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ces vaisseaux, & les relâcher par la raréfaction qui s’ensuit, ce dernier effet sera toûjours d’autant moindre, qu’il sera plus contre-balancé par celui du froid extérieur, qui cause le resserrement de ces vaisseaux ; parce que le relâchement seroit bien plus considérable, tout étant égal, par l’effet de la cause interne de la chaleur, si ce froid extérieur ne s’y opposoit pas ? Ainsi, ne peut-on pas conclure de-là, qu’il reste toûjours que le resserrement doit être plus considérable par les effets du froid, qu’il n’est empêché par les effets synchrones de la chaleur dont il occasionne la génération ? d’où doit résulter plus de frottement, plus de chaleur par conséquent dans le cas du froid externe, que dans le cas opposé. Ne peut-on pas concevoir ainsi une contrenitence continuelle entre la cause de la chaleur animale & le froid extérieur ? D’où on peut inférer que dans l’hyver, la chaleur animale appartient davantage à l’animal même ; que dans l’été elle appartient plus aux causes externes ; qu’il y a donc en quelque sorte moins de vie dans les animaux en été, qu’en hyver ; puisqu’il y a moins d’action vitale ; que l’on est plus fort, plus vigoureux en hyver, tout étant égal ; parce que le froid, qui condense tous les corps en tenant les vaisseaux dans un état de plus grande constriction, & en donnant lieu par-là à l’augmentation des résistances, occasionne plus d’action, plus d’efforts par conséquent de la part de la puissance motrice pour les vaincre ; d’où l’augmentation du mouvement progressif, des humeurs, plus de frottement dans les capillaires, plus de chaleur, sans que ces efforts, ce mouvement, puissent être regardés comme des effets de fievre proprement dite, puisqu’ils augmentent sans diminution de forces ; au contraire, attendu que l’augmentation d’action dans les solides procure une plus grande élaboration, une plus grande atténuation d’humeur, d’où résulte une préparation, une secrétion plus abondante de fluide nerveux ; plus de disposition par conséquent au mouvement musculaire, à l’exercice : au lieu qu’en été la raréfaction des solides en général, par la chaleur extérieure diminue l’élasticité des fibres des animaux, en diminuant la cohésion de leurs parties élémentaires ; d’où tout étant égal, résulte moins de jeu dans leurs vaisseaux ; d’où s’ensuit dans les grandes chaleurs une presqu’atonie universelle, une diminution proportionnée de l’action des organes vitaux ; d’où le ralentissement du cours des humeurs dans les capillaires, le relâchement de ces vaisseaux, le moins de frottement des globules sanguins, moins de chaleur qui est l’effet de ce frottement, moins de résistance au cours des humeurs dans tous les vaisseaux ; conséquemment moins d’efforts de la puissance motrice, pour surmonter cette résistance ; d’où moins d’attrition, d’atténuation de la masse des humeurs, d’élaboration, de secrétions du fluide nerveux; d’où enfin la foiblesse, l’abattement que l’on éprouve toûjours par une suite de la chaleur de l’atmosphere : d’où s’ensuit, que les hommes obligés à se livrer à de grands travaux, à de grandes peines de corps, les soûtiennent mieux dans les tems froids, ont plus de forces, plus d’appétit pour les maintenir, que dans les tems chauds. C’est sans doute par cette considération, que Dioclès medecin contemporain d’Aristote, dans sa lettre à Antigonus, roi d’Asie, qui contient plusieurs préceptes, concernant la conservation de la santé, donne pour maxime, en forme d’aphorisme, qu’il faut prendre plus d’alimens, boire moins en général, & boire davantage de vin pur, à-proportion qu’il fait plus froid ; & qu’il faut par conséquent manger moins, boire davantage, & boire son vin plus trempé, à-proportion que les chaleurs augmentent. On peut donc conclure de ce qui vient d’être dit, que le plus ou le moins de constriction

dans les vaisseaux en général, & dans les vaisseaux capillaires en particulier, influe principalement sur tous ces effets, comme sur le plus ou le moins de génération de la chaleur animale ; ainsi l’on peut concevoir que cette chaleur y est produite, sans qu’elle fasse en même tems cesser le resserrement de ces mêmes vaisseaux, qui est la condition efficiente : ainsi l’assertion du docteur Douglas qui établit ce resserrement, & en conséquence le frottement des globules sanguins dans les capillaires, comme cause de la chaleur animale, semble subsister sans atteinte à l’égard de la premiere objection : passons à la seconde.

On ne peut que convenir avec tous les Physiologistes, que le mouvement du sang est très-lent dans tous les capillaires ; que le degré de cette lenteur doit varier à-proportion des résistances, & par conséquent qu’elle augmente avec le plus de resserrement causé par l’augmentation du froid. Mais n’y a-t-il pas lieu de penser qu’il augmente ce ralentissement du cours des humeurs, seulement jusqu’à ce que les forces vitales par la disposition naturelle de la puissance motrice, ayent surmonté les résistances qui le causent, sans changer l’état de resserrement des solides, c’est-à-dire jusqu’à ce que les humeurs ayent éprouvé l’effet de l’augmentation du ressort dans tous les vaisseaux, la plus grande action qu’ils exercent en conséquence sur elles ; que celles ci en soient en général plus affinées, & que les globules sanguins en particulier soient desunis au point de pouvoir passer l’un après l’autre dans les extrémités capillaires, & même d’être forcés à s’alonger, à prendre la forme ovale ; ce qui les rend propres à opérer plus de frottement, à-proportion qu’ils touchent les parois des vaisseaux par des surfaces plus étendues ; qu’il se fait par conséquent entre eux un frottement plus considérable qu’il ne se faisoit, lorsqu’il passoit plus d’un globule à la fois, & qu’ils touchoient aux parois des vaisseaux par moins de points : ensorte que l’on peut concevoir ainsi, que le mouvement des humeurs dans les capillaires redevient aussi peu lent qu’il étoit avant le resserrement, sans que le resserrement en diminue d’aucune façon, dans la supposition que la cause en subsiste toûjours. Or comme la faculté de procurer la sensation du froid est attachée à l’impression qui résulte de la diminution du mouvement intestin causé par l’action du feu, au-dessous de celui qui constitue notre chaleur naturelle : que la cause de cette diminution dépende du froid de l’atmosphere, ou d’une gêne dans le cours du sang, occasionnée par un resserrement spasmodique des vaisseaux, ou par épaississement des humeurs ; il est aisé ensuite de ce qui vient d’être dit, de rendre raison pourquoi est-ce qu’on est si sensible au froid, lorsqu’on passe tout-d’un-coup d’un milieu qui est d’une température plus approchante de notre chaleur, à une température bien plus froide. N’est-ce pas parce que celle-ci produit si promptement le resserrement des capillaires cutanés, qu’elle y forme à-proportion de plus grandes résistances au cours des humeurs qui se ralentit aussi à-proportion ? d’où la sensation du froid, ainsi qu’on l’observe à l’égard des changemens subits du chaud au froid dans l’air, qui ont lieu sur-tout en automne, tems auquel on éprouve plus de sensibilité à ce changement de température, qu’on n’en éprouve dans le tems de la gelée la plus forte, quoique dans le premier cas, les effets du froid soient absolument moins considérables, quoiqu’il se fasse alors une moindre constriction dans les capillaires, & qu’il en résulte absolument moins de résistance au cours des humeurs. Cette résistance est respectivement plus effective, parce que le relâchement des solides subsistant encore intérieurement, la puissance motrice ne peut augmenter ses efforts,