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L’autre sorte de gageure, ludicre, se faisoit en déposant des gages, comme on voit dans une églogue de Virgile.

Depone, tu dic mecum quo pignore certes.

Il en est parlé dans la loi si rem, au digeste de præscriptis verbis, par laquelle on voit qu’on mettoit assez ordinairement les anneaux en gage, comme étant plus en main que toute autre chose : si quis, dit la loi, sponsionis causâ annulos acceperit, nec reddat victori, præscriptis verbis adversus eum actio competit. Planude rapporte que Xantus maître d’Esope, ayant parié qu’il boiroit toute l’eau de la mer, avoit donné son anneau en gage. Cette sorte de gageure per depositionem pignorum étoit la seule usitée chez les Grecs, comme il résulte d’un passage de Démosthene ; lequel en parlant d’une gageure, dit qu’elle ne pouvoit subsister, parce que l’on avoit retiré les gages.

On ne doit pas confondre toutes sortes de gageures avec les contrats aléatoires, qui sont proscrits par les lois ; & c’est une erreur de croire que toutes sortes de gageures soient défendues, qu’il n’y ait point jamais d’action en justice pour les gageures, à-moins que les gages ne soient déposés. Ce n’est pas toûjours le dépôt des gages qui rend la gageure valable ; c’est plûtôt ce qui fait l’objet de la gageure : ainsi elles ont été rejettées ou admises en justice, selon que les personnes qui avoient fait ces gageures étoient capables, ou non, de contracter, & que l’objet de la gageure étoit légitime.

Mornac sur la loi 3. au digeste, & sur la loi si rem de præscriptis verb. de aleat. dit qu’elles sont permises in rebus honestis, veluti ob spem futuri eventûs, & similibus.

Boniface, tome I. liv. VIII. titre xxjv. chapit. v. Despeisses, tome I. part. I. tit. xviij. Catelan, t. II. rapportent plusieurs arrêts qui ont déclaré des gageures valables.

L’exemple le plus récent que l’on connoît d’une gageure assez considérable, dont l’exécution fut ordonnée au conseil du Roi, est celui d’une gageure de 30000 liv. que M. le maréchal d’Estrées & le sieur Law contrôleur général, avoient faite ensemble par un écrit double du 14 Mars 1720, au sujet du cours que pourroit avoir dans cette année le change avec Londres & Amsterdam. M. le maréchal d’Estrées ayant gagné la gageure, les directeurs des créanciers du sieur Law furent condamnés à lui payer les 30000 liv. quoique la somme n’eût pas été déposée. (A)

GAGIERE, (Jurisprud.) en quelques pays signifie un mort-gage ou un gage, qui ne s’acquite point de ses issues & de ses fruits. Ce mot vient de gageria, qui se trouve en ce sens dans le chap. iij. extra de feudis. Voyez l’article 88 des ordonnances de Metz, le 38 des anciennes coûtumes de Bar ; le 42 de celle de S. Mihel ; la coûtume de Lorraine, titre xvij, articles 1 & 3. Ducange, Spelman, & Vossius. Voyez ci-devant au mot gage l’article Mort-gage, & l’article suivant Gagieres. (A)

Gagieres, s. f. sont aussi dans la même coûtume de Metz des acquisitions faites à ce titre, c’est-à-dire avec déclaration qu’on entend les posséder & en disposer comme de gagieres.

Ces sortes de biens ont été ainsi nommés, parce qu’autrefois pour avoir la liberté de disposer des biens que l’on acquéroit, comme d’un meuble, on mettoit le contrat sous le nom d’un ami, dont on paroissoit créancier. Cet ami se reconnoissoit débiteur du prix, & à l’instant donnoit ce même fond acquis à titre de gagiere & mort-gage, avec faculté d’en joüir & d’en percevoir tous les fruits & profits.

Au moyen de ces formalités, l’héritage étoit réputé meuble ; au lieu que si le véritable acquéreur

paroissoit lui-même avoir acquis l’héritage, il étoit réputé immeuble. Mais cet ancien usage fut aboli par l’article 88 des ordonnances de Metz de l’an 1564, qui dispense de prendre ce circuit, & permet à celui qui veut acquérir à titre de gagiere, de le faire en son propre nom.

Les héritages acquis à ce titre sont toûjours réputés meubles quant à la liberté d’en disposer, & immeubles quant à l’hypotheque. Voyez le traité des acquêts de gagieres, par M. Ancillon. (A)

GAGLIARDI, (chevilles de) Anat. Gagliardi a donné une anatomie des os, qui contient plusieurs nouvelles découvertes. Il a donné son nom aux petites chevilles qu’il a découvertes, & qui tiennent les différentes couches dont les os paroissent composés, unies ensemble. Son ouvrage a pour titre, Gagliardi anatome ossium. Leid. 1724, 8°. &c. (L)

GAGNABLE, adj. (Jurisprud.) les terres gagnables dans la coûtume de Normandie, art. 162, sont terres incultes, sauvages, ou sauvées de la mer. (A)

GAGNAGE, s. m. (Jurisprud.) dans plusieurs coûtumes signifie les fruits de la terre ; quelquefois les gagnages sont pris pour les terres mêmes dont on perçoit les fruits. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot Gagnage. (A)

Gagnages, s. m. (Venerie.) ce sont les endroits chargés de grains où les cerfs vont faire leurs viandis.

GAGNÉE, (liberté.) Manege. voyez Liberté, voyez Mors.

GAGNE-DENIER, s. m. (Commerce.) homme fort & robuste dont on se sert à Paris pour porter des fardeaux & marchandises en payant une certaine somme, dont on convient à l’amiable. On les nomme aussi porte-faix, crocheteurs, forts, hommes de peine, plumets, garçons de la pelle, tireurs de moulins, &c.

Ils servent pour la plûpart sur les ports, & ont leurs salaires reglés par les prevôt des Marchands & échevins : ils composent différentes communautés, & ont leurs officiers, confrairies, & maîtres de confrairies.

L’ordonnance de la ville de 1712 a reglé plusieurs points de police qui concernent ces gagne-deniers.

On appelle du même nom à la Douane de Paris, des gens à qui seuls il appartient de travailler pour la décharge & recharge des marchandises, ballots, balles, tonneaux, &c. qui y sont portés ou qui y arrivent par les carrosses, coches, chariots, charrettes, & autres voitures publiques.

Ils sont choisis par les fermiers généraux, font une espece d’apprentissage, & ne peuvent être reçûs qu’en payant certains droits qui montent à près de huit cents livres.

Ce sont eux qui exécutent les ordres des principaux commis de la douane, particulierement de l’inspecteur général des manufactures & des visiteurs pour l’ouverture des balles & ballots, & pour l’envoi des draperies à la halle aux draps, des livres à la chambre syndicale des Libraires, & des toiles à la halle de cette marchandise.

Leur nombre n’excede guere celui de vingt ; leurs salaires ne sont pas fixés pour la plûpart, & ils font bourse commune, partageant entre eux tous les soirs ce qu’ils ont reçû. Dictionnaires de Commerce & de Trévoux. (G)

* GAGNER, verbe actif, & quelquefois neutre. La principale signification de ce mot est relative à l’idée d’accroissement & de profit ; un marchand gagne beaucoup, lorsqu’il vend beaucoup & cher. On gagne sur un marché, lorsque la chose est achetée au-dessous de son prix ; un ouvrier gagne tant par jour : gagner se dit alors de son salaire. On gagne