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noître dans chaque individu la différence des deux sexes, d’une maniere plus caractérisée qu’elle n’avoit été jusqu’alors. Voyez Puberté, Orgasme.

Le sentiment du desir dont il vient d’être fait mention ; cet appétit qui porte les individus des deux sexes, ordinairement de même espece, à se faire réciproquement une tradition de leurs corps pour l’acte prolifique, est attaché à une disposition physique de l’animal, qui consiste dans une sorte d’érétisme des fibres nerveuses des organes de la génération. Cet érétisme est produit par la qualité stimulante des humeurs particulieres qu’ils contiennent, ou par la dilatation des vaisseaux qui entrent dans leur composition, remplis, distendus au-delà de leur ton naturel ; effet d’un abord de fluides plus considérable, tout étant égal, qu’il ne se fait dans les autres vaisseaux du corps, ou par tout attouchement, tout contact propre à exciter une sorte de prurit dans ces organes ; ou par les effets de l’imagination dirigée vers eux, effets qui y produisent les mêmes changemens que le prurit. D’où s’ensuit une sorte de fievre dans ces parties, une sorte d’inflammation commençante qui les rend susceptibles d’impressions propres à ébranler tout le genre nerveux, à rendre ses vibrations plus vives, à redoubler le flux & le reflux qui s’en fait du cerveau à ces organes, & de ces organes au cerveau ; ensorte que l’animal dans cet état ne sent presque plus son existence, que par celle de ce sens voluptueux, qui semble alors devenu le siége de son ame, de toute sa faculté sensitive, à l’exclusion de toute autre partie, c’est-à-dire qui absorbe toute la sensibilité dont il est susceptible, qui en porte l’intensité à un point qui rend cette impression si forte, qu’elle ne peut être soûtenue long-tems sans un desordre général dans toute la machine. En effet la durée de ce sentiment fait naître une sorte d’agitation, d’inquiétude, qui porte l’animal à en chercher le remede comme par instinct, dans ce qui peut tirer de cette intensité même des efforts propres à en détruire la cause, en produisant une excrétion des humeurs stimulantes, en faisant cesser l’érétisme, & par conséquent en faisant tomber dans le relâchement les fibres nerveuses & tous les organes, dont la tension étoit auparavant comme l’aliment même de la volupté.

Telle est donc la disposition physique que l’auteur de la nature a voulu employer pour porter l’homme par l’attrait du plaisir, à travailler à se reproduire, comme il l’a engagé par le même moyen à se conserver, en satisfaisant au sentiment qui le porte à prendre de la nourriture ; il ne s’occupe dans l’un & l’autre cas, que de la sensation agréable qu’il se procure, tandis qu’il remplit réellement l’objet le plus important qu’ait pu se proposer le conservateur suprème de l’individu & de l’espece.

La secrétion de la liqueur spermatique ; la reserve de cette liqueur toûjours renouvellée, mais en même tems toûjours retenue en suffisante quantité pour remplir plus ou moins les vésicules séminaires ; la disposition constante à ce que le membre viril acquierre l’état d’érection, qui peut seul le rendre propre à être introduit dans le vagin, & à y être mis en mouvement à différentes reprises, pour donner lieu au frottement de l’extrémité de ce membre, doüée d’un sentiment exquis, contre les plis veloutés des parois de ce canal, resserrées & lubrifiées (comme sont dans le vivant celles d’un boyau vuide), pour continuer ce frottement jusqu’à ce qu’il excite par communication, dans toutes les parties relatives, une sorte de prurit convulsif, d’où s’ensuive l’éjaculation : telles sont dans l’homme les conditions réquises pour qu’il soit habile à la fonction appellée coït ou copulation, par laquelle il concourt essentiellement à l’œuvre de la génération. Voyez Semence

(Physiolog.), Testicule, Vésicule séminale, Verge, Erection, Ejaculation.

Le coït ou la copulation n’étant autre chose que l’acte par lequel l’homme s’unit à la femme par l’intromission de la verge dans le vagin, & par lequel s’opere la fécondation, moyennant le concours des dispositions efficaces pour le succès de cette œuvre ; elles consistent ces dispositions de la part de la femme, en ce que le canal dans lequel doit se faire cette intromission, en soit susceptible ; qu’il puisse être dilaté ; que ses parois se laissent écarter & pénétrer sans de grands obstacles, jusqu’à l’orifice de la matrice, & qu’elles résistent cependant assez pour donner lieu au frottement nécessaire, qui doit produire dans les parties génitales de l’homme qui en sont susceptibles, le prurit & l’émission convulsive de la liqueur séminale dans ce même canal, ensorte que cette liqueur puisse y être retenue, pour opérer ensuite les effets auxquels elle est destinée.

Ce frottement excité dans le coït entre la verge & le vagin, ne donne pas seulement lieu au prurit, qui s’excite en conséquence dans les parties génitales de l’homme : il produit aussi cet effet dans celles de la femme, attendu le sentiment délicat dont est doüé ce canal ; sentiment qui par le moyen des nerfs correspondans, se communique à tous les organes qui concourent au même usage ; d’où s’ensuit une véritable érection du clitoris, un gonflement & une tension générale dans toute l’étendue des membranes spongieuses & nerveuses du vagin & de la matrice ; une sorte de constriction spasmodique dans le cercle de fibres musculaires qui entourent le vagin ; d’où suit un retrécissement du canal & un plus grand resserrement de la verge qui y est actuellement contenue ; d’où suit encore vraissemblablement en même tems une autre sorte d’érection dans les trompes de Fallope, qui les applique à ce qu’on appelle les ovaires, pour les effets qui seront expliqués dans la suite. Ce sont ces différentes dispositions qui constituent le plus grand degré d’orgasme, qui n’est autre chose qu’un érétisme commun à toutes ces parties, par l’effet duquel, s’il est suffisamment continué, les glandes qui ont leur conduit excrétoire dans les cavités du vagin & de la matrice, étant fortement exprimées, y répandent l’humeur dont leurs vaisseaux sont remplis ; & cette effusion se fait comme celle de la semence dans l’homme, par une sorte d’action convulsive qui la rend semblable à l’éjaculation, & n’a pas peu contribué sans doute à faire regarder cette liqueur de la femme comme une vraie semence, une liqueur aussi prolifique que celle de l’homme. Voyez Semence (Physiol.).

C’est parce que la copulation produit cet orgasme, cette tension du genre nerveux dans les organes de la génération de l’un & de l’autre sexe, tension qui se communique, s’étend souvent à toutes les parties du corps, au point d’y causer aussi des secousses, des agitations comme convulsives, que Démocrite a comparé les phénomenes qui accompagnent le coït, à ceux que l’on observe dans de legeres attaques d’épilepsie. Voyez Orgasme.

Telle est l’exposition abregée que l’on a cru devoir placer ici, du méchanisme qui dispose à l’œuvre de la génération, & de ce qui est relatif à ce méchanisme : mais cette œuvre ne dépend elle même essentiellement d’aucune opération méchanique, tout y est physique : la nature employe les moyens les plus secrets, les moins susceptibles de tomber sous les sens pour opérer elle-même la fécondation, dont les individus des deux sexes n’ont fait par la copulation que lui fournir les matériaux, ou, pour parler plus exactement, rassembler ceux qu’elle avoit préparés elle-même dans chacun de ces individus. C’est dans la maniere dont elle les met en œuvre ces matériaux,