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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/289

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mailleur : ne devroit-elle pas exciter les artistes à placer dans leurs fourneaux, à diverses distances le l’aliment du feu, des vaisseaux contenant des matieres qui pourroient leur donner de nouvelles lumieres sur son action ?

Nous n’avons point examiné si le feu étoit plus fort par la structure des fourneaux, qu’avec plusieurs soufflets. On ne trouve point de comparaison là-dessus dans les auteurs, qui la plûpart ont dit oüi & non. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avertir que, si les soufflets ne peuvent donner un feu plus violent que celui que donne le fourneau de M. Pott par sa structure, il s’ensuit qu’il faut s’en tenir à cette derniere ; elle épargne les soufflets & leur embarras.

Mais les figures elliptiques & paraboliques n’ont pas été seulement appliquées aux fourneaux, Gauger en a encore fait usage pour ses cheminées ; il en a fait les jambages paraboliques, ou en quart d’ellipse, parce qu’il n’est question d’y refléchir la chaleur que vers leur partie inférieure, afin qu’elle entre dans la chambre : ainsi elles different des fourneaux, en ce que ceux-ci contenant le vaisseau qui doit subir l’action du feu, ils peuvent être coniques ou elliptiques par le bas, pour refléchir la chaleur vers leur milieu. Ce n’est pourtant pas qu’il n’y en ait aussi dans le goût des cheminées, c’est-à-dire de paraboliques seulement par le haut ; mais ils ne doivent pas être aussi bons par les raisons que nous avons alléguées, quoique l’air pousse le feu en haut & supplée en quelque sorte aux fonctions des courbes. Mais le tuyau des cheminées de Gauger est trop large ; son contre-cœur devroit être parabolique comme ses jambages, sans qu’on pût craindre la fumée. Ses cheminées sont imitées en quelque sorte dans les cheminées à la Nanci, qui sont en tôle & qu’on dit ne pas fumer ; ce que je crois volontiers. Leur tuyau est bien en ce qu’il n’a guere qu’un demi-pié de long sur quatre ou cinq pouces de large : mais si elles ont cet avantage sur celles de Gauger, en revanche elles ne sont pas si bien par le devant, qui fait une hotte à-peu-près parabolique comme les côtés. Ce devroit être le derriere ; il est vrai qu’elles n’auroient pas tant de grace, mais ce qui est bon doit être beau. Les jambages paraboliques de Gauger empêchent encore la fumée conjointement, avec ses ventouses & son soufflet ; on pense bien que c’est parce que cette fumée est concentrée sur la flamme, & en est brulée en partie : c’est ce qui doit arriver dans les cheminées à la Nanci, dont le tuyau est encore plus étroit ; & je crois que cette méthode doit être admise, parce que ces sortes de cheminées peuvent encore chauffer considérablement par leur tuyau, qu’il faut prolonger en tuyau de poêle.

Généralités ultérieures. Il faut que les corpuscules du feu dégagés de leur combinaison, passent à-travers les pores du fer, d’un poêle par exemple, tels qu’ils sortent à-peu-près du charbon ; car on voit sur un poêle & même sur un fourneau, le même fourmillement dans l’air que sur un réchaud dont les charbons ou la braise sont à l’air libre. On peut s’assûrer de ce phénomene en fixant la vûe sur un mur blanchi, un peu au-dessus du foyer qu’on voudra examiner ; on apperçoit un fourmillement qui fait vaciller la vûe sur le mur, soit que la direction des rayons de lumiere qui en viennent soit troublée, ou que la vapeur qui en est la cause soit visible ou fasse cette illusion. De quelque façon que cela soit, on appelle ce phénomene fourmillement, parce qu’il paroît que la sensation est la même à-peu-près que dans la maladie qui porte ce nom. Enfin qu’elle soit due ou à l’air, ou au feu, ou à une action particuliere de l’un & de l’autre, elle n’en existe pas moins, & elle est même plus visible, si le soleil éclaire l’endroit où l’on fait l’expérience. Tout le monde connoît l’effet

qu’elle produit sur les spirales qu’on attache aux poêles ; mais il faut qu’un chimiste sache que l’air qui monte avec cette vapeur, est autant de perdu pour l’intérieur de ses fourneaux : cet inconvénient n’est jamais plus sensible que quand on en allume plusieurs les uns près des autres. Le feu y est en partie suffoqué, en conséquence de la raréfaction & de la legereté de l’air environnant. La chose a également lieu quand le soleil, sur-tout en été, éclaire l’endroit où le fourneau est situé. On retient l’air qui est entraîné par cette vapeur, en fermant la cheminée & n’y laissant que le tuyau du fourneau, ensorte que tout l’air du laboratoire ne peut passer que par son soupirail.

L’effet n’est pas toûjours le même de la part du même appareil, quoiqu’on gouverne le feu avec la même exactitude : ces différences viennent de celle de l’atmosphere : car comme il est vrai à n’en pouvoir douter que tout charbon est d’autant plus animé que l’air est plus dense & le frappe avec plus de rapidité, ce qui est prouvé par le vent des soufflets ; il est évident que le feu des fourneaux sera beaucoup moins actif lorsque le tems sera chaud & mou, & que l’air de l’atmosphere sera plus leger. Barner remédie à cet inconvénient d’après Keslar & Glauber, en mettant au soupirail de ses fourneaux une trompe qui descend dans la cave ; & Charas en construisant son fourneau près d’un puits, dans lequel il descend tout près de l’eau un pareil tuyau qui aboutit à son soupirail.

Tout corps qui passe d’un milieu plus large dans un plus étroit, disent quelques physiciens, prend une accélération de mouvement ; & l’on croit expliquer par-là pourquoi une riviere est plus rapide quand son lit s’étrécit, & pourquoi l’air qui passe à-travers un fourneau acquiert une rapidité qu’il n’avoit pas. On croit aussi par la même raison que ces deux cas sont précisément les mêmes. Nous allons tâcher de faire voir que c’est, comme on dit, le feu & l’eau.

En premier lieu, nous croyons qu’une riviere ne devient plus rapide quand son lit s’étrécit, que parce que l’eau ne pouvant plus couler avec la même facilité, s’arrête, s’éleve & retarde celle qui est derriere, laquelle étant aussi devenue plus élevée, a nécessairement plus de poids, & doit pousser avec plus de violence l’eau qui est devant elle. Peu importe que ce soit à une écluse, ou à un pont, ou dans son lit, la chose est la même ; & il faut croire qu’elle perd encore de cette rapidité par le frottement que M. Bouchu a découvert qu’elle éprouvoit en passant dans un canal étroit ; mais elle peut gagner du terrein en-dessus, au lieu que l’air ne peut pas faire la même chose dans un tuyau dont toutes les parois ne lui laissent aucune ressource pour s’étendre : l’eau d’ailleurs reste la même, & l’air se raréfie.

En second lieu, s’entend-on bien quand on dit que l’air accélere son mouvement, parce qu’il passe d’un lieu plus large dans un lieu plus étroit ? Si l’on approche la main du tuyau d’un fourneau horisontal qui n’est point allumé, on n’y sent point d’air du tout ; cependant l’air n’est jamais tranquille, & on devroit le sentir sans feu comme avec du feu dans un fourneau. Gauger n’a dû sentir l’air sortir du tuyau de cuivre de quatre pouces de diametre, que quand il l’a exposé au feu, & point avant. Je sens qu’on me répondra que rien ne détermine l’air à enfiler un tuyau froid, & qu’il faut pour cela le concours du feu : mais le tuyau de Gauger étoit cylindrique ; d’ailleurs m’étant trouvé devant le soupirail d’un grand fourneau anglois, j’ai senti l’air frais qu’il attiroit, & cet air n’avoit certainement pas passé d’un endroit plus large dans un plus étroit, car il n’étoit pas