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Si elle est naturellement vive, sensible, voluptueuse, qu’elle puisse légitimement se satisfaire par l’usage des plaisirs de l’amour, c’est communément le plus sûr remede qui puisse être employé contre la fureur utérine, selon l’observation des plus fameux praticiens, qui pensent que la maxime générale doit être appliquée dans ce cas : quo natura vergit, eò ducendum ; aussi n’en trouve-t-on aucun qui ne propose cet expédient comme le plus simple, lorsqu’il peut être mis en usage. Voyez les observations à ce sujet, de Skenchius, de Bartholin, d’Horstius ; les œuvres de Sennert, de Riviere, d’Etmuller, &c.

En effet il en est de cet appétit, lorsqu’il peche plutôt par excès que par dépravation, comme de celui des alimens, lorsqu’il n’est qu’un desir violent des alimens ; la faim s’appaise en mangeant.

Mais si la fureur utérine ne dépend ni du tempérament seul, ni d’aucun vice dans les parties génitales ; si elle n’est autre chose qu’un vrai délire mélancolique, maniaque, provenant du vice du cerveau, sans aucune influence étrangere à ce viscere, on a vû dans ce cas que les actes vénériens ne procurent aucun soulagement, & qu’ils sont insuffisans, quelque répétés qu’ils puissent être, pour faire cesser la disposition des fibres nerveuses, qui entretiennent ou renouvellent continuellement dans l’ame l’idée d’un besoin qui n’existe réellement point. Il en est dans ce cas comme de la faim, que le manger ne fait pas cesser. Voyez Faim canine. Il faut alors avoir recours aux remedes physiques & moraux, propres à détruire cette disposition.

On peut encore concevoir des cas où la fureur utérine, bien loin d’être calmée par les moyens qui semblent d’abord les plus propres à satisfaire les desirs déréglés en quoi elle consiste, ne fait qu’être irritée par ces mêmes moyens, en tant qu’ils augmentent & soûtiennent l’orgasme dans les parties génitales, dont l’impression ne cesse d’être transmise au cerveau, & d’y rendre l’érétisme toûjours plus violent ; ensorte que dans ces différens cas ils seroient plûtôt utiles à être employés dans la suite comme préservatifs, que comme curatifs.

Mais si la malade, quoique très-bien dans le cas où le coït pourroit lui être salutaire, n’est pas susceptible d’un pareil conseil, comme le mal est pressant, & qu’il ne faut pas lui laisser jetter de profondes racines, il faut recourir aux moyens convenables que l’art propose, pour faire cesser les effets d’un sentiment aussi importun que révoltant par sa nature. Ainsi lorsqu’il y a lieu d’attribuer la maladie à la pléthore, soit qu’elle soit naturelle à l’approche de l’évacuation menstruelle, soit qu’elle provienne de cette évacuation supprimée, on doit employer la saignée à grande dose & à plusieurs reprises, à proportion de l’intensité de cette cause déterminante, & il faut travailler à rétablir les regles selon l’art. Voyez Menstrues.

Si la maladie dépend d’un engorgement des glandes & des vaisseaux salivaires du vagin, avec chaleur, ardeur dans les parties génitales, on peut faire usage avec succès d’injections, d’abord rafraîchissantes, tempérantes ; & après qu’elles auront produit leur effet, on continuera à en employer, mais d’une nature différente. On les rendra legerement acres, apophlegmatisantes. Les bains domestiques, les lavemens émolliens, les tisanes émulsionnées, nitreuses, conviennent pour satisfaire à la premiere de ces deux indications-ci. Les purgatifs minoratifs, les doux hydragogues, les ventouses aux cuisses, les sangsues à l’anus pour procurer un flux hémorrhoïdal, peuvent être placés avec succès pour remplir la seconde. En détournant de proche en proche les humeurs dont sont surchargées les membranes du vagin, on doit observer d’accompagner l’usage de

ces différens remedes d’un régime propre à changer la qualité des humeurs, à en corriger l’acrimonie, l’ardeur dominante, à en refréner la partie bilieuse stimulante : ainsi l’abstinence de la viande, sur-tout du gibier ; des alimens épicés, salés ; des liqueurs spiritueuses, du vin même, & un grand retranchement sur la quantité ordinaire de la nourriture (sine baccho & cerere friget venus) ; l’attention de faire éviter l’usage de tout ce qui peut favoriser la mollesse, la sensualité, comme les trop bons lits, les coetes, qui, comme on dit, échauffent les reins ; en un mot de prescrire un genre de vie austere à tous égards.

Si la maladie doit être attribuée principalement à des causes morales, il faut être extrèmement sévere à les faire cesser ; il faut éloigner tout ce qui peut échauffer l’imagination de la malade, lui présenter des idées lascives ; ne la laisser aucunement à portée de voir des hommes ; lui fournir la compagnie de personnes de son sexe, qui ne puissent lui tenir que des propos sages, réservés, qui lui fassent de douces corrections, qui lui rappellent ce qu’elle doit à la religion, à la raison, aux bonnes mœurs, à l’honneur de sa famille : en même tems, on pourra faire usage de tous les remedes propres à combattre la mélancolie, la manie : les anti-hystériques, les anti-spasmodiques, les anodyns, les narcotiques, sont les palliatifs les plus assûrés à employer, en attendant que l’on ait pû détruire entierement la cause par les moyens convenables.

La plûpart des auteurs proposent plusieurs médicamens, comme des spécifiques pour éteindre les ardeurs vénériennes ; tels que le camphre enflammé & plongé dans la boisson ordinaire, ou employé tout autrement, sous quelque forme que ce soit : il est bon à joindre à tous les autres remedes propres à détruire l’excès de l’appétit vénérien. Horstius, epist. ad Bartholinum, assûre n’avoir jamais éprouvé que de très grands effets du camphre, l’ayant souvent mis en usage pour des filles attaquées de la fureur utérine. Voyez Camphre. On trouve aussi le suc de l’agnus castus, des tendrons de saule, de morelle, de petite joubarbe, très-recommandé pour être donné dans les juleps, contre cette maladie : on fait aussi avec succès des décoctions des feuilles de ces plantes, pour les injections, les fomentations, les bains nécessaires. On vante beaucoup aussi les bons effets du nymphéa, des violettes, de leur syrop : on conseille sur-tout très-fort l’usage des préparations de plomb, entr’autres du sel de Saturne ; mais seulement pour les personnes qui ne sont pas & qui ne doivent jamais être dans le cas de faire des enfans ; parce que ce métal pris intérieurement rend, dit-on, les femmes stériles. Riviere, dans l’idée où il étoit qu’il falloit attribuer la fureur utérine à la semence échauffée, faisoit prendre, pour l’évacuer, des bols de térébenthine. Quel cas fera d’un pareil remede le medecin qui ne croit pas à l’existence de cette humeur séminale, & qui ne juge de son effet que par l’idée qu’en donne ce vénérable praticien?

Mais aucun de tous ces médicamens ne convient dans le traitement de la maladie dont il s’agit, qu’entant qu’il peut satisfaire à quelqu’une des différentes indications qui se présentent à remplir, & non point par aucune autre vertu spéciale. Il n’en est aucun qui puisse être employé indistinctement dans tous les cas : c’est au medecin prudent à choisir entr’eux, conformément à l’idée qu’il s’est faite de la nature de la maladie, d’après les conséquences qu’il a judicieusement tirées de la nature de ses causes & de ses symptomes, combinée avec la constitution de la malade. (d)

FURFUR, (Chirur.) ce mot signifie en général son ; c’est un symptome ou plutôt un effet de la gale seche,