverney, & en a fait aussi lui-même ; tant la structure de cet organe est délicate & cachée ! La premiere & la belle édition du traité de Valsalva parut Bonon. 1704, in-4°. avec fig.

Vieussens (Raymond) a mis au jour son traité de la structure du cœur & de l’oreille à Toulouse en 1714, in-4°. avec fig. Ce livre est devenu rare ; cependant l’auteur, dans son traité de l’oreille, n’est guere que le copiste de Duverney ; ses descriptions mêmes sont embrouillées, & de plus ses figures sont obscures & mal gravées.

M. Winslow ne doit pas craindre un tel reproche ; car on trouve dans sa description de l’oreille l’ordre, la netteté, la précision & l’exactitude qui brillent par-tout dans son anatomie.

Cassebhom (Joan. Frid) est le dernier écrivain qui ait fait un traité exprès sur l’oreille de l’homme. Il est imprimé en latin, Francof. 1734, in-4°. avec fig. c’est un bon recueil, mais qui renferme peu de choses au-delà des découvertes de Duverney & de Valsalva.

A tous ces auteurs, on joindra les observations de Morgagni, de Manfredi, de Santorini & autres, répandues dans les mémoires de l’académ. des Sciences, & dans les Transactions philosophiques. Enfin les curieux savent que Ruysch, Albinus, Nicholls ont fait de leur côté de belles préparations & injections de diverses parties de l’oreille.

Quelques anatomistes, comme M. Hunauld, ont essayé de faciliter la connoissance de l’organe de l’ouïe en taillant des coupes d’os de grandeur double, triple ou quatruple de toutes les parties de l’oreille. M. Martiani, médecin sicilien, eut l’honneur de présenter en 1743 à l’académie des Sciences de semblables coupes artistement sculptées en bois de tilleul, au nombre de sept, qu’on peut voir au cabinet du roi, & dont M. Daubanton a donné l’explication & les figures dans le troisieme tome de l’explication de ce cabinet.

En un mot, les modernes n’ont rien oublié pour nous procurer des connoissances de l’organe de l’ouïe, mais s’ils sont parvenus à exciter notre admiration sur son artifice, ils n’ont pas été assez heureux pour le dévoiler un peu complettement, & selon toute apparence on n’y parviendra jamais. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Oreille, les maladies chirurgicales de l’oreille ne sont pas en grand nombre, elles méritent cependant une attention particuliere : si elles étoient plus nombreuses, il s’éleveroit sûrement une espece de chirurgiens pour les traiter exclusivement, comme les maladies des yeux. Le conduit de l’oreille peut être bouché par vice de conformation par une membrane. Si cette cloison est profondément située dans le conduit auditif, il faut de la prudence pour y porter l’instrument tranchant. Si elle est superficielle, on la fend sans grand inconvénient. Il faut faire l’incision cruciale, & mettre dans le conduit une tente de charpie pour écarter les lambeaux de la membrane, jusqu’à ce que la consolidation des plaies soit faite.

Il arrive quelquefois à la suite des abscès de l’oreille, des excroissances charnues qu’il faut détruire. Fabrice de Hilden fait mention d’une caroncule de cette nature, qu’il a extirpée en partie. Les racines étoient trop profondes pour pouvoir être saisies avec des pincettes, il se servit de caustiques portés avec la plus grande circonspection au moyen d’une bougie, & parvint à détruire le principe du mal.

Les corps étrangers qui s’insinuent dans le conduit de l’oreille y causent quelquefois des douleurs extraordinaires, qui excitent même le délire & des convulsions. Le même Fabrice de Hilden a tiré, au bout de huit ans, une boule de verre qui avoit été la cause de symptômes très formidables. Il se servit d’une curette, après avoir coulé de l’huile dans l’oreille pour graisser le passage. On pourroit se servir de tire-fonds pour l’extraction de corps étrangers qui en permettroient l’usage. Il ne faut point employer des pincettes ni d’autres instrumens contre les insectes qui sont dans les oreilles : on les fait avancer vers la membrane du tambour, où ils excitent par le chatouillement des douleurs excessives. Il est plus convenable d’injecter de l’huile ou de l’esprit-de-vin dans l’oreille pour faire mourir l’animal. On le retire après si l’injection ne le fait pas sortir.

Bien des gens sont sourds par une cause toute naturelle : c’est la réplétion du conduit auditif par l’humeur cérumineuse qu’on y a laissé accumuler, & qui s’y est endurcie. L’huile d’amandes ameres tiede fond peu à-peu cette matiere, & on la détache avec une curette des parois du conduit. La plûpart des cures de surdité faites par le moyen des injections, n’ont été que l’effet de la désopilation du conduit, & de l’extraction de la matiere cérumineuse, qui semble quelquefois pétrifiée.

On injecte dans l’oreille des liqueurs anodynes, mondifiantes, résolutives, détersives, &c. Pour remplir différentes indications dans les ulcérations de l’oreille, avec ou sans carie, nous parlerons des injections par la trompe d’Eustache, à la suite du mot anatomique Trompe.

Nous ne ferons point mention de la cautérisation du cartilage antifrage de l’oreille contre la douleur des dents, parce que c’est un remede très-infidelle, qui peut bien dissiper pour un tems très-court l’odontalgie, mais qui ne peut absolument être curatif. Voyez Odontalgie.

Nous renvoyonsl’explication des instrumens acoustiques au mot Surdité. (Y)

Oreille, (Seméiotique.) Les signes que les oreilles peuvent fournir, se tirent ou de l’état extérieur de ces parties, ou des phénomenes relatifs à leur usage, c’est-à-dire, à l’ouïe : nous allons détailler les premiers, les autres seront exposés aux articles Ouïe & Surdité. Les oreilles froides, transparentes & resserrées, annoncent une mort prochaine ; Hippocr. aphor. 14. lib. VIII. L’inversion des lobes est aussi un mauvais signe ; progn. lib. I. n°. 3. Tel est l’état des oreilles dans cette funeste altération du visage, qu’on appelle face hippocratique. Une douleur opiniâtre d’oreille avec une fievre aiguë & quelque autre signe peu favorable, indique la mort dans sept jours pour les jeunes gens, & même plutôt s’ils sont dans le délire, à moins qu’il ne sorte beaucoup du pus par les oreilles, ou du sang par le nez, ou qu’il ne paroisse quelque bon signe : les vieillards dans qui ces accidens se rencontrent, n’ont pas à craindre une mort si assurée & si prochaine, soit parce que ces douleurs leur sont plus familieres, comme Hippocrate le remarque ailleurs, soit parce que les oreilles leur suppurent plutôt & qu’ils délirent moins ; cependant plusieurs éprouvent en conséquence des rechûtes auxquelles ils succombent ; coac. prænot. cap. v. n°. 1 & 11. Les rougeurs qui surviennent aux douleurs d’oreille pendant les fievres, dénotent une érésipelle future au visage, ou quelquefois elles précedent des convulsions avec exsolution & interception de voix, n°. 12. Les tumeurs aux oreilles, à la suite des excrétions fétides, paroissant trop tard, avec une fievre aiguë & tension des hypocondres, sont un signe mortel ; celles qui viennent dans de légeres paralysies, sont aussi mauvaises : s’il en survient dans le cours des maladies chroniques qui ne suppurent pas, on doit s’attendre à la mort du malade ; il arrive souvent alors que le ventre se lâche ; les douleurs de tête n’accompagnent elles pas la formation des abscès à l’oreille ? les malades dans ce cas ne suent-ils pas par les parties supérieures ? n’ont-ils pas par-dessus des frissons ? le sommeil ne se joint-il pas au dévoiement ? les urines ne sont-elles pas aqueuses, variées, fétides, remplies de nuages blanchâtres ? coac. prænot. n°. 13, 15. Toutes ces questions qu’Hippocrate paroît faire, & qu’il ne décide pas, sont autant de faits qu’il a vû arriver quelquefois, mais qui ont besoin de nouvelles observations pour être décidées & pour avoir la force d’aphorismes.

Si ces abscès, ou ces tumeurs suppurées qui viennent aux oreilles dans les maladies longues, ne fournissent pas un pus légitime, bien blanc, & entierement dépourvû d’odeur, la mort est assurée & surtout dans les femmes. Ces abscès sont plus familiers dans les maladies aiguës & dans les fievres ardentes ; mais si, lorsqu’ils paroissent, la maladie ne cesse pas, s’ils ne viennent pas tout de suite à maturation, ou s’il n’y a point d’hémorrhagie du nez, ou si les urines ne contiennent pas un sédiment épais, le malade est dans un danger pressant, la plûpart de ces tumeurs s’affaissent ; cependant, pour régler son pronostic, il faut examiner si la maladie augmente ou diminue. Pendant que ces abscès aux oreilles persistent, l’excrétion des urines est mauvaise, & le frisson qui survient est très-dangereux ; la toux qui est accompagnée d’expectoration, sur venant à ces abscès, les dissipe plus favorablement. Id. ibid. n°. 16, 19. (m)

Oreille d’ane, (Botan.) nom vulgaire de la grande consoude, voyez Consoude, (Botan.)

Oreille de judas, (Botan.) espece de champignon, nommé par Tournefort agaricus auriculoe forma, I. R. H. & représenté par Micheli, tab. LXVI. fig. premiere, est une substance fongueuse, qui croît au-bas du tronc des vieux sureaux. Cette substance est unie & n’est percée d’aucun trou. Elle est spongieuse, coriace, membraneuse, repliée comme une oreille ; blanchâtre, grise en-dessous, noirâtre en-dessus, sans odeur, d’un goût de terre, & insipide ; elle est portée sur une queue très courte, ou plutôt elle n’en a point du tout ; mais elle est attachée à la souche de l’arbre. Quelquefois ce champignon est unique, quelquefois il est double. On lui donne, comme aux autres champignons, des qualités astringentes & dessicatives. (D. J.)

Oreille de lievre, (Botan.) par les Botanistes, bupleuron ; voyez Perce-feuille, (Botan.)

Oreille d’ours, (Hist. nat. Botan.) auricula ursi, genre de plante à fleur monopétale, en forme d’entonnoir profondément découpée. Le pistil sort du calice, il est attaché comme un clou à la partie inférieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit rond & enveloppé en partie par le calice de la fleur. Ce fruit s’ouvre par la pointe, & renferme plusieurs semences attachées à un placenta. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Ce genre de plante se nomme en anglois comme en françois bear’s-ear. Tournefort en compte vingt-sept especes qui produisent des variétés sans fin ; la plus commune auricula ursi, flore luteo. I. R. H. 120. pousse de sa racine de grandes feuilles, polies, grasses, tantôt dentelées, tantôt entieres, d’un goût amer. Il s’éleve d’entr’elles des tiges qui portent à leurs sommités des fleurs jaunes, exhalant une odeur douce & mielleuse. Chaque fleur est un tuyau évasé en entonnoir, à pavillon découpé en cinq ou six parties. Ses semences sont menues, de couleur brune, renfermées dans un fruit presque rond. Sa racine est grosse, garnie de fibres blanches. Le suc qu’on tire de sa fleur est un fort bon cosmétique. Elle croît naturellement sur les montagnes dans la Styrie, le Tirol, la Savoie, la Suisse, & autres lieux ; on la cultive beaucoup dans nos jardins. Voyez donc Oreille d’ours, Jardin. (D. J.)

Les oreilles d’ours sont très-précieuses aux curieux, tant par leurs variétés, que par l’excellence de leur odeur. Elles fleurissent en Avril, & sont pendant ce mois dans toute leur force. Les Hollandois en font leurs délices, & les Anglois ont décoré leurs nombreuses especes par les noms des personnes de la premiere qualité ; mais comme il arrive que telle espece d’oreille d’ours aujourd’hui fort recherchée, le soit peu l’année suivante, à cause qu’il en paroît sans cesse de nouvelles especes, je vais indiquer les marques estimables de cette fleur.

Une belle oreille d’ours doit, selon Miller & Bradley, se connoître à ces marques : 1°. la tige à fleur doit être forte & de résistance ; 2°. les pédicules des fleurs doivent être courts, & capables de soutenir la fleur bien droite ; 3°. le tuyau ou col de chaque fleur doit être bien court ; 4°. les fleurs doivent être grandes & régulieres ; 5°. leurs couleurs doivent être vives & bien mêlées ; 6°. leur œil doit être grand, rond, & d’un beau blanc ; 7°. leurs fleurs doivent s’étendre à plat, & ne jamais former le godet ; 8°. il faut qu’il y ait une bonne quantité de fleurs également étendues sur la tige.

Une oreille d’ours qui a ces perfections est toûjours belle ; ce n’est que de celles-là dont il s’agit de conserver la graine pour en semer & perpétuer d’autres, si on veut bien réussir. Les graines de cette fleur doivent être recueillies aussi-tôt que les tiges sont jaunes, & les gousses parvenues à leur grosseur. Lorsque l’on veut conserver leurs graines, aussi-bien que celles de toutes les autres plantes, Bradley conseille d’arracher toutes les gousses avec la tige, & de les garder dans cet état jusqu’au moment de les semer. Rien ne contribue tant à la force & à la vigueur des plantes qu’on veut multiplier de graine, que la bonne méthode de conserver les graines jusqu’au tems de la semaille, & rien ne peut nous donner de meilleures instructions, à cet égard, que la nature elle-même.

La graine d’oreille d’ours doit être recueillie dans une matinée seche, & être exposée pendant un couple de mois au soleil, quelques heures par jour, sur des feuilles de papier, jusqu’à ce qu’elle soit hors d’état de moisir. Pour-lors on la tient dans des en droits fort secs jusqu’au mois de Février, auquel tems il faut la nettoyer & la semer de la maniere suivante.

Préparez une caisse de bois de chêne ou de sapin de quatre piés de longueur, de deux de largeur, & de six de profondeur, dont le fond soit percé de trous éloignés de six pouces les uns des autres. Mettez dans cette caisse de la terre de potager bien criblée & du terreau de couche, autant de l’un que de l’autre, & mêlez-les bien. Ensuite on seme la graine sans la recouvrir de terre, on se contente de la presser sur la terre avec un bout de planche, afin de l’affaisser de maniere que la terre soit au-dessus des bords de la caisse ; alors, dans les arrosemens, la graine qui est légere ne passe point par dessus les bords. Cette pépiniere ne doit jamais être seche, car sans une continuelle humidité la graine ne leveroit pas. On couvrira cette caisse avec un réseau, afin que les oiseaux ne viennent pas la détruire. Depuis le tems qu’on la seme jusqu’au commencement d’Avril, il faut placer la caisse dans un endroit à l’ombre, de peur que le soleil ne desseche les jeunes plantes. S’il arrivoit faute d’arroser que la graine ne levât pas la premiere année, il faudroit conserver la caisse jusqu’à l’année suivante, & on en aura surement une bonne récolte.

Ces plantes venues de graine, seront assez fortes pour être transplantées aux mois de Juillet ou Août suivans, à environ quatre pouces de distance dans des carreaux de terre légere bien criblée, à un endroit où elles n’aient que le soleil du matin. Il est à propos même de les défendre de la chaleur pendant quinze jours après les avoir plantées. Au mois d’Avril suivant, on peut espérer que quelques-unes commenceront à fleurir. Pour-lors si elles ont les qualités dont on a parlé, on les transplante dans des pots, remplis ou d’une demi-charge de sable de mer, d’une charge de terre franche, & d’une charge de terre à melon, le tout passe par le crible ; ou d’une terre franche sablonneuse à laquelle on ajoute une égale quantité de terre à melon, le tout mêlé ensemble & criblé. Au reste, toutes les terres composées & les mêlanges doivent rester quelque tems en monceaux, afin que leurs différentes parties puissent s’incorporer bien ensemble avant que l’on en fasse usage. Il nous reste à parler de la maniere de faire fleurir les oreilles d’ours : la voici.

Mettez des pots sur des tablettes les uns au-dessus des autres, dans un endroit du jardin où ils ne puissent avoir que le soleil du matin ; à mesure que ces fleurs se couvrent d’une espece de duvet velouté, qui contribue beaucoup à en augmenter la beauté, il faut les couvrir pendant les pluies, qui seroient capables de détruire ce duvet & de fanner leurs couleurs. La saison favorable pour diviser leurs racines, est lorsqu’elles sont en fleur, ou vers la fin du mois de Juillet.

Les curieux fleuristes sont avertis de ne pas donner trop d’humidité en hiver aux oreilles d’ours, d’en enlever sans cesse les feuilles pourries, de ne pas laisser passer à ces fleurs le mois de Janvier, sans ôter la terre usée d’autour des racines, & de remplir les pots de nouvelle terre préparée. Enfin, on peut consulter dans ce pays un traité fort détaillé sur la culture de l’oreille d’ours. Il est imprimé à Paris, en 1745, en 2 vol. in-12. (D. J.)

Oreille de rat, (Botan.) voyez Piloselle, (Botan.)

Oreille de souris, myosotis, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposées en rond. Le pistil sort du calice & devient dans la suite un fruit qui ressemble à une corne de bœuf, & qui s’ouvre par la pointe ; il renferme de petites semences, le plus souvent arrondies & attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Oreille de souris (Mat. médic.) oreille de rat, piloselle, est très-amere ; elle est comptée parmi les plantes astringentes, vulnéraires, & détersives. Les Medecins botanistes vantent beaucoup son extrait & son suc pour la guérison des ulceres internes, & sur tout de la phthisie & de la dissenterie. Ils recommandent aussi ce remede comme capable de nettoyer les reins & la vessie des petits graviers qui occasionnent plusieurs maladies graves de ces organes, & pour guérir la jaunisse, les obstructions, les rétentions de regles, &c. Ils donnent pour un remede éprouvé contre la fievre tierce une forte infusion de cette plante dans le vin blanc prise à la dose d’environ huit onces, une heure avant l’accès.

Les feuilles d’oreille de souris entrent dans le baume vulnéraire de la pharmacopée de Paris, & en sont un ingrédient inutile. (b)

Oreille, (Conchyl.) on appelle oreille en Conchyologie, une ou deux parties plates & saillantes de celles de la charniere d’une coquille, sur-tout de celle qui est nommée peigne. Il faut distinguer les oreilles des aîles ; car aîles se dit de l’extension d’une des levres de la bouche d’une coquille ; on dit, par exemple, un murex aîlé, & l’on ne doit pas prendre cette aîle pour une oreille. (D. J.)

Oreille de mer, (Conchyliol.) nom que l’on a donné à un genre de coquillage de la classe des univalves, à cause de la grande ressemblance qu’il a par sa forme avec l’oreille de l’homme ; on ne le trouve en France que sur les côtes de Bretagne, il se tient de même que le lepas attaché contre les rochers ; sa coquille est percée de sept trous pour l’ordinaire. Tant qu’il est jeune, il y en a moins ; mais à mesure que la coquille augmente, il se forme un nouveau trou. Voyez Coquillage & Coquilles.

Aldrovandus & Rondelet ont appellé l’oreille de mer, patella fera ; ce qui la confond avec la patelle : ils l’ont mise encore parmi les bivalves, quoique rien ne fût plus opposé.

Son nom françois lui vient de sa ressemblance avec l’oreille humaine : il y a des endroits où on l’appelle ormier ; Bélon la nomme le grand bourdin ; & les Hollandois, stockfiche.

Les oreilles de mer donnent quelquefois de petites perles, dont on voit les semences dans le milieu de leur cavité, qui présente un fort bel orient. Cette partie est traversée dessus & dessous par de grandes rides ou des ondes, qui se terminent en-dehors à un œil formant une espece de volute, avec un rebord applati d’un côté, & de l’autre tout uni. Les oreilles ont un rang de trous ronds, dont il y en a ordinairement six d’ouverts. Quand le poisson veut augmenter sa coquille pour couvrir l’augmentation de sa chair, il fait un nouveau trou & en ferme un autre.

Lister met l’oreille de mer parmi les turbinées ou contournées : il dit, turbinatorum more claviculatim contorquetur, adeò ut ab aliquibus univalvibus malè annumerata est. Sur ce principe, toutes les coquilles seront turbinées, jusqu’à la porcelaine, qui a une pyramide ou clavicule contournée, qui est applatie, & qui rentre en elle-même vers son sommet.

Parmi les diverses especes d’oreilles de mer, on compte 1°. l’oreille percée à six trous ; 2°. la polie ; 3°. la verte ; 4°. la rougeâtre ; 5°. celle qui est tachetée de brun & de verd ; 6°. de forme longue ; 7°. l’oreille de mer sans trous & qui n’est point nacrée, ayant une volute en-dedans détachée de son bord.

Ce coquillage n’est pas moins connu que le lepas ; mais il ne se trouve pas si communément : nous ne l’avons en France que sur les côtes de Bretagne. Le poisson de cette coquille est ordinairement attaché au rocher à fleur d’eau, & s’y tient si fortement cramponné, qu’on a encore plus de peine à détacher sa coquille que le lepas. Il meurt incontinent après qu’on l’a détaché du rocher ; il fait quelques mouvemens, en alongeant sa tête & ses barbes qui sont au-haut de sa circonférence. Sa chair est jaunâtre & bonne à manger. On lui remarque une tête ronde, tranchée sur le dessus, avec une bouche garnie de quatre cornes, dont deux plus grandes sont peu distantes des deux autres. Les deux yeux ou points noirs sont placés au sommet des deux plus petites cornes.

Il rend ses excrémens par les trous qui sont sur la superficie de sa coquille ; & ses principaux visceres sont logés sur la bordure. Lorsqu’il est en marche, son pié déborde beaucoup la superficie de sa coquille qui est revêtue de légers sillons, lesquels tournent autour de la robe en forme de deux rangs fraisés, & vont se perdre au sommet. Sa couleur ordinairement très-variée est d’un cendré noir ; mais il y en a de vertes, de rougeâtres, avec une très-belle nacre en-dedans. Dargenville, Conchyliologie. (D. J.)

Oreille, (Critique sacrée.) ce mot se prend d’ordinaire métaphoriquement dans l’Ecriture : il signifie quelquefois exaucer. Verba mea auribus percipe Domine, Ps. v. i. Seigneur, exaucez nos prieres. 2°. Il signifie un entier dévouement : Sacrificium & oblationem noluisti, aures autem perfecisti mihi, Ps. xxxix. 7. Vous n’avez voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m’avez donné des oreilles parfaites. L’hébreu porte fodisti, par allusion à la coutume de percer avec une aleine l’oreille du serviteur, qui renonçoit au privilege de l’année sabbatique, & se consacroit au service de son maître pour toujours. 3°. Aures zeli audit omnia, Sap. j. 10. L’oreille de Dieu, qui s’appelle un Dieu jaloux, entend tout. 4°. Revelare aurem, déclarer une chose inconnue. Si perseveraveris, revelabo aurem tuam, I. Regum, xx. 13. Si le mauvais dessein de mon pere continue toujours contre vous, je vous en donnerai avis, dit Jonathas à David. 5°. Erigere aurem, exciter à entendre avec docilité. Erigit mihi aurem, ut audiam quasi magistrum, Is. l. 4. Le Seigneur me touche l’oreille, afin que je l’écoute comme un maître. 6°. Le Seigneur dit à Isaïe : laissez l’oreille de ce peuple s’appésantir, c’est-à-dire, laissez-le endurcir son cœur. (D. J.)

Oreilles de l’ancre, (Marine.) c’est la largeur des pattes de l’ancre. Voyez Ancre. (Q)

Oreille de lievre, (Marine.) une voile appareillée en oreille de lievre est une voile latine, ou à tiers point ; ce qui la rend différente des voiles à traits quarrés. (Q)

Oreille, terme d’Arts & de Métiers ; il y a quantité de chose dans les Arts & Métiers auxquelles les ouvriers donnent ordinairement le nom d’oreilles, soit parce qu’elles ont quelque sorte de ressemblance, bien qu’éloignées avec les oreilles naturelles, soit seulement à cause qu’elles sont doubles comme elles.

Les oreilles d’un ancre sont les deux bouts plats & pointus faits en langue de chat, qu’on appelle aussi pattes, qui lui servent à mordre & à tenir dans le sable.

Les oreilles d’un minot à mesurer les grains, sont les deux pieces plates qui sont attachées au ceintre pour y affermir la potence.

Les oreilles d’un chaudron, d’un sceau, d’une marmite, sont les morceaux de fer plat, dans lesquels l’anse est mobile.

On dit aussi les oreilles d’une écuelle, les oreilles d’un soulier, les oreilles d’un peigne, les oreilles d’un ballot, & quelques autres. Comme celles du peigne & du ballot semblent plus considérables que les autres par rapport au commerce ; l’on en a fait des articles particuliers. Savary. (D. J.)

Oreilles, (Hydr.) on dit les oreilles ou les oreillons d’une piece d’eau en miroir ; ce sont les petites parties échancrées & en retour, qui se joignent à celles qui sont ceintrées.

Oreille, terme d’Architecture, est le racord de deux moulures, qui tend à former un angle droit, par une forme circulaire de quart de cercle, soit en-dedans, soit en-dehors.

Oreille, (partie du métier à bas.) Voyez à Bas, Métier a bas.

Oreille, en terme de Bourserie, ce sont de petits tirans qui tiennent au dos d’un étui à livre, & qui en couvre la tranche jusque sous la patte de l’étui. Voyez Patte.

Oreille de charrue, (Agriculture.) les Laboureurs appellent ainsi la partie de la charrue à laquelle est attaché le soc, & qui sert pour tourner la terre que le soc a fendue. En plusieurs endroits l’oreille de la charrue est un petit ais triangulaire qui s’applique à la partie où se met le soc ; en sorte que par sa pointe il y sort attaché avec un crochet de fer qui est à cette pointe, & que l’on engage dans un anneau qui est proche du soc ; par l’autre bout elle s’en éloigne au moyen d’une cheville de bois, longue d’environ un pié. Ainsi l’oreille fait un angle aigu avec la partie de la charrue qui porte le soc. Cette oreille est mobile, & se met tantôt d’un côté, & tantôt d’un autre. On la change quand le sillon est achevé, & que l’on veut tourner pour en commencer un autre, afin qu’elle soit toujours en-dedans des sillons. Dans d’autres endroits, c’est la partie postérieure du bois même auquel le soc se met, & que l’on peut appeller le manche du soc, qui s’élargit, mais qui est immobile. Alors il faut labourer à deux rangs de sillons, l’un à droite, & l’autre à gauche, afin que cette oreille, qui ne se peut changer, soit toujours en-dedans du sillon, & qu’elle rejette sur les sillons déja tracés, & non pas sur la terre non encore labourée, celle que le soc coupe à mesure qu’il avance. Voyez les Pl. d’Agricul. (D. J.)

Oreille de frisquette, terme d’Imprimerie. Voyez Languette.

Oreilles, terme d’emballeur, ce sont des morceaux de toile qu’on ménage aux quatre coins d’un ballot ou d’une balle, lorsqu’on en fait l’emballage, afin que les crocheteurs, forts, ou gagne-deniers, qui ont coutume de les charger ou décharger, ayent plus de prise pour les remuer & changer de place. On leur a donné le nom d’oreilles, parce qu’en effet ils ont quelque ressemblance avec celles des animaux qui les ont les plus grandes.

Oreilles, (Luth.) ce sont dans les jeux de l’orgue de petites lames de plomb ed, fig. 32. Pl. d’orgue, minces & flexibles, que l’on soude aux deux côtés de la bouche des tuyaux bouchés & à cheminées, & qui servent à les accorder. On fait baisser les tuyaux de ton en inclinant les oreilles vers la bouche ; ce qui alonge le chemin que le vent qui anime le tuyau est obligé de faire avant de frapper l’air extérieur, & diminue la fréquence de ces vibrations. Au contraire, lorsqu’on écarte les oreilles, le chemin que le vent qui remplit le tuyau doit faire est d’autant racourci, & qu’à vîtesse égale, les tems sont comme les espaces à parcourir. La fréquence des vibrations de l’air est augmentée, ce qui fait hausser le tuyau de ton. Au moyen de ces deux opérations, il est facile d’accorder tel tuyau que l’on veut ; car s’il est trop bas, en levant les oreilles petit-à-petit, on le fait facilement venir à l’accord qu’il doit faire. Si au contraire il est trop haut, on le fera baisser on ouvrant les oreilles jusqu’à ce qu’il soit d’accord. Voyez Partition.

Oreille, (Maréchallerie.) les oreilles du cheval doivent être petites, placées haut & droites. Boiteux de l’oreille, voyez Boiteux. Redresser les oreilles, voyez Redresser. Regarder entre les deux oreilles, voyez Regarder. Couper les oreilles, voyez Couper. Aller de l’oreille, voyez Aller. Le bouquet sur l’oreille, est une marque que l’on met à l’oreille d’un cheval pour marquer qu’il est à vendre.

Oreilles, (Menuiserie.) sont les pieces qu’on met dans les angles pour les arrondir.

Oreille, en terme de Potier, c’est une espece de manche qui ne differe du manche proprement dit, que par sa forme qui est applatie & arrondie sur le bout extérieur, l’oreille a le même usage que le manche. Voyez Manche.

Oreilles, (Serrurerie.) parties saillantes qu’on laisse excéder le corps de l’ouvrage, & qui servent de guides à une autre piece, comme dans les cadenats d’Allemagne, les quatre éminences qui sont sur la tête du cadenat, entre lesquelles passent les branches du crampon.

Oreilles, (Blason.) ce sont deux petites pointes qui sont au-haut des grandes coquilles, comme à celles de saint Jacques. Ce mot se dit encore des grandes coquilles quand elles ont des oreilles aussi d’émail différent. Menétrier. (D. J.)