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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/886

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maladies, qui peuvent consumer la graisse la plus abondante en très-peu de tems : elle est forcée par les grands mouvemens musculaires, à parcourir ses cellules avec promptitude, & à se remêler dans le sang ; & même Ruysch, (de gland. fabr. ad Boerrh.) rapporte avoir ouvert le corps d’un cheval très-gras, dont les cellules de l’épiploon furent trouvées rompues par l’effet d’une course forcée, au point qu’il s’étoit répandu plusieurs livres de graisse liquéfiée sous forme d’huile dans la capacité du bas-ventre ; ce qui avoit causé subitement la mort de l’animal. Le même auteur, (loco citato) assûre aussi qu’il a eu occasion d’observer des malades dont la fievre avoit diminué en peu de jours le poids du corps de plus de trente livres.

La trop grande chaleur animale & l’agitation extraordinaire des humeurs, rendent la graisse plus fluide, la font rentrer plus promptement de ses cellules dans la masse des humeurs, & empêchent la réparation des sucs adipeux en les détournant de leurs couloirs secrétoires, en ne leur permettant pas d’y entrer à cause de la rapidité avec laquelle ils se présentent à leurs orifices, d’où ils sont comme entraînés par le torrent.

Malpighi prétend que le principal effet pour lequel la graisse est reportée dans la masse du sang, est d’en adoucir l’acrimonie que les circulations répétées lui font contracter, d’en envelopper les sels exaltés par la chaleur, le mouvement, & l’alkalescence qui s’en suit. Mais l’observation paroît contraire à ce sentiment, puisqu’on voit ordinairement que la fievre est plus ardente, & les humeurs plus disposées à rancir, à devenir acres dans les sujets gras, que dans les maigres, & que les animaux qui ont le plus de graisse, & dans lesquels elle est plus ferme, moins disposée à circuler, à être reportée dans le sang, sont d’un caractere plus doux & plus benin. Il est certain que la graisse ne peut pas être broyée par l’action des muscles ou des vaisseaux, échauffée par le mouvement des humeurs au point d’être liquéfiée & remêlée dans la masse des humeurs, sans se corrompre & devenir extrèmement nuisible à l’économie animale. Mais n’est-il pas plus vraissemblable que les parties huileuses que fournit, que rend au sang la graisse par sa circulation naturelle, sans échauffement, sont destinées principalement à la formation de la bile & des autres humeurs, dans la composition desquelles il entre de ces parties ? L’amas de graisse qui se fait dans l’épiploon, dont le sang veineux fourni à la veine-porte est abondamment chargé des parties huileuses qui s’y sont mêlées, ne semble-t-il pas prouver ce qui vient d’être avancé ? Voyez Foie (Physiol.), Epiploon.

Quoi qu’il en soit, les usages de la graisse sur lesquels il n’y a pas de contestation, sont tous relatifs à des effets particuliers, topiques : ainsi celle qui est renfermée dans la membrane adipeuse sous la peau, contribue à défendre le corps des injures de l’air, & sur-tout du froid, en mettant à couvert un grand nombre de vaisseaux sanguins & de nerfs distribués sous les tégumens de toute l’habitude du corps. Elle sert aussi à tenir la peau tendue, égale dans sa surface pour l’arrondissement des formes dans les différentes parties ou il manqueroit sans ce moyen. C’est ainsi que la graisse contribue beaucoup à la beauté du corps, en empêchant que la peau ne se ride, en remplissant les vuides dans les intervalles des muscles, où il y auroit sans elle des enfoncemens défectueux a la vûe, particulierement à l’égard du visage, sous la peau des joües, des tempes, où il se trouve dans l’embonpoint des pelotons de graisse qui soulevent les tegumens & les mettent de niveau avec les parties saillantes, dont les endroits qui seroient creux, se trouvent environnés. La même chose a

lieu par rapport aux yeux, dont le globe est aussi enveloppé dans la graisse, excepté dans sa partie antérieure, pour qu’il soit d’un volume proportionné à la cavité de l’orbite, & comme pour mettre à couvert les muscles de ces organes des frottemens contre les parois osseuses qui les contiennent (attendu que toutes les membranes adipeuses sont insensibles par elles-mêmes), & pour faciliter le jeu des instrumens qui servent à les mouvoir. La graisse sert encore par la transudation huileuse qui s’en fait, à entretenir une certaine flexibilité, une mollesse convenable dans la peau, pour favoriser le jeu des vaisseaux & des nerfs de cette partie, & pour faciliter la transpiration cutanée, en conservant aux pores leur perméabilité. Elle est aussi d’une grande utilité aux muscles en général, en leur procurant la souplesse nécessaire à leur action, & en empêchant le frottement des fibres musculaires entr’elles & leur desséchement, qui contribue plus que la foiblesse à empêcher de se mouvoir les personnes qui sont dans le marasme.

La graisse facilite la sortie des excrémens & du fétus, en remplissant les intervalles qui se trouvent entre le rectum, le vagin, & les os du bassin : elle tient lieu de coussinet dans d’autres parties, & empêche qu’elles ne soient exposées à des pressions incommodes, douloureuses, & même à des contusions, comme aux fesses, au pubis, à la plante des piés. Elle n’est jamais abondante dans les parties où il n’y a que des muscles de peu de conséquence, comme au front, autour du crane ; parce que la nature semble n’en avoir placé que dans les parties exposées à l’action, à l’agitation, au frottement ; comme pour y servir de préservatif contre les mauvais effets de ces différens mouvemens. Elle ne paroît manquer que dans les parties où elle seroit nuisible, où elle gêneroit les fonctions, sans être d’ailleurs d’aucune utilité ; comme dans le tissu cellulaire des membranes du cerveau. Il en est de même des parties où les mouvemens sont peu considérables, peu fréquens, par exemple, dans le tissu cellulaire, qui est sous la peau des paupieres, sous celle du prépuce, où elle seroit d’un poids, d’un volume incommode ; dans la continuation de la membrane adipeuse, qui tapisse intérieurement la peau du scrotum. Dans ces différentes parties, les cellules analogues à celle de la membrane adipeuse, sont très petites, d’un tissu plus délié, & d’une structure qui ne permet pas aux arteres d’y déposer les parties huileuses, dont leur sang est chargé ; d’autant plus qu’il y a peu de ces vaisseaux qui pénetrent dans les interstices de ces cellules : il n’y entre presque que des vaisseaux lymphatiques, qui rendent ces parties des tégumens plus susceptibles de bouffissure, de leucophlegmatie ; lorsque la sérosité du sang est portée en trop grande abondance dans ces portions du tissu cellulaire, ce à quoi sont aussi sujettes celles de toutes les autres parties du corps ; lorsque les cellules sont vuides de sucs adipeux, & qu’il n’y est porté au lieu de ces sucs, que la partie aqueuse du sang, qui peut former des infiltrations de proche en proche, dans toute l’étendue de ce tissu, qui peut aussi dans certains cas, à défaut de graisse, se remplir d’air, & même avec de la graisse, être pénétré, distendu ultérieurement par le fluide aérien ; ce qui forme des emphysemes de différente espece. Voyez Emphysème. Le même homme peut augmenter de volume du double par cette derniere cause, & il se peut faire une augmentation de poids aussi considérable par l’hydropisie de tout le tissu cellulaire (voyez Hydropisie), comme par la trop grande réplétion de sucs adipeux qui forme une sorte d’excès d’embonpoint, qui est l’obésité, sans que les solides qui constituent essentiellement la masse du corps animal, acquierent rien de