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qui sont les principaux instrumens que la nature employe pour conserver cette fluidité. Le plus ou le moins d’activité dans la bile, considérée sous ce dernier rapport, doit donc influer plus ou moins sur le jeu des solides en général ; sur l’exercice de toutes les fonctions, & particulierement de celles qui dépendent davantage de la disposition qu’ont les organes à l’irritabilité : cette activité doit donc décider beaucoup dans tous les animaux, pour former leur caractere, leur penchant dominant ; mais dans l’homme sur-tout, quant au physique des inclinations, des passions, puisqu’elle le rend susceptible d’impressions plus ou moins vives par-tout ce qui l’affecte, soit au-dehors, soit au-dedans de la machine, & par-tout ce qui lui procure des perceptions, soit par la voie des sens, soit par celle de l’imagination. La bile contribue donc essentiellement à établir la différence des tempéramens ; ce qui est conforme à l’idée qu’en avoient les anciens. Voyez Tempérament, Passion. Ensorte que la bile doit être regardée comme une cause universelle, c’est-à-dire qui s’étend à tout dans toute l’économie animale. C’est donc avec bien de la raison, que les Medecins la regardent aussi comme une des causes générales de lésions dans cette même économie, par les vices que peut contracter cette production du foie, soit par ceux du sang qui fournit la matiere de la secrétion de ce viscere, soit par ceux des organes qui préparent & qui operent cette secrétion. Voyez ci-après Foie (Maladies du). (d)

Foie (Maladies du). La connoissance de la structure de ce viscere, des différens vaisseaux qui sont distribués dans sa substance, de la singularité du cours du sang qu’il reçoit, des différens viseeres qui préparent, fournissent ce sang ; de ses différentes qualités ; de la fonction principale à laquelle il est destiné, par conséquent de la secrétion qui s’y fait, & de la nature de l’humeur qui résulte de cette secrétion ; cette connoissance, dis-je, bien établie, doit suffire pour inférer que le foie est non-seulement susceptible de toutes les lésions dont peuvent être affectés tous les autres organes du corps, mais qu’il est plus disposé qu’aucun autre à contracter les différens vices qui constituent ces lésions.

En effet comme il n’est aucune maladie qui ne doive sa cause à l’action trop forte ou trop foible des solides, à l’excès ou au défaut de mouvement des humeurs, à leur fluidité trop augmentée ou trop diminuée ; il est aisé de conclure de tout ce qui a été expose ci-devant concernant le foie, que tous ces différens vices peuvent avoir lieu plus facilement dans ce viscere, que dans tout autre ; ce qu’il seroit d’ailleurs trop long de prouver en détail : ainsi il suffira de la faire ici par des généralités qui donneront occasion d’indiquer les articles, dans lesquels il est suppléé à la briéveté de celui-ci.

1°. Les vaisseaux qui entrent dans la composition du foie étant la plûpart veineux, destinés cependant à faire les fonctions d’artere sans avoir des tuniques d’une force proportionnée, doivent, tout étant égal, avoir plus de disposition à pécher par le défaut de force élastique & systaltique ; & à plus forte raison, si l’on a égard à ce que les fluides contenus dans ces vaisseaux sont plus éloignés que dans aucune autre partie du corps, de la puissance impulsive, conservent très-peu du mouvement qu’ils en ont reçu, & le perdent de plus en plus par l’effet des résistances qu’ils éprouvent à être portes une seconde fois dans des vaisseaux de ferme artérielle, sans être aides par l’action immédiate d’aucun muscle ; action qui est d’un si grand secours ailleurs pour entretenir la fluidité & le cours du sang dans les veines : de ce défaut peuvent suivre des engorgemens, des dilatations forcées, des ruptures de vaisseaux ; d’où peu-

vent résulter des effusions de sang dans les pores biliaires,

& de-là dans les intestins, d’où se forme ce qu’on appelle flux hépatique.

2°. Les vaisseaux artériels qui sont distribués en petit nombre dans la substance du foie, participent à proportion aux mêmes vices que les vaisseaux veineux, à cause de la mollesse de ce viscere qui ne leur fournit pas de point d’appui propre à s’opposer à leur engorgement, qui peut être suivi des mêmes effets que dans tous autres vaisseaux de ce genre.

3°. L’on peut néanmoins concevoir qu’une partie des vaisseaux du foie est susceptible de pécher par trop d’action, & sont les vaisseaux colatoires de la bile, qui étant très-irritables, peuvent recevoir aisément de fortes impressions de la moindre acrimonie contractée par ce récrément ; ou de la trop grande irritation des parties voisines du foie, telles que l’estomac, les boyaux, causée par l’action trop violente de quelque médicament vomitif, purgatif : ou de l’éréthisme général, effet de la colere ou de toute autre passion violente, qui ébranle fortement le genre nerveux, &c. ce qui donne souvent lieu à des constrictions spasmodiques, convulsives, qui expriment trop fortement, trop promptement ce fluide, lequel étant versé dans le canal intestinal, continue à porter des impressions irritantes qui causent des douleurs d’entrailles, des diarrhées, des tenesmes, des dyssenteries ; & ensuite étant porté dans le sang, augmente son alkalescence naturelle, stimule tous les vaisseaux. les fait agir avec plus de force ; d’où suit une augmentation de mouvement & de chaleur qui constitue le genre de fievre qu’on appelle ardente, bilieuse (Voyez les articles de ces différentes maladies) ; ces irritations donnent lieu à des étranglemens qui arrêtent le cours de la bile, la détournent de la voie qui la porte dans les intestins, la font refluer dans les racines de la veine-cave, &c. d’où suivent les mêmes effets qui seront attribués aux vices de la bile, considérée comme péchant par trop de consistance.

4°. Ces différens vices dans les solides doivent contribuer d’autant plus facilement à en procurer aux fluides, que ceux-ci sont plus disposés à en contracter ; en effet la quantité du sang de la plûpart des vaisseaux du foie (c’est-à-dire de toute la distribution de la veine-porte) lui étant commune avec celle du sang de toutes les veines du corps moins fluides, moins propres à couler dans les vaisseaux capillaires que le sang des arteres, destine cependant à être porté dans les divisions d’un vrai système artériel ; ce sang doit avoir bien plus de difficulté à pénétrer dans ses vaisseaux : plus de tendance à s’y arrêter, à y former des embarras, des engorgemens, à s’y corrompre, qu’il n’y a lieu à de pareils effets dans les autres parties du corps.

5°. Le vrai sang artériel du foie doit aussi avoir plus de disposition (tout étant égal) à s’épaissir, à être filtré difficilement dans les passages étroits des arteres, dans les veines correspondantes, qu’il n’arrive dans les autres extrémités artérielles, à cause de la mollesse du viscere : d’où peuvent s’établir de vraies causes d’inflammation & de ses suites. Voyez Hépatique.

6°. La bile elle-même, à cause de la lenteur de son cours dans l’état naturel où elle n’a point d’acrimonie qui excite l’action des vaisseaux qui lui sont propres, doit être susceptible de perdre aisément sa fluidité nécessaire, par la disposition qu’ont ses parties intégrantes homogenes à se réunir entr’elles, à se séparer par conséquent des hétérogenes ; à former des concrétions de différentes natures, huileuses, salines, terreuses, conformément à ses différens principes & à celui d’entr’eux qui est dominant (voyez Bile) : d’où naissent des obstructions, des matieres