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n’auroit pas pû de cette différence s’ensuivre la secrétion d’un fluide de même nature dans toutes les parties du viscere, parce que ce fluide qui est la bile, doit les qualités qui la caracterisent à la réunion des qualités de tous les différens sangs dans les ramifications de la veine-porte, d’où passe la matiere de la bile dans ses vaisseaux secrétoires.

2°. Quoiqu’il ait été suffisamment établi dans l’art. Bile, que c’est du sang de la veine-porte qu’est séparé ce fluide crémentitiel, & non pas du sang de l’artere hépatique ; il reste à ajoûter ici quelques réflexions à ce sujet. Il n’y a point de vraissemblance qu’un vaisseau aussi peu considérable que cette artere, porte au foie une quantité de sang suffisante pour une secrétion opérée dans toute l’étendue d’un viscere d’un aussi grand volume que l’est le foie. En effet, il est aisé de démontrer que sa proportion avec cette artere, la seule qu’il reçoive dans sa substance, est plus grande que celle d’aucun autre viscere comparé avec les arteres qui lui sont propres ; excepté les seuls testicules. Ainsi l’artere hépatique paroît avoir été donnée au foie, seulement pour l’usage auquel est destinée l’artere bronchique à l’égard des poumons, c’est-à-dire pour servir à distribuer le suc nourricier dans la substance du foie ; ce que ne peut pas faire la veine-porte : parce que le sang veineux ne contient que le résidu de ce suc, qui n’est plus propre à la nutrition. Voyez Nutrition. C’est pourquoi tous les visceres, comme le cœur, le poumon, & le foie, dont le sang qu’ils reçoivent & qu’ils travaillent dans leur sein, pour une utilité commune à toutes les parties de l’économie animale, est principalement un sang de la qualité de celui des troncs veineux, ont tous des arteres particulieres pour leur nutrition. Ces arteres ont aussi des veines qui leur sont propres : ensorte que le sang de l’artere hépatique, après avoir rempli sa destination, est porté, quant à son résidu, non dans la veine-cave, mais dans la veine azygos, ainsi que l’a démontré Ruysch : d’où on peut conclure, qu’il se fait deux circulations différentes dans le foie, comme dans ces autres visceres ; ce qui est prouvé par l’expérience : puisque l’injection faite dans l’artere hépatique ne rend sensible aucune communication avec la veine-porte, avec les pores biliaires non plus qu’avec la veine-cave ; tandis qu’il arrive constamment que la matiere de l’injection poussée dans la veine-porte, passe très-aisément dans la veine-cave & les pores biliaires.

3°. Outre l’usage qui vient d’être assigné à l’artere hépatique, il en est un autre que n’est pas moins certain ; savoir, de communiquer par sa position, de la chaleur & du mouvement au sang de la veine-porte. Comme celui-ci est fort éloigné, eu égard à son cours, de la principale force impulsive de tous les fluides, qui est le cœur, il est aussi porté avec beaucoup de lenteur à son entrée dans le foie, par cette cause ; & de plus, parce qu’en passant dans les ramifications de la veine-porte, il passe respectivement à chacune d’elles, d’un lieu plus large dans un lieu plus étroit ; attendu qu’elles sont divisées & distribuées sous forme d’artere, sans en avoir le ressort ; attendu que la capsule de Glisson qui enveloppe celles-là, ne supplée que très-peu à ce défaut, selon Cowper, Staalh, Fanton, Morgagni ; qu’elle n’a point d’action musculaire ; & qu’elle ne fait tout au-plus que résister à une trop grande dilatation, à un trop grand engorgement des veines artérielles du foie : ainsi le sang pour y circuler, pour ne pas y perdre toute sa chaleur, n’étant d’ailleurs foüetté par le voisinage d’aucun muscle, a besoin qu’elles soient contiguës à l’artere hépatique, qui étant renfermée dans la gaîne Glissonnienne, accompagne toutes les divisions de ces veines, en se divisant avec elles (ainsi que l’a prouvé Ruysch, en confirmation des

conjectures de Glisson & des planches d’Eustache), procuré à leur fluide, par ses pulsations, une sorte de mouvement progressif, qui favorise leur cours, & leur communique de la chaleur dont abonde son sang, qui vient de sortir du cœur, où il a participé à celle de toute la masse dont il a été séparé.

4°. Il y a une remarque à faire par rapport au sang artériel de la cœliaque & de la mésentérique : il éprouve dans son cours des variétés, qui lui sont absolument particulieres : il est porté, ainsi que celui de toutes les autres arteres, dans les veines correspondantes, celles-ci forment les racines de la veine-porte : mais il ne revient pas pour cela tout de suite au cœur par cette voie ; ce qui est un effet de la structure propre du foie. Ce sang étant porté dans le sinus de la veine-porte, reprend un cours, pour ainsi dire, artériel ; entant qu’après s’être réuni dans ce sinus comme dans un cœur, il se divise de nouveau, & il s’en fait une distribution dans toutes les ramifications de la veine-porte, comme dans un second système artériel, pour être de nouveau reçû dans des veines qui sont les racines de la veine-cave ; & de celle-ci arriver enfin au cœur. Ainsi il ne faut pas prendre à la lettre la proposition d’Harvée, qui porte que « le cours du sang se fait en circulant du cœur dans les arteres ; de celles ci dans les veines, pour retourner immédiatement au cœur, & répéter toûjours le même chemin ». Cette proposition, comme on vient de voir, doit souffrir une exception par rapport au sang des visceres qui concourent à la formation de la bile.

5°. Il suit de ce qui vient d’être dit (4), concernant la singularité du cours du sang de la veine-porte, que l’on peut regarder le sinus de cette veine comme un centre de réunion & de division pour ce fluide : ensorte que, selon l’idée de Boerhaave, on peut comparer à cet égard ce sinus au cœur : cet auteur pousse même cette comparaison plus loin, entant qu’il fait observer que la rate est à ce cœur abdominal ce que sont les poumons au cœur thorachique : en effet, la race fournit au foie un sang très-fluide, très-délayé, qui, en se mêlant au sang veineux, grossi du sinus, lui sert, pour ainsi dire, de véhicule, & le dispose à pénétrer sans embarras dans les ramifications de la veine porte, à surmonter les résistances causées par leur forme artérielle ; ce à quoi il ne suffiroit même pas, s’il ne s’y joignoit des puissances impulsives auxiliaires, telles que les pulsations de l’artere hépatique, qui portent sur ces ramifications les pressions continuelles procurées par la contraction alternative du diaphragme & des muscles abdominaux, qui en portant leur action sur tous les visceres du bas-ventre & sur le foie particulierement, attendu qu’il y est le plus exposé, favorise le cours des humeurs de ce viscere, soit à l’égard de celles qui s’y portent, soit à l’égard de celles qui sont dans sa substance.

6°. Mais de toutes ces dispositions nécessaires, pour rendre le foie propre à la fonction à laquelle il est destiné, c’est-à-dire, à la secrétion de la bile, il n’en est point de plus importantes que le rapport qui existe entre l’épiploon & ce viscere. La bile que fournit celui-ci étant principalement huileuse de sa nature, il falloit qu’il reçût une matiere susceptible de procurer cette qualité à la bile. C’est à cette fin que le sang veineux de l’omentum se rend dans la veine-porte. L’omentum, qui est le principal organe du corps dans lequel se forme la graisse, & dans lequel il s’en forme le plus, tout étant égal, ne paroît pas avoir d’autre usage essentiel que celui de travailler pour le foie. En effet, toute la graisse qui s’y sépare n’y reste pas : il faut bien qu’elle soit portée en quelque endroit, après qu’il s’en est fait un certain amas dans ce viscere : les arteres ne cessent d’y en fournir la matiere. Il faut donc, puisqu’il n’y a point de vais-