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niere façon à la forme, pour la mettre dans sa perfection ; ce qui se fait avec un frottoir de peau de chien de mer. Voyez Frottoir ou Baton.

FROTTIS, s. m. terme de Peinture ; voyez Glacer, Glacis.

* FROTTOIR, s. m. en terme de Boyaudier, c’est un tissu de crin, avec lequel on frotte les cordes à boyau pour les débarrasser des graisses ou autres matieres qui n’en sont point tombées dans les opérations antérieures.

* Frottoir, terme de Chapelier, c’est une espece de petite pelotte de quatre ou cinq pouces en quarré, dont les Chapeliers se servent pour donner le lustre à leurs chapeaux. Le frottoir est un petit sac rempli de crin ou de bourre, & couvert de velours d’un côté & de drap de l’autre. Voyez Chapeau & Chapelier, & les Planches du Chapelier.

* Frottoir, terme de Corderie, est une planche d’un pouce & demi d’épaisseur, solidement attachée sur la même table où sont les peignes. Cette planche est percée dans le milieu d’un trou de trois ou quatre pouces de diametre, & sa face supérieure est tellement travaillée, qu’elle semble couverte d’éminences taillées en pointes de diamant.

Quand on veut se servir de cet instrument, on passe la poignée de chanvre par le trou qui est au milieu ; on retient avec la main gauche le gros bout de la poignée qui est sous la planche, pendant qu’avec la main droite on frotte le milieu sur les crenelures de la planche ; ce qui affine le chanvre plus que la préparation qu’on lui donne sur le fer : mais cette opération le mêle davantage, & occasionne plus de déchet.

* Frottoir, en terme d’Epinglier, c’est une espece de coffret de bois, dans lequel on entonne, pour ainsi dire, les épingles pour les sécher avec le son. Elle est suspendue sur deux montans ; on la tourne avec deux manivelles. Voyez Secher, & les Planches de l’Epinglier.

Frottoir, chez les Formiers, voyez Baton, & la fig. prem. Pl. du Cordonnier-Bottier.

Frottoir, terme de Perruquier, est un linge que les Barbiers mettent sur l’épaule de la personne qu’ils rasent, & dont ils se servent pour essuyer leur rasoir, à mesure qu’il est chargé du poil coupé mêlé avec le savon.

Frottoir, outil de Relieur ; il doit être de fer mince par les deux bouts, & épais dans le milieu ou la poignée ; il en faut pour les petits volumes & pour les gros. On l’appuie sur le dos des livres, lorsque la colle est seche, & sert à en ôter les inégalités pour que le veau n’ait rien qui lui fasse faire la grimace. L’ouvrier le tient à deux mains, & doit prendre garde de bien arrondir le dos, de ne point épater les têtes, ni pincer les queues, ni déchirer le parchemin. Voyez Pl. prem. de la Relieure, fig. N.

* FROTTON, s. m. terme de Cartier ; c’est un instrument composé de plusieurs lisieres ou bandes d’étoffe roulées les unes sur les autres, de maniere que le bas en est plat & uni, & que le haut qui lui sert de manche est terminé par une espece de cone. Le frotton sert à-peu-près aux mêmes usages chez les Cartiers, que les balles chez les Imprimeurs. Voyez les Planches du Cartier.

FROU, (Jurisprud.) dans quelques coûtumes, signifie un lieu public & commun à tous. Voyez l’ancienne coûtume d’Orléans, article 167, & ci devant au mot Frocs. (A)

FROWARD, le cap. (Géog.) & par les François le cap d’Avance, cap des terres magellaniques sur la côte méridionale de l’Amérique : c’est celui qui avance le plus dans le détroit de Magellan, & qui fait le coude de ce détroit. M. Frezier le place par le 54e degré de lat. & le 308d 45′ de long. (D. J.)


* FRUCTESA, s. f. (Mythol.) déesse qui veilloit à la conservation des fruits.

FRUCTIFIER, v. n. (Jardinage.) ou rapporter du fruit. Voyez Fruit.

FRUGALITÉ, (Morale.) simplicité de mœurs & de vie. Le docteur Cumberland la définit une sorte de justice, qui dans la société consiste à conserver, & qui a pour dispositions contraires, d’un côté la prodigalité envers des particuliers, & de l’autre une sordide avarice.

On entend ordinairement par la frugalité, la tempérance dans le boire & le manger ; mais cette vertu va beaucoup plus loin que la sobriété ; elle ne regarde pas seulement la table, elle porte sur les mœurs, dont elle est le plus ferme appui. Les Lacédémoniens en faisoient profession expresse ; les Curius, les Fabricius, & les Camilles, ne mériterent pas moins de loüanges à cet égard, que par leurs grandes & belles victoires. Phocion s’acquit le titre d’homme de bien par la frugalité de sa vie ; conduite qui lui procura les moyens de soulager l’indigence de ses compatriotes, & de doter les filles vertueuses que leur pauvreté empêchoit de s’établir.

Je sai que dans nos pays de faste & de vanité, la frugalité a bien de la peine à maintenir un rang estimable : quand on n’est touché que de l’éclat de la magnificence, on est peu disposé à loüer la vie frugale des grands hommes, qui passoient de la charrue au commandement des armées ; & peut-être commençons-nous à les dédaigner dans notre imagination. La raison néanmoins ne voudroit pas que nous en jugeassions de la sorte ; & puisqu’il ne seroit pas à-propos d’attribuer à la libéralité les excès des prodigues, il ne faut pas non plus attribuer à la frugalité la honte & les bassesses de l’avarice.

C’est vouloir dégrader étrangement les vertus, que de dire avec un Laberius, frugalitas miseria est rumoris boni, ou de répéter avec S. Evremont : la frugalité tant vantée des Romains n’étoit pas une abstinence volontaire des choses superflues, mais un usage nécessaire & grossier de ce qu’ils avoient. Rendons plus de justice au tems des beaux jours de la république romaine, à ce Fabricius par exemple, ce Curius & ce Camille dont j’ai parlé. Les uns & les autres sachant se borner à l’héritage de leurs ancêtres, ne furent point tentés de changer l’usage grossier de ce qu’ils possédoient, pour embrasser le superflu. Le premier refusa sans peine les offres magnifiques qu’on lui fit de la part de Pyrrhus ; le second méprisa tout l’argent qui lui fut présenté de la part des Samnites ; le troisieme consacra dans le temple de Jupiter, tout l’or qu’il avoit pris à la défaite des Gaulois. Nourris tous les trois selon les regles de l’austere frugalité, ils furent les ressources de leur patrie dans les guerres périlleuses qu’elle eut à soûtenir. Le luxe & la somptuosité sont dans un état, ce que sont dans un vaisseau les peintures & les statues dont il est décoré ; ces vains ornemens rassûrent aussi peu l’état engagé dans une guerre cruelle, qu’ils rassûrent les passagers d’un vaisseau, quand il est menacé de la tempête. Voyez Luxe & Fortune.

Pour sentir le prix de la frugalité, il faut en joüir ; ce ne seront point ceux qui sont corrompus par les délices, dit l’auteur de l’esprit des lois, qui aimeront la vie frugale ; & si cela avoit été commun, Alcibiade n’auroit pas fait l’admiration de l’univers. Ce ne seront pas non plus ceux qui envient ou qui admirent le luxe des autres, qui vanteront la frugalité : des gens qui n’ont devant les yeux que des hommes riches ou des hommes aussi misérables qu’ils le sont, détestent leur misere, sans aimer & sans connoître ce qui fait le terme de la misere.

L’amour de la frugalité est excité par la frugalité ; & c’est alors qu’on en sent les précieux avantages :