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La bile qui a été séparée dans le foie, est reprise par les pores biliaires, qui vont s’en décharger en partie dans le conduit hépatique, & en partie dans la vésicule du fiel, par les pores biliaires qui y répondent, & que l’on a nommés conduits hépati-cystigues.

L’examen de la fabrique de la veine-porte, de la veine-cave, & du pore hépatique ; la considération du mouvement des humeurs dans la veine-porte ; la nature de l’humeur contenue dans le pore biliaire ; les expériences anatomiques faites en liant, en coupant, en ramassant la bile, tout cela nous apprend que du sang apporté par la veine-porte, il se sépare une humeur qui coule d’abord par les petits rameaux du pore hépatique hors du foie, pendant que le sang qui reste après cette séparation, est poussé dans les rameaux de la veine-cave hors du foie, & de cette veine au cœur. Ce qui en donne encore une idée plus claire, c’est la distribution des nerfs hépatiques, qui est toûjours par-tout la même que celle de la veine-porte.

Enfin, on sait par expérience qu’il y a un chemin ouvert & facile de la cavité de la vésicule du fiel au foie, au pore biliaire, aux intestins, ainsi que du pore hépatique dans le canal cystique, & réciproquement de celui-ci dans celui-là.

Conséquences qui résultent de cet exposé. De tout ce détail résultent les vérités suivantes : 1°. que l’artere hépatique & celles qui l’accompagnent, servent à la vie, à la nutrition, à la chaleur, à la propulsion, secrétion, expulsion des humeurs hépatiques. C’est pour cela que cette artere est répandue avec un art merveilleux par tout le foie, & par la membrane externe de ce viscere, comme Ruisch l’a démontré, thes. jx. tab. 3. fig. 5.

2°. Qu’il part des extrémités de cette membrane une grande quantité de vaisseaux lymphatiques, invisibles, qui appartiennent au foie, & desquels il en part d’autres visibles, lesquels ne se rendent point dans la veine-porte, mais dans le réservoir des lombes.

3°. Qu’il y a des veines qui reçoivent le sang porté par l’artere hépatique sur la surface du foie, & qui vont le porter dans une portion de la veine azygos, qui est située sous le diaphragme.

4°. Que la veine-porte prend non-seulement la forme d’artere par ses ramifications qui deviennent plus petites, mais qu’elle en exerce encore les fonctions ; car elle fait des secrétions, ce qui ne convient qu’à des arteres dans tout le reste du corps. De-là il s’ensuit que le sang qui en sortant du cœur & en entrant dans les veines méseraïques, a été artériel & veineux, devient encore 1°. artériel dans la veine-porte, c’est-à-dire qu’il entre dans des vaisseaux qui ont la forme d’artere ; 2°. veineux en rentrant dans la veine-cave.

5°. Que tous les visceres abdominaux chylopoiétiques, la rate, l’épiploon, le ventricule, le pancréas, le mésentere, les intestins, travaillent uniquement pour le foie, en ce qu’ils y portent le sang veineux après l’avoir bien préparé ; de-là vient que les maladies du foie ont tant de liaison avec celles de tous ces visceres, & qu’il est si difficile d’y remédier ; en effet qu’on imagine seulement qu’il se trouve une obstruction dans les ramifications de la veine-porte, que d’accidens n’éprouveront pas les autres visceres qui lui envoyent leur sang ?

6°. Que comme le mouvement des humeurs ne peut être que très-lent dans la veine-porte, il falloit que le foie fût placé sous le diaphragme, & exposé à l’action des muscles de l’abdomen : plus ces muscles agissent, mieux la bile doit se vuider ; de-là vient que si l’on demeure dans l’inaction, il se forme dans le foie & dans la vésicule du fiel, des matieres glutineuses & des concrétions pierreuses.

7°. Que les maladies du foie sont très-communes & très-difficiles à guérir, tant à cause de la dépendance qu’a ce viscere avec les autres, que parce qu’il y a peu de médicamens qui y parviennent, en conservant leurs vertus. Dans les affections hépatiques, il faut quelquefois exciter une fievre legere, employer des gommeux & des remedes fluides, qui puissent être repompés par les vaisseaux mésentériques, & opérer la cure à la faveur de l’exercice ou des frictions réitérées.

8°. Qu’on ne voit nulle part tant de vaisseaux, de visceres, d’humeurs, de causes, concourir à former quelque liqueur du corps, qu’il s’en trouve pour la production de la bile ; & conséquemment qu’elle n’est point un excrément, mais au contraire qu’elle est dans le corps une humeur d’une grande importance & d’un grand usage. Elle entretient la fluidité & le mouvement du sang, prépare le chyle dans les premieres voies, le rend propre à suivre la circulation & à porter la nourriture nécessaire à toute l’économie animale. Voyez Bile.

9°. Que cette liqueur est préparée avec plus d’artifice que celles qui se filtrent dans le reste du corps ; car la nature a formé pour la séparer des couloirs très-particuliers : & le sang n’a nulle part les mêmes mouvemens, puisqu’il repasse, pour ainsi dire par un second cœur, qui est le sinus ; en effet le sang revenu des visceres s’y rassemble, & il en sort par quatre ou cinq ramifications.

10°. Qu’enfin le foie étoit nécessaire ; 1°. pour empêcher que l’huile devenue acre dans le mésentere par la chaleur & la privation de la lymphe, ne rentrât dans le sang ; 2°. pour fournir une liqueur propre à dissoudre les alimens gras, à exciter l’appétit, & à nettoyer les intestins. Voyez Foie (Physiolog).

Observations anatomiques. I. La connoissance de la situation du foie en entier dans sa position naturelle, est importante aux Medecins. Sans cette connoissance, il arrive facilement, & même aux plus exercés qui examinent un foie détaché & tiré hors du corps, de se tromper par rapport à la situation des diverses parties de cet organe, sur-tout de celles de sa surface concave. Or le manque de lumieres ou d’attention en ce genre, a été la cause d’un grand nombre de fausses observations.

Seconde observation. Julius Jassolinus est un des anciens anatomistes qui, quoi qu’en dise Riolan, a le mieux exposé la génération de la bile. Il donna même une figure nouvelle de la vésicule du fiel & de ses vaisseaux ; voyez son livre de poris choledochis & vesicula fellea, qui parut à Naples en 1577 in-8°. Il est extrèmement rare.

Tioisieme observation. Jacobus Berengarius a le premier décrit l’anastomose de la veine-porte & de la veine-cave dans le foie ; & Archangelus Piccolhomini en a publié la figure.

Quatrieme observation. Jean Riolan a imposé les noms reçus aujourd’hui de canaux hépatiques & cystiques.

Cinquieme observation. La partie convexe & concave du foie est arrosée, comme on l’a dit ci-dessus, de quantité de vaisseaux lymphatiques. Les premiers qui ayent été apperçûs, le furent d’abord de Falloppe, ensuite plus clairement d’Asellius, de Rudbeck, de Bartholin, de Pecquet, &c.

Sixieme observation. La structure charnue de la capsule de Glisson & sa force musculeuse, ont été démontrées fausses par Cowper, Fanton, Winslow, Watther, & Morgagni.

Septieme observation. Le lobule du foie postérieurement terminé à l’orifice de la veine-cave, est mal-à-propos nommé lobule de Spigel ; car Eustachi, Jacobus Sylvius, & Vidus-Vidius en ont fait mention avant Spigel.