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rés du cahos & mis en œuvre pour servir à la construction d’un corps vivifié, à la reproduction d’un végétal ou d’un animal.

Cette disposition, qui sans cesser d’être la même essentiellement, produit dans le même individu des effets si contraires en apparence : cette disposition, qui commence, entretient & finit la vie dans les êtres organisés, est sans doute un ouvrage bien merveilleux ; mais quelque étonnant, quelque admirable qu’il nous paroisse, ce n’est pas dans la maniere dont existe chaque individu qu’est la plus grande merveille, c’est dans la succession, dans le renouvellement & dans la durée des especes, que la nature paroît tout-à-fait inconcevable, qu’elle présente un sujet d’admiration tout opposé dans cette vertu procréatrice, qui s’exerce perpétuellement sans se détruire jamais ; dans cette faculté de produire son semblable, qui réside dans les animaux & dans les végétaux, qui forme cette espece d’unité toûjours subsistante. C’est pour nous un mystere dont on a si peu avancé jusqu’à-présent à sonder la profondeur, que les tentatives les plus multipliées semblent n’avoir servi qu’à convaincre de plus en plus de leur inutilité ; ensorte même que c’est, pour ainsi dire, violer le sein de la pudeur, où la nature cache son travail, que d’oser seulement tenter de chercher à en appercevoir la moindre ébauche. Aussi ayant à traiter dans cet article d’une matiere si difficile & si délicate, nous ne ferons point de recherches nouvelles, nous nous bornerons à faire un exposé simple & aussi discret qu’il est possible, des moyens évidens qu’elle a voulu employer pour préparer ce travail secret, & du peu de phénomenes que de hardis observateurs ont pû dérober à cette chaste ouvriere.

Ces moyens, c’est-à-dire les opérations méchaniques qui servent à la reproduction des végétaux & des animaux, sont de différente espece, par rapport à ces deux genres d’êtres & à chacun d’eux en particulier. Généralement les animaux ont deux sortes d’organisations, essentiellement distinctes, destinées à l’ouvrage de la reproduction. Cette organisation constitue ce qu’on appelle les sexes. Voyez Sexe. C’est par l’accouplement ou l’union des deux sexes, que les individus de ce genre se multiplient le plus communément ; au lieu qu’il n’y a aucune sorte d’union, d’accouplement sensible des individus générateurs, dans le genre végétal ; la reproduction s’y fait en général par le développement des graines ou des semences qui ont été fécondées par le moyen des fleurs. Voyez Végétal, Plante, Fleur. Ce développement des semences s’opere entierement hors de l’individu, qui les fournit : la reproduction des végétaux s’opere aussi par l’extension d’une portion de plante, qui, lorsqu’elle est une branche vivante, ou portion de branche séparée du tronc, du corps de la plante, & en tant qu’elle est destinée à cet usage, s’appelle bouture. Voyez Bouture. Et lorsqu’elle est une partie détachée de la racine de la plante, elle porte le nom de cayeu.

Il vient d’être dit que l’accouplement ou l’union des sexes dans les animaux est le moyen le plus commun par lequel se fait la multiplication des individus ; ce qui suppose qu’il n’est par conséquent pas l’unique. En effet il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes & de la même maniere. La génération des pucerons qui se fait sans accouplement, est semblable à celle des plantes par les graines, qui sont fécondées & disposées au développement sans le concours de deux individus ; & celle des polypes, qui peut se faire en les coupant par pieces, ressemble à la reproduction des végétaux par boutures. Mais ces mêmes animaux avec la faculté particuliere de se multiplier à la maniere des plantes, sans accouplement, ne laissent pas d’avoir aussi la fa-

culté commune à tous les autres animaux, de se reproduire

par l’accouplement qui est la plus ordinaire pour ceux-là, comme elle est unique pour la plûpart de ceux-ci ; ce qui fait aussi que c’est celle que l’on désigne spécialement par le mot de génération, & qui doit faire le sujet de cet article. Pour ce qui est donc des autres manieres mentionnées dont se reproduisent ou peuvent se reproduire les animaux & les végétaux, manieres qui établissent à cet égard quelques rapports particuliers entre eux, voyez les articles Animal, Végétal, Plante, Reproduction, Semence, Graine, Bouture, Puceron, Polype.

La génération de l’homme entre tous les animaux étant celle qui nous intéresse le plus, est par conséquent celle qui doit nous servir d’exemple, & qui va faire ici le principal objet des recherches dont nous allons rendre compte ; d’autant plus que ce qui peut être dit sur ce sujet par rapport à l’espece humaine, convient presqu’entierement à toutes les autres especes d’animaux, pour la reproduction desquels il est nécessaire que se fasse le concours de deux individus, c’est-à-dire qu’un mâle & une femelle exercent ensemble la faculté qu’ils ont de produire un troisieme, qui a constamment l’un ou l’autre des deux sexes. Ces sexes consistant dans une disposition particuliere d’organes destinés à la génération, il est nécessaire d’avoir une connoissance exacte de la structure de ces organes & des rapports qui existent entr’eux : mais cette exposition étant faite dans les différens articles appartenant aux noms de ces organes, elle ne sera pas répétée ici. On la peut consulter si on en a besoin, pour l’intelligence de ce qui va être dit ici concernant la génération.

L’âge auquel l’homme commence à être propre à se reproduire, est celui de la puberté : jusqu’alors la nature paroît n’avoir travaillé qu’à l’accroissement & à l’affermissement de toutes les parties de cet individu ; elle ne fournit à l’enfant que ce qui lui est nécessaire pour se nourrir & pour augmenter de volume ; il vit, ou plûtôt il ne fait encore que végéter d’une vie qui lui est particuliere, toûjours foible, renfermée en lui-même, & qu’il ne peut communiquer : mais bien-tôt les principes de vie se multiplient en lui ; il acquiert de plus en plus non-seulement tout ce qu’il lui faut pour son être, mais encore dequoi donner l’existence à d’autres êtres semblables à lui. Cette surabondance de vie, source de la force & de la santé, ne pouvant plus être contenue au-dedans, cherche à se répandre au-dehors.

L’âge de la puberté est le printems de la nature, la saison des plaisirs ; mais sur-tout de ceux que l’usage de nouveaux sens peut procurer : tout ceux dont l’homme est doüé, se forment avec lui & s’exercent dès qu’il joüit de la vie ; parce qu’ils lui sont tous nécessaires ou utiles pour l’exciter ou pour l’aider à satisfaire aux différens besoins attachés à la conservation de son individu. Les organes susceptibles du sentiment qui le porte à s’occuper des moyens par lesquels il peut contribuer à la propagation de son espece, sont les seuls qui ne se développent, & n’ont de fonctions que lorsque l’individu est presque parvenu à son dernier degré d’accroissement, & que toutes les parties ont acquis la fermeté, la solidité qui en fait la perfection : ces organes n’étant pas destinés à son propre service, il convenoit qu’il fût pourvû de tout ce qui peut contribuer à sa durée, avant qu’il contribuât lui-même à la reproduction. Ainsi le développement des parties destinées à la génération, tant dans l’individu masculin que dans le féminin, est, pour ainsi dire, une nouvelle production qui s’annonce par plusieurs signes, & principalement par les premieres impressions de l’appétit vénérien : d’où s’ensuit le sentiment, qui fait con-