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rie  ; les propos, les conversations, les lectures, les images obscenes, la passion de l’amour, les caresses de l’objet aimé ; & toutes ces choses établissent, augmentent d’autant plus cette disposition, qu’elles concourent avec un tempérament naturellement chaud, vif, entretenu par la bonne chere & l’oisiveté, dans l’âge où l’inclination aux plaisirs des sens est dans toute sa force.

Toutes ces causes morales & les conséquences qu’elles fournissent, regardent autant l’homme que la femme ; elles produisent des effets, elles font des impressions proportionnées à la sensibilité respective dans les deux sexes ; il ne peut y avoir de la différence entre les différentes causes procatartiques, qui viennent d’être rapportées, que par rapport aux causes physiques ; il faudroit donc à-présent voir de quelle maniere celles-ci sont appliquées à produire les effets dans chacun d’eux ; mais quant à l’homme, ce n’est pas ici le lieu, voyez Priapisme, Satyriasis. A l’égard de la femme dont il s’agit expressément dans cet article, on peut dire encore que la plûpart des causes physiques, les attouchemens, les frottemens, le coït, operent les impressions de la même maniere dans les deux sexes, en tant qu’ils ébranlent les houpes nerveuses des parties génitales, y causent des vibrations plus ou moins fortes, produisent des chatouillemens, des sensations délicieuses plus ou moins vives.

Ainsi ce n’est pas dans ces sortes de causes de l’orgasme vénérien que l’on trouve une autre maniere d’affecter dans les femmes que dans les hommes ; ce ne peut être que dans celles qui sont propres à leur conformation, telles que 1°. la pléthore menstruelle, qui en distendant les vaisseaux de toutes les parties génitales, donne conséquemment aussi plus de tension aux membranes nerveuses du vagin, & les rend d’une plus grande sensibilité aux approches du tems des regles, laquelle subsiste ordinairement pendant quelles sont supprimées ; de maniere que tout étant égal, les femmes sont plus disposées à l’appétit vénérien dans ces différentes circonstances, que dans toutes autres. 2°. La grande abondance de l’humeur salivaire, filtrée dans les glandes du vagin, qui étant portée dans ses vaisseaux excrétoires, les tient dilatés, tendus ; d’où suit le même effet que du gonflement des vaisseaux par le sang menstruel. 3° La qualité acre, irritante de cette humeur, qui étant versée dans la cavité du vagin, excite une sorte de prurit par son action les nerfs, lequel produit dans les membranes de cette cavité une phlogose très propre encore à les rendre susceptibles d’une grande sensibilité.

Toutes les différentes causes auxquelles il peut être attaché de produire un semblable effet, peuvent être rapportées à l’une de ces trois, ou à leur concours, différemment combiné avec le tempérament du sujet & les causes morales ci-devant mentionnées, pour établir la cause de l’appétit vénérien plus ou moins vif, à proportion de l’intensité de la disposition.

Ainsi on peut ranger parmi les choses qui peuvent contribuer à produire cette disposition, les drogues auxquelles on attribue une vertu spécifique pour cet effet, que l’on appelle par cette raison aphrosidiaques, c’est-à-dire propres à exciter aux actes vénériens. Celle qui a la réputation d’avoir le plus éminemment cette qualité, est la préparation des mouches cantharides. Voyez Cantharides. Sennert vante aussi beaucoup l’efficacité du borax à cet égard : elle est si grande, selon lui, qu’une femme ayant bû un verre d’hypocras, dans lequel on avoit dissous de cette drogue, en fut tellement échauffée pour les plaisirs de l’amour, qu’elle tomba dans une vraie fureur utérine. Un mélange de musc

mêlé avec des huiles aromatiques, introduit par quelque moyen que ce soit dans la cavité du vagin, peut aussi, selon Etmuller, produire les mêmes effets.

Mais ces prétendus aphrosidiaques n’operent pour la plûpart qu’entant qu’ils sont stimulans en général, comme tous les acres subtils, pénétrans, sans aucune détermination à porter leurs effets plus particulierement sur une partie que sur une autre. L’expérience n’a appris à excepter guere que les cantharides, qui paroissent développer leur action dans les voies des urines plus qu’ailleurs ; d’où par communication elles se font sentir dans les organes de la génération, en y excitant une sorte d’érétisme.

De cette disposition corporelle produite par cette cause, ou par toute autre de celles qui viennent d’être exposées, s’ensuivent des sensations qui ne peuvent que faire naître dans l’ame des idées relatives aux plaisirs de l’amour ; comme un certain gonflement des tuniques de l’estomac, par le sang, par le suc gastrique, & l’écoulement de la salive doüée de certaines qualités, réveille dans l’ame des idées relatives à l’appétit des alimens (Voyez Faim) ; idées qui peuvent être si fortes, s’il n’y est fait diversion par quelqu’autre, que les fibres du cerveau, dont un degré déterminé de tension est la cause physique à laquelle il est attaché de produire ces idées, contractent pour ainsi dire l’habitude de cette disposition, restent tendues, & par conséquent susceptibles d’affecter l’ame de la même maniere, indépendamment de l’impression transmise des organes de la génération ; ensorte que les causes physiques qui donnent lieu à cette impression, peuvent cesser sans que l’état des fibres correspondantes du cerveau change : & il subsiste ainsi une vraie cause de délire, en tant que l’ame est continuellement occupée d’idées relatives à l’appétit vénérien, sans qu’aucune cause externe y donne lieu, & que la personne ainsi affectée juge certainement mal durant la veille de ce qui est connu de tout le monde, puisqu’elle cherche à satisfaire ses desirs sans décence, sans discrétion, par conséquent d’une maniere contraire aux bonnes mœurs & à l’éducation qu’elle a reçûe. Or, comme c’est le propre de toutes les passions de devenir plus violentes à proportion qu’elles trouvent plus de résistance, celle de l’appétit vénérien immodéré dans les femmes n’étant pas ordinairement bien facile à contenter, soit parce qu’elle est quelquefois insatiable, soit parce qu’il n’est pas toûjours possible ou permis d’employer les moyens propres à cet effet, s’irrite par-ces obstacles, & dégenere en fureur, qui parce qu’elle est censée être causée par les influences de la matrice, est appellée utérine.

Cependant non-seulement ce délire violent peut exister sans que cet organe continue à y avoir aucune part, après avoir concouru à en établir la cause, mais encore sans qu’il ait jamais été précédemment affecté d’aucun vice qui y ait rapport, & même d’aucune disposition propre à produire cet effet. Il suffit que les causes morales ayent fortement influé sur le cerveau, pour y établir celle de la fureur utérine ; ainsi que l’idée vive, le desir pressant de différens alimens, ou autres choses singulieres, qui affectent les femmes grosses, suffisent pour leur en donner de fortes envies, qui ressemblent souvent à un vrai délire, sans qu’il y ait aucune autre cause particuliere dans les organes qui puisse faire naître l’idée de cet appétit, de ces fantaisies : c’est alors une véritable espece de mélancolie maniaque. Voyez Envie, Mélancolie, Manie.

Mais la fureur utérine ne s’établit jamais tout de suite, avec tous les symptomes qui la caractérisent. Les personnes qui en sont affectées, ont toûjours commencé à ressentir par degrés les aiguillons de la