Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore entré dans le fourneau ; & quand il fait du vent, est-ce que l’air de l’atmosphere passe d’un endroit plus large dans un plus étroit ?

C’est donc uniquement à la raréfaction de l’air par le feu, qu’il faut attribuer le jeu qu’il éprouve dans les fourneaux. L’air le plus chaud est le plus leger, & l’air le plus leger & le plus chaud est le plus élevé dans une chambre, comme Gauger l’a éprouvé par le thermometre & par le tuyau exposé à une chandelle, & d’autres physiciens avant & après lui. Ainsi toutes les fois qu’il y a du feu allumé quelque part, il raréfie l’air en tout sens, & le rend plus leger ; mais cet air plus leger monte au-dessus de celui qui est plus pesant, & d’autant plus rapidement qu’il est plus leger : plus le feu est violent, plus il raréfiera l’air & le fera monter rapidement ; mais cette raréfaction sera d’autant plus considérable, que l’air sera plus long-tems exposé au feu, & il le sera plus dans un long tuyau que s’il n’y en avoit point-du-tout ; & d’ailleurs ce tuyau lui-même est fort chaud, puisque la flamme le surmonte encore. Ainsi le tuyau mis sur un dôme servant à la raréfaction de l’air qu’il enferme, occasionnera nécessairement l’abord rapide de celui qui tend à se mettre en équilibre en frappant le cendrier, lequel traversera le charbon avec d’autant plus de vivacité qu’il trouvera moins d’obstacles ; & il en trouve très-peu, parce que l’air y est très-rare, & que la colonne est très-longue : il devra donc monter avec d’autant plus de rapidité, qu’il a plus de place à occuper ; mais il ne peut passer lui-même à-travers ce canal embrasé, qu’il ne subisse la même raréfaction, & une raréfaction plus considérable dans le second instant que dans le troisieme. Il passera donc plus rapidement, & augmentera conséquemment le mouvement ou la chaleur ; ensorte que la colonne qui lui succédera, sera encore plus raréfiée & suivie d’une autre plus rapide, & ainsi de suite. Tels sont les accroissemens successifs & rapides de la chaleur dans les premiers instans qu’on met un tuyau sur un dôme : mais cela ne va que jusqu’à un certain point.

Les descriptions particulieres que nous avons mises à la tête de cet article, peuvent apprendre à construire des fourneaux, qui sont des objets particuliers : voici actuellement les corollaires généraux qu’on en peut tirer, qui ne servent guere qu’à satisfaire la curiosité ; parce qu’on ne bâtit point de fourneau en général, & qu’il est impossible de les appliquer à des objets qu’on ne connoît pas. La partie la plus essentielle d’un fourneau, celle pour qui toutes les autres sont faites, c’est le foyer, ou le lieu où le feu est tenu, animé, & déterminé. Mais comme le feu qui a besoin d’un aliment continuel ne peut subsister sans une cheminée qui dérive la fumée, & un soûpirail qui donne passage à l’air, & enfin une porte pour introduire sa pâture ; on a dû voir aisément quelles réflexions on pourroit tirer de leur construction. En second lieu, quand on a bâti un fourneau, on y a toûjours eu en vûe d’y conserver l’énergie du feu animé, de façon qu’elle ne pût se dissiper en vain, & que tout au contraire elle fût déterminée dans les endroits où elle est nécessaire pour y exercer son action. En troisieme lieu, on y a ménagé un endroit propre à contenir les vaisseaux chargés de la matiere à altérer, afin qu’ils pussent y subir l’action du feu uniformément, & dans le degré qui convient, jusqu’à ce que l’opération fût finie.

Le meilleur fourneau dans son genre sera donc celui qui sera capable de produire les effets qu’on en attend, avec le moins de frais qu’il sera possible, autant de tems qu’on le voudra, avec toute l’égalité qu’on peut souhaiter, & de façon qu’on puisse le gouverner aisément, c’est-à-dire sans trop de peine de la part de l’artiste, & sans qu’il soit obligé à une

présence continuelle. La premiere condition est remplie, si le fourneau est construit de façon que la chaleur excitée soit toute appliquée au corps à changer, sans trop de dépense. On obtient cet avantage si le fourneau est fait d’une matiere très-solide, & si la surface intérieure est figurée de façon à déterminer dans le lieu destiné les forces qui se développent & sont dardées par la pâture du feu. La fabrique pourra aussi en être telle que l’artiste soit sujet à peu d’assiduités, pour fournir de quoi entretenir le feu. On remplit la seconde, quand la matiere combustible bien choisie se consume le plus lentement qu’il est possible, en fournissant toutefois la chaleur nécessaire. On a cet avantage quand le foyer, la cheminée, & les regîtres sont entre eux dans des proportions convenables. C’est en conséquence de ce que nous avons dit, que d’habiles artistes remplissent leur fourneau de charbon ; ensorte qu’ils ne sont obligés d’y en remettre de long-tems. La troisieme condition, & la plus nécessaire de toutes, c’est qu’on puisse soûtenir long-tems le feu sans augmenter ni diminuer son degré. La Chimie prouve qu’un degré de feu donné produisoit un effet déterminé sur chaque corps ; & que quand l’action du feu étoit forte ou foible, les produits étoient différens ; en sorte que ce mélange confus de produits chimiques, étoit le résultat de ces alternatives d’augmentations & de diminutions. D’ailleurs on sait qu’elles changent la nature d’un corps, de façon qu’il n’est plus le même à chaque degré de feu déterminé. Car s’il arrive qu’en se servant du même feu pour les opérations chimiques, on confonde ses degrés d’une façon dans une opération, & d’une autre maniere dans une autre, le même corps ne donnera pas le même produit. C’est ce qui donne lieu à des erreurs souvent dangereuses. On a vû que l’artiste en construisant ses fourneaux, avoit pensé d’abord à la quantité de matiere combustible que le foyer devoit recevoir, contenir, entretenir. En second lieu, à l’espece de matiere qu’il y vouloit mettre pour ce qu’il avoit à faire. En troisieme lieu, à la force du feu requise pour chaque opération en particulier ; par la raison qu’égale quantité de la même matiere peut produire dans le foyer du même fourneau toutes les nuances de chaleur qui s’étendent depuis le plus foible degré jusqu’au plus fort, & cela d’une façon soûtenue. En quatrieme lieu, à se ménager la facilité de donner à son foyer l’accès de tout l’air qui lui est nécessaire ; il faut encore qu’il soit en état d’apprécier la force avec laquelle il frappe le foyer, soit qu’il y soit déterminé par le jeu ordinaire que lui donne ce foyer, soit qu’il y soit poussé par les soufflets : & enfin qu’il examine les différens états de l’athmosphere, comme la pesanteur, la legereté, l’humidité, la secheresse de l’air, sa froidure & sa chaleur. Car quand le barometre annonce que sa pesanteur est considérable, que cette pesanteur est accompagnée d’une grande secheresse, & qu’en même tems un froid vif roidit tous les corps, on peut s’attendre que le feu sera de la plus grande vivacité. Cinquiemement enfin, on a fait attention à l’issue qu’il falloit donner au feu qu’on vouloit allumer dans le foyer. On a vû qu’il ne falloit pas compter sur une grande activité de la part de celui qui auroit pû s’échapper aisément de toutes parts, & par de grandes ouvertures : mais qu’on pouvoit tout se promettre de l’action du feu, dont les forces réunies étoient déterminées vers le point auquel l’artiste avoit intention de faire subir ses effets. Nous avons indiqué en détail les circonstances particulieres, où tout ce que nous venons de dire en général ou d’une maniere vague, pourra trouver son application & ses exceptions ; & nous finirons par ce corollaire ultérieur, qu’un usage aveugle nous a obligé de changer en une définition